Des événements clés
pour l’armée française
La défaite de 1870 contre la Prusse représente un énorme
traumatisme national. Ce désastre crée une forte volonté de
revanche. La dette de guerre de 5 milliards de francs - or,caution-
née par l’occupation d’une partie du Nord-Est de la France et
surtout la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine hantent
la conscience nationale. Suite aux importantes déficiences de l’ar-
mée constatées à l’issue du conflit, des crédits conséquents sont
votés chaque année par l’Assemblée Nationale afin de réaliser les
réformes nécessaires.
La Commune de Paris. En mars 1871, la révolte du peuple de
Paris, en réaction à la crise profonde que traverse le régime,
démontre qu’un gouvernement peut être ébranlé par des mou-
vements sociaux incontrôlés.Tout au long de son histoire, la IIIe
République (1870-1940) entretient une profonde réflexion sur le
maintien de l’ordre.
L’Affaire Dreyfus divise l’armée française. Le capitaine
Alfred Dreyfus (1859-1935) est accusé à tort d’espionnage au
profit de l’Allemagne. Déporté en Guyane en 1894 puis reconnu
innocent,il est réhabilité en 1906.La gauche républicaine,qui sou-
tient la thèse de l’erreur judiciaire, s’oppose à la droite monar-
chiste et patriotique, qui défend l’intégrité de l’armée. L’article
d’Emile Zola paru dans le quotidien l’Aurore le 13 janvier 1898,
intitulé « J’accuse », est resté célèbre comme acte de naissance
des intellectuels français.
La crise du Boulangisme. Le Général Boulanger
(1837-1891), ministre de la Guerre en 1886, mis à la
retraite en 1888, est élu triomphalement député à Paris le
27 janvier 1889, mais refuse, à la tête de ses partisans
nationalistes et monarchistes, de marcher sur l’Elysée.
La Loi de séparation de l’Église et de l’État.
Les
vives querelles religieuses à l’occasion de la séparation de
l’Église et de l’État en 1905 amènent de nombreux officiers
à démissionner, suite à la rédaction des inventaires des
biens de l’Église où il a fallu faire donner la troupe pour éva-
cuer les religieux et les paroissiens qui s’y opposaient.
L’émergence du pacifisme est liée à la montée en
puissance du parti socialiste. Les partis de gauche
sont hostiles au projet de loi déposé en 1913 proposant
le passage à trois ans du service militaire. Les attaques les
plus violentes sont lancées par Jean Jaurès, préoccupé par
la course aux armements remettant en cause la paix en
Europe.
Cette période politiquement trou-
blée engendre dans l’ensemble de
la société française un désir d’ord-
re, incarné par la discipline militai-
re. L’armée française, « la grande
école des générations futures »,
l’artisan de développement de
l’Empire colonial français, est l’ob-
jet de l’attention de toute la
nation. Il s’agit, pour les classes
dirigeantes, après la défaite de
1870,de reconstruire l’unité natio-
nale et, au travers de l’armée, de
promouvoir une réforme morale
et un renouvellement de la cons-
cience collective. Dans ce contex-
te, les militaires jouissent d’une
exceptionnelle sollicitude au sein
de la population.
A la charnière des XIXeet XXe
siècles, la France connaît des
événements politiques majeurs
qui entraînent de profondes
réformes de l’armée française,
techniques et structurelles.
La période 1871-1914 est
surtout marquée par
les rapports tendus entre
la France et l’Allemagne.
Jean Jaurès (L’Illustration, 1900. BM Evreux)
Dégradation du Capitaine Dreyfus (L’Illustration, janvier 1895. BM Evreux)
La démolition de la Colonne Vendôme lors de la Commune de Paris
(L’Illustration, mai 1871. BM Evreux)
Portrait du Général Boulanger
(L’Illustration, janvier 1886. BM Evreux)
Portrait de Bismarck
(L’Illustration, juillet 1870. BM Evreux)
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Les grandes réformes
Les modalités de recrutement
de l’armée française ont
considérablement évolué
depuis l’Ancien Régime.
Les réformes de la fin du
XIXesiècle ont trois effets
majeurs : effectifs en hausse,
matériel renouvelé et
nouvelles infrastructures.
La Révolution supprime les milices provinciales (troupes permanentes levées dans le Royaume afin
de compléter les régiments royaux en cas de guerre), créées en 1688 par Louvois, secrétaire d’État
à la guerre de Louis XIV, et les remplace par le Service National, un des grands mythes fondateurs
de la République Française.
1798 Le 5 septembre, le député Jourdan fait voter la loi qui rend le service militaire obligatoire.
L’article 1 précise :“Tout français est soldat et se doit à la défense de la patrie”. Le système de conscrip-
tion moderne est la réquisition par l’Etat d’une partie de sa population masculine afin de servir ses
forces armées.
L’Empire Les Français sont astreints au service entre 20 et 25 ans. Cinq classes sont formées et,
en fonction des besoins – importants pendant les campagnes napoléoniennes – une ou plusieurs
classes sont appelées. Il peut y avoir rappel des classes libérées et anticipation de l’appel des
classes futures.Très impopulaire, la conscription est supprimée par Louis XVIII.
1818 Le nombre de volontaires étant insuffisant, le système d’appel du contingent par tirage au
sort et remplacement payé est créé. Jusqu’aux réformes de la fin du siècle, seule la durée du
service varie : 6 ans de 1818 à 1824, 8 ans de 1824 à 1832, 7 ans à partir de 1832.
1870-1871 Le gouvernement de défense nationale dirige la guerre contre la Prusse. Les soldats
sont inexpérimentés,les cadres insuffisants,les préfets chargés du recrutement manquent de com-
pétence dans ce domaine. Les hommes politiques posent le problème de la nécessaire moderni-
sation de l’armée.Thiers et les royalistes souhaitent une armée de métier; les républicains une
armée de citoyens, défenseurs de la Patrie et de la République.Trois lois sont votées, donnant un
nouveau cadre jusqu’en 1914 : la loi de 1872 sur le recrutement, la loi de 1873 sur l’organisation
et la loi de 1875 sur les cadres de l’armée.
1872 Pour le rapporteur de la loi du 27 juillet, le service militaire est un lieu de création de lien
social et, de ce fait, il contribue à l’unité nationale. La durée passe à 5 ans dans l’armée d’active,
puis 4 ans dans la réserve et,enfin,les conscrits appartiennent à la territoriale pendant 11 ans, soit
20 ans d’obligations militaires pour tous. Mais les exemptions demeurent, même si le remplace-
ment est supprimé : ecclésiastiques, enseignants, soutiens de famille, élèves des grandes
écoles…Le tirage au sort est mis en place.Au final, seule 40 % d’une classe d’âge effectue 5 ans.
Le gouvernement ménage ainsi l’opinion publique – particulièrement la bourgeoisie -, pas totale-
ment ralliée à la République…et les campagnes ont besoin de bras.
1886 Le Général Boulanger, ministre de la Guerre, met en œuvre une intense politique de réno-
vation et de modernisation de l’armée. Il s’intéresse d’abord à la condition du soldat (meilleur
confort, amélioration de l’ordinaire, autorisation du port de la barbe pour les conscrits), puis il
prend des mesures de fond, en ramenant la durée du service militaire obligatoire de 5 à 3 ans.
1889 L’unité républicaine triomphe dans la caserne : la loi
du 15 juillet devient plus restrictive sur les exemptions (les
dispensés et les “gagnants” du tirage au sort doivent payer une
taxe pour compenser leur régime de faveur) et le volontariat
est supprimé.La durée est passée à 3 ans,mais le tirage au sort
est maintenu.
1905 La loi du 21 mars instaure le service militaire égal pour
tous (plus de privilèges de diplômes et “les curés sac au dos”)
de 2 ans.L’instruction des recrues est plus poussée, et la durée
totale de l’obligation militaire passe à 25 ans : 13 ans dans
l’armée d’active et sa réserve, 6 ans dans la territoriale et 6 ans
dans sa réserve. Soulagement général chez les conscrits, le
tirage au sort est supprimé. Désormais, la bonne santé seule
détermine – ou non – l’incorporation.
1913
La montée croissante des périls
fait redouter une guerre immi-
nente. Le Président de la
République Raymond Poincaré
propose l’allongement de 2 à
3 ans du service militaire. La loi
votée en juillet par une majori-
té de centre et de droite, mobi-
lise contre elle l’union des gau-
ches, radicaux et socialistes,
préférant privilégier la qualité
de l’instruction reçue à la quan-
tité d’hommes mobilisables.
Affiche d’avis de bourse départementale, 1822
(AME, 1 H 6)
“Le Devoir avant tout”, chanson vers 1900 (Coll. Part.)
Sonnerie “L’appel aux trompettes”, vers 1900 (Coll. Part.)
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