
La Lettre du Gynécologue - n° 322 - mai 2007
Gynéco et société
Gynéco et société
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du statut que l’on devrait ou non accorder au fœtus, en revan-
che, il ne fait aucun doute aux yeux de tous que l’enfant né
vivant, ne fût-ce qu’une seconde, est une personne. Avant sa
naissance, il n’est pas une personne. Cette frontière radicale
sur le plan du droit ne justifie pas évidemment une attitude
binaire de respect absolu dans un cas et de respect relatif dans
un autre, d’autant que cette frontière peut correspondre à des
âges chronologiques différents : une naissance prématurée
suffit à transformer soudain un fœtus en nouveau-né. Le droit
a son formalisme mais le regard porté sur le fœtus, reconnais-
sant son origine humaine, impose le respect. Cela implique
pour les soignants de prendre en compte le corps de ce fœtus
ou de cet enfant mort-né.
Il convient donc de veiller à ce que le regard, forcément ana-
lytique, porté par la médecine et la loi sur les caractéristiques
objectives du fœtus ou du nouveau-né mort (âge chronologi-
que, poids, viabilité, pathologie…) ne heurte pas de front les
représentations affectives que se faisaient les parents de leur
enfant en devenir. En effet, pour eux, ce processus ne peut
être réduit aux caractéristiques précises du stade particulier
auquel son développement s’est soudain interrompu. Dans le
même esprit, les distinctions légales précises (enfant né mort,
vivant, viable ou non viable, enfant décédé avant ou après que
sa naissance ait été déclarée à l’état civil…), même si on peut
concevoir leur éventuelle utilité, ont, au regard des représen-
tations et de la détresse des parents, une dimension arbitraire
qu’on ne peut négliger.
LA RECHERCHE : DES PERSPECTIVES NOUVELLES
POUR LA MÉDECINE
Sur le plan médical, deux domaines bien distincts se déga-
gent, permettant à la médecine de revendiquer un accès aux
embryons et fœtus :
L’utilisation de tissus embryonnaires ou fœtaux dans un
but de recherches fondamentales permettant l’obtention de
lignées cellulaires (à finalité d’amélioration des connaissances,
de travaux de pharmacologie, d’oncologie ou de pharmaco-
génétique…) ou de recherches à finalité thérapeutique (sou-
vent appelées dans les médias recherches sur l’embryon) qui
doivent garder un caractère exceptionnel et être justifiées à la
fois par la rareté des maladies traitées, l’absence de toute autre
thérapeutique également efficace, et l’avantage manifeste que
pourrait apporter une telle approche.
L’utilisation de l’embryon ou du fœtus à des fins diagnosti-
ques (recherche de la cause d’une interruption spontanée de la
grossesse, confirmation des diagnostics in utero), qui est légi-
time, et qui répond à une demande de nombreux couples de
mieux comprendre ce qui s’est passé, démarche fondamentale
pour le travail de deuil, mais aussi pour la préparation et le
suivi de grossesses à venir et pour le progrès des connaissan-
ces en médecine.
Mais il serait erroné de considérer que ce second domaine
est hors du champ de la recherche, car en son sein se mêlent
nécessairement des dimensions de recherche, les cliniciens-
chercheurs essayant en permanence de mettre en évidence
de nouveaux marqueurs pour élucider les causes de malfor-
mations et de décès. Soins et recherche sont donc fortement
intriqués. Des lignées cellulaires, issues d’interruption de
grossesse, sont constituées depuis des dizaines d’années et
leurs études sont essentielles pour la recherche, notamment
pour les maladies génétiques. Pour autant, la recherche des
causes de la mort accompagnée de volets de recherche, tou-
jours essentielle pour comprendre le décès et éventuellement
prévenir une nouvelle pathologie fœtale lors d’une grossesse
ultérieure, ne peut justifier des mesures de conservation sys-
tématique du corps. Les familles peuvent souhaiter procéder
à des rituels d’incinération ou d’inhumation indispensables au
vécu de leur souffrance. C’est la raison pour laquelle, dans tous
les cas, tout prélèvement et toute conservation doivent passer
par une information claire et un consentement explicite.
Depuis 1960, au Wistar Institute de Philadelphie (lignée
WI38) puis au Medical Research de Londres (lignée MRC5)
des lignées fibroblastiques embryonnaires humaines ont été
développées chacune à partir d’un embryon d’IVG. La recher-
che (grâce à l’introduction dans les cellules humaines cultivées
ex vivo d’un gène de virus oncogénique) à partir des tissus pré-
levés a permis la création de lignées de cellules provenant de
certains organes : foie, rein, cartilage... Certaines de ces lignées
sont d’origine embryonnaire et conservent de manière stable
quelques caractères de la différenciation spécifique du tissu
dont elles dérivent. Ces lignées de cellules différenciées sont
d’un grand intérêt pour la recherche et peuvent parfois rem-
placer les modèles animaux. Enfin, certaines de ces cellules en
culture sont et, surtout, pourraient à l’avenir être utilisées à
des fins thérapeutiques.
Les techniques de congélation des cellules permettent des uti-
lisations répétées à partir d’un même stock. Ces lignées ont
été mises à la disposition de l’ensemble de la communauté
scientifique par différentes institutions et sont utilisées pour
la préparation de réactifs, en particulier dans la production
des vaccins.
Outre ces collections de cellules embryonnaires humaines
“normales”, il existe aussi des collections de cellules humai-
nes provenant de sujets atteints de maladies génétiques, ou
d’embryons après interruption de la grossesse à la suite du
diagnostic prénatal de ces maladies. Ces collections de cellu-
les ont permis des recherches importantes sur l’origine et les
mécanismes des désordres héréditaires.
Concernant les cellules souches, il existe plusieurs catégo-
ries :
Les cellules souches spécifiques de tissu. Il s’agit des pré-
curseurs des différentes populations cellulaires constituant
un tissu différencié tel que le système hématopoïétique, le
système nerveux, les muscles, etc. Ces cellules peuvent, en
principe, être utilisées pour tenter de reconstituer un tissu
endommagé par une maladie ou une anomalie du développe-
ment, mais ne participent d’aucune façon à la constitution de
la lignée germinale.