Défi diagnostic - STA HealthCare Communications

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le clinicien janvier 2011
La morsure du froid
François Melançon, M.D.
Défi diagnostic
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Les engelures sont des blessures causées par le froid et caractéries par des
tissus qui gèlent, dont les victimes principales sont les soldats, les personnes
travaillant au froid, les sans-abris et les athlètes pratiquant des sports d’hiver.
Lors de la formation d’une engelure, le froid induit la formation de cristaux de
glace, la déshydratation cellulaire, la dénaturation des protéines, l’inhibition de la
synthèse protéique, des changements dans la perméabilité des parois cellulaires, un
dommage aux capillaires et des changements du pH. Le réchauffement, quant à lui,
cause lœdème cellulaire, laggation des érythrocytes et des plaquettes, un dom-
mage endotlial, une thrombocytose, l’œme des tissus, laugmentation de la
pression entre les cellules, la formation de vésicules, de l’ischémie localisée et la
mort tissulaire.
En réponse à ces agressions, le corps se défend de la gération de radicaux
libres par la production de prostaglandines et de thromboxane A2, par une reche
d’enzymes proolytiques et par une inflammation généralie. Les dommages aux
tissus sont plus graves lorsque le refroidissement tissulaire a été lent, que l’exposi-
tion au froid a été prolone ou que le réchauffement a été lent, et surtout lorsque
les tissus sont déges partiellement et gèlent à nouveau.
Le diagnostic de lengelure, la prise en charge
et son traitement
Lexamen physique
Dans le cas d’une engelure, les sympmes renconts sont les suivants : membre
froid et induré, sensation de blure, de piqûre ou de perte de sensation, perte de
pcision du geste, douleur, sensation de cœur qui bat dans le membre et brûlure,
puis sensation de choc électrique lorsqu’il y a réchauffement.
Les mains et les pieds sont les membres plus fréquemment atteints. Sont aussi
sensibles au froid le nez, les joues, les oreilles, les cornées et lavant des jambes,
sous les genoux.
Pour poser le diagnostic :
Vérifiez la sensation; la psence dengourdissement peut sugrer une engelure;
Examinez de façon détaillée; si une petite zone semble blanche ou gritre et
cireuse, tout en semblant normale au toucher, ce n’est probablement pas une
engelure. Réchauffez néanmoins la zone rapidement. Cependant, si la même
apparence est associée à limpression que la peau est dure en surface et souple en
profondeur, il s’agit alors probablement d’une engelure;
Assurez-vous de ne pas ignorer une engelure plus importante (zone indue plus
large, décolorée et rougeâtre).
Le cas de Simon
Simon, un monteur de ligne, se
présente à la salle d’urgence où
vous travaillez. À la suite d’une
tempête violente lors de laquelle
bien des lignes ont été coupées, il
a dû faire de nombreuses heures
supplémentaires. En dépit du froid
intense, comme ses gants le
gênaient pour travailler, il a préféré
travailler à mains nues. Depuis, il
se plaint d’une sensation de
brûlure et de perte de précision
du geste. Il a l’impression que son
cœur bat dans ses doigts.
À l’examen, vous notez que ses
mains sont froides, indurées,
érythémateuses, œdémateuses et
d’apparence cireuse. Il y a
plusieurs plaques blanches dures
et vous constatez un déficit sensitif
bilatéral.
De quelle condition s’agit-il?
Comment allez-vous le
traiter?
Dr Melaon est
omnipraticien et compte
25 années d’exrience
dont 18 en salle
d’urgence. Il a pratiqué
en cabinet privé et en
CLSC. Il est cemment
revenu à ses premières amours, soit la
decine d’urgence, la traumatologie et la
psychiatrie.
Les soins pré-hospitaliers
Lorsque confronté à une engelure, il
faut d’abord traiter les conditions
médicales menaçant la survie du
patient. Ensuite, il faut rapidement
remplacer les vêtements mouillés par
des vêtements secs. S’il y a certitude
que le membre ne risque plus dêtre
gelé à nouveau (lors du transport, par
exemple), on peut commencer à le
réchauffer. Par contre, si le moindre
risque persiste, ne réchauffez pas le
membre avant de pouvoir prodiguer
un traitement définitif. Contrairement
à ce qui a pu être véhiculé, il ne faut
pas frotter une engelure avec de la
neige; ceci ne fait qu’augmenter les
dommages causés par l’engelure. Au
contraire, pour éviter les plaies de frot-
tement, il faut protéger mécanique-
ment le membre gelé avec une ser-
viette ou un drap.
Ne donnez ni alcool ni sédatifs,
puisque ceux-ci augmentent la vasodi-
latation et la perte de chaleur, en
diminuant le frissonnement protecteur.
Si le membre gelé est un pied, trans-
portez le patient et évitez de le faire
marcher, de manre à diminuer le
risque de bris cutané et de fracture.
Les soins hospitaliers
Il faut dabord effectuer une réanima-
tion liquidienne agressive; les patients
sont souvent déshydratés et l’ajout de
liquide améliore la perfusion. Il faut
ensuite rapidement réchauffer le mem-
bre affecté en l’immergeant dans de
l’eau qui circule (bain tourbillon) à 40-
42 °C, à laquelle on peut y ajouter un
savon antibacrien doux. Il faut abso-
lument éviter les températures plus
élees et la chaleur sèche, en raison
du risque de blessure thermique. Si on
ne peut pas immerger le membre, des
serviettes mouiles à la même tem-
rature peuvent être efficaces. Finale-
ment, il ne faut pas masser la zone
affectée : vous augmenteriez ainsi les
dommages en créant des micro-trau-
matismes cutas. Lutilisation d’anal-
gésiques est recommandée, au besoin.
Un membre prend de 20 à 40 mi-
nutes pour dégeler. Il est complète-
ment dégelé lorsque l’extmité la plus
distale développe un léger érythème
(flush). Une fois le membre dégelé, il
faut le fixer dans une attelle de protec-
tion, le garder élevé sur des couver-
tures stériles et débrider les ampoules
séreuses, pour éviter les bris cutanés
caus par le thromboxane. Ne débri-
dez cependant pas les ampoules hé-
morragiques, car ceci augmenterait les
risques d’infection. Un membre dislo-
qué et gelé doit dabord être dégelé,
puis remis en position. Les fractures
sont pour leur part traies dans des
attelles, jusquà ce que lœdème post-
dégel soit résorbé.
La médication
On vise dabord et avant tout le con-
tle de la douleur et la prévention des
complications (Tableau 1). À cet effet,
plusieurs régimes médicamenteux
peuvent aider – mais il n’existe pas
d’étude prospective ou de standardisa-
tion des doses.
1er régime : l’infusion de dextran à
faible poids moléculaire pourrait
aider à prévenir l’agrégation des éry-
throcytes dans les vaisseaux lésés.
2egime : l’infusion de faibles do-
ses d’héparine pourrait diminuer la
formation de microthrombis. Une
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Tableau 1
Complications possibles des
engelures
Jusqu’à 30 % des patients souffrent
d’infection de plaie (Staphylococcus aureus,
streptocoque bêta-hémolytique,
bâtonnets Gram négatif ou anaérobies).
Lengelure constitue une plaie à risque
pour le tétanos.
D’autres complications fréquentes des
engelures sont :
- l’hyperglymie;
- l’acidose;
- les dysrhythmies réfractaires;
- la perte tissulaire et la gangrène.
Quoique rare, la mort est possible.
Les séquelles à long terme
Les séquelles potentielles sont nombreuses.
Parmi celles-ci, notons :
paresthésies et déficits sensitifs;
hyperhidrose ou anhidrose;
craquelures cutanées récidivantes;
perte des ongles;
changements de couleur cutae
suggérant le vasospasme;
sensibilité au froid;
raideurs articulaires;
• tremblements;
fermeture prématurée des épiphyses
chez les enfants;
• osoporose;
atrophie musculaire;
douleur du membre fanme lorsqu’il y a
amputation.
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étude a suggéré que la combinaison
de faibles doses d’héparine avec de
l’activateur du plasminogène IV
(tPA) pourrait favoriser la guérison,
lorsque les doigts sont affectés.
3egime : l’utilisation de bupiva-
cne pour des blocs sympathiques
cervicaux ou lombaires, afin de
diminuer le tonus sympathique et la
douleur – mais lefficacité de cette
approche n’a pas été démonte.
Les anti-inflammatoires
Les anti-inflammatoires non sroï-
diens sont pférés à l’AAS, qui blo-
que de façon irréversible la synthèse
des prostaglandines nécessaire à lin-
tégrité et au fonctionnement cellulaire.
Ils sont utilisés pour leur effet analgé-
sique et antipytique, mais leur méca-
nisme daction est impcis – ils pour-
raient inhiber l’activité de la cyclo-
oxynase et la syntse des prosta-
glandines. Ils pourraient aussi inhiber
la synthèse des leukotriènes, la relâche
d’enzymes lysosomales, l’activité de
la lipoxygénase, l’aggrégation des
neutrophiles et des plaquettes, puis
avoir une action sur plusieurs pro-
priétés des membranes cellulaires.
Les antibiotiques
Les antibiotiques sont utilisés, par
certains, en prophylaxie des infec-
tions de plaies. Il s’agit d’un usage
controversé et plusieurs préfèrent
attendre l’apparition de signes d’in-
fection avant de les utiliser.
Les agents topiques
Les agents topiques, tels que l’aloès
vera, sont très efficaces lorsqu’ap-
pliqués sur les zones débridées (vé-
sicules claires) et sur les vésicules
hémorragiques intactes. Cette appli-
cation minimise la synthèse supplé-
mentaire de thromboxane par les tis-
sus lésés.
Les toxoïdes
Les toxoïdes servent à prévenir le
tétanos. On recommande des doses
de rappel même chez les gens ayant
été vaccinés précédemment. Les pa-
tients n’ayant jamais été immunisés
devraient recevoir du toxoïde et de
l’immunoglobuline tétanique (Ig)
250 U par voie intramusculaire (IM).
Les narcotiques
Finalement, l’analgésie avec des
narcotiques est fréquemment néces-
saire. La morphine est bien connue
et provoque des réactions prévisi-
bles, facilement réversibles. On la
donne à une dose de 0,1 à 0,2 mg/kg
IV/IM q4h et idéalement en doses
de 2 à 4 mg titrées, si on vise un
effet analgésique.
Le suivi à lhôpital
On fournit d’abord au patient une
diète hypercalorique et hyperpro-
inée pour favoriser la grison. Il
faut ensuite séparer les extrémités
gees (doigts et orteils) avec du coton
pour diminuer la macération, tout en
favorisant la mobilisation active du
membre affecté aussi précocément
que possible. On favorise une immer-
sion dans un bain tourbillon deux fois
par jour, avec ajout de savon chirurgi-
cal dans l’eau, pour aider au débride-
ment des plaies. En tout temps, il est
recommandé de fortement décou-
rager les patients de fumer.
Retour sur le cas
de Simon
Vous avez reconnu une engelure
des deux mains.Vous avez traité
Simon en lui posant un soluté, puis
en réchauffant rapidement ses
mains en les immergeant dans de
l’eau qui circule (bain tourbillon) à
40-42 °C, avec un savon
antibactérien doux. Ses mains ont
été enveloppées dans des
pansements. Simon a été mis en
arrêt de travail et est retourné à la
maison sous la supervision d’une
infirmière du CLSC.
L’évolution clinique a heureusement
été banale, quoique Simon est
maintenant très sensible au froid et
ne peut plus travailler à mains nues
à l’extérieur, en hiver.
C
Le suivi post-
hospitalisation
Les CLSC locaux devront être impliqs
s le congé de l’pital.
Le suivi comprend le soin des plaies,
l’analsie et la protection du froid.
Lévolution clinique dictera le choix de la
dication qui pourra comprendre des
antibiotiques,de l’analgésie et un anti-
inflammatoire, tel que l’ibuprone.
Le patient doit être transféré à un centre
spécialisé si le personnel de votre centre
n’est pas familier avec le suivi des
engelures et de leurs séquelles.
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