Adaptation des plantes à l'environnement : UE 30MU19GV TP SYMBIOSE INTRODUCTION Les légumineuses (Fabaceae) sont une famille de plantes Eudicotylédones comprenant environ 18000 espèces, représentant 15% des surfaces agricoles dans le monde. La majeure partie de ces plantes présente un grand intérêt agronomique que ce soit pour l’alimentation humaine de par la qualité de leurs graines (soja, pois-chiche, lentilles, fèves..) ou en tant que plantes fourragères (trèfle, luzerne…). L’un des grands avantages des légumineuses réside dans le fait qu’elles soient capables de fixer l’azote atmosphérique via une interaction symbiotique avec des bactéries du sol de type rhizobia. Cette symbiose à bénéfice réciproque va permettre aux bactéries de profiter d’un micro-habitat exceptionnellement favorable ; les légumineuses leur procurant un apport en substrats carbonés issus de la photosynthèse. En échange, les bactéries vont fixer et réduire l’azote atmosphérique en ammonium, directement assimilable par les plantes hôtes. Ainsi les légumineuses en interaction avec leur symbionte n’ont pas besoin d’apport de fertilisants azotés. La mise en place de la symbiose rhizobienne peut se diviser en trois grandes étapes : (1) L’étape pré-symbiotique durant laquelle les deux organismes se reconnaissent par dialogue moléculaire via l’émission de molécules chimiques. En effet, lors d’une carence en azote, les racines de la légumineuse émettent des substances chimiques de reconnaissance (flavonoïdes). Ces exsudats attirent la bactérie, qui, en retour, synthétise et sécrète des facteurs de nodulation (NFs). Ces facteurs sont différents suivant l'espèce rhizobienne et ont une structure antigénique spécifique, reconnue par la plante. (2) L’infection rhizobienne qui se traduit par la pénétration des bactéries via des cordons d’infection dans les tissus hôtes, associée à une initiation des divisions de cellules corticales de la racine. (3) L’organogénèse nodulaire conduisant à la formation d’un nouvel organe (nodosité) dédié à la fixation d’azote. Source d’après POPP and OTT, 2011 1 L’infection et l’organogénèse nodulaire sont deux événements coordonnés dans l’espace et dans le temps. En effet l’infection est initiée dans l’épiderme et l’organogénèse dans les tissus du cortex interne mais les 2 événements doivent être synchronisés pour permettre la libération des bactéries au bon moment dans la future nodosité. Les mécanismes moléculaires contrôlant l’interaction symbiotique sont connus et mettent en jeu différents gènes symbiotiques. Lors du processus d’infection, les NFs sont perçus au niveau de la membrane plasmique par les récepteurs LYK3 et NFP, de la famille des LysM-RLK. Cette perception déclenche une cascade de signalisation faisant intervenir DMI2 et DMI1, conduisant à la génération d’oscillations calciques nucléaires. Ces oscillations sont perçues et décodées par la protéine kinase calcium et calmoduline dépendante DMI3. L’activation de DMI3 entraîne la transcription de gènes nécessaire à la mise en place de la symbiose, notamment ERN1 et ENOD11, via l’interaction d’une série de régulateurs transcriptionnels (Figures 1 et 3). FIG1 D’après Singh and Parniske 2012 Deux voies de signalisation menant à l’induction de l’expression des gènes ERN1 et ENOD11 ont été à ce jour identifiées (Figure 2): - La protéine IPD3 est activée par le domaine kinase de DMI3 par phosphorylation. IPD3 induit alors la transcription de NIN qui est luimême capable de se fixer au promoteur des gènes NF-Y pour induire leur transcription. Les protéines NF-Y régulent positivement l’expression des gènes ERN1 et ENOD11. - Le complexe IPD3/DMI3 va se lier au facteur de transcription NSP2. NSP2 va interagir avec NSP1 pour activer la transcription des gènes ERN1 et ENOD11. FIG2 : d’après Laloum et al., 2014 2 Lors de l’organogénèse, la perception des cytokinines par le récepteur CRE1 permet l’induction de gènes de type RR induisant l’activation du réseau transcriptionnel entraînant la dédifférenciation et la division des cellules corticales qui donneront naissance à la nodosité (Figure 3). FIG3 D’après Oldroyd et al., 2011; Kondorosi et al., 2005 DMI3 La formation d’un organe capable de fixer l’azote est intéressant pour la plante mais c’est aussi un procédé très couteux en énergie. Ainsi, les légumineuses contrôlent le nombre et la taille des nodosités par un processus d’autorégulation (AON : Autoregulation Of Nodulation). L’AON est une régulation systémique de la nodulation qui implique à la fois un signal foliaire et racinaire dont le gène SUNN est un acteur principal (Figure 4). (1) Les NFs induisent le processus de nodulation mais aussi l’expression des peptides CLE. (2) Ces peptides transportés vers les parties aériennes via le xylème sont perçus par SUNN / HAR1. (3) Cette perception induit la production d’un signal dans les feuilles qui a une action longue distance et négative sur la formation de nodosités dans les racines (4). FIG4 D’après Oka-Kira and Kawaguchi, 2006 3 OBJECTIFS DU TP Le TP a pour objectif de visualiser de façon microscopique et moléculaire la mise en place du processus de nodulation symbiotique entre la bactérie Sinorhizobium meliloti et la légumineuse Medicago truncatula. Pour cela le TP sera divisé en 3 parties : Partie numéro 1 : Observation macroscopique du processus de nodulation symbiotique entre la légumineuse Medicago truncatula et la bactérie Sinorhizobium meliloti. Cette partie permettra de mettre en évidence différentes étapes de la nodulation : a) Dans un premier temps, l’étape précoce d’infection sera observée au niveau microscopique grâce à l’utilisation d’une souche de S. meliloti exprimant constitutivement la construction ProHemA : LacZ. Cette souche permet, après coloration avec une solution d’X-Gal, de suivre la formation des cordons d’infection qui se développent dans le poil absorbant ainsi que la formation d’un primordium de nodosité. b) Dans un deuxième temps l’étape tardive d’organogénèse sera étudiée avec l’observation et la quantification des nodosités de plantes sauvages ou de mutants présentant des altérations dans le processus symbiotique. Partie numéro 2 : Observation macroscopique de l’induction de l’expression du gène ENOD11 en réponse à la bactérie S. meliloti. Comme vu précédemment , l’expression du gène ENOD11 est induite dans la racine de la plante hôte en réponse aux rhizobia durant l’étape de pré-infection et d’infection. Cette induction sera visualisée grâce à l’utilisation de plantes transgéniques exprimant de façon stable le promoteur du gène ENOD11 fusionné transcriptionnellement au gène uidA codant pour la protéine rapportrice GUS. La coloration sera effectuée en condition contrôle ainsi qu’en condition symbiotique afin de vérifier que l’induction de l’expression du gène dépend de l’infection. Partie numéro 3 : Observation moléculaire de l’induction de l’expression du gène ENOD11 et d’autres gènes symbiotiques en réponse à la bactérie S. meliloti L’induction du gène ENOD11 ainsi que du gène NIN sera également visualisée de façon moléculaire grâce à une analyse par RT- PCR. JOUR1 : 26 janvier 2016 a) P2 : Inoculation des plantes transgéniques ProENOD11 ::uidA. b) P3 : Inoculation des plantes sauvages écotype A17 pour l’observation moléculaire de l’induction du gène ENOD11. Vous disposez de boîtes de Petri sur lesquelles ont été mises à pousser pendant une semaine des plantes sauvage A17 de M. truncatula et des plantes transgéniques ProENOD11 ::uidA sur un milieu nutritif carencé en azote. Afin d’observer le processus de 4 nodulation, les racines de ces plantes sont inoculées avec une suspension de Sinorhizobium meliloti ayant été mises en culture 2 jours plus tôt, sous agitation et à 30°C, dans un milieu liquide YEB (Annexe 1) supplémenté avec 500 µg/mL de streptomycine. N’oubliez pas de garder des boîtes de plantes non inoculées qui constitueront les contrôles négatifs. PROTOCOLE: - Sous la hotte stérile, transvaser la culture liquide bactérienne dans un falcon 50 mL. Centrifuger 10 minutes à 4000 rpm puis éliminer le surnageant. Resuspendre le culot dans 5 mL d’eau stérile sous la hotte sans vortexer. Transvaser la solution bactérienne dans un erlenmeyer de 500 mL Rajouter de l’eau stérile à la solution jusqu’à obtenir une DO600nm de 0,05 Une fois la DO obtenue, ouvrir les boîtes avec les plantules et immerger uniquement les racines avec la solution bactérienne. Refermer les boîtes et attendre 1 heure. Après 1 heure d’incubation, retirer la solution bactérienne des boîtes. Refermer les boîtes sur 3 côtés avec du parafilm. Les boîtes sont replacées à 24°C en condition de jours longs jusqu’au lendemain. c) P1 : Observation de nodosité sur différents génotypes : Vous disposez de boîtes contenant différents génotypes de Medicago truncatula : plantes sauvages A17, mutant cre1 et mutant sunn, préalablement inoculées. Observer la structure externe d’une nodosité et dénombrer leur nombre sur les différents génotypes. Renouveler l’observation aux séances suivantes. JOUR2 : 27 janvier 2016 P1 : Inoculation de plantes sauvages pour la détection des cordons d’infection par coloration à la -Galactosidase. PROTOCOLE: identique au jour 1 sauf que la bactérie utilisée exprime constitutivement le gène LacZ. P2 : Coloration GUS des plantes ProENOD11 ::uidA inoculées avec S. meliloti. PROTOCOLE: Mettre des gants. - Prélever 3 ou 4 racines avec un scapel et des pinces et déposer les dans le puits d’une plaque. Rajouter le tampon X-Gluc (Annexe1) de façon à ce que les racines soient immergées. Infiltrer sous vide pendant 5 minutes. Incuber à l’obscurité (papier aluminium) à 37°C. Lorsque la coloration est apparue, enlever la solution X-Gluc et rincer une fois avec de l’eau. 5 - Rajouter de l’éthanol 70% puis observer à la loupe binoculaire. P3 : a) Extraction des ARNs totaux des racines de plantes A17 non inoculées et inoculées avec S. meliloti. b) Transcription reverse des ARNs extraits. PROTOCOLE: a) - Extraction d’ARN (attention mettre des gants) Annoter les tubes eppendorf 1,5 mL. 1) Prélever la racine (~100 mg) et broyer dans un mortier avec de l’azote liquide. 2) Ajouter 350 µL de la solution RA1 supplémentée avec 7 µL de DTT 500 mM vortexer vigoureusement. Transférer le tout dans une colonne violette. 3) Centrifuger 1 min à 11000g. Prélever le surnageant dans un tube 1,5 mL sans pipeter le culot formé. 4) Rajouter 350 µL d’éthanol 70%, mélanger en pipetant 4-5 fois. 5) Charger la solution dans la colonne bleue. Centrifuger 1 min à 11000 g. Placer la colonne dans un nouveau tube 2 mL 6) Rajouter dans la colonne 350 µL de tampon MDB. Centrifuger 1 min à 11000 g. 7) Dans un nouveau tube de 1,5 mL préparer pour chaque colonne un mélange : rDNase Tp réaction rDNaseRT SSII 5X - 1colonne 10 µL 90 µL X colonnes Mélanger délicatement en tapotant sur le tube. Rajouter 100 µL du mélange réactionnel dans chaque colonne et incuber pendant 15 min à température ambiante. 8) Faites un premier lavage en rajoutant dans la colonne 200 µL de tampon RAW2. Centrifuger 1 min à 11000 g. Jeter le contenu du tube 2 mL puis rajouter dans la colonne 600 µL de tampon RA3. Centrifuger 1 min à 11000 g. Jeter le contenu du tube 2 mL puis rajouter dans la colonne 250 µL de tampon RA3. Centrifuger 2 min à 11000 g. Jeter le contenu du tube 2 mL puis centrifuger 30s à 11000g pour éliminer toute trace de la solution de lavage. Placer la colonne dans un nouveau tube eppendorf 1,5 mL. 9) Eluer l’ARN en rajoutant dans la colonne 60 µL d’eau RNase-free. Centrifuger 1 min à 11000 g. Doser l’ARN à la DO260nm. b) Transcription reverse - Prélever dans un tube eppendorf stérile le volume d’ARN correspondant à 0,5 µg d’ARNs. 6 - Ajouter 1 µl d’amorces hexanucléotidiques aléatoires (pdN6, 0,25 mg/ml), 1 µl de dNTP4 (10 mM) et de l’eau stérile pour atteindre un volume de 13 µl. - Chauffer 5 min à 65°C (dénaturation). - Transférer aussitôt le tube dans la glace et attendre 5 min (pour éviter une renaturation). - Centrifuger brièvement à froid. - Préparer un mélange réactionnel pour l’ensemble des réactions : DTT 0.1 M Tp RT SSII 5X Inhibiteur de RNAse (40 U/µL) 1 réaction 2 µL 4 µL 0,5 µL X réactions - Homogénéiser doucement et centrifuger rapidement - Ajouter 6,5 µL du mélange réactionnel dans chaque tube contenant les ARNs. - Homogénéiser doucement en pipetant et centrifuger rapidement. Incuber 2 min à 25°C - Ajouter 0,5 µl de Transcriptase Reverse, mélanger doucement en pipetant. - Incuber 50 min à 42°C - Inactiver l’enzyme en chauffant durant 15 min à 70°C. - Centrifuger brièvement et conserver les ADNc à 4°C pour la PCR du JOUR3 JOUR3: 1 février 2016 P1 : Détection des cordons d’infection par coloration à la -Galactosidase PROTOCOLE : - Récupérer les plantes sauvages inoculées le JOUR2 Prélever 2 cm de racine à partir de l’apex racinaire. Fixer les racines prélevées dans une boîte à 6 puits avec du glutaraldéhyde 2% pendant 1 minutes. Rincer 3 fois 5 min avec du tampon Z’ (Annexe 1). Rajouter la solution de tampon Z’+ X-Gal. Incuber toute la nuit à 30°C et à l’obscurité. P3 : PCR pour visualiser l’induction de l’expression du gène ENOD11 par la bactérie S. meliloti. PROTOCOLE : - Annoter les tubes PCR (0,2 mL). - Pour chaque couple d’amorces (Annexe 2), préparer un mélange réactionnel correspondant au nombre de réactions à réaliser + 1 réaction. Penser à mettre l’enzyme en dernier en la gardant au froid. 1 réaction X réactions 7 Tp GoTaq 5X dNTP4 10mM MgCl2 50 mM oligos U + L 5µM chacun Taq polymerase (5 U/µL) H20 5 µL 0,5 µL 0,5 µL 1 µL 0,25 µL qsp 25 µL - Homogénéiser et centrifuger brièvement et garder le tube sur glace. - Transvaser 24 µL de mélange réactionnel dans les tubes PCR appropriés. - Transférer dans chaque tube 1 µl d’ADNc synthétisés le JOUR2, plus le control ADNg. Garder sur glace. - Homogénéiser en pipetant une fois doucement et centrifuger brièvement. - Bien fermer les tubes et réaliser la PCR. Programme PCR 2 min 30 sec 30 sec 30 sec 5 min 94°C 94°C 58°C 72°C 72°C 25 cycles JOUR4 : le 3 février 2015 P1 : a) Détection des cordons d’infection par coloration à la -Galactosidase. PROTOCOLE : - Rincer les racines traitées le JOUR3 avec du tampon Z’ 3 fois 10 min. Arrêter la réaction en ajoutant 5 µL d’EDTA 0,5M. Décolorer les racines 30 min dans de l’eau de javel 30% puis rincer 1 fois avec de l’eau. Monter les racines dans de l’eau entre lame et lamelle. Observer au microscope pour dénombrer les cordons d’infection. - b) Observation macroscopique de la phase tardive de nodulation. Observer au microscope les nodosités symbiotiques inoculées le JOUR1. - P3 : Observation moléculaire de l’induction du gène ENOD11. Préparer 50 mL d’un gel d’agarose 1% avec du TBE 1X. Rajouter 2µL de BET. Couler le gel dans le support, rajouter le peigne et laisser polymériser. Rajouter 2 µL de tampon de charge dans chacune des réactions PCR. Charger 15 µL par puits. - 8 - Laisser migrer le gel 20 min à 150mV. Exposer le gel sous UV pour révéler les produits PCR. Compte-rendu : Le compte-rendu sera à rédiger sous forme d’article scientifique comprenant : 1- un résumé à rédiger en anglais. 2- une introduction brève dans laquelle seront rappelés entre autres les principaux buts du TP. 3- une partie succincte résumant les différents matériels et méthodes utilisés lors du TP (Ne PAS recopier le poly !). 4- une partie ‘résultats’ présentant le but des différentes expériences et l’observation des résultats. Cette partie sera à diviser en différentes sous-parties, chaque sous-partie ayant un titre résumant les résultats montrés dans chacune d’elle. Vous pouvez regrouper de manière judicieuse les résultats de certaines de vos expériences sur une même figure. Chacune des figures sera à légender de manière précise avec un titre et une description des différents échantillons/conditions utilisés pour les expériences, le type d’expériences… 5- enfin une discussion générale analysant l’ensemble des résultats par rapport à la littérature connue et en les critiquant à la fois de manière positive et négative. Cette discussion se terminera sur des perspectives. ANNEXE1 Milieu YEB 5 g/L beef extract 1 g/L yeast extract 5 g/L peptone 5 g/L sucrose 0.5 g/L MgCl2 Tampon Z’ NaP 100 mM pH 7,4 KCl 10 mM MgCl2 1 mM Tampon de Réaction X-Gal Réactif pour 1 mL : 880 µL de Tampon Z’ 50 µL Ferricyanure de Potassium 100 mM 50 µL Ferrocyanure de Potassium 100 mM 20 µL Xgal 40% dans DMF ANNEXE2 1-WT inoculé 2-WT non inoculé 3- eau 4-ADN génomique Amorces ENOD11 Amorces ENOD11 Amorces ENOD11 Amorces ENOD11 5- WT inoculé 6- WT non inoculé 7-eau 8- ADN génomique Amorces Actine Amorces Actine Amorces Actine Amorces Actine 9