enquête ethnobotanique des plantes utilisées dans le traitement du

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Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 2009, 148, 123-138
ENQUÊTE ETHNOBOTANIQUE DES PLANTES
UTILISÉES DANS LE TRAITEMENT DU
PALUDISME À BANGUI (*)
Didier Ponel Béranger LAKOUÉTÉNÉ (1), Gérard NDOLNGAR (1),
Bénédicte BERKÉ (2), Jean-Méthode MOYEN (3),
Éphrem KOSH KOMBA (1), Innocent ZINGA (1), Semballa SILLA (1),
Jeanne MILLOGO-RASOLODIMBY (4), Philippe VINCENDEAU (5),
Jean-Laurent SYSSA-MAGALÉ (1),
Odile Germaine NACOULMA-OUEDRAOGO (4), Rémi LAGANIER (6),
Alain BADOC (7), Catherine CHÈZE (2)
(*) Manuscrit reçu le 11 février 2009
(1) Laboratoire des sciences Biologiques et Agronomiques pour le
Développement/Substances Naturelles et Pharmacodynamiques (LaSBAD/SNP),
Faculté des Sciences et de Technologie, Université de Bangui, avenue des martyrs,
BP 1450, Bangui, République centrafricaine. hosanalak2@yahoo.fr,
[email protected], syssamagalejl@hotmail.com
(2) Laboratoire de Pharmacognosie, Université Victor Segalen Bordeaux 2, 146 rue
Léo-Saignat, Case 80, 33076 Bordeaux CEDEX. [email protected]-
bordeaux2.fr, cat[email protected]-bordeaux2.fr
(3) Service de Lutte contre le Paludisme, Ministère de la Santé Publique, de la
Population et de la Lutte contre le SIDA, République centrafricaine.
(4) Laboratoire de Biochimie et Chimie Appliquées (LaBioCa), Unité de Formation et
de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre (UFR/SVT), Université de
Ouagadougou, av. Charles De Gaulle, BP 1938 Ouagadougou, Burkina Faso.
jmilogo@univ-ouaga.bf
(5) Laboratoire de parasitologie, EA 3677, UFR Sciences Pharmaceutiques,
Université Victor Segalen Bordeaux 2, 146 rue Léo-Saignat, Case 85, 33000
Bordeaux. philippe.vincendeau@parasito.u-bordeaux2.fr
(6) Institut Pasteur de Bangui, BP 923 Bangui, République centrafricaine.
rlaganier@hotmail.com
(7) Laboratoire de Sciences végétales, Mycologie et Biotechnologie, GESVAB EA
GESVAB-EA 3675, Faculté des Sciences pharmaceutiques, Université Victor
Segalen Bordeaux 2, ISVV, 210 Chemin de Leysotte, CS 50008, 33882 Villenave-
d’Ornon. alain.badoc@u-bordeaux2.fr
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Une enquête ethnobotanique à Bangui en République
centrafricaine, au cours de laquelle 400 personnes ont été
interrogées, a permis de recenser 27 espèces végétales
antipaludiques réparties en 25 genres et 16 familles dont 13
d’Eudicotylédones et 3 de Monocotylédones. La plupart des
espèces sont d’origine tropicale.
Les plantes sont recherchées par 75 % de la population pour
des raisons financières et pour leur efficacité, ressentie dans 51 %
des cas. Les feuilles sont les organes les plus utilisés. La décoction
est le mode de préparation dominant et l’administration se fait
majoritairement par voie orale.
La majorité de personnes atteintes de paludisme ne se rend
pas à l’hôpital en raison de la cherté des médicaments.
Cependant, quelques-unes se soignent exclusivement par les
médicaments tels que la quinine, la chloroquine, l’association
sulfadoxine-pyriméthamine et l’amodiaquine.
INTRODUCTION
On compte chaque année au moins 300 millions de cas aigus de
paludisme dans le monde, et plus d’un million de décès lui sont attribuables.
Environ 90 % de ces décès surviennent en Afrique, principalement chez les
jeunes enfants et la femme enceinte. Le paludisme est la principale cause de
mortalité chez les enfants de moins de cinq ans en Afrique (20 % des décès
lui sont liés) et il représente 10 % de la charge totale de la morbidité du
continent [36].
La République centrafricaine considère le secteur de la santé comme
étant indispensable au développement car c’est l’un des pays les plus
touchés par le paludisme qui demeure une priorité de santé publique. Selon
le Ministère de la Santé Publique centrafricain, le paludisme occupe le
premier rang des causes de morbidité et de mortalité avec 40 % des
consultations et 13,8 % des décès qui surviennent dans les formations
sanitaires [22].
La non-accessibilité géographique et économique aux soins de santé
moderne, l’insuffisance et la mauvaise répartition des personnels de santé,
de même que les comportements socioculturels, sont des facteurs qui font
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que plus de 80 % de la population en Afrique ont recours à la médecine
traditionnelle [30].
Dans un but thérapeutique, les hommes préhistoriques utilisaient les
plantes [12]. La plupart de la population centrafricaine utilise pour diverses
raisons différentes parties des végétaux (feuilles, écorces, racines, etc.) dans
les traitements de diverses maladies dont le paludisme. Le premier
traitement efficace du paludisme date du début du XIV siècle et est
constitué par un décocté d’une poudre d’écorce de Quinquina [10].
Devant ce constat, il s’avère nécessaire de savoir si parmi les plantes
utilisées contre le paludisme en Centrafrique, certaines peuvent être mises
en valeur pour un traitement véritablement efficace. La richesse de la flore
centrafricaine permet d’espérer trouver des traitements efficaces à base de
plantes. Dans cette optique, une étude ethnobotanique à Bangui, capitale de
la République centrafricaine, a été engagée. Les espèces végétales réputées
antipaludiques ont été inventoriées et décrites, leur mode d’utilisation et les
habitudes de la population dans le traitement du paludisme ont été pris en
compte.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Zone d’étude
La zone étudiée est le 8e arrondissement, situé au Nord-Ouest de la
ville de Bangui, limité au Nord-Est par le 4e arrondissement, à l’Ouest par la
commune de Bimbo et au Sud par le 5e arrondissement. Sa superficie est de
6,22 km2 [8].
Sa population est composée principalement des ethnies Gbaya,
Banda, Mandjia et Sara [20].
Matériel végétal
25 plantes médicinales recensées lors des enquêtes ethnobotaniques
menées auprès de la population du 8e arrondissement ont été récoltées
fraiches dans leur milieu écologique à 18 et 22 km de Bangui sur les routes
de Mbaïki et Damara. Une planche d’herbier par espèce a été confectionnée
et déposée à la Faculté des Sciences de l’Université de Bangui pour
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identification et confirmation de certains noms. La flore de Côte-d’Ivoire [4]
a servi à la détermination.
Les types biologiques ont été recensés d’après la classification de
Raunkiær [28]. Les principaux types de distribution phytogéographique ont
été retenus en se référant aux travaux réalisés par Lejoly et al. [15].
Enquête ethnobotanique
Il s’agit d’une étude transversale descriptive réalisée dans le 8e
arrondissement de Bangui de mars à mai 2008.
La population de l’étude est constituée de toute personne de plus de
18 ans habitant l’arrondissement au cours du déroulement de l’enquête.
Une enquête ethnobotanique a été réalisée à l’aide d’une fiche
remplie par interrogation orale. Le questionnaire a été axé sur les habitudes
thérapeutiques de la population en matière de lutte contre le paludisme, le
nom local, les organes ou la ou les parties de la plante utilisée, les
indications thérapeutiques, les méthodes de récolte, les recettes, les modes
d’administration, les effets secondaires, etc.
Pour des raisons pratiques (ressources financières limitées), la
méthode non probabiliste a été utilisée comme méthode d’échantillonnage.
La technique utilisée a été basée sur un choix raisonné : la taille de
l’échantillon n avec un intervalle de confiance de 95 % et un risque d’erreur
de 5 % a été calculée selon la formule de Schwartz [31], à partir du centre de
l’arrondissement :
n = P (1-P) Zα2 / i2
P = 37 %, prévalence du paludisme dans la population générale [22]
Zα = 1,96 écart-type correspondant au risque d’erreur 5 %
i = 5 %, précision
On obtient n = 358 et la taille de l’échantillon a été arrondie à 400
personnes interrogées.
L’enquête a débuté d’après l’orientation d’un crayon lancé au sol.
Les ménages ont été visités de proche en proche et interrogés selon le
consentement des chefs de ménage ou de toute personne représentant
l’autorité parentale.
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SULTATS
Informations générales sur les personnes enquêtées
Sur 400 personnes, on a 172 femmes et 228 hommes, soit 57 % de
sexe masculin.
L’âge médian des personnes interrogées est situé dans l’intervalle 40
à 44 ans. La classe modale est de 50 à 55 ans (Figure 1).
Fig. 1 : Répartition de 400 enquêtés sur l’utilisation des plantes dans le
traitement du paludisme du 8e arrondissement de Bangui en fonction de
l’âge.
Les personnes enquêtées sont 6 % à être analphabètes et 9 % à avoir
un niveau supérieur (Tableau I). Les prestataires de services sont
généralement des coiffeurs, des couturiers, des menuisiers ou des maçons,
tandis que les commerçants sont souvent des femmes vendant des beignets,
des arachides ou de la bouillie traditionnelle de riz, manioc ou maïs.
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