La Lettre du Gynécologue - n° 322 - mai 2007
Gynéco venue d’ailleurs
Gynéco venue d’ailleurs
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La prééclampsie
La prééclampsie n’est pas un facteur de risque de MTEV de
l’anté-partum, mais multiplie par trois le risque de MTEV du
post-partum, avec peut-être, en plus, un rôle joué par l’alite-
ment imposé avant et après la délivrance. C’est le cas d’une
patiente qui a développé une TVP des membres inférieurs à
j + 18 du post-partum suite à un Hellp syndrome.
État veineux préexistant
Les varices préexistantes, dont on sait que l’état gravide favo-
rise le développement, constituent certainement un facteur de
risque de thromboses veineuses superficielles et/ou de throm-
boses veineuses profondes (38 % de nos patientes ont des vari-
ces préexistantes).
Les antécédents de MTEV sont un facteur de risque indénia-
ble, surtout en début de grossesse, qu’on doit traiter (héparine,
puis antivitamine K).
Les antécédents de thromboses veineuses profondes (TVP)
exposent globalement à 5 à 10 % de récidives de MTEV lors d’une
grossesse ultérieure, mais, là encore, le risque n’est pas le même,
en fonction de l’existence ou non d’un facteur causal préalable,
ou de l’existence ou non de facteurs thrombophiles biologiques
associés. Ainsi, dans la série de Brill-Edwards (8), sur 125 fem-
mes enceintes ayant un seul antécédent de MTEV plus de 3 mois
avant la grossesse sans traitement anticoagulant pendant la gros-
sesse, trois cas (2,4 %) de récidive de TVP sont observés pendant
la grossesse et trois cas dans le post-partum après l’arrêt, parfois
trop précoce, du traitement anticoagulant, avec identification
d’un facteur V Leiden et d’un déficit confirmé en protéine S.
Thrombophilie biologique
Le risque de MTEV pendant la grossesse ou le post-partum
en présence de thrombophilie biologique dépend du type de
thrombophilie, et aussi des facteurs additionnels et environne-
mentaux (âge, poids). La fréquence de ces principaux facteurs
de risques génétiques dans la population générale et chez des
patientes avec MTEV ainsi que le risque relatif propre à chacun
de ces facteurs sont indiqués dans le tableau III. On peut clai-
rement distinguer les déficits en inhibiteur de coagulation (dus
à des mutations privées rares) et qui sont associés à un risque
relatif élevé de MTEV (environ 10), de la mutation Leiden du
facteur V ou de la mutation G20210A du gène prothrombine
qui sont plus fréquentes dans la population générale, mais qui
porte un risque relatif plus faible de MTEV (9).
Le type d’accouchement
Le risque thromboembolique de la césarienne rejoint celui
de la chirurgie gynécologique. La fréquence de TVP symp-
tomatique clinique est de 2,2 à 3 % après césarienne, contre
0,08 à 1,2 % après accouchement par voie basse (10, 11). Cette
multiplication globale de 2 à 5 du risque de MTEV est plus
forte, comme dans toute chirurgie, si la césarienne est faite en
urgence (x 5), si elle est programmée (x 2). Ce qui ne concorde
pas avec notre série : onze patientes (52,3 %) ont accouché par
voie basse et trois (14,2 %) par voie haute.
La date de survenue
La méta-analyse de Ray et Chan (12), regroupant 12 étu-
des publiées entre 1966 et 1988, fait apparaître que 34 % des
accidents surviennent dans le post-partum, et 66 % pendant
la grossesse (22 au cours du premier trimestre, 34 au cours
du deuxième trimestre et 44 au cours du troisième trimes-
tre). Dans notre série, quatorze cas (73,6 %) ont présenté des
signes cliniques au cours de la grossesse, surtout au troisième
trimestre (1 cas au T1, 4 cas au T2 et 9 cas au T3), et cinq cas
(26,3 %) ayant une symptomatologie en post-partum avec un
délai moyen d’apparition de 18 jours.
Diagnostic
Durant la grossesse, le siège de la thrombose est le plus sou-
vent sural ou ilio-fémoral avec une prédilection du côté gauche
(13). Le tableau clinique est le plus souvent trompeur (la lour-
deur, l’œdème, des cordons variqueux). Le signe de Homans
est inconstant et son absence ne permet pas d’infirmer le
diagnostic de TVP. Ce signe est positif dans 16 cas (84,2 %)
dans notre série.
L’échographie doppler est le premier examen à demander
(fiable, anodin et répétitif). S’il est normal, avec la clinique en
faveur d’une phlébite, on commence le traitement anticoagu-
lant avec un contrôle échographique quelques jours plus tard
(14).
Devant une suspicion d’embolie pulmonaire (clinique, ECG,
gaz du sang, radiographie du thorax), une angiographie pulmo-
naire ou une scintigraphie de ventilation ou de perfusion seront
indiquées (très peu irradiantes car utilisant un isotope de courte
durée). On rapporte un seul cas d’EP en post-partum suspecté
cliniquement, et confirmé par l’angiographie pulmonaire.
Traitement
L’héparinothérapie est le traitement anticoagulant de choix,
car il n’y a pas de passage à travers le placenta ; sa durée dépend
de l’âge gestationnel de survenue de MTEV.
Les antivitamines K (AVK) au premier trimestre peuvent
entraîner des embryopathies, surtout du système nerveux cen-
tral et ophtalmique, avec le risque hémorragique au moment
de la délivrance et l’hémorragie néonatale. Certains autori-
sent les AVK pour les femmes enceintes porteuses de valves
mécaniques et les injections d’héparine à répétition en cas
de contre-indication à l’héparinothérapie (la femme doit être
informée sur le risque fœtal) [15]. Les francophones contre-
indiquent l’allaitement maternel en cas de prise d’AVK.
Au cours de la grossesse, l’héparine standard est administrée initia-
lement par voie intraveineuse ; une dose de charge de 50 unités/kg
est recommandée, la dose quotidienne étant calculée sur la base
de 15 à 20 unités/kg/h. Cette posologie est adaptée en fonction
des résultats des tests biologiques : temps de céphaline activée (1,5
à 2 fois le témoin) et l’héparinémie (0,2 à 0,6 UI). Le traitement
anticoagulant doit être continué en post-partum : chevauchement
héparine-AVK jusqu’à dose adéquate des AVK et ensuite les AVK
seuls durant six semaines du post-partum, voire trois mois (16).
La manipulation d’héparine de bas poids moléculaire est plus