Net et informations Où mènent les nouvelles technologies ? Un rapport du Conseil économique et social fait le point sur l’usage et les abus possibles de l’informatique en matière de santé. Les recommandations portent sur ses applications : cartes à puces, dossier du malade, télémédecine, e-santé, etc. D emandé par le Premier ministre il y a quelques mois, le rapport Santé et nouvelles technologies de l’information vient d’être rendu public (1). Il a été réalisé par Jeannette Gros, membre du Conseil économique et social et administratrice de la Mutualité sociale agricole (MSA) en tant qu’agricultrice. Cartes de santé et dossier médical informatisés L’informatisation des professionnels de santé visait la télétransmission de feuilles de soins électroniques vers les caisses d’assurance maladie. « C’est aussi un coup de pouce donné à une informatisation plus complète de l’ensemble du système de santé », ajoute Jeannette Gros le 9 avril, lors de la présentation publique de ce rapport. Cette informatisation nécessite l’utilisation de deux cartes à puces : la carte Vitale du patient et la carte CPS du soignant (Carte de professionnel de santé). Écouter les soignants La généralisation du système Sésam Vitale et des cartes à puces est inéluctable. Mais Jeannette Gros propose d’« écouter les professionnels déjà informatisés, que l’on aurait mieux fait d’écouter dès le départ, afin de tirer les leçons de leur expérience ». De nombreux professionnels de santé, notamment libéraux, ont craint le traitement informatisé des données de santé. Jeannette Gros tente de les rassurer. « Il faut accepter le codage des actes, qui n’est ni un (1) Santé et nouvelles technologies de l’information, rapport et projet d’avis de Jeannette Gros, Conseil économique et social, 20 mars 2002. 6 contrôle ni une démarche pour une réduction des soins, mais qui doit permettre une meilleure analyse des besoins de la population, en disposant notamment d’indicateurs épidémiologiques, et permettre une qualité des réponses apportées. » Les outils de sécurisation informatique existant, le rapport préconise la formation des professionnels de santé à leur utilisation, au cours de la formation initiale et continue. Le “stockage” des informations de santé Fera-t-on figurer tout le dossier médical sur la carte Vitale 2 ? « Pas question ! résume Jeannette Gros. Il existe trop de risques en cas de vol ou de perte. » Se contentera-t-on de faire figurer sur la carte du patient les informations utiles en cas d’urgence ? C’est de moins en moins sûr. « Plus les modes de sécurisation de ces données augmentent, commente-t-elle, plus on s’accorde à vouloir réduire la quantité d’informations à y faire figurer. » Les données requises pour les soins d’urgence ne seraient finalement plus sur la carte Vitale elle-même. Ce sont plutôt les adresses permettant aux professionnels de santé d’accéder au dossier médical informatisé qui devraient figurer sur la carte Vitale. La carte du patient associée à celle du professionnel de santé habilité permettrait ainsi d’accéder à ces informations. « Celles-ci seront stockées soit sur d’énormes serveurs, poursuit Jeannette Gros, soit à travers des données dispatchées en ligne. » Des informations choisies et protégées par qui ? La loi relative aux droits des patients confère à chacun le droit de Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 propriété sur son dossier médical : « Son consentement sera requis pour le stockage des données concernant sa santé et leur utilisation. Si le patient demande la suppression de données de santé le concernant, il sera nécessaire de préciser le caractère incomplet du dossier médical. » Qui sera l’artisan et le garant de ce dossier ? « Soit le médecin réalise luimême ce travail de confection et l’archivage du dossier médical, soit il est confié à un “infomédiaire”, résume Jeannette Gros. Cette nouvelle profession d’hébergeur de données doit être encadrée, et faire l’objet d’un agrément au regard d’un cahier des charges défini au préalable. Des sanctions doivent être prévues en cas de recours à des prestataires non agréés. La CNIL, ou Commission nationale informatique et liberté, a déjà travaillé sur ces questions et devra exercer là ses prérogatives. » Télémédecine Les applications de la télémédecine sont de plus en plus nombreuses : • le télédiagnostic permet aux établissements n’ayant pas d’experts ou de groupe de spécialistes sur place de solliciter, avec l’aide d’Internet, un “deuxième avis” ; • le télé-encadrement établit une relation entre un spécialiste et un médecin généraliste ou une infirmière ; • les téléstaffs permettent à des professionnels de santé le partage d’expertise ou la gestion en commun de dossiers médicaux ; • la télésurveillance rend possible le recueil de paramètres de surveillance d’un patient à risque, pratiqué à domicile ou dans un centre de soins primaires ; • la téléchirurgie, spectaculaire et souvent médiatisée, reste d’usage réduit. Pour ces applications de la télémédecine, les pouvoirs publics doivent formaliser un projet de charte internationale. « La France avait initié ce travail dans le cadre des réunions des huit pays industrialisés du G8, souligne Jeannette Gros. Une charte de qualité européenne devra être en outre élaborée, assurant la confidentialité et s’appuyant sur le consentement éclairé des patients. » E-santé Une multitude de sites Internet consacrés à la santé apparaissent et, pour certains, disparaissent aussi vite. Qu’ils soient destinés aux soignants ou au grand public, ces sites peuvent être porteurs du meilleur comme du pire. La difficulté réside dans le discernement des sites fiables. Pour le favoriser, il est proposé « des chartes de référence partagées, à l’initiative des pouvoirs publics, en concertation forte avec les professionnels de santé, les professionnels de l’e-santé et les usagers eux-mêmes ». Parmi les applications possibles d’Internet, la loi continue d’interdire en France la consultation médicale comme la vente en ligne de médicaments. Protéger la confidentialité Parce que ces informations concernées par les nouvelles technologies touchent la santé des personnes, craintes et préoccupations se développent, en matière d’éthique et de déontologie notamment. « Il faut absolument assurer la protection de l’individu, souligne Jeannette Gros, notamment la protection de son anonymat, la confidentialité des informations fournies, la sécurisation des données et le secret médical. » Pour cela, le rapport du Conseil économique et social propose « d’associer étroitement les professionnels de santé aux choix à effectuer quant à l’application de ces technologies à la santé ». Le rapport préconise, entre autres, d’examiner avec eux les conséquences juridiques du développement de l’informatique dans ce domaine. Marc Blin Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 7