anti-Ma, car ceux-ci sont associés à de multiples cancers et ne per-
mettent pas d’orienter avec précision la recherche du cancer sous-
jacent. En outre, leur fréquence respective reste à déterminer.
En pratique, que faut-il préciser
sur la demande ?
Plusieurs laboratoires effectuent les recherches d’anticorps anti-
neuronaux. Il importe d’en choisir un qui vérifie de façon systé-
matique la positivité observée en immunohistochimie par une
technique de Western-Blot ou d’ELISA. Sur le plan pratique,
chaque laboratoire a ses modalités précises. Dans le nôtre, par
exemple, il suffit d’envoyer à température ambiante par Chrono-
post 2 à 3 centimètres cubes de sérum. Le sérum est systémati-
quement testé en immunohistochimie sur coupe de cerveau de
rat. La demande doit être accompagnée de renseignements sur
le tableau clinique et sur le cancer sous-jacent, afin d’orienter la
recherche des anticorps et de permettre des regroupements clini-
co-sérologiques ultérieurs. La recherche des anticorps anti-Ta et
anti-Ma se fait par une technique particulière et doit être justi-
fiée. Nous ne faisons pas la recherche d’anticorps anticanaux
calciques voltages-dépendants, puisque l’EMG fait de façon
fiable le diagnostic de syndrome de Lambert-Eaton.
Devant un patient présentant un syndrome
paranéoplasique mais sans cancer retrouvé,
jusqu’où faut-il pousser les investigations
carcinologiques ?
La spécificité des anticorps est excellente, c’est-à-dire que lors-
qu’un anticorps est retrouvé, un cancer sous-jacent est présent
dans presque la totalité des cas. Parfois ce cancer est si petit qu’il
n’est pas décelable par les investigations paracliniques usuelles,
qu’il faut alors répéter tous les 3 à 6 mois pendant au moins 2 ans.
Le type d’anticorps antineuronal retrouvé dans le sérum du patient
permet d’orienter cette recherche. Ainsi, les anticorps anti-Hu et
anti-CV2 sont associés aux cancers du poumon à petites cellules,
les anti-Yo aux cancers gynécologiques (en particulier ovariens),
les anti-Ri aux carcinomes mammaires, les anti-Ta aux cancers du
testicule, les anti-Tr ou les anti-GluR1 à la maladie de Hodgkin.
Si, malgré des investigations répétées, aucun cancer n’est
retrouvé, une exploration chirurgicale (en particulier une lapa-
rotomie exploratrice dans le cas des anti-Yo) ou un PET-scan
thoracique, dont la sensibilité semble supérieure au scanner
thoracique hélicoïdal, doivent être discutés.
Comment traiter de tels patients ?
Sur le plan de la prise en charge thérapeutique, le principal
espoir repose sur la découverte de la tumeur et de sa mise en
rémission complète. Ainsi, dans une série rétrospective de 51
patients présentant une encéphalomyélite paranéoplasique anti-
Hu et un cancer (généralement un cancer du poumon à petites
cellules), le seul facteur prédictif de stabilisation neurologique
était la mise en rémission complète de la tumeur. Certains syn-
dromes paranéoplasiques présentent aussi une sensibilité parti-
culière aux traitements immunosuppresseurs, aux immunoglo-
bulines intraveineuses ou aux plasmaphérèses. Il s’agit surtout
du syndrome de Lambert-Eaton, de l’opsoclonus paranéopla-
sique et parfois du syndrome de l’homme raide (Stiff-man syn-
drome). Le syndrome de Lambert-Eaton bénéficie également
de drogues spécifiques, comme la 3,4-diamino-pyridine. En
dehors de ces cas particuliers, même si les traitements immu-
nomodulateurs ou immunosuppresseurs sont peu ou pas effi-
caces, il est légitime d’essayer systématiquement une cortico-
thérapie à fortes doses pendant quelques jours.
Au total, l’efficacité globale des thérapeutiques actuelles est faible,
et le syndrome neurologique reste dans la plupart des cas la cause
du décès. La mise au point de nouveaux protocoles visant à contrô-
ler efficacement ces syndromes paranéoplasiques est d’actualité.
Quelles sont les perspectives actuelles
dans ce domaine ?
La pathogénie des syndromes neurologiques paranéoplasiques
reste inconnue, même s’il existe de forts arguments pour l’attri-
buer à un désordre immunologique. L’étude de la réponse
immune est indispensable pour mieux appréhender la prise en
charge de ces patients et adapter les traitements immuno-
modulateurs. La responsabilité de la réponse immune cellulaire
cytotoxique est de plus en plus documentée au cours des syn-
dromes paranéoplasiques, excepté dans le syndrome de Lam-
bert-Eaton où les anticorps circulants jouent un rôle physiopa-
thologique démontré. L’étude des épitopes reconnus est en
cours et débouchera peut-être sur des thérapies très spécifiques.
L’autre axe de recherche majeur est la découverte de nouveaux
anticorps circulants, puisque l’ensemble des anticorps connus ne
permet le diagnostic de syndrome paranéoplasique que dans la
moitié des cas. L’identification de nouveaux anticorps passe par
la centralisation régionale ou nationale des données cliniques des
patients et de leur sérums, afin de procéder à des regroupements
cliniques et à l’étude comparative de leur sérums.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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La lettre du neurologue - n° 6 - vol. IV - décembre 2000
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