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L’hypnose ericksonienne :
mythes et réalités
J.M. Petot*
C’est principalement le
ment liée aux particularie renouveau récent de l’hypnose clinique s’accompagne tés personnelles de Milpsychiatre américain Milton H. Erickson (1901souvent d’une volonté d’opposer radicalement la nou- ton Erickson. Paralysé
1980) qui est à l’origine du velle hypnose ericksonienne à l’hypnotisme médical tradi- pendant son adolescence
en raison d’une poliorenouveau que l’hypnose a
connu outre-Atlantique tionnel. Au-delà de l’aspect excessif de telles affirmations, myélite, il s’est absorbé
depuis une quarantaine on s’efforce ici de préciser quels sont réellement les princi- dans des états mentaux
d’années. À en croire cer- paux traits distinctifs de l’hypnose telle qu’elle est conçue et particuliers, au cours destains auteurs, l’hypnose utilisée par le courant ericksonien : relative séparation des quels il imaginait intenericksonienne serait tota- notions d’hypnose et de suggestion, utilisation préférentielle sément les mouvements
qu’il ne pouvait plus
lement différente de
l’hypnose traditionnelle, des suggestions indirectes et des suggestions ouvertes, effectuer.
Lorsqu’une certaine
à laquelle ils l’opposent “hypnose sans hypnose”.
motricité lui est revenue,
point par point. Alors que
il a pensé que c’était un
l’hypnose traditionnelle
effet de cette motricité imaginée qu’il a
se confondrait avec la suggestion, implidésigne aussi l’ensemble des procédés
considérée, sans doute à juste titre,
querait la soumission et la dépendance du
techniques utilisés par le praticien pour
comme une forme d’autohypnose.
sujet ou du patient, l’hypnose ericksoprovoquer cet état chez son patient ; on
nienne minimiserait le rôle de la suggesaurait avantage à utiliser le terme hypnoTelle serait l’origine d’un intérêt pour
tisme pour désigner cette technique.
tion et serait caractérisée par une libéral’hypnose qui était déjà très prononcé,
Enfin, “hypnose” désigne également une
tion de l’inconscient du sujet hypnotisé,
alors que le jeune Erickson était encore
psychothérapie, généralement brève (une
qui deviendrait capable d’initiatives indéétudiant (3).
dizaine de séances), dans laquelle l’état
pendantes de toute suggestion extérieure.
La conception
d’hypnose est provoqué pour être utilisé
L’hypnose ericksonienne est-elle aussi
ericksonienne de l’hypnose
à des fins thérapeutiques, et qu’il vauradicalement opposée à l’hypnose tradidrait mieux appeler hypnothérapie.
tionnelle que certains de ses tenants l’afErickson était totalement convaincu à la
J’emprunte ces distinctions terminolofirment ?
fois de l’existence d’un état hypnotique
giques au grand spécialiste de la psysui generis et du caractère naturel, sponAvant d’aller plus loin, relevons que le
chologie expérimentale de l’hypnose,
tané, banal et familier de cet état. Il penterme “hypnose” est ambigu. Il peut désiAndré Weitzenhoffer (1), et j’emprunte à
sait que l’hypnose n’était qu’une accengner, selon le contexte, trois réalités fort
Thierry
Melchior
(2)
le
néologisme
hyptuation des phénomènes spontanés
différentes : la première est un état mennotiste (calqué sur l’anglais hypnotist)
d’absorption dans une rêverie, qui surtal particulier, que les Anglo-Saxons
pour distinguer les scientifiques spéciaviennent fréquemment chez la plupart
appellent souvent “transe” ; il serait judilistes de l’hypnotisme des hypnotiseurs
des personnes. Qu’il m’arrive pendant
cieux de réserver le mot hypnose pour
de spectacle. Ces précisions terminoloune réunion de penser à quelque chose de
désigner cet état. Le terme “hypnose”
giques vont nous aider à mieux évaluer
préoccupant ou d’intéressant, et voici que
l’originalité d’Erickson aux trois niveaux
j’abstrais mon attention de ce qui se fait
* Professeur de psychologie clinique à
pertinents : en tant que théoricien de
et se dit autour de moi. En un certain sens,
l’université de Paris X-Nanterre, ancien
l’hypnose, en tant qu’hypnotiste et en tant
je continue de le percevoir : qu’on aborde
vice-président de l’Institut Milton Erickson
qu’hypnothérapeute.
un sujet qui m’importe ou m’intéresse et
de Paris, membre du Groupement pour
je “reviens sur terre” instantanément.
L’originalité de la conception erickl’étude des applications médicales de
sonienne de l’hypnose est très probableMais je risque de ne pas avoir enregistré
l’hypnose (GEAMH).
L
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 1, janvier 2001
18
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ce qui s’est dit pendant cette sorte
d’“absence”. Cette expérience illustre ce
qu’Erickson appelle la “transe commune”, ou “transe quotidienne” (everyday trance) (4). Comme ces absences
arrivent fréquemment aux passagers des
transports en commun et même aux
conducteurs de véhicules qui, sur un trajet familier, conduisent parfois de façon
automatique, non consciente, on parle
également d’“hypnose des autoroutes”
(highway hypnosis). L’hypnose n’est aux
yeux d’Erickson que l’approfondissement et la stabilisation de cette “transe
commune”. Cette transformation est facilitée par l’intervention d’un hypnotiste
qui accompagne, encourage et relance le
double mouvement de concentration et
d’absorption dans l’imaginaire et de
retrait d’attention aux afférences perceptives. Cette conception de l’hypnose
n’exclut pas la suggestion, mais elle ne
lui reconnaît pas la place centrale que lui
attribuaient les théories antérieures. Les
suggestions de l’hypnotiste facilitent
l’approfondissement de la transe commune en transe hypnotique ; la suggestibilité augmente chez la plupart des personnes lorsqu’elles sont hypnotisées.
Mais il s’agit pour Erickson d’un aspect
contingent de la transe, qui peut faire
défaut, et non d’un phénomène central
constituant l’essence même de l’hypnose.
L’hypnotisme ericksonien
Cette conception originale de l’hypnose
entraîne un hypnotisme nouveau, caractérisé par sa souplesse et par la variété des
procédés utilisés pour induire l’état
d’hypnose chez les patients (4). L’hypnotisme thérapeutique traditionnel utilisait des formules passe-partout que les
praticiens connaissaient par cœur et récitaient à leurs patients, dans lesquelles
l’injonction de “dormir” était presque
toujours présente et le plus souvent répétée avec insistance. L’hypnotisme scientifique contemporain procède encore
ainsi pour des raisons de standardisation
des conditions d’expérimentation. Une
telle méthode s’accompagne souvent
d’un style autoritaire, lié au fait que la
plupart des “hypnotistes” pensent que
l’hypnose est un état essentiellement passif, qui entretient un rapport de consubstantialité avec la suggestion, elle-même
conçue en termes de soumission du
sujet aux injonctions de l’hypnotiste.
Les hypnotistes ont longtemps cru que cet
état mental était une forme de sommeil,
jusqu’à ce que les progrès de l’électrophysiologie montrent que l’hypnose est
un état de veille calme (5). Pour Erickson,
l’hypnose tient plus du rêve au sens large,
incluant le rêve éveillé, que du sommeil.
Dès le début, il a cherché à développer
des méthodes d’hypnotisation fondées
sur l’encouragement de l’évocation
d’images mentales, qu’elles soient imaginaires ou remémorées. En demandant
aux sujets de se souvenir d’une expérience agréable ou intéressante, en laissant revenir les moindres détails, il facilitait la survenue d’une absorption dans
le souvenir accompagnée d’une diminution de l’attention portée à l’environnement présent. Lorsque des “phénomènes
hypnotiques” (généralement moteurs ou
sensoriels : fixité du regard, catalepsie
partielle ou totale, mouvement “involontaire” d’un bras ou d’une main, hallucination auditive, kinesthésique ou cœnesthésique) commençaient à se manifester,
il les “ratifiait” en les décrivant et en prodiguant ses encouragements. Une
variante de cette méthode, qui estompe
les limites entre la réalité rêvée et la réalité perçue, consiste à demander au sujet
de se concentrer sur un organe ou une
fonction physiologique et à induire l’hypnose en suscitant, par des suggestions
indirectes, la production automatique et
involontaire d’un phénomène dont la survenue surprend le sujet et le convainc
qu’il se trouve dans un état mental particulier. Les hypnotistes ericksoniens
veillent à toujours travailler “sur mesure”,
à s’adapter aussi finement que possible
19
aux réactions individuelles de leurs
patients. Passionné par l’exploration des
phénomènes hypnotiques, Erickson avait
fini par penser que tout être humain possède les ressources intérieures lui permettant d’entrer en hypnose, et donc que
tout un chacun est hypnotisable à condition que le praticien sache trouver et
mobiliser ces ressources. Cette conviction féconde s’est malheureusement
dégradée chez certains épigones en un
dogme déraisonnable selon lequel tout le
monde est hypnotisable à condition d’utiliser les techniques ericksoniennes supposées infiniment supérieures aux techniques traditionnelles.
Existe-t-il une hypnose
ericksonienne ?
La conception ericksonienne de l’hypnose diffère donc de la conception traditionnelle. Mais on peut également constater que l’hypnose ericksonienne diffère
réellement de l’hypnose traditionnelle, je
veux dire que l’état d’hypnose induit par
l’hypnotisme ericksonien présente certaines différences avec l’état induit par
l’hypnotisme traditionnel. Parce que
l’hypnotisme ericksonien est beaucoup
moins ouvertement directif, plus centré
sur l’expérience intérieure des patients et
fait appel à des ressources intérieures
inconscientes, il modèle un état hypnotique plus indépendant et en un certain
sens plus actif, dans lequel le patient se
sent autorisé à s’absorber dans des rêveries ou des souvenirs spontanés, à oublier
l’hypnotiste et à ne pas obéir à des suggestions. La suggestibilité est donc moins
évidente que dans les états hypnotiques
induits selon des techniques traditionnelles. On pourrait s’en étonner : si l’hypnose était un état psychophysiologique
bien défini, possédant une signature
électrophysiologique spécifique, comme
le sommeil lent ou le sommeil paradoxal, on ne voit pas pourquoi la manière
dont il est déclenché affecterait ses propriétés intrinsèques. Mais précisément,
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la plupart des praticiens et des chercheurs
contemporains s’accordent sur la plasticité
extrême de l’état hypnotique. Une bonne
moitié d’entre eux contestent en outre la
réalité de l’hypnose en tant que phénomène
psychophysiologique ayant des caractéristiques stables et bien définies (6).
Parce qu’il n’accorde pas une importance
extrême à la docilité des patients aux suggestions, l’hypnotisme ericksonien
modèle une forme d’hypnose dans
laquelle la spontanéité du patient est plus
grande, et dans laquelle la suggestibilité
n’est pas spectaculairement augmentée.
Mais l’hypnotisme ericksonien ne répudie
pas la suggestion : il recourt à des formes
épurées et modernisées de celle-ci, qui
sont souvent à la fois indirectes et non
directives : il ne faut pas confondre l’“indirection” et la “non-directivité”. Cette dernière ne concerne que le style de la suggestion. Il est possible de faire des
suggestions directes sur un mode non
directif ; par exemple : “Vous allez peutêtre sentir que votre corps est lourd, lourd,
il est possible que vous ayez envie de laisser vos yeux se fermer tout seuls.” Les suggestions de lourdeur des muscles et de fermeture “spontanée” des yeux restent
directes, même si le ton de commandement autoritaire a disparu. Mais si l’hypnotiste suggère la sensation de lourdeur
des masses musculaires et l’envie de fermer les yeux, c’est parce que ces phénomènes font partie des signes prodromiques
de la relaxation, vaguement apparentée
dans l’expérience vécue à la somnolence.
Son vrai but, c’est de provoquer la relaxation. Comme dans la technique de Schultz,
on ne suggère pas directement la relaxation, mais des sensations qui ont de fortes
chances de faciliter la survenue de la
relaxation. Les suggestions dites indirectes sont en fait des suggestions directes
portant sur des phénomènes dont la survenue est susceptible d’entraîner la production du résultat réellement recherché
par l’hypnotiste.
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 1, janvier 2001
L’hypnothérapie ericksonienne
Les formes traditionnelles de l’hypnothérapie accordaient une place centrale à
l’hypnose en raison de son pouvoir d’augmentation de la suggestibilité. C’était évident dans l’hypnosuggestion classique, où
l’intervention thérapeutique consistait uniquement à administrer une suggestion
directe de guérison, d’amélioration, d’analgésie ou de changement de comportement
à un patient préalablement hypnotisé. On
affirme habituellement que l’hypnothérapie ericksonienne prend plus volontiers la
forme des suggestions indirectes. En réalité, l’hypnothérapie ericksonienne n’hésite pas à recourir à des suggestions
directes lorsque cela peut être utile, notamment en analgésie médicale ou dentaire, et
il arrive même parfois que la forme de
telles suggestions soit directive. Par
ailleurs, l’utilisation des suggestions indirectes est systématique dans la pratique
ericksonienne de l’hypnotisme, elle est fréquente dans la psychothérapie ericksonienne non hypnotique, qu’on appelle parfois “hypnose sans hypnose”, mais elle est
exceptionnelle dans la pratique proprement
hypnothérapeutique d’Erickson et des
ericksoniens, qui préfèrent le recours aux
suggestions ouvertes (7) dont la forme
typique est la métaphore. Celle-ci prend
le plus souvent la forme d’un récit symbolique qui évoque, sous forme déguisée, une
solution possible au problème auquel le
patient est confronté (8). Par exemple, le
thérapeute raconte longuement à une
patiente boulimique, après l’avoir hypnotisée, comment certains oiseaux nourrissent leurs petits en régurgitant dans leur
bec, et comment ils cessent de le faire
lorsque le temps est venu pour les oisillons
de se nourrir eux-mêmes (9). En quoi
s’agit-il d’une suggestion ? Le thérapeute
ne suggère rien : il se contente d’un récit
qui peut signifier – mais pas nécessairement – que les conduites de régurgitation
ne sont pas sous le contrôle de la volonté,
qu’elles commencent un jour et s’inter-
20
rompent spontanément un autre jour. Mais
le récit peut également signifier que les
oiseaux sont capables d’arrêter volontairement leurs régurgitations dès qu’elles ne
sont plus utiles. Dans la suggestion
ouverte, c’est le patient qui choisit le sens
du message ambigu qui lui est adressé. Il
entend ce qu’il veut ou ce qu’il peut
entendre. En outre, à la différence des apologues de la rhétorique classique, les métaphores ericksoniennes sont destinées à ne
pas être comprises consciemment par leur
destinataire (8). Elles ne s’adressent pas à
la conscience mais à l’inconscient entendu
dans une conception plus proche de Jung
que de Freud, comme un réservoir de ressources et comme une sorte de moi profond qui peut être crédité d’une sagesse
supérieure à celle du moi conscient. D’une
manière générale, les métaphores ericksoniennes comparent implicitement le problème que le patient n’arrive pas à résoudre
à une tâche qu’il effectue sans difficulté et
qui nécessite une attitude ou une aptitude
analogues à celles dont il aurait besoin
pour résoudre son problème psychopathologique. La suggestion ouverte peut être
comprise et acceptée par l’inconscient, qui
met alors en œuvre, à l’insu du moi
conscient, la solution suggérée… ou une
autre à laquelle l’hypnothérapeute ne s’attendait pas.
La psychothérapie ericksonienne
non hypnotique, ou l’“l’hypnose
sans hypnose”
Erickson semble avoir souvent utilisé
l’hypnose de façon “informelle”, c’est-àdire sans l’annoncer aux patients et parfois sans que ces derniers s’en rendent
compte. Il a souvent recouru en outre aux
techniques développées dans le cadre de
l’hypnotisme et de l’hypnothérapie, telles
que la suggestion indirecte et la métaphore, dans le cadre d’une psychothérapie prescriptive se passant de l’hypnose.
Il semble en effet qu’Erickson, en dépit
de son intérêt passionné pour l’hypnose,
ne l’ait pas systématiquement utilisée en
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pratique clinique : les deux tiers des
patients répertoriés par O’Hanlon et
Hexum (10), qui ont recensé, classé et analysé la totalité des cas cliniques exposés
dans les écrits d’Erickson, ont été traités
sans hypnose. Ces thérapies consistaient
généralement en la prescription d’une
tâche sans rapport apparent avec le problème du patient. Cette prescription était
faite après un ou plusieurs entretiens, qui
permettaient à Erickson d’écouter le
patient, de deviner ce qu’il cachait et
d’observer ce que révélaient ses attitudes
et son comportement non verbal. Ces
prescriptions, le plus souvent des suggestions indirectes, ont inspiré Jay Haley et
sont à l’origine des techniques de la thérapie brève du groupe de Palo Alto et de
tout le courant “systémique” qui en
découle. Dans certains cas, la prescription
est remplacée par une véritable manipulation qui nécessite le recours à des compères et à une mise en scène complexe.
Ainsi, un monsieur âgé un peu guindé
vient consulter pour une phobie des
ascenseurs qui date de plusieurs décennies mais devient vraiment gênante depuis
qu’il a du mal à monter des escaliers. Au
cours de l’entretien, Erickson apprend que
son angoisse phobique n’est pas déterminée par le simple fait de se trouver dans
une cabine d’ascenseur, mais bien par le
mouvement ascendant de cette cabine. Il
remarque en outre que la dignité du
patient s’accompagne d’une grande
réserve et d’une extrême pruderie, ce qui
lui inspire la mise en scène suivante.
Après s’être assuré de la complicité de la
“liftière”, Erickson amène le patient dans
l’ascenseur d’un immeuble élevé. La
cabine s’arrête entre deux étages et Erickson annonce au patient que la jeune et
jolie liftière souhaite l’embrasser, ce que
cette dernière confirme. Submergé par
l’indignation, le patient exige que la liftière remette l’ascenseur en marche. La
scène se reproduit à plusieurs reprises
avec certaines variations, qui ont toutes
en commun d’obtenir le même résultat :
le patient exige que la liftière fasse monter l’ascenseur. Il s’est donc activement
exposé à la situation phobogène, mais
dans une tentative d’échappement à une
situation qui lui paraissait encore pire. La
mise en scène a la même structure qu’une
suggestion indirecte : le patient est placé
dans une situation qui l’oblige à surmonter l’angoisse phobique. On nous assure
que le symptôme disparut après cet épisode (11). Une des caractéristiques de l’approche psychothérapeutique d’Erickson est
donc d’utiliser, dans des psychothérapies
qui ne recourent pas à l’hypnose, tout un
ensemble de procédés inspirés des techniques spécifiques qu’il avait développées
dans le cadre de l’hypnotisme et de l’hypnothérapie. C’est sans doute l’aspect le
plus intéressant de ce qu’on a parfois
appelé “l’hypnose sans hypnose” (12) :
l’état hypnotique n’est pas considéré
comme un ingrédient nécessaire de la thérapie, mais on utilise largement les techniques ericksoniennes de l’hypnotisme et
de l’hypnothérapie pour provoquer directement ou indirectement des comportements souhaités.
Le principe d’utilisation
et le souci d’efficacité
Cet épisode illustre aussi ce qu’on appelle
souvent l’approche utilisationnelle :
Erickson utilise à des fins thérapeutiques
les particularités, habitudes, traits de
caractère ou attitudes typiques de ses
patients. Dans le cas qu’on vient de citer,
il suscite, grâce à la pruderie du patient,
un besoin chez lui de fuir les avances de
la jeune femme. Le principe d’utilisation
est sans doute le principal apport clinique
de Milton Erickson. Il inspire la plupart
des démarches typiquement ericksoniennes dans les trois domaines que
sont l’hypnotisme, l’hypnothérapie et la
psychothérapie sans hypnose.
L’hypnotisme ericksonien est-il supérieur
à l’hypnotisme traditionnel ? Aucune
étude contrôlée ne permet de l’affirmer
(13), mais les techniques ericksoniennes
21
ont progressivement infiltré la pratique
de la plupart des hypnothérapeutes,
même quand ils ne se disent pas ericksoniens. L’hypnothérapie ericksonienne
est-elle supérieure à l’hypnothérapie traditionnelle ? Faute de recherches comparatives fiables, nul ne peut l’affirmer. Les rares
données disponibles permettent de supposer que l’efficacité de l’hypnothérapie
ericksonienne diffère peu de celle des
autres thérapies brèves.
Références
1. Weitzenhoffer AM. The practice of hypnotism.
Vol. 1. Traditional and semi-traditional techniques and phenomenology. New York : John
Wiley, 1989.
2. Melchior T. Créer le réel. Paris : Seuil, 1998.
3. Malarewicz JA, Godin J, Milton H. Erickson,
de l’hypnose clinique à la psychothérapie stratégique. Paris : ESF, 1986.
4. Erickson MH. De la nature de l’hypnose et de
la suggestion. Bruxelles : Satas, 1999 (textes
publiés de 1952 à 1980).
5. Gorton BE. The physiology of hypnosis.
Psychiatr Quaterly 1949 ; 23 : 317-43, 457-85.
6. Barber TX. Hypnosis : a scientific approach.
New York : Basic Books, 1969.
7. Erickson MH, Rossi EL. Les formes indirectes
de suggestion, 1975. In : (4) : 564-95.
8. Petot JM. La place de la métaphore dans la
communication analogique. Phœnix, Revue de
thérapeutique et d’hypnose ericksoniennes
1994 ; 23 : 4-12.
9. Yapko MD. Metaphors for bulimia and anorexia. In : DC Hammond éd. Handbook of
Hypnotic Suggestions and Metaphors. New
York : Norton, 1990 : 404-5.
10. O’Hanlon WH, Hexum AL. Thérapies hors
du commun (trad. fr.). Bruxelles : Satas, 1998
(édition originale : 1990).
11. Haley J. Un thérapeute hors du commun :
Milton H. Erickson (trad. fr.). Paris : Epi, 1984
(édition originale : 1973) : 355-7.
12. Malarewicz JA. La stratégie en thérapie ou
l’hypnose sans hypnose de Milton H. Erickson.
Paris : ESF, 1988.
13. Hammond DC. Are indirect suggestions
superior to direct suggestions ? American
Society for Clinical Hypnosis Newsletter
1987 ; 26 : 3.
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