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Patrick VAUDON : Principe de moindre action.
Université de Limoges – laboratoire Xlim
1
I
Le principe de FERMAT
I- Introduction
La mécanique classique postule l’existence d’une classe particulière de référentiels
appelés référentiels galiléens.
Un référentiel est réputé galiléen lorsqu’une masse qui n’est soumise à aucune
influence extérieure se déplace suivant une trajectoire rectiligne uniforme ou est immobile.
Ce postulat étant posé, si on observe une trajectoire non rectiligne dans de tels
référentiels, c’est que la masse subit une influence extérieure : on traduit physiquement cette
propriété en expliquant que cette influence se manifeste par l’intermédiaire d’une force qui
s’applique à la masse, et qui donc la dévie de sa trajectoire rectiligne et uniforme.
On doit à Isaac NEWTON d’avoir montré que la variation temporelle de la vitesse de la
masse est d’autant plus grande que la force est grande (à masse égale), et d’autant plus grande
que la masse est petite (à force égale). La formalisation de ces deux propriétés conduit
immédiatement au principe fondamental de la dynamique :
r
r
F = m dv
dt
(I-1)
De la connaissance de la force, et des conditions initiales, cette relation permet de
déterminer les caractéristiques du mouvement, et en particulier la trajectoire.
Cette manière de voir a accumulé tellement de preuves de sa validité, que la relation (I1) est rapidement devenue l’équation fondamentale de la mécanique classique.
Pour autant d’autres approches ont vu le jour en s’appuyant sur des concepts généraux
et se voulant universels : l’évolution d’un système d’un point de vue global peut être analysé
en termes énergétiques.
Le principe décrivant cette évolution énergétique globale est le principe de moindre
action. Il a retenu très tôt l’attention des physiciens, et a traversé les multiples évolutions de la
physique : optique géométrique, mécanique classique, électromagnétisme, relativité restreinte
puis générale, et enfin mécanique ondulatoire.
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II – Le principe de FERMAT
Les prémices du principe de moindre action sont attribués à Pierre de FERMAT dans
ses recherches sur le trajet optique suivi par un rayon lumineux vers 1657 où il énonce un
principe quasi philosophique : « La nature agit toujours par les voies les plus courtes et les
plus simples ».
Ce principe contient l’idée de base sous jacente au principe de moindre action : les
phénomènes physiques d’une manière générale, rassemblés sous l’appellation ‘nature’,
n’évoluent pas au hasard, mais suivent une logique qui minimise certains critères qu’il suffit de
préciser pour être en mesure de prévoir par la suite l’évolution ‘naturelle’ de ces phénomènes.
Si ce principe a traversé les siècles jusqu’à nos jours, c’est qu’il conduit de manière
simple et très générale à retrouver les deux lois fondamentales de l’optique géométrique (seules
connues à l’époque de FERMAT) : la réflexion et la réfraction, et qu’il a montré sa cohérence
avec la mécanique classique, relativiste et ondulatoire.
Exemple 1 :
y
miroir
vertical
B
Observation(0,5)
A
Source (0,2)
M2
5
(0,0)
M1
10
x
miroir horizontal
Figure I-1 : représentation du trajet d’un rayon lumineux d’un point source à un point
d’observation après réflexion sur un miroir horizontal puis vertical.
Soit deux miroirs plan, l’un horizontal et coïncidant avec l’axe des x, et l’autre vertical
situé à l’abscisse x = 10.
Une source lumineuse est située en un point A sur l’axe y à la position (x = 0, y = 2).
Un point d’observation est situé en un point B sur l’axe y à la position (x = 0, y = 5).
Comment peut-on déterminer le trajet du rayon lumineux issu de la source et qui
parvient au point d’observation ?
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La réponse à cette question peut être obtenue par les lois de la réflexion en optique
géométrique, mais le principe de FERMAT permet une résolution particulièrement élégante : le
trajet de la lumière sera le plus court chemin entre la source et l’observation, ce chemin
possédant un point de réflexion sur chaque miroir.
Soit M1(x,0) le point de réflexion sur le miroir horizontal.
Soit M2(10,y) le point de réflexion sur le miroir vertical.
Le trajet total S parcouru par la lumière est égal à :
S = AM1 + M1M2 + M2B
(I-2)
( x − 10 )2 + y2
S = 4 + x2 +
+ 100 + (5 − y )
2
(I-3)
Pour que ce trajet soit minimum, il faut nécessairement :
dS = ∂S dx + ∂S dy = 0
∂x
∂y
(I-4)
Cette relation indique que le trajet optique suivi par le rayon lumineux est stationnaire
pour des variations infinitésimales du premier ordre dx et dy.
Dans ce problème particulier, les variations de dx et dy sont indépendantes, et on doit
alors vérifier la double condition :
∂S = ∂S = 0
∂x
∂y
(I-5)
La relation(I-5) est nécessaire, mais non suffisante pour avoir la certitude que l’on se
trouve en présence d’un extremum local : il faudrait en toute rigueur étudier la concavité de la
courbe pour des variations suivant x et suivant y. Lorsque les concavités sont opposées, on se
trouve en présence d’un col, et non d’un extremum.
∂S =
∂x
x − 10
=0
( x − 10 )2 + y2
x
+
4 + x2
(I-6)
Des considérations physiques nous amènent à retenir la solution telle que :
xy = 2x – 10
∂S =
∂y
(I-7)
y
( x − 10 )
2
+y
2
−
5−y
100 + (5 − y )
2
=0
(I-8)
Des considérations physiques nous amènent à retenir la solution telle que :
xy = 5x – 50 + 20y
(I-9)
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La résolution du système (I-7),(I-9) donne les valeurs suivantes :
x = 5,71429
y = 1,5
(I-10)
et les points de réflexion M1 et M2 ont donc pour coordonnées :
M1 (5,71429 ; 0)
M2 (0 ; 1,5)
(I-11)
On peut s’assurer que le trajet lumineux obtenu à partir du principe de FERMAT vérifie
bien la loi de SNELL-DESCARTES : l’angle d’incidence (par rapport à la normale à la
surface) est égal à l’angle de réflexion (par rapport à cette même normale).
On devine à travers cet exemple simple que la méthode d’optimisation qui permet le
calcul du trajet le plus court devient lourde rapidement, au fur et à mesure que le nombre de
réflexions augmente. L’intérêt réside dans la formulation extrêmement concise du problème à
résoudre.
Exemple 2 :
Le principe de FERMAT permet également de déterminer le point de réflexion sur une
surface non plane. Dans cet exemple, on considère une sphère de rayon 1 centrée sur l’origine
et dont la surface a pour équation :
x² + y² +z² = 1
(I-12)
Une source lumineuse est située en un point A sur l’axe y à la position (x = 0, y = 2).
Un point d’observation est situé en un point B sur l’axe y à la position (x = 4, y = 0).
y
Source (0,2)
A
M
B
x
Observation ( 4,0)
Figure I-2 : Trajet d’un rayon lumineux entre un point source et un point d’observation, avec
réflexion sur un miroir sphérique.
On se propose de déterminer le point M correspondant au point de réflexion sur la
sphère. Le principe de FERMAT nous indique que ce point est tel que le trajet parcouru par la
lumière entre la source et l’observation, avec un point appartenant à la sphère ; est minimum.
Le trajet parcouru par la lumière entre les points A et B est égal à :
S = AM + MB
(I-13)
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S = x 2 + (2 − y ) +
2
(4 − x )2
5
+ y2
(I-14)
Le trajet de la lumière sera stationnaire si :
dS = ∂S dx + ∂S dy = 0
∂x
∂y
(I-15)
Contrairement au cas précédent, les variables x et y ne sont pas indépendantes. Dans ce
problème particulier, puisque le point M est situé à l’intersection de la sphère avec le plan xOy,
soit sur le cercle de rayon 1 centré sur l’origine, on a :
x² + y² = 1
(I-16)
ce qui implique après différentiation xdx = - ydy
On doit donc imposer :
dS = ∂S dx + ∂S dy = ∂S dx − x ∂S dx =  ∂S − x ∂S dx = 0
∂x
∂y
∂x
y ∂y
 ∂x y ∂y 
(I-17)
Du calcul des dérivées partielles :
∂S =
∂x
x
−
2
x + (2 − y )
2
4−x
(4 − x )2 + y2
2−y
∂S = −
+
2
2
∂y
x + (2 − y )
(I-18)
y
(I-19)
(4 − x )2 + y2
on conclut que les coordonnées du point de réflexion sont solutions de l’équation :
∂S − x ∂S =
∂x y ∂y
x + x (2 − y )
y
x + (2 − y )
2
2
−
4
=0
(4 − x )2 + y2
(I-20)
soit encore :
2x
y
(4 − x )2
+ y2 − 4 x 2 + ( 2 − y ) = 0
2
(I-21)
et puisque le point de réflexion appartient au cercle x² + y² = 1
x
1 − x2
(4 − x )2 + 1 − x 2
(
− 2 x2 + 2 − 1 − x2
)
2
=0
La résolution numérique fournit les coordonnées du point de réflexion :
(I-22)
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x = 0.61666
6
y = 0.7872
(I-23)
On peut vérifier que pour ce point, l’angle d’incidence est égal à l’angle de réflexion :
tout se passe comme si le rayon se réfléchissait sur un plan tangent à la sphère en ce point.
Si le principe de FERMAT permet ainsi une détermination exacte du trajet de la
lumière, il ne suffit pas à décrire le comportement du champ réfléchi pour lequel il est
nécessaire de considérer un faisceau de rayons réfléchis, et de prendre en compte les rayons de
courbure principaux de la surface réfléchissante (Voir les chapitres correspondants sur les
méthodes asymptotiques).
Exemple 3 :
Devant le succès rencontré dans la prédiction du trajet des rayons lumineux lors de
réflexions multiples, sur des surfaces de forme à priori quelconque, il était tentant de
s’interroger sur l’aptitude de ce principe à décrire également les problèmes de réfraction.
Con sidérons l’exemple simple d’un trajet lumineux entre deux milieux de propagation
séparés par une interface plane (Figure I-3).
y
A
n1
θ1
O
x
M
θ2
n2
B
Figure (I-3) : trajet d’un rayon lumineux réfracté à l’interface de deux milieux de propagation
homogènes, et représentation du repère associé.
Une source ponctuelle est située en A, et on se propose de rechercher la trajectoire du
rayon lumineux issue de A et qui atteint le point B.
L’expérience montre que ce rayon est dévié au niveau de l’interface, et que par
conséquent la trajectoire n’est plus rectiligne entre les point A et B. Cela implique
nécessairement que la quantité à optimiser n’est plus la distance géométrique entre A et B.
Il convient alors d’établir avec précision quelle quantité doit être optimisée : cette
quantité sera désigné par le nom « action » dans l’utilisation du principe de moindre action.
L’action sera différente suivant les problèmes traités : mécanique, électromagnétisme,
gravitation ….
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Dans le cas présent, la grandeur qui va être minimisée est la durée du trajet lumineux
entre le point source et le point d’observation.
Si le milieu supérieur (respectivement inférieur) possède un indice de réfraction n1
(respectivement n2), la vitesse de propagation dans ce milieu sera c/n1, (respectivement c/n2).
La durée du trajet AM dans le milieu supérieur est : t1 =
n1AM
.
c
(I-24)
La durée du trajet MB dans le milieu inférieur est : t 2 =
n 2MB
.
c
(I-25)
La durée totale du trajet est : t = t1 + t 2 =
n1AM n 2MB
+
c
c
(I-26)
Minimiser la durée de propagation revient à minimiser la quantité :
ct = n1AM + n 2MB
(I-27)
Cette quantité est appelé le chemin optique dont une définition est par conséquent la
suivante : le chemin optique est égal à la distance que parcourrait la lumière dans le vide
pendant la durée qu'elle met à effectuer un trajet dans un milieu donné.
Si on désigne par (xA,yA), (xB,yB), et (x,0) les coordonnées respectives des points A, B,
et M, le trajet optique s’écrit :
S = n1 ( x − x A ) + y2A + n 2 ( x − x B ) + y2B
2
2
(I-28)
La condition de stationnarité du trajet optique s’obtient en exprimant la différentielle
totale qui prend une forme simplifiée puisque le point de réfraction est recherché sur l’axe des
x, et donc pour y = 0 :
dS = ∂S dx + ∂S dy = n1
∂x
∂y
(x − x A )
( x − x A )2 + y2A
+ n2
(x − xB )
( x − x B )2 + y2B
=0
(I-29)
soit donc :
n1 sin θ1 = n 2 sin θ2
(I-30)
Le principe de FERMAT conduit donc de manière immédiate à la loi de la réfraction de
SNELL-DESCARTES et montre ainsi son aptitude à prédire les trajectoires des rayons
lumineux lorsqu’ils se propagent dans des milieux d’indices différents. On peut montrer par
continuité qu’il prédit également de manière correcte les trajectoires dans des milieux dont la
variation d’indice est continue, et conduit par exemple à l’observation de mirages.
En résumé, ce principe permet de retrouver par une méthode unique et particulièrement
élégante de nombreux résultats de l’optique géométrique. Il est naturel de s’interroger sur son
aptitude à décrire d’autres aspects de la physique.
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