Les anticorps monoclonaux
dans le traitement du cancer
Simone A. Farese, Adrian F. Ochsenbein
Medizinische Onkologie, Inselspital, Bern
curriculum Forum Med Suisse 2008;8(9):160–165 160
Introduction
Initialement, les anticorps monoclonaux étaient
essentiellement utilisés en oncologie dans le trai-
tement des leucémies et des lymphomes. Au-
jourd’hui,ilsoccupentégalementuneplacedeplus
en plus importante dans le traitement de certaines
tumeurs solides, surtout en association avec les
chimiothérapies usuelles. L’association anticorps
monoclonaux plus chimiothérapie permet d’amé-
liorer les taux de réponse, d’allonger l’intervalle li-
bre avant la reprise de la progression de la mala-
die et, dans certaines situations, de prolonger la
surviepar rapport aux monothérapies respectives.
Le but de cet article est de donner un aperçu du
champ d’application clinique, de l’efficacité et des
effets indésirables des principaux anticorps utilisés
aujourd’huienoncologie. Laprésenterevueselimi-
tera aux anticorps actuellement enregistrés et/ou
souvent utilisés en Suisse, c’est-à-dire à sept anti-
corps monoclonaux, dont certains trouvent des in-
dicationsdansdiversesentitéstumorales(tab.1p).
Contexte
L’effet thérapeutique d’un anticorps monoclonal
est déterminé par sa spécificité, son affinité et son
immunogénicité (cf. aussi l’article «Les anticorps
monoclonaux en tant que substances thérapeu-
tiques», Forum Med Suisse no8/2008). Dans le cas
des immunoconjugués (anticorps conjugués), la
toxine sélectionnée ou le radionucléotide retenu –
avec la qualité du rayonnement qu’il émet et la
stabilité de sa liaison – est par ailleurs d’une im-
portance décisive. La localisation et l’expression
de l’antigène cible sont évidemment essentielles
pour qu’un anticorps puisse facilement atteindre
ce dernier. L’efficacité d’un anticorps cytotoxique
dépend de plus des caractéristiques de la tumeur,
en particulier du taux de prolifération, du volume,
de la vascularisation régionale et de l’accessibilité
(par ex. pression intratumorale). Les comparti-
ments hématologiques et lymphatiques fournis-
sent à cet égard des conditions idéales, en raison
de la pression interstitielle basse qui y règne et de
leur meilleure accessibilité intra- et extravasale.
CD20
Le CD20 est une phosphoprotéine membranaire
exprimée avec une forte densité à la surface des
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 155 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Quintessence
(Les anticorps monoclonaux, que ce soit en monothérapie ou en association
avec une chimiothérapie, ont pris place aujourd’hui dans le traitement standard
de nombreuses formes de cancers.
(Les chimiothérapies combinées avec le rituximab améliorent la survie non
seulement dans les lymphomes agressifs mais aussi dans quelques formes in-
dolentes de lymphomes. Grâce à sa bonne tolérance, le Mabthera®peut être uti-
lisé comme traitement d’entretien dans des situations palliatives de même que
dans le lymphome folliculaire.
(L’introduction du trastuzumab dans le traitement des carcinomes mammai-
res HER-2neu positifs représente une percée majeure dans le traitement du
cancer du sein. Son utilisation dans un contexte adjuvant occupe une place par-
ticulièrement importante, dans la mesure où le trastuzumab réduit nettement le
risque de rechute et qu’il permet, par conséquent, de guérir davantage de femmes
atteintes d’un cancer du sein.
(Les anticorps tels que le cétuximab (anti-EGFR) et le bévacizumab (anti-VEGF)
inhibent au niveau central certaines voies de transmissions de signaux qui jouent
un rôle dans le développement de différents types de carcinomes. Le cétuximab
et surtout le bévacizumab sont ainsi efficaces dans diverses entités tumorales. A
l’heure actuelle, l’efficacité du bévacizumab est d’ores et déjà clairement établie
par plusieurs essais randomisés de phase III dans le cancer colorectal, le cancer
bronchique, l’hypernéphrome et le carcinome du sein. Compte tenu des résul-
tats des études en cours, on peut cependant s’attendre, pour les années à venir,
à une extension de ces indications.
(L’élargissement constant du champ d’indications de ces substances est associé
à une augmentation des coûts thérapeutiques, puisque le prix moyen d’un trai-
tement par anticorps monoclonal se situe entre 4000 et 8000 francs par mois.
(Au-delà des réactions allergiques au moment de l’administration, les anticorps
monoclonaux présentent une série d’effets indésirables absolument typiques,
liés à l’expression et à la fonction de leur gène cible, effets que le médecin prati-
cien devrait lui aussi connaître (tab. 2).
Summary
Monoclonal antibody therapy in oncology
(Monoclonal antibodies, either as monotherapy or in combination with chemo-
therapy, have become standard in the treatment of many different tumours.
(A highlight is the introduction of rituximab in the treatment of CD20+high-
grade and low-grade lymphoma. Rituximab is usually well tolerated and can
therefore be used as maintenance therapy, e.g. in follicular lymphoma.
(Another milestone is the use of trastuzumab in the treatment of HER-2/neu+
breast cancer. Of special importance is the recent finding that trastuzumab, in
combination with or after chemotherapy in the adjuvant setting, improves
disease-free and overall survival and thus increases the cure rate of local or lo-
cally advanced breast cancer.
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Des effets synergiques ont été documentés dans
les associations avec des cytostatiques, et de nom-
breuses études ont mis en évidence une améliora-
tion très nette des taux de réponse et des durées
de rémission grâce à l’immuno-chimiothérapie
combinée avec le rituximab. Comme le lymphome
folliculaire est une maladie incurable, la question
du traitement d’entretien pour tenter de prolonger
le délai avant la reprise de la progression tumo-
rale revêt un intérêt clinique particulier. Plusieurs
travaux ont montré que le traitement d’entretien
par le rituximab tous les deux à trois mois durant
un à deux ans allonge significativement la durée
des rémissions et la survie globale [2]. L’intérêt
d’un traitement d’entretien de plus longue durée
(jusqu’à cinq ans) fait actuellement l’objet d’une
étude du Groupe suisse de recherche clinique sur
le cancer (SAKK).
Dans les lymphomes agressifs, on a trouvé pour
la première fois depuis l’introduction des chimio-
thérapies combinées CHOP (endoxan, adriblas-
tine, vincristine et prednisone), en 1972, une amé-
lioration de la survie globale par l’association avec
le rituximab. Les résultats publiés en 2002 dans
le New England Journal of Medicine par le groupe
français GELA [3] ont constitué une étape clé dans
le traitement du lymphome et ont mis en évidence
d’une part une amélioration significative du taux
de réponse sous traitement combiné rituximab-
CHOP versus CHOP seule (76% vs 63%) et d’autre
part un allongement significatif à deux ans de l’in-
tervalle libre sans progression de la maladie et de
la survie globale (70% vs 57%). Les données ac-
tuelles sur le follow-up à sept ans confirment cet
avantage en faveur du traitement combiné.
Dans les lymphomes non folliculaires à faible de-
gré de malignité, ainsi que dans la leucémie lym-
phatique chronique, les taux de réponses au ri-
tuximab en monothérapie sont nettement plus
mauvais. Il est possible que cela soit dû à une ex-
pression moins forte du CD20 sur les cellules lym-
lymphocytes B matures et des pré-B normaux et
malins. Le CD20 ne se retrouve en revanche pas
sur les plasmocytes matures producteurs d’anti-
corps. Le CD20 joue un rôle dans l’activation, la
prolifération et la différenciation des cellules B.
En fonction de leur cellule souche, plus de 90%
des lymphomes non hodgkiniens à cellules B ex-
priment le CD20.
Le rituximab (Mabthera®) est un anticorps mono-
clonal non conjugué chimérique dirigé contre le
CD20 qui joue un rôle important dans le traite-
ment des formes aussi bien indolentes qu’agres-
sives de lymphomes. Dans les lymphomes folli-
culaires, le rituximab s’est avéré efficace aussi
bien dans le traitement de première ligne que dans
les récidives. Chez les patients souffrant d’un
lymphome folliculaire non traité, on constate des
taux de réponse atteignant 70%, dont 30% de ré-
missions complètes. Chez les patients déjà traités
préalablement, on décrit des taux de réponse de
l’ordre de 50% avec une durée de rémission allant
jusqu’à douze mois [1].
(Other monoclonal antibodies interfere with central signalling pathways that
are important for tumourgenesis of different cancers, and hence antibodies such
as cetuximab (anti-EGFR) and bevacizumab (anti-VEGF) are efficacious in var-
ious cancer types. Randomised trials currently support the use of bevacizumab
in addition to standard chemotherapy in metastatic colorectal cancer, renal car-
cinoma, breast cancer and non-small-cell lung cancer. Ongoing trials in other
cancer types are expected to widen the indication for bevacizumab and proba-
bly also for cetuximab.
(Expansion of the indications for monoclonal antibodies will definitely result
in higher costs, since the addition of most monoclonal antibodies to standard
therapy currently increases monthly treatment costs by CHF 4000–8000.
(The monoclonal antibodies in present use still have murine amino acid
sequences that may be recognised by the patient’s immune system and trigger
allergic reactions during and after infusion. In addition, all monoclonal anti-
bodies will cause characteristic side effects that can be explained by the ex-
pression pattern and function of the target antigen (Table 2).
Ta bleau 1. Aperçu des anticorps utilisés en oncologie et actuellement enregistrés en Suisse.
Anticorps Cible Expression Indication principale
Rituximab CD20 Lymphocytes BLymphome non-hodgkinien
(Mabthera®)
Yttrium-90 Ibritumomab-
Tiuxetan (Zevalin®)
Trastuzumab HER-2neu Difrents tissus, Cancer du sein
(Herceptin®)notamment le myocarde
Gemtuzumab Ozogamicin CD33 Cellules immatures Leucémie myéloïde aiguë
(Mylotarg®)2de la lignée myéloïde
Alemtuzumab CD52 Lymphocytes B et TLeucémie lymphatique chronique
MabCampath®)
Cétuximab EGFR-1 Difrents tissus, Cancer du côlon
(Erbitux®)notamment la peau Tumeurs ORL
Bévacizumab VEGF Cellules endothéliales Cancer du côlon
(Avastin®)Hypernéphrome (carcinome du rein)1
Cancer du sein1
Carcinome bronchique non à petites cellules1
1Il existe dans ces indications des données positives provenant d’essais randomisés de phase III, mais le médicament
n’est pas encore enregistré dans cette indication particulière.
2Non enregistré en Suisse.
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cellules lymphomateuses dans le foie, la rate et le
poumon. Une anxiété, une agitation, des arythmies
cardiaques, une dyspnée et des douleurs muscu-
laires ont également été rapportées. Il est d’usage
d’administrer du paracétamol et un antihistami-
nique avant la perfusion dans le but de prévenir
ces effets indésirables allergiques. Lors de la pre-
mière perfusion, on augmente normalement la
vitesse de perfusion de manière très progressive
et le patient est en général gardé sous surveil-
lance durant cette phase initiale. En l’absence de
complicationsallergiques, les perfusions suivantes
pourront être administrées en ambulatoire avec
un débit accéléré.
Bien que le rituximab s’accompagne d’une déplé-
tiondescellulesB(malignesetsaines),letraitement
est dans l’ensemble bien toléré, et on n’observe
que peu d’infections cliniquement manifestes,
même lors des traitements de longue durée.
Le tositumomab et l’ibritumomab sont également
des anticorps dirigés contre le CD20 et conjugués
phatiques matures de la LLC. Dans le lymphome
àcellulesdumanteau, la combinaison du rituximab
avec la chimiothérapie (CHOP) permet d’obtenir
un meilleur taux de réponse, mais un allongement
de la survie n’a pas pu être documenté à ce jour.
Les effets indésirables les plus fréquents du rituxi-
mab sont les réactions dues à la perfusion, telles
qu’état fébrile et frissons (tab. 2 p). Il s’agit le
plus souvent de réactions autolimitées, qui s’es-
tompent rapidement à l’arrêt de la perfusion ou
au ralentissement de la vitesse de cette dernière
ainsi que sous l’effet des mesures de soutien, tels
les stéroïdes, les antihistaminiques et le paracé-
tamol. Des réactions sévères, s’accompagnant
d’un bronchospasme, d’une hypotension et d’un
angioœdème s’observent dans environ 2% des
cas, en général après la première perfusion. Chez
les patients ayant un nombre de leucocytes élevé,
on peut être confronté à un syndrome de type
cytokine-releaseavec étatfébrileetfrissons éven-
tuellement suite à une agglutination initiale des
Ta bleau 2. Effets indésirables les plus fréquents/les plus importants.
Anticorps
Rituximab
(Mabthera®)
Trastuzumab
(Herceptin®)
Gemtuzumab Etat brile, frissons Paracétamol 1 g p.o. Arrêt momentané de la perfusion,
Ozogamicin
(Mylotarg®)
Alemtuzumab
(MabCampath®)hypotonie Clémastine 4 mg i.v.ralentissement de la vitesse de perfusion
Triméthoprime/sulfaméthoxazole 2x par jour des résistances
3x par semaine1
Cétuximab
(Erbitux®)
Substances regraissantes Exanthème acnéiforme:
selon le degré de sérité locale, administration de
médicaments à base de métronidazole ou
d’érythromycine; corticostéroïdes topiques de courte
durée; tétracyclines per os; arrêt du traitement
uniquement en cas de toxicité de grade III ou plus2
Bévacizumab
(Avastin®)
1La prophylaxie devrait être initiée durant le traitement de MabCampath et poursuivie après l’arrêt de ce dernier jusqu’à ce que le nombre de CD4+soit parvenu à
au moins 200 cellules/µl. Si la détermination des CD4+n’est pas possible, on poursuivra la prophylaxie des infections durant quatre mois. Il n’est pas nécessaire
d’arrêter le traitement en cas d’infection opportuniste pendant la thérapie.
2Eruption cutanée douloureuse, excoriation et ulcération.
3Syndrome néphrotique.
Effets indésirables
Etat brile, frissons,
hypotension, hypertension,
dyspnée
Etat brile, frissons,
cardiotoxicité
Etat brile, frissons,
hypotension, dyspnée
Etat brile, nausées, urticaire,
hypotonie
Infections
Hypotension, urticaire
Troubles cutanés/sous-cutanés
Hypertension artérielle
Protéinurie, épistaxis, tendance
aux saignements
Evénements
thromboemboliques
Prévention
Paracétamol 1 g p.o.
Clémastine 2 mg i.v.
Administration de la 1re perfusion en milieu
hospitalier
Eventuellement paracétamol 1 g p.o.
Pas d’administration simultanée
d’anthracyclines
Echocardiographie initiale comme examen
de référence, puis au cours de l’évolution
Paracétamol 1 g p.o.
Clémastine 4 mg i.v.
Méthylprednisolone 125 mg i.v.
Paracétamol 1 g p.o.
Clémastine 4 mg i.v.
Méthylprednisolone 125 mg i.v.
Triméthoprime/sulfaméthoxazole 2x par jour
3x par semaine1
Famciclovir 250 mg 2x par jour1
Clémastine 2 mg i.v
Huiles de bains et de douches
Substances regraissantes
Mesure de la protéinurie initiale comme valeur
de référence, puis au cours de l’évolution
Prudence lors de l’administration d’anticoagu-
lants oraux/faire une pause thérapeutique en
périodes péri-opératoires
Traitement
Arrêt momentané de la perfusion,
ralentissement de la vitesse de perfusion
Arrêt momentané de la perfusion,
ralentissement de la vitesse de perfusion,
inhibiteurs de l’ECA et/ou bêtabloquants
Arrêt momentané de la perfusion,
ralentissement de la vitesse de perfusion
Arrêt momentané de la perfusion,
ralentissement de la vitesse de perfusion
Traitement antimicrobien tenant compte
des résistances
Arrêt momentané de la perfusion,
ralentissement de la vitesse de perfusion
Exanthème acnéiforme:
selon le degré de sérité locale, administration de
médicaments à base de métronidazole ou
d’érythromycine; corticostéroïdes topiques de courte
durée; tétracyclines per os; arrêt du traitement
uniquement en cas de toxicité de grade III ou plus2
Prurit: antihistaminiques
Traitement antihypertenseur
Arrêt du traitement en cas de protéinurie de grade IV3
Arrêt du traitement en cas de thromboembolies
artérielles
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évoqué ci-dessus, une valeur pronostique dans le
cancer du sein. Une surexpression est de plus un
facteur prédictif de la réponse au traitement par
Herceptin®.
Son efficacité dans le cancer mammaire métasta-
tique a été démontrée par plusieurs essais de pha-
ses III, tant en monothérapie que dans le cadre
d’un traitement adjuvant en combinaison avec des
cytostatiques, tels que la vinorelbine (Navelbine®),
le paclitaxel (Taxol®) et le docétaxel (Taxotere®).
Combiné à l’une des chimiothérapies mentionnées
précédemment, Herceptin®améliore les taux de
réponse et prolonge la durée des rémissions par
rapport à la chimiothérapie seule. Le traitement
combiné est clairement supérieur à la chimiothé-
rapie seule et à la monothérapie d’Herceptin®[5].
Quatre grandes études ont examiné les effets d’un
traitement adjuvant d’Herceptin®dans le cancer
du sein (NSABP 31, NCCTG- N 9831, BCIRG 006,
HERA). Elles indiquent toutes un allongement si-
gnificatif de la durée de l’intervalle libre sans pro-
gression de la maladie ainsi que de la survie à deux
ans. L’enregistrement d’Herceptin®comme traite-
ment adjuvant durant un an a été obtenu suite aux
résultats intermédiaires de l’étude HERA [6].
Les effets indésirables aigus d’Herceptin®in-
cluent de possibles réactions aux perfusions, par
exemple état fébrile et frissons (tab. 2). Comme
le récepteur HER-2/neu est également exprimé
sur les cellules du myocarde, la toxicité cardiaque
constitue un effet indésirable potentiel sérieux de
ce médicament. L’incidence de l’insuffisance car-
diaque sous monothérapie d’Herceptin®est de l’or-
dre de 1,4%. Une dysfonction cardiaque sympto-
matique ou asymptomatique en association avec
le paclitaxel (Taxol®) s’observe chez 13% des su-
jets. Ce chiffre passe à 27% dans les associations
avec les anthracyclines. La combinaison des an-
thracyclines cardiotoxiques avec Herceptin®est
par conséquent contre-indiquée. La cardiotoxi-
cité induite par Herceptin®est toutefois en géné-
ral réversible après l’arrêt du médicament.
CD33
Le CD33 est exprimé à la surface des cellules blas-
tiques leucémiques et des cellules normales imma-
tures de la lignée myéloïde. La fonction du CD33
n’est pas connue.
Le gemtuzumab ozogamizine (Mylotarg®) est un
anticorps recombinant humanisé, conjugué à un
cytostatique (calichéamicine), dont l’objectif est la
destruction des cellules CD33-positives.
Le gemtuzumab est utilisé dans le traitement de
la leucémie myéloïde aiguë récidivante. Une rémis-
sion complète est obtenue dans 30% des cas.
Comme certaines cellules souches hématopoïé-
tiques saines expriment également le CD33, le
traitement induit une myélosuppression sévère
(tab. 2). 15% des patients présentent une augmen-
tation des tests hépatiques et des cas de maladie
veino-occlusive du foie (VOD – veno-occlusive liver
disease) ont de plus été décrits. Comme avec tous
les anticorps recombinants, on peut être confronté
avec des radioisotopes, ce qui permet une irradia-
tion ciblée des cellules tumorales (radioimmuno-
thérapie). L’yttrium-90 (ibritumomab tiuxétan,
Zevalin®), qui émet un rayonnement bêta dont la
demi-vie est de 64 heures et qui est fixé sur l’ibri-
tumomab,un anticorpsmonoclonalmurin pur, per-
met d’obtenir de meilleurs taux de réponse chez les
patients atteints d’un lymphome CD20-positif (80
vs 56%) par rapport aux anticorps non conjugués.
La fixation d’iode 131 à l’anticorps anti-CD20 mu-
rin,letositumomab(131-I-tositumomab, Bexxar®),
constitue un autre axe de développement. La ré-
ponse est comparable à celle obtenue avec Zeva-
lin®. Les principaux inconvénients des substances
marquées à l’iode radioactif sont leur demi-vie
plus longue, puisqu’elle est d’environ huit jours,
et le fait qu’ils émettent un rayonnement gamma
délivrant une dose locale moins élevée. Kaminski
et al. [4] ont trouvé chez des patients avec un lym-
phome folliculaire non traité un taux de réponse
atteignant 95% pour le traitement avec Bexxar®.
Zevalin®peut être administré ambulatoirement,
car la proportion de radionucléotide fixé à l’anti-
corps implique que la substance n’est pratique-
ment pas éliminée dans l’urine. Un traitement de
Bexxar®(qui n’est pas enregistré en Suisse) doit
par contre être réalisé en milieu hospitalier en rai-
son de sa demi-vie relativement longue.
Vu la profondeur de pénétration des rayons bêta
émis par l’ibritumomab tiuxétan (Zevalin®), les cel-
lules tumorales antigène-négatives se trouvant à
proximité des anticorps fixés à la tumeur sont éga-
lement exposées aux radiations. Ceci peut être un
avantage dans les tumeurs hétérogènes ou les tu-
meurs volumineuses mal vascularisées. Il va sans
dire que des cellules non malignes situées au voisi-
nage sont elles aussi soumises au rayonnement ra-
dioactif.Leprincipaleffetindésirable est par consé-
quent la myélotoxicité, raison pour laquelle le trai-
tement d’un lymphome CD20+est contre-indiq
en cas d’infiltration médullaire supérieure à 25%.
HER-2/neu /EGFR-2
L’antigène HER-2/neu est un récepteur transmem-
branaire de divers facteurs de croissance qui est
exprimé dans différents tissus, notamment le
myocarde. 25 à 35% des cancers du sein s’ac-
compagnent d’une surexpression du HER-2/neu,
surexpression qui est associée à une croissance
tumorale agressive et à un pronostic défavorable.
Le trastuzumab (Herceptin®) est un anticorps mo-
noclonalhumanisé,quibloqued’unepartlatrans-
duction de signaux vers le noyau, inhibant ainsi
l’activité du gène, et qui régule d’autre part le ré-
cepteur HER-2 vers le bas.
La condition nécessaire à l’utilisation clinique
d’Herceptin est la mise en évidence par immuno-
histochimie d’une expression accrue du HER-2/
neu à la surface des cellules tumorales (grade III).
Encasd’expression intermédiaire (grade IIàl’exa-
men immunohistochimique), on effectue en plus
une analyse FISH pour rechercher une amplifica-
tion du gène. Le status HER-2/neu a donc, comme
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cancers bronchiques non à petites cellules sont ca-
ractériséespar uneexpressionrelativement fortede
l’EGFR.
Dans le cancer métastatique du côlon déjà pré-
traité, le cétuximab en monothérapie n’est efficace
que dans une mesure limitée, avec un taux de ré-
ponse de l’ordre de 10%. La combinaison avec une
chimiothérapie incluant de l’irinotécan est plus
efficace: on a ainsi obtenu, chez des patients at-
teints d’un cancer métastatique du côlon, des taux
de réponse supérieurs à 20% [7]. L’association
irinotécan/cétuximab est aussi partiellement effi-
caceaprèséchecd’untraitement d’irinotécan seul.
On a pu montrer récemment que le cétuximab amé-
liore l’efficacité de la radiothérapie dans les tu-
meurs ORL à extension locale. La survie médiane
a pu être prolongée de 29 à 49 mois [8].
Les troubles cutanés acnéiformes constituent un
effet indésirable important (fig. 1 x), et on évo-
quera aussi les diarrhées et l’asthénie (tab. 2). La
toxicité cutanée et muqueuse s’explique bien par
la forte expression de l’EGFR dans ces tissus. Plu-
sieurs études ont montré que l’importance de la
toxicité cutanée est corrélée avec les résultats thé-
rapeutiques.
D’autres anticorps monoclonaux inhibiteurs de
l’EGF (ABX-EGF, panitumumab) sont entièrement
humanisés. Les effets de ces anticorps dans le trai-
tementdepremièrelignedu cancer métastatique du
côlon font actuellement l’objet d’essais de phase III.
VEGF
Les VEGFR-1 et 2 sont également des récepteurs
transmembranaires de la tyrosine kinase, princi-
palement exprimés à la surface des cellules endo-
théliales. Le VEGF lie les VEGFR-1/2/3 avec une
forte affinité. Le VEGF est un facteur important de
l’angiogenèse tumorale. Le bévacizumab (Avas-
tin®) est un anticorps monoclonal recombinant
humanisé, neutralisant le VEGF et conduisant à
une inhibition de la néoformation vasculaire. Plu-
sieurs essais précliniques ont par ailleurs montré
qu’il a non seulement un effet anti-angiogénique
à des effets indésirables dus à la perfusion, en par-
ticulier des états fébriles, des frissons, une hypo-
tension et/ou des arthralgies. Cet anticorps n’étant
pas enregistré en Suisse, un accord sur les coûts
doit être demandé avant le début du traitement
auprès de la caisse maladie ainsi qu’une autori-
sation auprès de Swissmedic.
CD52
Le CD52 est exprimé aussi bien sur les lympho-
cytes T que sur les lymphocytes B. On le trouve
avec une densité particulièrement élevée sur les
cellules matures de la leucémie lymphatique
chronique. La fonction du CD52 n’est pas connue.
L’alemtuzumab (Mabcampath®) est un anticorps
monoclonal humanisé dirigé contre le CD52. Sa
fixation au CD52 déclenche une réaction cyto-
toxique passant à la fois par le complément et par
la voie cellulaire.
L’alemtuzumab est approuvé pour le traitement
de la leucémie lymphatique chronique récidi-
vante après thérapie préalable par la fludara-
bine. Dans l’étude d’enregistrement [8], le taux
de rémission était de 33%. D’autres travaux ont
trouvé un intervalle libre avant la reprise de la
progression tumorale allant jusqu’à 9,5 mois.
L’alemtuzumab est aussi efficace dans la forme
rare de leucémie à pro-lymphocytes T, dans les
lymphomes cutanés à cellules T et dans le myco-
sis fungoïde. Plusieurs essais cliniques testent à
l’heure actuelle les effets de l’alemtuzumab en
combinaison avec la chimiothérapie dans les
lymphomes périphériques à cellules T.
On évoquera parmi les effets indésirables les
réactions allergiques, les états fébriles, les urti-
caires ou les troubles psychiatriques, ainsi que la
suppression médullaire avec lymphopénie et ris-
que accru d’infections par des germes opportu-
nistes (tab. 2). La déplétion en cellules T CD4+peut
durer des mois, ce qui entraîne en particulier une
augmentation du risque de réactivation d’un CMV.
Il existe aussi un risque augmenté d’infections à
Pneumocystis irovecii, aux virus de l’herpès et à
aspergillus. C’est laraisonpourlaquelleuncontrôle
étroit des patients et l’usage préventif d’agents
anti-infectieux sont indiqués (triméthoprime/sul-
faméthoxazol trois fois par semaine plus un anti-
herpétique, par exemple le famciclovir 250 mg
deux fois par jour).
EGFR-1
L’EGFR-1 appartient à la famille des récepteurs des
facteurs de croissance HER. Ce récepteur,exprimé
dans différents tissus, notamment la peau et les
muqueuses, joue un rôle central dans la régulation
de la croissance et de la différenciation. De nom-
breusestumeursépithéliales sont caractériséespar
un renforcement du signal EGFR, qui est partielle-
ment responsable de la croissance tumorale.
Le cétuximab (Erbitux®) est un anticorps mono-
clonal chimérique contre la partie extracellulaire
du récepteur EGFR. Les tumeurs de la région ORL,
les cancers du côlon et du rectum, ainsi que les Figure 1
Exanthème acnéiforme suite au traitement avec cetuximab.
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