Dr Melançon est
omnipraticien et compte
25 années d’expérience
dont 18 en salle
d’urgence. Il a pratiqué
en cabinet privé et en
CLSC. Il est récemment
revenu à ses premières amours, soit la
médecine d’urgence, la traumatologie et la
psychiatrie.
Les soins pré-hospitaliers
Lorsque confronté à une engelure, il
faut d’abord traiter les conditions
médicales menaçant la survie du
patient. Ensuite, il faut rapidement
remplacer les vêtements mouillés par
des vêtements secs. S’il y a certitude
que le membre ne risque plus d’être
gelé à nouveau (lors du transport, par
exemple), on peut commencer à le
réchauffer. Par contre, si le moindre
risque persiste, ne réchauffez pas le
membre avant de pouvoir prodiguer
un traitement définitif. Contrairement
à ce qui a pu être véhiculé, il ne faut
pas frotter une engelure avec de la
neige; ceci ne fait qu’augmenter les
dommages causés par l’engelure. Au
contraire, pour éviter les plaies de frot-
tement, il faut protéger mécanique-
ment le membre gelé avec une ser-
viette ou un drap.
Ne donnez ni alcool ni sédatifs,
puisque ceux-ci augmentent la vasodi-
latation et la perte de chaleur, en
diminuant le frissonnement protecteur.
Si le membre gelé est un pied, trans-
portez le patient et évitez de le faire
marcher, de manière à diminuer le
risque de bris cutané et de fracture.
Les soins hospitaliers
Il faut d’abord effectuer une réanima-
tion liquidienne agressive; les patients
sont souvent déshydratés et l’ajout de
liquide améliore la perfusion. Il faut
ensuite rapidement réchauffer le mem-
bre affecté en l’immergeant dans de
l’eau qui circule (bain tourbillon) à 40-
42 °C, à laquelle on peut y ajouter un
savon antibactérien doux. Il faut abso-
lument éviter les températures plus
élevées et la chaleur sèche, en raison
du risque de blessure thermique. Si on
ne peut pas immerger le membre, des
serviettes mouillées à la même tempé-
rature peuvent être efficaces. Finale-
ment, il ne faut pas masser la zone
affectée : vous augmenteriez ainsi les
dommages en créant des micro-trau-
matismes cutanés. L’utilisation d’anal-
gésiques est recommandée, au besoin.
Un membre prend de 20 à 40 mi-
nutes pour dégeler. Il est complète-
ment dégelé lorsque l’extrémité la plus
distale développe un léger érythème
(flush). Une fois le membre dégelé, il
faut le fixer dans une attelle de protec-
tion, le garder élevé sur des couver-
tures stériles et débrider les ampoules
séreuses, pour éviter les bris cutanés
causés par le thromboxane. Ne débri-
dez cependant pas les ampoules hé-
morragiques, car ceci augmenterait les
risques d’infection. Un membre dislo-
qué et gelé doit d’abord être dégelé,
puis remis en position. Les fractures
sont pour leur part traitées dans des
attelles, jusqu’à ce que l’œdème post-
dégel soit résorbé.
La médication
On vise d’abord et avant tout le con-
trôle de la douleur et la prévention des
complications (Tableau 1). À cet effet,
plusieurs régimes médicamenteux
peuvent aider – mais il n’existe pas
d’étude prospective ou de standardisa-
tion des doses.
•1er régime : l’infusion de dextran à
faible poids moléculaire pourrait
aider à prévenir l’agrégation des éry-
throcytes dans les vaisseaux lésés.
•2erégime : l’infusion de faibles do-
ses d’héparine pourrait diminuer la
formation de microthrombis. Une
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Défi diagnostic
le clinicien janvier 2011
Tableau 1
Complications possibles des
engelures
•Jusqu’à 30 % des patients souffrent
d’infection de plaie (Staphylococcus aureus,
streptocoque bêta-hémolytique,
bâtonnets Gram négatif ou anaérobies).
• L’engelure constitue une plaie à risque
pour le tétanos.
• D’autres complications fréquentes des
engelures sont :
- l’hyperglycémie;
- l’acidose;
- les dysrhythmies réfractaires;
- la perte tissulaire et la gangrène.
• Quoique rare, la mort est possible.
Les séquelles à long terme
Les séquelles potentielles sont nombreuses.
Parmi celles-ci, notons :
• paresthésies et déficits sensitifs;
• hyperhidrose ou anhidrose;
• craquelures cutanées récidivantes;
• perte des ongles;
• changements de couleur cutanée
suggérant le vasospasme;
• sensibilité au froid;
• raideurs articulaires;
• tremblements;
• fermeture prématurée des épiphyses
chez les enfants;
• ostéoporose;
• atrophie musculaire;
• douleur du membre fantôme lorsqu’il y a
amputation.