decision n°87

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DECISION N°87
du 30 septembre 1994
sur la constitutionnalité de l’article 7 du Règlement
des séances communes de la Chambre des Députés et du Sénat
Par l’adresse n°XI/686 du 13 septembre 1994, la Cour Constitutionnelle a été
saisie par le président de la Chambre des Députés et par le président du Sénat, en
vertu de l’art.144 lettre b) de la Constitution et de l’art.21 de la Loi n°47/1994, pour
vérifier la constitutionnalité de l’art.7 du Règlement des séances communes de la
Chambre des Députés et du Sénat, par rapport aux dispositions de l’art. 88 de la
Constitution.
La saisine n’est pas motivée, mais suite aux débats parlementaires qui ont eu
lieu dans la séance des Chambres réunies pour la réception du message adressé au
Parlement par le Président de la Roumanie, le 13 septembre 1994, il resulte que le
problème qui a suscité la controverse relative à l’art.7 du Règlement, a son origine
dans la proposition, que le message soit débattu, immédiatement après sa présentation.
Cette proposition avait son fondement dans les dispositions de l’art.7, alinéa (1)er du
Règlement, conformément auquel "la présentation et le débat des messages adressés
au Parlement" par le Président de la Roumanie sont inscrits, avec priorité à l’ordre du
jour.
Dans la saisine on sollicite l’appréciation sur la constitutionnalité de l’art.7 du
Règlement par rapport aux dispositions de l’art.88 de la Constitution, conformément
auxquelles "Le Président de la Roumanie adresse au Parlement des messages portant
sur les principaux problèmes politiques de la nation".
Vu les dispositions de l’art.144 lettre b) de la Constitution, ainsi que celles des
articles 2, 3, 12 et 21 de la Loi n°47/1992, la Cour Constitutionnelle a la compétence
de vérifier la constitutionnalité de l’art.7 du Règlement des séances communes de la
Chambre des Députés et du Sénat, qui fait l’objet de la saisine.
La Cour Constitutionnelle,
tenant compte des dispositions de la Constitution, de la Loi n°47/1992 et de l’art.7 du
Règlement des séances communes de la Chambre des Députés et du Sénat, aussi bien
des rapports des juges-rapporteurs, constate ce qui suit:
Des dispositions de l’art.88 de la Constitution, il résulte que le message est le
moyen par lequel le Président de la Roumanie communique au Parlement ses opinions
concernant les principaux problèmes politiques de la nation. Au droit du Président
d’adresser le message, correspond, conformément à l’article 62 alinéa (2) lettre a) de la
Constitution, l’obligation des Chambres, réunies en séance commune, de recevoir le
message.
Aucune disposition constitutionnelle ne spécifie l’obligation de soumettre ce
message au Parlement pour le débattre.
De même, suite au fait que l’article 99 de la Constitution spécifie que
seulement les décrets du président sont contresignés par le premier-ministre, il
s’ensuit que le message constitue un acte politique exclusif et unilatéral du Président
de la Roumanie, message que les Chambres réunies en séance commune ont
seulement l’obligation de le "recevoir", conformément à l’article 62 alinéa (2) lettre a)
de la Constitution. C’est pourquoi l’organisation des débats sur le message, avec la
participation du président, vient en contradiction avec ces dispositions.
Par sa place et par son rôle, qui découlent de l’élection directe par le peuple ce qui lui confère un degré équivalent de légitimité avec le Parlement, lui aussi élu
directement -, le Président de la Roumanie ne peut pas être participant à un débat
parlementaire, parce que cela signifierait qu’il soit engagé du point de vue de sa
responsabilité politique, ce qui est contraire à sa position constitutionnelle, se trouvant
ainsi dans une situation similaire à celle du Gouvernement qui, conformément à
l’article 108 alinéa (1)er de la Constitution, rend compte du point de vue politique
devant le Parlement.
La réception du message par les Chambres réunies constitue une modalité de
la collaboration des deux autorités élues par vote directe - le Parlement et le Président
de la Roumanie - constituant une information des parlementaires sur les opinions du
président, en ce qui concerne les principaux problèmes politiques de la nation. C’est
pourquoi, après la réception du message par les Chambres, les aspects qui forment son
contenu pourraient constituer l’objet d’un débat, mais en tant que problème séparé.
Rien ne peut empêcher le Parlement, en tant qu’organe représentatif suprême du
peuple roumain, conformément à l’article 58 alinéa (1)er de la Constitution, de
débattre un problème spécifié dans le message qu’il a reçu, et même d’adopter une
mesure, suite à ces débats. Mais c’est un autre aspect ultérieur et suivant à la réception
du message, sans la participation du président, ne constituant plus l’expression d’une
obligation constitutionnelle, comme celle de la réception du message, mentionnée à
l’article 62 alinéa (2), lettre a) de la Constitution, mais l’exercice d’une prérogative
propre, caractéristique à l’activité parlementaire. L’objet et le but d’un tel débat ne
pourraient pas être le rejet du message, parce que "recevoir" - tel que l’art. 62 alinéa
(2) lettre a) de la Constitution spécifie - ne peut pas être confondu avec "rejeter".
C’est pourquoi le débat pourrait suivre exclusivement l’expression de l’opinion des
parlementaires portant sur le problème en question et, selon les cas, l’adoption des
mesures appropriées.
Vu ce qu’on vient de mentionner, il s’ensuit que le texte de l’art.7 alinéa (1)er
du Règlement, qui fait référence "à la présentation et au débat" du message, suite au
fait qu’il réunit deux aspects qui ne peuvent être que distincts, est inconstitutionnel,
pour ce qui est de l’obligation du débat. Il vient en conflit non pas avec le droit au
message, consacré par l’art.88 de la Constitution, mais avec les dispositions de
l’art.62 alinéa (2) lettre a) de la Constitution, qui instituent l’obligation des Chambres
de "recevoir" le message.
Mais à part l’article 88, la Constitution fait aussi référence expressément au
message, dans le contenu des dispositions de l’art.92 alinéa (3), portant sur
l’information du Parlement en ce qui concerne les mesures prises pour repousser une
agression. Dans cette situation, tenant compte des attributions constitutionnelles du
Parlement, mentionnées à l’article 62 alinéa (2), lettres c) et d) de la Constitution et du
fait que le message a comme objet une décision adoptée, sa présentation, aussi bien
que son débat ne peuvent être que concomitants, ainsi qu’on spécifie à l’article 7
alinéa (1)er du Règlement.
En conclusion, tenant compte des dispositions de l’art.144 lettre b) de la
Constitution, du Règlement des séances communes de la Chambre des Députés et du
Sénat, et de la Loi n°47/1992, à la voix de la majorité,
La Cour Constitutionnelle,
Au nom de la loi,
DECIDE:
1. La disposition de l’art.7 alinéa (1)er du Règlement des séances communes
de la Chambre des Députés et du Sénat, relative à l’obligativité du débat des messages
présentés par le Président de la Roumanie, est inconstitutionnelle, à l’exception des
situations auxquelles se réfère l’art.92 alinéa (3) de la Constitution.
2. La présente décision est communiquée aux deux Chambres du Parlement et
publiée au "Monitorul Oficial" de la Roumanie, Partie Ière.
Le débat a eu lieu le 30 septembre 1994, et y ont participé Vasile Gionea,
président, Viorel Mihai Ciobanu, Mihai Constantinescu, Ion Filipescu, Antonie
Iorgovan, Ioan Muraru, Florin Bucur Vasilescu et Victor Dan Zlãtescu, juges.
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