LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT

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M EDECINE SCOLAIRE
ET U NIVERSITAIRE
LA SOUFFRANCE
PSYCHIQUE DE
L’ENFANT ET DE
L’ADOLESCENT
Actes de la journée du 20 janvier 2006
Editions AFPSSU
Ce volume regroupe l'ensemble des textes remis pour la Journée du 20
janvier 2006 à L’ASIEM, 6 rue Albert de Lapparent, Paris 7ème
"Médecine Scolaire et Universitaire"
Collection de livres thématiques
Direction et Rédaction de la publication :
Dr Marie Claude ROMANO
Dr Claude BRAVARD
Secrétariat et Administration :
A.F.P.S.S.U. 242 boulevard Voltaire 75011 Paris
Mél. [email protected]
Site : http://www.afpssu.com/
Imprimeur :.Dumas imprimeur
Impression n°
Dépôt légal : janvier 2006
ISBN 2-9513364-1-1
EAN : 9782951336414
2
Nous tenons à remercier chaleureusement tous les
intervenants et les partenaires qui nous ont permis
d’organiser cette journée
PIPI- AU-LIT .NET
VEDUCA
3
Sommaire
Ouverture de la journée.................................................................... 6
La Présidente de l’AFPSSU, Madame le Docteur Claude BRAVARD.. 6
Connaissance de la pathologie mentale de l’enfant : l’apport de
l’épidémiologie ................................................................................. 8
Dr. Anne TURSZ pédiatre, épidémiologiste, Directeur de recherche.
INSERM U750/Cermes. Site CNRS. 7 rue Guy Môquet. 94801 Villejuif,
France............................................................................................ 8
L’approche clinique chez l’enfant....................................................19
Pr. Bernard GOLSE Pédopsychiatre -Psychanalyste, chef de service
de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker- Enfants malades / professeur
de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université René
Descartes, Paris-V ..........................................................................19
Comment comprendre les pathologies mentales de l’adolescence ?
.........................................................................................................31
Pr. Philippe Jeammet, psychanalyste, professeur de psychiatrie de
l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris VI, chef du service de
psychiatrie des adolescents et des jeunes adultes à l’Institut Mutualiste
Montsouris-Jourdan........................................................................31
Le repérage, enquête sur les troubles mentaux chez les enfants
scolarisés dans les écoles primaires de Provence Alpes Côte d’Azur
.........................................................................................................40
Dr. Viviane KOVESS, T. SHOJAE Fondation MGEN pour la santé
publique, université Paris V .............................................................40
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle, un programme de
développement des compétences sociales.....................................54
Pr. Jacques FORTIN, pédiatre et professeur en sciences de l’éducation
.....................................................................................................54
Un exemple d’action de prévention mis en œuvre dans le cadre
scolaire ............................................................................................62
Gérard CHAMPEYRACHE, Inspecteur de l’éducation nationale,
circonscription Paris 11A-Voltaire ....................................................62
4
Accueil et prise en charge de l’enfant dans les cas de suspicion de
maltraitance, expérience d’une approche médico-psycho-sociale..68
H. Romano, V.Mingot, M. Van Scheck, P. Vasquez, J.L. Charritat.
Unité d’Accueil des Jeunes Victimes de l’Hôpital Armand Trousseau Paris..............................................................................................68
Orientation et stratégie thérapeutique pour les adolescents du
secteur 15 ........................................................................................76
Dr. Michel Fouillet, psychiatre à l’hôpital Sainte Anne........................76
Dr Marie Jeanne GUEDJ, psychiatre, hôpital Sainte Anne.................76
ème
Secteur de psychiatrie infanto-juvénile du XVI
arrondissement,
ses relations avec l’éducation nationale..........................................80
Dr. Yves Contejean, pédopsychiatre, chef de service, hôpital Sainte
Anne..............................................................................................80
Le Relais Etudiants Lycéens, clinique médico-universitaire Georges
Heuyer Un modèle de dispositif de prévention, de dépistage et de
traitement précoces des troubles psychopathologiques à
l’adolescence, en milieu scolaire .....................................................85
Dr. Dominique Monchablon, psychiatre, chef de service, responsable
médical du Relais Etudiants Lycéens de la clinique Georges Heuyer
Catherine Giraud, psychologue au Relais Etudiants Lycéens ............85
5
Ouverture de la journée
La Présidente de l’AFPSSU, Madame le Docteur Claude
BRAVARD
Le malaise de nos jeunes avec son cortège de manifestations de
souffrance psychique (désespérance, violence, tentatives de suicide,
conduites addictives..) est pour beaucoup d’entre nous sujet de
préoccupation.
C’est notamment le souci de tous les acteurs qui oeuvrent au sein de
l’école avec une présence active auprès des jeunes scolarisés.
Quel est l’ampleur de ce problème reconnu comme une priorité de santé
publique ?
Comment amener des jeunes en état de mal être
souffrance mais aussi à formuler leurs espoirs ?
à exprimer leur
Devant une demande implicite de ces jeunes qui dérangent et parfois
font peur, comment agir ? Comment les écouter ? Décoder leur message
pour tenter d’y répondre pour leur faciliter l’accès aux aides et aux
soins ?
Nous savons tous que les jeunes auteurs de violences agies sont
fréquemment les mêmes que ceux victimes de violences subies et que
l’agir agressif est mis en place dès les premières relations de l’enfance.
N’y a t il pas une réflexion à mener dans cette situation préoccupante
pour créer une dynamique de prévention dès la petite enfance en y
associant prioritairement les enfants, leur famille et leur environnement
social et scolaire ?
Toutes ces questions vont être posées aux experts ici présents qui ont
bien voulu nous consacrer un moment de leur temps précieux. Je les en
remercie par avance très chaleureusement
L’Association Française de Promotion de la santé Scolaire et
Universitaire qui regroupe des médecins, des infirmières, des assistantes
sociales, des psychologues, des professionnels de l’Éducation et des
représentants d’associations et d’institutions propose annuellement à
ses adhérents des journées d’études et d’échanges sur des thèmes les
plus proches possibles de leurs préoccupations et de l’actualité.
6
Le sujet abordé aujourd’hui répond à votre attente, soucieux de
confronter vos expériences à la réflexion des experts et désireux de vous
retrouver entre acteurs de proximité pour une réflexion active avec des
experts.
Merci d’avoir répondu si nombreux à notre initiative.
Excellente journée d’échanges à tous, en souhaitant que la souffrance
psychique puisse un jour faire place au bien être des enfants et des
adolescents.
7
Connaissance de la pathologie mentale de
l’enfant : l’apport de l’épidémiologie
Dr. Anne TURSZ
pédiatre, épidémiologiste, Directeur de recherche.
INSERM U750/Cermes. Site CNRS. 7 rue Guy Môquet.
94801 Villejuif, France
Beaucoup de pédiatres ont le sentiment que les troubles émotionnels et
du comportement constituent une large part des raisons profondes de
recours aux soins dans leur clientèle. Pourtant, bien souvent, ils ignorent
la magnitude du problème, de même que les facteurs de risque des
troubles mentaux de l'enfant, ou la nature, la disponibilité et l'efficacité
des services appropriés. Ces informations sont apportées par
l'épidémiologie, discipline qui permet d'étudier la fréquence des maladies
dans divers groupes de populations (épidémiologie descriptive), d'en
rechercher les facteurs de risque (épidémiologie analytique), et d'aider à
la mise en place et à l'évaluation des actions préventives ou
thérapeutiques (épidémiologie d'intervention et évaluative). L'un des rôles
principaux de l'épidémiologie est donc finalement celui d'outil d'aide à la
planification et à l'évaluation des services de santé à partir de
l'identification des besoins, et on ne saurait la réduire au calcul de taux
de troubles, comme le souligne de façon très argumentée un récent
article faisant une revue de la littérature (essentiellement nordaméricaine) sur l'épidémiologie en santé mentale de l'enfant et de
l'adolescent, et montrant bien que l'utilisation scientifique de
l'épidémiologie peut améliorer les services de santé mentale et la
prévention primaire [1].
L'épidémiologie est bien sûr applicable à la santé mentale, comme à
n'importe quel domaine de la santé et de la maladie. Il faut toutefois
souligner que sa principale caractéristique est de s'adresser à des
populations, au contraire de la psychiatrie dont l'approche est
essentiellement de type clinique et individuel. Ces différences de
conception dans l'approche des problèmes de santé expliquent sans
doute pour une large part pourquoi l'épidémiologie en santé mentale est
si peu développée, notamment chez l'enfant, et tout particulièrement en
8
France. En effet, jusqu’à très récemment, la seule étude rigoureuse de
prévalence menée en France en population générale (l’étude de Chartres
[2]) datait du début des années 1990.
Dans cet exposé qui ne s’intéresse qu’à l'enfant, à l'exclusion de
l'adolescent, on insistera sur les aspects méthodologiques de
l’épidémiologie en santé mentale, dans sa composante descriptive
principalement, mais aussi dans ses aspects explicatif et d’évaluation, à
l’aide de quelques exemples.
PEUT-ON IDENTIFIER ET MES URER LA FREQUENCE DES TROUBLES MENTAUX DE
L’ ENFANT ?
La mesure de la prévalence de ces troubles suppose une grande rigueur
dans :
•
•
•
•
les définitions et donc le choix des classifications diagnostiques
le choix des outils de repérage et de diagnostic
la détermination des sources d’information et des populations
enquêtées
la compétence des investigateurs.
Les sources d’information et la nature de la population objet de l’enquête
jouent un rôle considérable dans la fiabilité des chiffres produits. Ainsi,
dans les études basées dans les services de santé, on ne connaît pas le
taux de couverture de la population que les services de santé enquêtés
sont sensés desservir, et on ignore donc tout des enfants atteints de
pathologie mentale qui ne consultent pas. Il y a aussi des biais liés à la
gravité de la pathologie, ou du moins à son appréciation par la famille ou
toute autre personne responsable de l'enfant et susceptible de l'envoyer
consulter (enseignant, médecin généraliste ou spécialiste…). Il peut
exister pour les familles des problèmes d'acceptabilité des services
(qualité de l'accueil, des soins…), d'accessibilité financière, ou
géographique (certaines zones peuvent être très mal desservies,
notamment en structures spécialisées : ceci est particulièrement vrai en
France pour les services à même de prendre en charge certains troubles
des apprentissages du très jeune enfant [3]). Enfin, pour qu'une famille
vienne consulter, il faut qu'elle ait reconnu l'existence d'un trouble, ce qui
n'est pas toujours le cas et varie selon le contexte socioéconomique et
culturel.
9
La non reconnaissance d'un trouble psychiatrique et les réticences vis à
vis des services de santé mentale peuvent également être le fait de
soignants (généralistes ou pédiatres) qui n'adressent pas l'enfant dans le
service approprié. Or les cabinets de médecine libérale sont très
concernés par la pathologie mentale de l’enfant comme l’atteste une
étude française, ayant porté sur une cohorte de 2700 enfants âgé de 4 à
16 ans [4], qui indique que les enfants présentant des troubles
émotionnels et du comportement « banals » consultent prioritairement le
généraliste, puis le pédiatre, puis le personnel de santé scolaire, puis
l'orthophoniste, enfin le personnel de santé mentale (dans 6% des cas),
les garçons recourant significativement plus au personnel de santé
mentale et à l'orthophoniste que les filles. L'auteur précise toutefois qu'il
ne s'agit pas de troubles psychiatriques sévères.
Seules les études menées sur des échantillons tirés au sort dans la
population générale permettent une véritable représentativi té, des calculs
de fréquence et donc une évaluation des besoins en services, à condition
toutefois que les techniques d'enquête permettent d'obtenir l'exhaustivité
des cas. Par ailleurs, la fiabilité médicale des données recueillies est
conditionnée par la compétence des investigateurs. Ces études sont
donc généralement très coûteuses lorsqu’il s’agit d’enquêtes menées au
domicile, telles les « household surveys » des pays anglo-saxons.
En France, l'obligation scolaire, le fait qu'à 3 ans 99% des enfants soient
scolarisés, et la réalisation de bilans de santé obligatoires (lors de la
sixième année et en classe de troisième) font de l'école un observatoire
potentiel de la santé de toute la population des enfants et notamment de
leur santé mentale. Dans un pays au système de santé complexe comme
celui de la France, l'école représente un lieu de choix pour le dépistage,
et notamment, avec l'aide de la Protection Maternelle et Infantile (PMI), le
dépistage précoce (dès 3-4 ans). Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il y a
un faible pourcentage d'enfants qui échappent au système scolaire et qui
peuvent être les plus « à risque » sur le plan de la santé mentale (voire
déjà porteurs de troubles les ayant exclus du système scolaire normal) :
enfants en placement familial ou institutionnel (assez facilement
identifiables); enfants «scolarisés » à domicile (difficiles à dépister, et
éventuellement en situation délicate) ; enfants sans aucune scolarisation
(appartenant à des familles marginales parfois impossibles à connaître).
Enfin, le caractère superposable d'une population scolaire à la population
générale des enfants dépend de variables propres à chaque pays
10
(organisation du système scolaire, public et privé; âge de l'obligation
scolaire; sexe des élèves véritablement scolarisés).
En France, en milieu scolaire, existe bien la double possibilité de
dépistages en routine et d’études épidémiologiques.
Quels outils utiliser ?
Les outils diagnostics utilisés doivent être validés dans un contexte
culturel donné. Ainsi, en France seuls deux instruments d’évaluation
clinique ont été validés : le Child Behaviour Checklist (CBCL ; traduit en
français et utilisé dans l’étude de Chartres [2]) et le test Dominic
interactif. Le caractère universel, transculturel, d'une classification n'est
pas admis par tous. Ainsi, en France, l'intérêt pour les classifications
n'est pas marqué chez les psychiatres d'enfants et d'adolescents, qui
estiment que ce type d'outil se prête mal à la description d'une
« psychopathologie mouvante » comme celle de l'enfance, d'où le rejet
par beaucoup du DSM. La Classification Française des Troubles
Mentaux de l'Enfant et de l'Adolescent (CFTMEA) a été élaborée avec
pour objectif une meilleure reconnaissance des composantes
multifactorielles présentes dans la psychopathologie de l'enfant, le DSMIII étant estimé par beaucoup comme trop orienté vers des aspects
purement symptomatiques et comportementaux [5]. Un outil tel que la
classification française présente l'intérêt d'entraîner l'adhésion d'une
certaine communauté professionnelle nationale, mais a le désavantage
(malgré des équivalences établies avec la CIM 10) de rendre les
comparaisons internationales et la reconnaissance des travaux français
malaisées. En effet, le DSM-IV est actuellement la classification de
référence en pathologie mentale au niveau international. Notons par
ailleurs que la cohérence est très bonne entre le DSM-IV et le CBCL et
que la construction du Dominic repose sur le DSM-IV.
Quels chiffres de prévalence des troubles mentaux chez l'enfant ?
Finalement, les différences dans les termes choisis pour définir ces
troubles, dans les catégories prises en compte, dans les tranches d'âge,
les lieux et méthodes de collecte et dans les outils utilisés, expliquent les
fréquentes difficultés d'interprétation des résultats de diverses études et
surtout de comparaison des études entre elles (Tableau I). Par ailleurs, le
11
contexte social et psychologique de vie des enfants a évolué, et il faut
donc tenir compte du facteur temps dans les comparaisons.
L'analyse du Tableau I montre que la définition des troubles joue un rôle
essentiel dans les taux de prévalence observés. Toutefois, pour une
même définition (désordres psychiatriques [2, 6, 7, 8] ou troubles du
comportement [9, 10]), certains faits paraissent bien établis :
augmentation de la fréquence des troubles dans le temps, taux plus
élevés dans les études en population générale que dans celles menées
dans les services de santé, taux chez les garçons presque double de
ceux des filles.
Les avantages de s études longitudinales
Malgré leur relative rareté, les études longitudinales méritent une mention
spéciale du fait de leur grand intérêt et des problèmes méthodologiques
complexes qu'elles posent. Elles appartiennent à la fois à l’épidémiologie
descriptive (elles décrivent l’évolution de phénomènes) et explicative
(lorsque le suivi d’une cohorte d’enfants, a priori sains à l’origine, permet
par la suite la comparaison de sujets sains et de sujets malades, à la
recherche de facteurs de risque).
Plusieurs études longitudinales de cohortes abordent le problème des
liens entre la santé mentale des enfants et leur devenir à l'adolescence et
à l'âge adulte. Le principal problème méthodologique posé par ce type
d'approche est celui des « perdus de vue ». Plus la période de suivi est
longue, plus ce risque est important, rendant parfois les conclusions
impossibles à tirer, d'autant qu'il existe habituellement des biais dans le
fait de pouvoir être retrouvé ou non dans le cadre d'un suivi, les sujets
manquants étant bien souvent les plus à risque des problèmes qu'on
étudiait (marginalisation sociale, pathologie grave non traitée…). Pour
qu'elles soient vraiment fiables, ces études doivent être prospectives,
donc lourdes et coûteuses.
Une étude de cohorte menée en Suède [11] a montré que les conflits
intra-familiaux et les ruptures de la famille jouent un rôle péjoratif sur la
santé du futur adulte, bien plus que les facteurs économiques. Selon une
étude longitudinale menée par Tremblay au Québec, l’agressivité et les
comportements antisociaux des enfants de grande section de maternelle
12
sont prédictifs de la violence de l’adolescent et de la délinquance du
jeune adulte [12].
EPIDEMIOLOGIE EXPLICATIVE ET SANTE MENTALE DE L' ENFANT
Les études explicatives, visant à identifier des facteurs de risque de
certains phénomènes pathologiques, utilisent des techniques de
comparaisons de groupes. Dans les études cas/témoins (enfants
porteurs de troubles psychologiques/enfants indemnes), on pratique un
appariement des cas et des témoins sur un certain nombre de variables,
afin d'éviter une trop grande disparité des deux populations pour les
caractéristiques dont on ne veut pas étudier le rôle. C'est ainsi qu'on
apparie en général sur l'âge et le sexe, deux des variables les plus
discriminantes en matière de santé, parfois sur le statut socioéconomique
si on pense qu'il peut jouer un rôle important, mais ne fait pas partie des
facteurs de risque potentiels que l'on veut identifier et étudier.
Dans les études explicatives, le problème majeur que l’on rencontre est
celui de l’élimination des facteurs de confusion lors de l’analyse des
facteurs de risque. Ainsi, dans le domaine de la santé mentale de
l'enfant,
beaucoup
d'études
(principalement
nord-américaines)
s'intéressent au rôle des facteurs socioéconomiques et ethniques, ces
deux types de facteurs étant d'ailleurs liés entre eux. Le lien entre
difficultés socioéconomiques et troubles psychologiques chez l'enfant est
très controversé. Pour certains, la pauvreté est un facteur de risque
majeur [8, 9, 13, 14]. Dans une étude menée en grande section de
maternelle au Québec, les enfants les plus hyperactifs et anxieux avaient
plus souvent que les autres une mère seule ayant un bas niveau éducatif
et de faibles revenus [12]. En revanche l’étude menée par Rutter et al
dans l’île de Wight n'a pas détecté de différences quant à la classe
sociale entre les 6 à 7% d’enfants présentant des troubles
psychologiques et les autres [6].
Ce bref survol des études à visée « étiologique » des troubles mentaux
montre bien l’existence de problèmes éthiques associés à la recherche
de « facteurs de risque ». Par ailleurs les débats, parfois houleux, qui ont
suivi la publication de certaines «Expertises collectives » de l’Inserm,
soulèvent la question des problèmes éthiques liés à la diffusion des
résultats, notamment à travers la grande presse (voire en particulier la
faible acceptabilité d’un tableau regroupant des troubles de nature et de
13
gravité très diverses, de l’autisme aux troubles anxieux, dans un chapitre
dont le titre était : « 1 enfant sur 8 souffre d’un trouble mental en
France » [15]).
EPIDEMIOLOGIE EVALUATIVE ET PRISE EN CHARGE DES TROUBLES MENTAUX
DE L’ ENFANT
L’épidémiologie évaluative des interventions thérapeutiques en santé
mentale (exceptionnellement réalisée en France) indique clairement que
« tout n’est pas, à l’heure actuelle, évaluable ». Ainsi une tentative de
mesure de l’efficacité des thérapies psychanalytiques se heurte au
problème de l’absence de groupe témoin, et il apparaît pratiquement
impossible de comparer entre elles certaines techniques de prise en
charge. Par ailleurs, il existe en France une réticence évidente, chez
certains psychiatres, à l’évaluation, comme à la standardisation de
protocoles de prise en charge ou à l’utilisation d’outils, comme l’a très
bien montré une récente étude des pratiques d’anamnèse des
psychiatres, recevant des adolescents suicidants, à la recherche
d’antécédents de maltraitance : « Le recours à la littérature est rarement
cité (comme celui aux textes législatifs). Il existe néanmoins souvent une
véritable hantise des « publications américaines », voire un rejet de la
recherche, qui semblent vécues comme des outils de restriction de
l’espace de liberté professionnelle. Le fait qu’il n’y a pas antinomie entre
l’affirmation (issue de données de recherche) qu’il existe des facteurs de
risque et des critères qui peuvent aider à une optimisation des pratiques,
d’une part, et une liberté d’évaluer ses patients selon des procédures
acquises à travers l’expérience professionnelle, d’autre part, ne semble
pas une idée couramment admise. Il y a peut-être là une explication au
désarroi manifeste qui ressort de beaucoup d’entretiens dès lors qu’on
abordait les questions de la maltraitance et des décisions pratiques à
prendre. C’est sans doute ce désarroi qui explique le climat de tension
lors de certains entretiens, voire des réactions de colère quand les
derniers thèmes étaient abordés » (extrait du rapport de recherche [16]).
En conclusion
L’approche épidémiologique peut être un atout majeur dans la recherche
en santé mentale de l’enfant. Elle peut permettre de calculer des
fréquences et d’évaluer les besoins en services. En identifiant des
groupes à risque, elle peut aider à cibler des actions ; elle permet des
14
suivis de tendances et l’évaluation d’actions; elle propose une approche
scientifique des facteurs explicatifs. Toutefois tout cela n’est possible
qu’au prix de méthodes rigoureuses et d’indicateurs pertinents et il ne
faut pas se dissimuler la lourdeur et le coût des grandes enquêtes en
population.
L’analyse des données, notamment dans le domaine des facteurs de
risque, doit être menée avec prudence, voire recul et scepticisme vis à
vis de certains chiffres, afin, notamment, de ne pas attribuer certains
troubles à des facteurs culturels ou sociaux qui ne sont en fait que des
facteurs de confusion. Dans ce domaine, la méthode statistique, moyen
essentiel d’analyse en épidémiologie, peut s’avérer un outil réducteur et
les résultats doivent être lus à la lumière de la clinique. En effet
l’approche clinique et l’épidémiologie doivent être considérées comme
complémentaires, et les recherches développées dans une telle optique
peuvent aussi bénéficier de l’apport d’autres disciplines, notamment
celles des sciences sociales (sociologie, anthropologie par exemple) qui
aident à resituer certains troubles de l’enfant dans un contexte social et
culturel.
Dans une perspective d’avenir, on peut souhaiter que se développe
sereinement une recherche épidémiologique qui :
•
•
•
•
affronte la complexité de l’approche étiologique des troubles
mentaux de l’enfant par l’association d’une multiplicité de
disciplines (épidémiologie, recherche clinique, psychologie,
génétique, neurobiologie, imagerie…)
porte sur des populations non sélectionnées et suivies de façon
prospective (à ce titre on ne peut que se réjouir de la mise en
place, en cours, de la grande cohorte de naissances
Ined/Inserm/Insee/InVS)
utilise des outils consensuellement acceptés permettant une
évaluation des pratiques professionnelles et des comparaisons
internationales
et in fine ait de vrais objectifs de santé publique de renforcement
de la santé mentale dans l’enfance et de dépistage des cas à
prendre en charge.
Enfin une réflexion doit être engagée sur le rôle de l’école, seul lieu où
passent tous les enfants, dans un tel effort de recherche.
15
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17
18
L’approche clinique chez l’enfant
Pr. Bernard GOLSE
Pédopsychiatre -Psychanalyste, chef de service de
pédopsychiatrie de l’hôpital Necker- Enfants malades /
professeur de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à
l’université René Descartes, Paris-V
Introduction
L’approche clinique de la souffrance de l’enfant pose un certain nombre
de problèmes intrinsèques à la discipline pédopsychiatrique en tant que
telle, mais elle soulève également un certain nombre de questions quant
à la nature même de la collaboration entre les professionnels intervenant
dans le champ de cette discipline (pédopsychiatres, psychologues et
psychanalystes) et leurs différents partenaires intervenant dans le champ
de l’éducation nationale (enseignants et médecins scolaires).
A ce titre, cette journée scientifique est importante, et ceci notamment à
une époque où les demandes adressées à l’école quant à l’observation
du comportement des enfants finissent par aller bien au-delà des
fonctions habituelles des enseignants, soit bien au-delà de leur tâche
primaire.
Après avoir rappelé brièvement l’évolution de la demande du corps social
à l’égard de la pédopsychiatrie au cours des dernières décennies, nous
rappellerons les bases du modèle poly-factoriel propre à la
psychopathologie, avant de conclure en évoquant l’exemple, aujourd’hui
paradigmatique, de l’hyperactivité.
L’évolution de la demande du socius à l’égard de la pédopsychiatrie
Les sociologues nous aident à repérer ce type de modifications
progressives.
Il est clair par exemple qu’en France, la demande sociale dans les
années soixante/soixante dix, à l’égard de la pédopsychiatrie, était une
19
demande centrée principalement autour de la question du sujet, de sa
souffrance et de ses conditions de soin.
C’est dans cette perspective, que s’est joué, nous semble-t-il, tout le
mouvement de sectorisation (en psychiatrie de l’adulte comme en
psychiatrie de l’enfant) dont on sait par ailleurs qu’il renvoyait également
à des objectifs égalitaires, et qu’il cherchait à tenir compte, pour lutter
contre l’enfermement, de la terrible et douloureuse expérience
concentrationnaire à laquelle la seconde guerre mondiale avait, hélas,
donné lieu.
La politique de sectorisation est, on le sait, loin d’avoir été menée à son
terme mais, à l’heure actuelle, il ne semble plus que les mêmes objectifs
ou que les mêmes idéaux soient en jeu et, de ce fait probablement, la
demande sociale a désormais changé.
On parle moins du sujet, on parle moins de souffrance, on parle moins
d’enfermement et l’on parle davantage de symptômes à réduire ou à
raboter pour favoriser l’adaptation socio-scolaire de l’enfant.
C’est ainsi, par exemple, que les projecteurs médiatiques ont pu se
focaliser successivement sur la violence des adolescents, sur la
maltraitance et les abus sexuels, sur les troubles obsessivo -compulsifs
(TOC), sur la maladie de Gilles de la Tourette (maladie des tics), et sur
les troubles oppositionnels avec provocation (TOP) enfin, plus
récemment …
La tentation est grande, alors, de rechercher la réponse
médicamenteuse qui permettrait rapidement de supprimer le symptôme,
sans avoir besoin de se livrer à une analyse psychopathologique
complète de la situation, forcément lente et pluri-factorielle.
C’est ce que l’on a vu pour les TOC, les tics, les comportements
psychotiques sans structure psychotique avérée et c’est, selon nous,
dans cette dynamique des idées et des attentes que l’hyperactivité de
l’enfant a acquis, peu à peu, un statut clinique particulier sur lequel nous
reviendrons plus loin.
20
Rappels sur le modèle polyfactoriel propre à la psychopathologie
Nombre d’auteurs s’accordent actuellement pour penser que le seul
modèle étiologique plausible dans le champ de la psychopathologie est
un modèle résolument polyfactoriel qui nous impose, de ce fait, une prise
en charge thérapeutique toujours multidimensionnelle.
Dans cette perspective, toute situation psychopathologique - et
notamment chez l’enfant - représenterait alors une sorte de « voie finale
commune » de toute une série de configurations étiopathogéniques au
sein desquelles les facteurs endogènes et les facteurs exogènes seraient
toujours présents, mais en proportion variable dans chaque cas.
Personnellement, nous n’avons de cesse de rappeler cette quasiévidence que le développement normal de l’enfant se joue toujours à
l’exact entrecroisement, à l’interface, au carrefour des facteurs
endogènes (soit la part personnelle du sujet, avec son équipement
génétique, biologique, psychologique ou cognitif ...) et des facteurs
exogènes (soit son environnement au sens large, métabolique,
alimentaire, écologique ... mais avec aussi tous les effets de rencontre
relationnelle, et les effets d’après-coup que cela suppose).
Ce schéma vaut aussi, nous semble-t-il, pour les troubles du
développement et notamment du développement psychologique et
affectif.
Aussi récent qu’il puisse paraître, il est en fait le strict héritier du concept
freudien de « série complémentaire » (S. FREUD).
Ce qu’il faut ajouter, cependant, c’est que la polyfactorialité en jeu dans
ce modèle se joue, en réalité, au double niveau des facteurs primaires
(ou facteurs de vulnérabilité) et des facteurs secondaires (ou facteurs de
maintien) qui sont probablement tous, les uns comme les autres, un
mixte de facteurs somatiques et psychiques, ceci étant dit en rappelant
que les facteurs primaires ne sont jamais que des facteurs de risque,
alors que les facteurs secondaires sont des facteurs de figement d’une
psycho-pathologie d’abord en partie réversible.
Le modèle polyfactoriel est donc beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
21
Nombre des facteurs impliqués nous sont encore inconnus.
Ceux que nous pressentons ne sont sans doute, encore, que la partie
émergée de l’iceberg ...
Autrement dit, l’honnêteté scientifique et épistémologique nous impose,
certes, de continuer à réfléchir et à chercher mais, dores et déjà, elle
nous oblige à recourir à une approche multidimensionnelle du soin qui
est, sans conteste possible, la contrepartie absolument obligée de ce
modèle polyfactoriel.
Tel est donc notre plaidoyer pour le modèle polyfactoriel, et pour la
dimension multidimensionnelle du soin qui s’y attache inéluctablement
selon nous.
Le paradigme de l’hyperactivité
Depuis les origines de la psychiatrie de l'enfant, différents auteurs ont
décrit sous des noms variés des enfants présentant à la fois un
comportement agité et des difficultés apparentes à maintenir leur
attention sur une activité précise (chorée mentale, enfant turbulent ou
instable, hyperkinésie, hyperactivité psychomotrice …)
Les questions qui divisent actuellement les différents auteurs, concernent
d'une part la (ou les) signification (s) pathologique(s) qu'on peut attribuer
à de tels comportements ainsi que le (ou les) facteur(s) étiologique(s)
sous-jacent(s), et d'autre part les interventions thérapeutiques,
médicamenteuses ou autres qui apparaissent comme justifiées dans de
telles situations, justification qu'il convient, bien entendu, d'apprécier en
termes d'efficacité, de risque d'effets indésirables et de positionnement
éthique.
Le concept de « trouble déficitaire de l'attention avec hyperkinésie » s'est
aujourd'hui imposé à la plus grande partie de la médecine et de la
psychiatrie mondiale, avec souvent pour corollaire, un traitement
systématique par les psycho stimulants, mais si l’hyperactivité prend,
désormais, une telle place dans nos débats, c’est sans doute parce
qu’elle constitue un paradigme sur lequel convergent toute une série de
problématiques fondamentales pour la pédopsychiatrie (organogenèse
ou psychogenèse ; clivage entre corps et psyché ; approche
22
pédagogique, rééducative ou psychothérapeutique ; vision linéaire ou
multidimensionnelle de la psychopathologie …)
Il faut toutefois relever les paradoxes des positions de notre société vis-àvis de l’enfant devenu précieux, sujet à protéger, doté de droits nouveaux
mais, en même temps, mis en devoir de combler, par sa réussite le
narcissisme de ses parents, et, de ce fait, soumis très précocement à des
exigences sociales assez contraignantes.
Ainsi, la question de l’hyperactivité met-elle nécessairement en jeu la
tolérance variable de la société à l’égard de la mobilité de ses enfants,
ainsi que les critères éducatifs de l’entourage familial et scolaire.
D'une certaine manière, plus une société est agitée, et moins elle semble
tolérer les enfants remuants, mais plus elle met en place les conditions
mêmes de l’agitation !
Lors du dernier congrès de l'ESCAP (European Society for Children and
Adolescnt Psychiatry) qui s'était tenu à Paris, en 2003, nous avons bien
senti la substitution de clivage qui s'était opérée avec le passage du
clivage classique entre organogenèse et psychogenèse, à un nouveau
clivage entre une « clinique de l'instant » et une « clinique de l'histoire ».
Il y avait déjà là une certaine bascule du point de vue épistémologique
général, mais la réflexion épistémologique nous amène également, nous
semble-t -il, à bien différencier, dans le champ spécifique de
l'hyperactivité, les modèles endogènes, les modèles exogènes et les
modèles interactifs, avec une sorte de gradient progressif quant à la
composante interactive qui les imprègne.
Nous proposerions volontiers la classification suivante :
Les conceptions anglo-saxonnes renvoient, de fait, à des modèles
endogènes
On citera ici :
• Le modèle médical linéaire fondé sur la notion de « trou
métabolique »
• L'hypothèse de la modularité des processus d'attention
23
•
Et même, le modèle, enfin, de l'hyperactivité en tant que
« processus auto-calmant », notion chère à l'Ecole de
Psychosomatique de Paris
La psychopathologie réactionnelle renvoie, quant à elle, à des
modèles exogènes
•
•
•
Le passage d'une génétique déterministe (mendélienne) à une
génétique dite de la vulnérabilité démontre désormais tout
l'impact des facteurs environnementaux exogènes
On sait, ici, l'importance des carences d'ambiance et des
dépressions maternelles précoces quant à la structuration
d'organisations abandonniques ou de « syndromes du
comportement vide », au sein desquels l’hyperactivité peut
parfois avoir valeur de défense maniaque, et fonctionner alors
comme la recherche d’une «deuxième peau motrice » à visée
substitutive (E. BICK)
Les troubles de l'attachement et les réactions de stress posttraumatiques peuvent également être invoqués comme facteurs
exogènes en jeu dans l'instauration d'un tableau d'hyperactivité
Il importe, toutefois, de laisser toute sa place à la théorie de l'après-coup,
car il est clair que ces diverses conditions environnementales ne font pas
la même chose à chaque enfant en fonction de son histoire trans et
intergénérationnelle.
Les modèles interactifs, enfin, peuvent être compris en termes
constructivistes
•
•
•
Les corrélations qui existent entre le mode d'exploration de
l'environnement (du visage maternel aux objets) et la qualité des
interactions mère bébé plaident en faveur d'une co-construction
dyadique de l'hyperactivité (E. FRIEMEL et Nguyên TRANHHUONG)
La co-construction des états d'attention a été soulignée depuis
longtemps et très finement étudiée par les équipes de l'institut
PIKLER-LOCZY, à Budapest
On peut enfin évoquer, dans la genèse de l'hyperactivité, un
échec de la co-construction de la latence (conçue comme une
rencontre entre la programmation pré-pulsionnelle de l'enfant, et
24
le refoulement parental exercé par procuration), d'où l'émergence
de « latences à répression » (P. DENIS) plutôt que de « latences
à refoulement », les latences à répression ouvrant la voie d'une
évacuation des affects et des représentations par le biais de la
motricité.
Or, la stratégie thérapeutique que l'on choisit dépend fondamentalement
du modèle étio-pathogénique auquel on se réfère, explicitement ou
implicitement.
La raison voudrait que l'on se réfère aujourd'hui à un modèle interactif et
donc, par essence, polyfactoriel, d'où la nécessité absolue, nous l’avons
déjà dit, de recourir à une stratégie thérapeutique multi-dimensionnelle.
Peut-on imaginer qu'un jour, la prescription de substances
amphétamines-like puisse être obligatoirement couplée, de manière
réglementaire à la mise en place de mesures thérapeutiques,
rééducatives ou pédagogiques associées ?
Nous n'osons pas encore l'espérer, mais ceci supposerait sans doute
que l'information en matière de traitements médicamenteux ne soit pas
assumée par les seuls laboratoires pharmaceutiques, mais aussi par
d'autres instances, médicales ou universitaires, encore à définir.
Ce que nous souhaitions souligner en tout cas, c'est que le modèle
étiopathogénique que l'on se donne de l'hyperactivité (comme d'ailleurs
de tout trouble du fonctionnement psycho-affectif) renvoie à des choix
épistémologiques plus ou moins clairs, et que ceux-ci ont des enjeux
thérapeutiques et éthiques concrets qu'il serait malhonnête ou négligent
de sous-estimer.
La réflexion épistémologique n'est donc en rien un luxe gratuit.
Nous ne pouvons accepter que les traitements amphétaminiques
apparaissent comme la seule solution thérapeutique aux yeux des
médias et du grand public.
Il n’y a pas de place pour l’adage : « la Ritaline, sinon rien d’autre ! »
25
A partir de l’hypothèse psychopathologique retenue, d’autres propositions
thérapeutiques peuvent être faites, en fonction des spécificités de chaque
histoire d’hyperactivité : des groupes thérapeutiques, des groupes à
médiation corporelle, des approches psychomotrices, des relaxations,
des psychodrames, des psychothérapies individuelles …
Et il importe de toujours réaffirmer avec force que le traitement
amphétaminique, s’il est parfois justifié, ne doit jamais être prescrit trop
tôt (jamais avant quatre ans, car l’organisation cérébrale n’est pas encore
achevée avant cet âge), et jamais de manière isolée (soit toujours au
sein d’un programme thérapeutique multidimensionnel).
On sait aujourd’hui que les amphétamines ou les psychothérapies
prescrites de manière isolée, sont moins efficaces que leur prescription
de manière associée.
Nombre de praticiens disent accepter et suivre ces conseils de bon sens,
mais les enquêtes récentes, ont révélé un décalage croissant aux USA
entre la réalité des pratiques de terrain d'une part, et, d'autre part les
recommandations officielles.
Il en résulte une
psychotropes.
expansion
considérable
des
prescriptions
de
Fort heureusement, en France, à propos de l’hyperactivité, la situation
n’est pas encore devenue aussi caricaturale que dans certains autres
pays européens ou anglo-saxons, et les parents continuent à se poser
souvent de bonnes questions quant à l’étiologie complexe d’un tel
désordre, mais certains collègues et nous-même avions cru bon,
cependant, il y a quelque temps, de tirer la sonnette d’alarme pour tenter
d’éviter que ne se mettent en place d’éventuelles dérives irréversibles
(Cl. BURSZTEJN, J.-Cl. CHANSEAU, Cl. GEISSMANN-CHAMBON, B.
GOLSE et D. HOUZEL).
Le risque de telles dérives doit donc nous inciter à maintenir les règles
strictes qui encadrent les prescriptions de psychostimulants en France,
et qui semblent avoir permis de maintenir l'usage de ces médicaments
dans des limites acceptables (en dépit de toutes les précautions prises
quant à la première prescription, la consommation de Ritaline a tout de
même triplé au cours des quatre dernières années !)
26
L'axe psychopathologique de nos réflexions ne saurait ainsi être sousestimé, de même que l'approche psychanalytique de ces difficultés dont
la mise en sens permet à l'enfant, non pas de modifier les évènements
relationnels auxquels il a été confronté, mais de changer le regard qu'il
porte sur eux, c'est-à-dire d'en élaborer progressivement une narrativité
différente et qui représente, en soi, une modalité efficace d'intervention
parallèlement aux autres mesures disponibles.
Telle est, en tout cas, notre conception actuelle d'une approche pédopsychiatrique raisonnée de l'hyperactivité dont les fondements
épistémologiques demandent donc à être explicités avec la plus grande
attention, précisément !
En guise de conclusion : retour sur la question de la souffrance
psychique de l’enfant
La souffrance psychique de l’enfant est un fait clinique, mais un fait
clinique dont la quantification est évidemment difficile.
C’est d’ailleurs, là, que réside l’une des difficultés essentielles de
l’évaluation des psychothérapies chez l’enfant, à côté de celles qui
tiennent à l’aspect illusoire de la simple disparition des symptômes, ou à
la complexité qu’il y a à préciser véritablement les modifications
structurales chez un sujet en cours même de structuration.
Quoi qu’il en soit, la souffrance psychique de l’enfant existe, et elle doit,
naturellement, être prise en compte.
Tous les moyens sont-ils bons pour autant ?
Il nous semble qu’une réflexion éthique se doit, ici, de venir sous-tendre
la réflexion épistémologique proprement dite, et c’était, au fond, le but de
ces quelques pages que d’en venir, finalement, à ce questionnement.
Que l’école, au même titre que tous les autres lieux de vie de l’enfant,
puisse être un lieu d’observation et de repérage d’une telle souffrance de
l’enfant, cela va de soi, et pourquoi faudrait-il s’en priver ?
Mais qu’on en vienne à demander aux enseignants de fonctionner
comme des auxiliaires médicaux du diagnostic, ou que l’école s’arroge le
27
droit, fût-ce par le biais du médecin scolaire, d’imposer aux parents une
démarche pédo-psychiatrique, est une autre chose, et qui, elle, ne tombe
pas sous le sens.
Tout est évidemment affaire de tact, et dans cette perspective, attirer
l’attention des parents ou proposer une consultation n’a rien à voir avec
le fait de forcer ou d’obliger quiconque, avec parfois, à la clef, des
menaces d’éviction scolaire si les parents ne se plient pas aux conseils
qui prennent alors la forme de véritables injonctions de soin …
Bien entendu, nous n’en sommes pas encore, en France, au niveau de
ce qui se passe aux Etats-Unis où l’on a vu des parents traduits en
justice pour « non-assistance à personne en danger », sous le prétexte
qu’ils avaient refusé de mettre leur enfant agité sous traitement
amphétaminique !
Mais nous devons être vigilants, car si le pire n’est jamais sûr, il est
cependant toujours à redouter.
A un moindre degré, nous nous interrogeons par exemple sur l’usage
extensif qui est désormais fait des échelles de CONNERS dans le
dépistage de l’hyperactivité.
On sait que ces échelles se composent de deux parties, l’une devant être
remplie par les parents, et l’autre par l’enseignant.
Nous sommes-nous suffisamment interrogés, d’un point de vue éthique,
sur les possibles conséquences qui peuvent découler du fait de faire
peser un regard « médicalisé » sur l’enfant de la part de ses parents ou
de ses enseignants ?
Selon nous, non, et il n’est pas exclu qu’à agir de la sorte, on ne finisse
pas par créer cela même qu’on craint ou qu’on vise à prévenir, car
l’agitation de l’enfant peut aussi, dans certains cas peut-être, venir
exprimer une révolte de l’enfant à l’égard de ces regards qui pèsent sur
lui et qui l’enferment dans un schéma contraignant, schéma rigide qui
pourrait finir par le priver, en partie, de sa liberté développementale.
Soyons donc extrêmement prudents et véritablement soucieux de ne pas
créer de telles souffrances psychiques iatrogènes.
28
La réflexion est certes exemplaire en matière d’hyperactivité, mais elle
va, bien entendu, très au-delà de ce seul registre.
Ce ne sont pas moins la dignité et la liberté des enfants et des familles
qui sont ici en cause.
A côté de son expression parfois directe sur un mode mentalisé
(tristesse, angoisse, perplexité, douleur psychique …), ou indirecte sur un
mode corporel ou comportemental (retrait, agitation, troubles
psychosomatiques divers …), la souffrance psychique de l’enfant ne se
révèle souvent qu’au travers d’une inflexion développementale
concomitante de l’apparition d’un symptôme apparemment bénin.
Le diagnostic de souffrance psychique est alors difficile, et il réclame une
évaluation psychodynamique attentive qu’aucun questionnaire ne peut
venir remplacer, ni dans le milieu familial, ni dans le milieu scolaire.
Les parents doivent demeurer les parents, et les enseignants doivent
demeurer les enseignants.
Ne demandons aux parents que des informations concernant leurs
difficultés à être les parents de cet enfant-là, et ne demandons aux
enseignants que des informations concernant les difficultés scolaires de
tel enfant et de leurs propres difficultés à lui apporter ce qui fait partie de
leur fonction d’enseignant.
A partir de là, l’hypothèse d’une authentique souffrance psychique de
l’enfant pourra tout doucement se forger, et c’est de cette concertation
entre des adultes fidèles à leurs rôles spécifiques que pourra émerger
l’éventualité d’une démarche envers le professionnel pédopsychiatrique,
ou le soignant de la psyché.
En tout état de cause, hormis certaines situations extrêmes, la demande
soins ne peut émaner que de l’enfant lui-même ou de sa famille, et cela
nous préoccupe qu’il faille encore aujourd’hui rappeler de telles
évidences, rappel dont cette journée scientifique nous donne ainsi
l’occasion.
29
Eléments bibliographiques
E. BICK. The experience of the skin in early object-relations International
Journal of Psychoanalysis, 1968, 49, 484-486, Traduction française in :
« Explorations dans le monde de l’autisme » (D. MELTZER et coll.),
Payot, Paris, 1980, 240-244
Cl. BURSZTEJN, J.-Cl. CHANSEAU, Cl. GEISSMANN-CHAMBON, B.
GOLSE et D. HOUZEL. Ne bourrez pas les enfants de psychotropes ! Le
ème
Monde, 56
année, n° 17211, Samedi 27 mai 2000, 20. Article republié
dans : Enfances & PSY, 2004, 25, 42-45
P. DENIS. La dépression chez l’enfant : réaction innée ou élaboration ?
La Psychiatrie de l’enfant, 1987, XXX, 2, 301-328
E. FRIEMEL et T.-H. NGUYEN. Exploration et interaction mère/bébé : du
visage à l'objet. La Psychiatrie de l'enfant, 2004, XLVII, 2, 589-609
S. FREUD. Points de vue du développement et de la régression –
Etiologie, 319-336. Les modes de formation de symptômes, 337-355 In :
« Introduction à la psychanalyse » (S. FREUD). Petite Bibliothèque
Payot, Paris, 1982
Adresse contact
Pr Bernard GOLSE
Service de Pédopsychiatrie
Hôpital Necker-Enfants Malades
149 rue de Sèvres, 75015 Paris-Fr
Tél : 01.44.49.46.74
Fax : 01.44.49.47.10
e-mail : [email protected]
30
Comment comprendre les pathologies
mentales de l’adolescence ?
Pr. Philippe Jeammet, psychanalyste, professeur de
psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université
Paris VI, chef du service de psychiatrie des adolescents et
des jeunes adultes à l’Institut Mutualiste MontsourisJourdan
Pour tenter d'éclairer notre compréhension des pathologies
mentales à l'adolescence, à défaut de pouvoir véritablement les
comprendre, il nous faut préalablement essayer de répondre à un certain
nombre de questions :
v Qu’appelle-t-on pathologie mentale et quel est l'étendue
du registre des conduites que l'on peut .regrouper sous cette
appellation commune ?
v Existe-t-il des pathologies propres à l'adolescence et/ou
l'adolescence introduit-elle des caractéristiques spécifiques
à des pathologies que l'on rencontre pendant l'enfance et à
l'âge adulte ?
v L’adolescence est-elle un facteur de risque d'émergence
des troubles mentaux ?
v Notre époque et en particulier l'évolution sociale et
familiale ont-elles un effet sur la fréquence, la gravité et les
modes d'expression de ces pathologies ?
On entend par pathologie mentale l'ensemble des troubles qui
altèrent la vie émotionnelle, les cognitions et croyances du sujet, et qui
ont des répercussions négatives sur sa vie relationnelle, ses relations à
la réalité externe, à son image de lui-même et aux autres ainsi que sur
ses apprentissages et le développement de sa personnalité. Tous
troubles qui ne sont pas directement liés à une lésion cérébrale
identifiable comme telle et à l'handicap qui pourrait en résulter mais qui
peuvent parfois lui être associés. C'est tout le domaine des infirmités
cérébrales et des débilités qui appartiennent davantage au champ de la
31
neurologie que de la psychiatrie même s'il existe bien sûr des
interférences et ce qu'on appelle des co-morbidités c'est-à-dire des
troubles neurologiques et psychiatriques associés avec des
conséquences sur le développement psychique des handicaps d'origine
neurologique.
Parmi les pathologies plus spécifiquement psychiatriques que l'on
rencontre à l'adolescence les unes sont apparues dans l'enfance, les
autres au cours de l'adolescence. Parmi les premières on distingue deux
groupes bien différents.
Le premier c'est celui des troubles graves du développement dont
l'origine est encore mal connue, mais certainement multi-factorielle, et qui
se présentent plus comme un spectre que comme des entités
pathologiques précises. C'est celui de l'autisme, des psychoses infantiles
et ce qu'on appelle les dysharmonies du développement. Ces
pathologies ont en commun de générer des entraves graves du
développement cognitif et affectif de l'enfant dont le maximum constitue
l'autisme dit de Kanner.
Le deuxième groupe est celui des troubles spécifiques des
apprentissages (dyslexie, troubles et retard de langage (…) sans entrave
majeure du reste de la personnalité et des troubles dits affectifs:
angoisses de séparation, phobies et troubles obsessionnels compulsifs,
somatisations. Ces troubles font souvent le lit de pathologies de
l'adolescence, sur le même registre ou sur celui des troubles du
comportement. Ils favorisent l'échec scolaire qui aura ses propres
répercussions à l'adolescence notamment sur l'image et l'estime de soi
de l'adolescent.
Quant au premier groupe, il organise progressivement une
situation de handicap auquel l'adolescence va conférer toute une
ampleur et de ce fait il vulnérabilise l'adolescent. C'est en effet à cet âge
que l'écart entre les capacités d'acquisition, d'autonomie et d'adaptation
de ces adolescents par rapport à leurs camarades va se révéler dans
toute son ampleur malgré les efforts d'intégration, scolaire notamment,
qui peuvent être entrepris.
Mais évidemment les pathologies plus spécifiques sont celles qui
apparaissent à cet âge. C'est le cas notamment des deux grands
groupes de pathologie psychiatriques les plus graves et les plus
32
fréquents: les troubles de l'humeur et le groupe des schizophrénies. La
difficulté est d'en faire le diagnostic alors qu'il n'existe que des signes
prodromiques peu spécifiques et que dans ces formes initiales les
symptômes appartenant à ces deux classes de pathologie sont souvent
associés notamment dans les manifestations aiguës comme les épisodes
psychotiques aigues ou bouffées délirantes dont plus du tiers n'auront
pas de suite au-delà de l'adolescence les autres pouvant évoluer vers
des troubles de l’humeur plus ou moins cyclique ou une forme de
schizophrénie.
Les troubles du comportement sont parmi les motifs de
consultation ceux qui appartiennent le plus spécifiquement à
l'adolescence. Ils expriment l'importance chez l'adolescent du rôle
défensif de l'agir et de l'extériorisation des conflits.
Tous les comportements peuvent être concernés mais sous cette
rubrique sont essentiellement impliquées les conduites d'affrontement et
d'opposition voire de rupture avec l'entourage dont la dimension
agressive est immédiatement ressentie par celui-ci.
Conduites actives auto ou hétéro-agressives :
fugues, vols, mensonges
crises clastiques, comportement d'opposition et ou
d'insolence, -conduites franchement délictueuses :
psychopathie, délinquance, prostitution. - Conduites
auto-agressives : scarifications, tentatives de suicide.
v
Conduites d'addiction, toxicomanie, alcoolisme. troubles des conduites alimentaires : boulimie et
anorexie mentale. Conduites passives d'inhibition et de
retrait :
v
Evitement des contacts; peur des situations
d'exposition en public qui sollicitent les pulsions
exhibitionnistes ; simple timidité ou déjà erythrophobie,
peur de rougir en public qui reflète une plus grande
fragilité narcissique, voire restriction progressivement
croissante des contacts ;
v
v
v
Inhibition focalisée à tel ou tel secteur des
activités cognitives praxiques du Moi: échec scolaire,
limité à une matière, ou liée à la situation d'examen, ou
33
échec
global
avec
désinvestissement
des
apprentissages; maladresse physique, refus des sports,
évitement des situations ou le corps peut être impliqué ;
v
Refus scolaire complet, rupture des contacts,
enfermement dans sa chambre avec clinophilie et bain
musical permanent, apragmatisme.
Ces conduites d'inhibition et de restriction des activités du Moi
apparaissent souvent dans un premier temps comme l'expression d'un
choix volontaire de l'adolescent et d'une manifestation de ses goûts
personnels : il préfère telle activité à telle autre, il n'aime pas sortir, il n'a
pas trouvé de camarades qui lui plaisent... La faute est rejetée sur
l'extérieur, l'adolescent nie son implication personnelle et le
comportement est rattaché à des traits de caractère. En fait, ceux-ci
n'apparaîtront vraiment qu'après l'adolescence et leur présence affirmée
à cet âge comme leur brutale accentuation, doivent toujours faire
craindre et rechercher une angoisse sous-jacente que le comportement
mis en avant a pour fonction de neutraliser ou d'éviter.
Restrictions et inhibitions peuvent également porter sur la vie
pulsionnelle et sur la vie imaginaire fantasmatique. Ascétisme et
intellectualisme sont considérés comme des modes de défense
classiques de l'adolescence. La répression pulsionnelle qui va parfois
jusqu'à la perte de tout désir, peut dans un premier temps favoriser la
disponibilité intellectuelle mais rapidement les contre-investissements
nécessaires pour assurer le maintien de la répression deviennent trop
dispendieux d'énergie et épuisent le sujet.
Ce processus, pourtant grave par ses conséquences, est trop bien
toléré par tout le monde pour constituer un motif de consultation. Par
contre, les conduites d'évitement finissent par aboutir à un comportement
qui alarme l'entourage: baisse du rendement scolaire, refus scolaire, repli
sur soi, refus de sortir
QUAND PEUT-ON PARLER DE PATHOLOGIE MENTALE ?
La pathologie psychiatrique peut ainsi se définir comme la
contrainte à adopter des attitudes ou des comportements qui ont pour
effet d'amputer le sujet d'une part plus ou moins importante de ses
potentialités et qui se répètent malgré ces effets négatifs.
34
L'apparition d'un symptôme ou d'un trouble du comportement ne
signe donc pas nécessairement une pathologie avérée. Ils peuvent avoir
une valeur adaptative s'ils ne s'installent pas durablement et n'entravent
pas le développement de la personnalité et en particulier n'empêchent
pas les acquisitions propres à chaque âge, ni les intériorisations et les
identifications, c'est à dire s'ils n'ont pas d'effets dénarcissisants qui
altèreront l'estime de soi et la confiance en soi. S'ils ne sont donc pas
nécessairement pathologiques ils n'en demeurent pas moins toujours
potentiellement pathogènes par leurs capacités d'auto-entretien et même
d'auto-renforcement.
Tous les intermédiaires existent donc entre un symptôme ou un
trouble du comportement qui relève d'une variation de la normale et ceux
qui s'inscrivent dans le registre du pathologique. L'approche
psychanalytique et psychodynamique plaidaient déjà dans le sens d'un
continuum entre le normal et le pathologique. Mais paradoxalement
l'approche catégorielle qui a présidé à la réalisation des nouvelles
classifications internationales (DSMIV et ICD10) va aussi dans le même
sens Elles s'appuient sur des critères quantitatifs de fréquence et de
durée pour délimiter le champ du pathologique, avec ce qu'ils comportent
d'arbitraire inévitable. De même les facteurs de vulnérabilité qui pèsent
sur un sujet donné ne sont pas en tout ou rien mais représentent une
combinaison très variable d'un individu à l'autre et selon les époques de
son développement, les événements et le contexte dans lequel il évolue.
Et ce aussi bien pour les vulnérabilités psychologiques ou sociales que
biologiques. Même les vulnérabilités génétiques s'avèrent être multigéniques et s'expriment davantage en termes d'héritabilité que d'hérédité
de type mendélien. Ces vulnérabilités génétiques s'expriment ainsi selon
une logique plus dimensionnelle que catégorielle que ce soit la dimension
thymique, impulsive, compulsive, anxieuse, négativiste. ..
La pathologie c'est l'enfermement du sujet dans la répétition de
conduites mentales ou comportementales qui au lieu de se nourrir dans
un échange enrichissant avec l'environnement l'appauvrissent et
sabotent une part plus ou moins importante de ses potentialités. Ce n'est
pas un choix. Ces contraintes s'imposent à lui sans qu'il en ait toujours
conscience ce qui fait qu'il peut y adhérer, y voir une expression de sa
différence, de son originalité et en faire une force et une expression de
son identité. Nous reviendrons sur ce point qui constitue un des dangers
majeurs à cet âge et se présente comme une véritable fascination
narcissique par les conduites négatives. Car le point commun à ces
35
conduites, encore une fois, c'est qu'elles représentent un prix à payer
considérable, injuste et en aucun cas nécessaire pour son
développement futur. C'est cette dimension auto-destructrice qui
échappe parfois au sujet prisonnier de ces formes qui s'imposent à lui
mais aussi dans certains cas de cette fascination par le pouvoir d'emprise
notamment sur les autres qui apportent ces conduites. Il peut toujours
être tentant qu'à défaut d'être grand dans la réussite on le soit dans
l'échec. Dans ce dernier cas il n'y a pas de limite aux ambitions surtout si
on s'inflige soi-même cet échec.
L'adolescence est-elle un facteur de risque d'émergence des
pathologies mentales ? Si les troubles mentaux ne sont pas l'apanage de
l'adolescence, comme nous venons de le voir, celle-ci est cependant
particulièrement riche en émergence et en organisation de ces troubles,
notamment les troubles du comportement. Si nous prenons les critères
de conduites pathogènes, à défaut d'être nécessairement pathologiques,
tels que nous les avons envisagés ci-dessus, c'est autour de 20% des
adolescents qui sont concernés.
Il ne faut pas oublier que l'adolescence, du fait même de son lien
avec la puberté, est un phénomène somatique, physiologique normal,
mais qui va entraîner, en raison des changements de production
hormonale, un remaniement complet de la relation au corps. Il ne faut
pas oublier non plus la potentialité quasi traumatique que cela peut
avoir : les traumatismes ne viennent pas que de l'extérieur, ils viennent à
chaque fois que le moi se sent débordé, soit par une effraction de
l'extérieur, soit par quelque chose qui vient de lui et qu'il ne commande
pas. Or, on ne choisit pas le déclenchement de sa puberté, et il y a un
énorme contraste entre ce qu'on appelle la phase de latence ou l'âge de
raison -c'est-à-dire le moment où l'enfant commence justement à exercer
la maîtrise sur son esprit, sur ses acquisitions, sur son corps - et l'arrivée
de la puberté qu'on ne maîtrise pas.
L'adolescence est bien par excellence l'âge des attirances, des
emballements et des coups de foudre. Mais c'est aussi celui, en miroir,
des ruptures brutales, des fugues et des retraits.
L'adolescence est ainsi révélatrice de la qualité de ce que l'on a pu
emmagasiner, intérioriser pendant l'enfance. Plus on arrive à
l'adolescence pourvu d'une sécurité intérieure, d'une estime de soi
suffisante, nourri de la qualité des liens avec l'environnement, plus on
36
sera capable de gérer la distance avec une certaine souplesse. Mais plus
on y accède avec un passif important, des traumatismes, une
dépendance exagérée à l'environnement, plus ce sera difficile. Les
jeunes ont d'autant plus besoin de se sentir reconnus qu'ils ne sont pas
sûrs eux-mêmes de leur propre valeur.
L'une des grandes caractéristiques de l'adolescence est la
nécessaire modification de la distance aux parents et aux adultes liée
spécifiquement aux effets de la puberté. Celle-ci engendre en effet une
modification brutale et rapide du corps de l'enfant qui devient apte à agir
sa vie pulsionnelle, en particulier la sexualité et l'agressivité. L'effet s'en
fait immédiatement surgir sur la relation aux parents qui perd son naturel.
La sexualisation du lien crée une gène que traduit l'apparition et la
rougeur et de formations réactionnelles caractéristiques de l'adolescence
qui expriment toutes les réactions de fuite voire de dégoût à l'égard du
corps des parents. L'inévitable sexualisation des liens crée les conditions
d'une prise de distance d'avec les parents. Mais celle-ci génère à son
tour une interrogation sur la capacité d'autonomie de l'adolescent et la
qualité de ce qu'il a à l'intérieur de lui-même.
L'adolescence représente ce moment où le sujet doit
s'autonomiser et faire la preuve de ses acquis, de la qualité de ce qu'il a
au-dedans de lui et qu'il a intériorisé au cours de son développement
antérieur. Il doit en particulier parachever ses identifications et ses
besoins passifs de réceptivité font place à la recherche active de
réalisation de ses désirs.
Mais ceci suppose la solidité des acquis antérieurs et la réussite
de tout ce travail d'intériorisation évoqué précédemment. En leur
absence, l'adolescence va révéler, brutalement et souvent crûment, la
fragilité du monde interne et l'ampleur des besoins et des attentes à
l'égard des objets externes, tout en conflictualisant ces liens.
Il y a là quelque chose qui peut être vécu comme une contradiction
absolue: comment, pour trouver la sécurité, la force, les atouts qui
manquent, se nourrir de ces adultes qui sont censés avoir tout cela sans
être complètement dépendant d'eux ? C'est ce que traduit cette
expression si parlante des jeunes disant d'un adulte qui lui «prend la
tête». Mais la tête n'est prise que parce qu'elle est ouverte. Si
l'adolescent n'était pas en attente de quelque chose des adultes, l'adulte
ne le pénètrerait pas. Il ne le pénètre que parce qu'il y a une ouverture.
37
Son propre ennemi est à l'intérieur de lui: c'est son désir lui- même,
véritable cheval de Troie de l'objet à l'intérieur de lui.
Les conséquences s'en font sentir à deux niveaux : sur le
développement de la personnalité en empêchant la poursuite des
processus d'échanges et d'intériorisation et en bloquant les mécanismes
d'identifications, nécessaires à la maturation du sujet ; sur le
fonctionnement mental lui-même, en entravant les possibilités de
représentation, les situations paradoxales ayant des effets spécifiques de
sidération de la pensée, comme l'ont montré, entre autres après G.
Bateson les études sur les systèmes et la pensée paradoxale.
On peut voir dans cette menace sur l'autonomie et la pensée du
sujet une situation de violence qui attaque son intégrité narcissique et
génère en retour une violence défensive que traduit la réponse par l'agir
comportemental. Celui-ci tente de restaurer des limites, et une identité
menacée, par la négation des désirs et des liens objectaux internes et
par l'emprise sur les objets externes.
D'un point de vue psychopathologique on peut regarder l'ensemble
des troubles de cet âge sous l'angle de l'aménagement de ce qui est
ainsi perçu comme une dépendance dangereuse. De la nature des
réponses offertes à cette situation dépend, pour une part, le destin de
ces adolescents. Celui-ci se joue autour du dilemme suivant : vont-ils
pouvoir reprendre un commerce narcissisant avec leurs objets
d'attachement et achever en particulier leurs identifications ou en tout cas
les rendre syntones au Moi ? Ou vont-ils être contraints à développer des
stratégies de lutte contre la dépendance qui, à des degrés divers,
comportent toujours un processus d'attaque et de mise à distance des
objets; processus qui concerne inévitablement une part plus ou moins
importante des investissements et des potentialités des sujets euxmêmes en tant que ceux -ci sont liés à ces objets.
Plus le jeune attend quelque chose de l'adulte, plus il se sent en
menace de pénétration et cette menace génère une humiliation d'autant
plus intense qu'il se sent prêt à céder. Le plaisir de désirer se transforme
en un pouvoir sur soi donné à l'autre. Il y a là quelque chose d'assez
intolérable, avec toutes les gradations entre les relations normales -celles
que l'on rencontre souvent dans les relations amoureuses- et les
relations les plus psychopathologiques. Le piège et le drame, c'est que
ce comportement négatif est pour l'adolescent un moyen d'affirmer son
38
identité et sa différence. Quelqu'un qui est trop en attente ne sait plus
est son propre désir et celui des autres. Il est dans un état de gène et
confusion d'autant plus grand que ses relations de plaisir ou
satisfaction créent un rapproché exagéré avec un des adultes (le père
la mère, avec toute la sexualisation de ce lien).
où
de
de
ou
C'est cette soudaine attraction pour les personnes investies qui,
dans le même temps, en fait tout le danger et ce d'autant plus que,
comme nous venons de le souligner, cette nouvelle appétence objectale
est aussi bien le fait de la sexualisation des liens et de leur
surinvestissement pulsionnel que des exigences narcissiques de combler
les manques internes et de renforcer les intériorisations. C'est cette
conjonction de ces deux courants et de cette double pression qui spécifie
l'adolescence. L'intensité de chaque courant contribue à conflictualiser
l'autre: les failles narcissiques sexualisent les liens, tandis que
l'accroissement des investissements pulsionnels objective le poids des
objets d'investissement et augmente le sentiment de dépendance à leur
égard. C'est ainsi que l'éclat incestueux des liens parents enfants révèle
autant la fragilité des limites du Moi que la charge pulsionnelle des
investissements.
Un tel antagonisme n'est évidemment pas perçu comme tel par le
sujet. Il est vécu et subi comme une contrainte qui ne dit ni son nom, ni
son origine, et qui ne peut être perçue que par ses effets. C'est d'autant
plus le cas qu'il ne s'agit pas de conflits entre des désirs contradictoires
ou un désir et un interdit, mais d'exigences internes qui ne peuvent être
perçues par ces adolescents que comme s'annihilant entre elles. On est
en fait dans le registre du paradoxe qui pourrait se formuler de la façon
suivante: "ce dont j'ai besoin, parce que j'en ai besoin, et à la mesure
même de ce besoin, est ce qui menace mon autonomie".
39
Le repérage, enquête sur les troubles
mentaux chez les enfants scolarisés dans les
écoles primaires de Provence Alpes Côte
d’Azur
Dr. Viviane KOVESS, T. SHOJAE
Fondation MGEN pour la santé publique, université Paris V
Introduction
En santé mentale, il existe des situations cliniques très diverses qui vont
du trouble mental caractérisé et sévère aux troubles caractérisés plus
fréquents mais beaucoup moins invalidants, à des états de souffrance
mentale, parfois réactionnels à des situations difficiles qui peuvent
évoluer ou non vers un trouble constitué. La psychopathologie de l’enfant
est très évolutive et les troubles peuvent être fluctuants rendant leur
appréciation difficile car elle doit tenir compte du milieu et d’éventuels
facteurs déclenchants. La santé mentale recouvre aussi des aspects
positifs : les sentiments de bonheur, de bien-être, les ressources de la
personnalité, la résilience face aux difficultés grâce à la mise en place
des mécanismes d’adaptation.
On distingue généralement les troubles dits envahissants (psychoses,
autisme), les troubles extériorisés (troubles des conduites, de l’attention,
oppositionnels, hyperactivité) et intériorisés (angoisse de séparation,
anxiété généralisée, phobies, troubles dépressifs) bien caractérisés, et
les symptômes ne constituant pas un syndrome avéré mais qui sont le
signe d’une fragilité.
Plusieurs travaux conduits dans des populations d’enfants ont évalué la
fréquence de ces troubles dans différents pays. Dans ces études
résumées dans la figure suivante, la prévalence des troubles mentaux
chez les enfants varie de 7% à 22%. Cette variation qui peut paraître
très importante, est essentiellement due au fait que les populations
d’enfants (modalités de sélection et âge de sujets étudiés), la méthode du
40
recueil des données en particulier des différents types de questionnaires, la
nature de l’informateur (enfants, parents, enseignants) la durée sur laquelle
est évaluée le troublé (ponctuelle, sur un an ou sur la vie) et surtout la
définition du trouble mental varient d’une étude à l’autre en particulier la
mesure du retentissement du trouble sur la vie de l’enfant.
15,20%
15,20%
Robertson
etet
al,al,
1999
Robertson
1999
Jellinek
etet
al,al,
1999
Jellinek
1999
13,0%
13,0%
Costello
etet
al,al,
1996
Costello
1996
Gomez-Beneyto
etet
al,al,
1994
Gomez-Beneyto
1994
Fombonne.
Fombonne.1994
1994
11,9%
11,9%
4,8%
4,8%
5,9%
5,9%
MacGee
MacGee
etet
al.al.
1984
1984
"troubles
mentaux
avec
"troubles
mentaux
avec
retentissment"
retentissment"
"troubles
menatux"
"troubles
menatux"(DSM
(DSM
ouou
CIM)
CIM)
12,4%
12,4%
13,2%
13,2%
Bergeron
etet
al,al,
1992
Bergeron
1992
Rutter
M.M.
etet
alal
1970
Rutter
1970
21,7%
21,7%
19,1%
19,1%
17,3%
17,3%
6,8%
6,8%
Table 1 Prévalences comparées des études des troubles mentaux chez
l’enfant
La vulnérabilité aux troubles mentaux résulte toujours de l’interaction de
plusieurs facteurs de risque, les uns individuels, les autres
environnementaux. Ces facteurs de risque peuvent avoir un effet
cumulatif, mais leur valeur prédictive n’est pas identique. Par ailleurs,
l’impact de ces facteurs de risque sur la survenue ultérieure de troubles
peut aussi varier en fonction de leur moment de survenue au cours du
développement. La connaissance de ces facteurs de risque revêt une
importance majeure dans une perspective de prévention.
L’approche épidémiologique a permis de constater des corrélations entre
les troubles mentaux et certains « facteurs de risque » généralement
évalués dans ces études.
Ainsi dans la plupart des études, la prévalence des troubles mentaux
varie :
Suivant l’âge et le sexe de l’enfant. Par exemple, l’angoisse de
séparation est plus fréquente chez les enfants scolarisés en primaire que
chez les enfants de 4 à 5 ans. Certains types de troubles comme les
41
troubles extériorisés sont plus fréquents chez les garçons que chez les
filles.
Suivant les caractéristiques socio-démographiques et socio-économiques
de la famille. Par exemple, les troubles mentaux seraient plus fréquents
dans les familles monoparentales, dans les familles où les parents ont un
faible niveau de scolarité, sont au chômage ou ont des revenus bas.
Suivant d’autres caractéristiques concernant les parents. La prévalences
des troubles mentaux est plus grande quand les parents ont eux-mêmes
certains troubles mentaux, ou ont des relations inadéquates avec leur(s)
enfant (s) (attitudes punitives/ négligence de soin) ces facteurs étant bien
entendu souvent liés entre eux.
Suivant la présence d’évènements traumatiques dits évènements de vie
(perte d’un parent, d’un membre de la fratrie ou maladie grave, handicap)
Le Contexte français:
En France, il n’existe pas d’état des lieux sur la santé des enfants entre 6
et 11 ans. Une seule étude a été conduite auprès de 271 enfants âgés de
8 à 11 ans, scolarisés dans 18 écoles à Chartres (Fombonne, 1994).
Dans cette étude, la prévalence globale des troubles mentaux est
estimée de 12.4% à 5.9%, suivant la prise en compte du retentissement
de ces troubles sur la vie quotidienne de l’enfant.
Plusieurs rapports ont souligné le manque d’informations sur la santé
mentale des enfants dans notre pays et c’est pour pallier à cette carence
que nous avons mené ,à titre pilote , cette enquête sur la santé des
enfants dans les écoles primaires d’ une région volontaire: la région
PACA.
Cette enquête est le fruit de la collaboration d’une équipe de recherche
appartenant à la Fondation MGEN pour la santé publique (Université
Paris 5) , des deux académies Aix Marseille et Nice et de la Direction
Régionale des Affaires Sanitaires et sociales de la région PACA. Des
personnes représentant ces institutions ont formé un comité de pilotage
local dans lequel étaient réunis des personnels très divers du monde
scolaire dont des représentants des associations de parents.
42
Cette enquête a reçu l’approbation de la CNIL et a été régulièrement
suivie, d’une part, par un comité de pilotage national composé de
représentants de la DESCO et de la DGS, et d’autre part, par le comité
de pilotage local. .
Ce projet s’est inscrit dans le cadre d’un commun accord entre tous ces
acteurs sur le fait que les possibilités d’apprentissage des enfants en
milieu scolaire étaient en étroite relation avec le bien-être mental des
enfants. Ce point a été également souligné dans plusieurs rapports qui
ont cherché à préciser le rôle de l’école dans le dépistage et la
prévention des problèmes de santé des élèves dont les problèmes de
santé mentale font partie bien évidemment.
Méthodologie
Généralités
L’enquête s’est penchée sur les problèmes les plus fréquemment
rencontrés chez les enfants scolarisés en milieu ordinaire. Les problèmes
les plus handicapants, comme les déficiences et les troubles graves du
développement (par exemple, l’autisme ou les psychoses infantiles) ont
été exclus de son champ. Pour avoir une vision complète de la santé
mentale des enfants en région PACA, une exploitation conjointe de cette
étude et des informations comme celles en provenance des intersecteurs
infanto juvéniles de psychiatrie ainsi que du secteur médico-social ou
encore des résultats des CDES, permettrait d’évaluer ces problèmes.
Bien que certaines personnalités de la pédopsychiatrie soient réticentes
à cette approche, l’enquête qui a utilisé une approche épidémiologique, a
cherché à évaluer des troubles mentaux se rapprochant autant que faire
se peut de diagnostics DSM IV (classification des troubles mentaux qui
définit les critères nécessaires pour considérer que l’enfant présente un
trouble donné). Cette approche est rendue possible par l’utilisation de
questionnaires spécialisés qui ont été calibrés pour ce faire.
Les questionnaires utilisés ne permettent d’ailleurs pas, à proprement
parler, de porter de diagnostic mais d’évaluer la probabilité de présenter
un problème de santé mentale tout en tenant compte du retentissement
suffisamment important pour constituer une gène même passagère, sur
la vie courante de l’enfant.
43
L’étude a en effet cherché à évaluer l’ampleur des problèmes de santé
mentale pouvant handicaper l’enfant dans sa vie quotidienne, notamment
dans ses apprentissages, et constituer un éventuel besoin de soin. Ce
besoin de soin en santé mentale n’est pas nécessairement psychiatrique
mais peut être psychologique voire concerner d’autres intervenants dans
les secteurs de l’éducation, le secteur social et le secteur judiciaire entre
autres. Le recours aux soins a aussi été mesuré de sorte qu’il soit
possible de quantifier la distance, si elle existe, entre les besoins de soin
et la recherche effective d’aide.
De plus, un certain nombre de facteurs pouvant interférer avec la santé
mentale des enfants, comme par exemple les désavantages sociaux ont
été recherchés.
Enfin les problèmes ont été évalués sous l’angle de l’enfant lui même, du
parent et de l’enseignant car chacune de ces perspectives a sa valeur
propre et participe à la description des problèmes. Il existe en effet un
consensus sur la nécessité de toujours évaluer plusieurs sources et
surtout d’évaluer directement l'enfant : dans certains cas l’enfant identifie
mieux que l’adulte certains de ses problèmes aussi cette information est
nécessaire mais pas suffisante et le point de vue de chaque informateur,
quel qu’il soit, doit être combiné à celui d’autres informateurs pour que
l’évaluation de la santé mentale d’un enfant soit relativement complète.
L’approche épidémiologique implique que les enfants tirés au sort dans
des écoles, qui elles-mêmes étaient tirées au sort, ne soient jamais été
identifiés en tant que tels. L’école n’a donc été en possession des
résultats ni pour un enfant donné, ni pour l’ensemble des enfants qui ont
répondu aux questionnaires.
Echantillon
Le recueil des données a été fait sur un échantillon représentatif de 2341
enfants scolarisés dans les écoles primaires de la région PACA (cf. E1).
La base du tirage au sort était constituée de l’ensemble des écoles
primaires publiques et privées, rurales ou urbaines, en ZEP ou non, des
académies d’Aix-Marseille et de Nice. Ainsi, les service statistiques des
deux académies ont tiré au sort une centaine d’écoles (60et 40 écoles
44
respectivement). Au sein de ces écoles, le jour de l’enquête, les
enquêteurs ont tiré au sort 5 enfants dans chaque niveau scolaire CP,
CE1, CE2, CM1, CM2 (25 enfants par école)..
Les données recueillies ont été pondérées pour assurer la
représentativité de l’échantillon. Les résultats présentés ici tiennent
compte de la probabilité des enfants à être tirés au sort suivant qu’ils
étaient dans une petite ou grande école.
E1 : Répartition géographique des écoles primaires tirées au sort en
région PACA
milieu urbain
milieu rural
écoles privées
10
2
écoles publiques
70 (dont 10 en ZEP)
17 (dont 1 en ZEP)
Les questionnaires
Questionnaire proposé à l’enfant
Le questionnaire destiné à l’enfant est le Dominique Interactif (DI). Il
s’agit d’un auto questionnaire comportant 94 dessins qui présentent des
situations dans lesquelles peut se trouver un enfant dénommé Dominique
qui peut être paramétré comme un garçon ou une fille. Le questionnaire
se présente sous la forme d’un jeu vidéo au cours duquel un
enregistrement sonore lui demandant s’il pense avoir été ou non dans la
situation présentée, défile au fur et à mesure des questions. L’enfant
clique sur « oui » ou « non » suivant la réponse qu’il souhaite donner (cf.
E6 ). Les exemples présentés plus bas illustrent les questions sur les
troubles oppositionnels et les phobies ainsi que les troubles des
conduites et une des images évaluant la qualité de vie. Chaque
diagnostic est évalué à partie d’une dizaine de questions mélangées
entre elles. Un système de score permet de considérer le trouble
comme : absent, probable ou presque certain, en fonction du nombre de
questions répondues positivement dans chacun des diagnostics
considérés.
Le Dominique interactif a été validé en France en 2003 (Chan Chee et al,
2003) grâce à la comparaison entre les diagnostics obtenus par ce
questionnaire et les diagnostics cliniques portés par une équipe de
45
cliniciens spécialisés sur les mêmes enfants interrogés dans des
consultations de pédopsychiatrie.
A noter que les enquêteurs chargés de proposer ce questionnaire aux
enfants étaient des psychologues cliniciens qui avaient été recrutés par
l’équipe de recherche sur avis du comité de pilotage local.
Echantillon d’images E6
Questionnaire proposé aux parents
Ce questionnaire rempli par un des parents comporte une dizaine de
pages. Il est remis par l’enseignant aux parents par l’intermédiaire du
cahier de correspondance de l’enfant tiré au sort. Il permet d’évaluer les
principaux facteurs de risque ainsi que l’accès au système de soin
spécialisé et non spécialisé.
Il comprend ainsi des questions sur les antécédents médicaux et les
accidents de la vie courante de l’enfant, le recours aux soins pour
l’enfant, la relation parent -enfant, les caractéristiques socio-
46
démographiques des parents, les événements de la vie familiale, la santé
mentale du parent et ses problèmes avec sa consommation d’alcool.
La santé mentale de l’enfant et son retentissement sur sa vie familiale et
sociale, telle que perçue par son parent est mesurée à l’aide d’un
questionnaire validé et largement utilisé en Europe : « perception de la
santé mentale de l’enfant par le parent » (voir E3 : Strength and
Difficulties questionnaire : Goodman, 1999).
E3 : Questionnaire destiné aux parents (Strengths and difficulties questionnaire)
Comportement de l’enfant perçu par le parent au cours des six derniers mois
Pas
Parfois ou Très
vrai
un peu vrai vrai
Echelle des troubles émotionnels (5 questions )
Ex : Est sensible aux autres, tient compte de ce qu’ils pensent .......................................................... ...................... ......................
Echelle des troubles comportementaux (5 questions)
Ex : Fait souvent des colères, s’énerve facilement................................ ................................ ................................ ...................... ......................
Echelle d’hyperactivité (5 questions)
Ex : Agité(e), turbulent(e), hyperactif(ve), ne tient pas en place ....................................................... ...................... ......................
Echelle des troubles relationnels avec les paires (5 questions )
Ex : Aide volontiers quand quelqu’un s’est fait mal ou ne se sent pas bien ...................... ...................... ......................
Score total des difficultés : obtenu en sommant les scores obtenus aux échelles, excepté celle de l ’échelle
prosociale
Les troubles émotionnels, reflètent les troubles dits intériorisés et les troubles c omportementaux et
l’hyperactivité reflètent les troubles dits extériorisés de l ’enfant.
Questions sur le retentissement social et familial des difficultés de l ’enfant
Est-ce que ces difficultés interfèrent avec la vie quotidienne de votre enfant dans les domaines
suivants ?
Pas du tout
Un peu
Assez
Beaucoup
La vie à la maison ......................................................... ............................... .............................. ...........................
Les amitiés................................................................ ......... ............................... .............................. ...........................
Les apprentissages à l’école................................ .. ............................... .............................. ...........................
Les loisirs................................ ............................................ ............................... .............................. ...........................
Est-ce que ces difficultés pèsent sur vous ou sur la famille en général ?
Pas du tout
Un peu
Assez
Beaucoup
Questionnaire proposé aux enseignants
Ce questionnaire rempli par l’enseignant pour chaque enfant sélectionné
dans sa classe, est très court (deux pages). Il comprend une liste de
questions reflétant les critères DSM IV, sur la perception de l’enseignant
de certains aspects de la santé mentale de l’enfant : troubles
oppositionnels et hyperactivité /déficit de l’attention.
47
L’enseignement évalue également le retentissement de ces troubles sur
l’adaptation scolaire de l’enfant, sur son apprentissage et sur ses
compétences scolaires, notamment en lecture et en mathématiques par
comparaison du niveau avec celui des enfants de la classe.
Differentes mesures disponibles selon les sources d’information
L’ensemble de ces trois questionnaires permet donc d’obtenir deux
catégories d’information : des informations sur la santé mentale de
l’enfant (cf encadré), et des informations lié à l’enfant autre que sa santé
mentale ou lié à la famille (cf encadré).
A noter que les parents ont été interrogés sur l’état de santé mentale de
leur enfant au cours des 6 derniers mois. Alors que l’enfant lui-même et
son enseignant ont fourni des informations sur l’état actuel de santé de
l’enfant.
Tableau 2. Source d’information sur la santé mentale de l’enfant
source d'information
troubles intériorisés
anxiété de séparation
Enfants
X
X
anxiété généralisée
X
dépression
X
phobie
troubles extériorisés
Enseignants
X
X* (sans conduite)
X
X
trouble oppositionnel
X
trouble des conduites
X
hyperactivité/déficit de l’attention
X
retentissement dans le domaine
familial et scolaire
Parents
X*
X
X**
X
X
X
X
* troubles émotionnels
** troubles du comportement : opposition ou conduites
48
Tableau 3 Source d’information sur les caractéristiques propres à l’enfant
ou à sa famille
École/
Enseignant
Accidents domestiques et de loisirs de
l’enfant
Utilisation du système de soins par
l’enfant
Parent
x
x
Relation parent-enfant
x
Evénements de vie stressants de
l’enfant
x
Compétences scolaires de l’enfant
x
Situation géographique de l’école
(ZEP ou hors ZEP/rural ou urbain)
x
Pays de naissance des parents
x
Niveau d’éducation des parents
x
Catégories socioprofessionnelles des
parents
x
Statut des parents vis-à-vis de l’emploi
x
Détresse psychologique des parents
x
Composition familiale et niveau de
revenus du foyer
x
Indicateurs pb alcool des parents
x
Résultats
Les taux de participation figurent dans l’encadré x. les résultats présentés
ci-dessous ont porté sur
les 1274 enfants pour lesquels les 3
questionnaires ont été complétés (54,4% de l’échantillon initial).
49
E5 : bilan des données recueillies
Sur les 100 écoles initialement prévue, 99 écoles ont participé à l’enquête Nombre total d’enfants
tirés au sort :
2341 enfants (1000 : Nice+ 1341 AM)
Taux de refus des parents après réception des coupons réponses:
19,7% (n=462)
Nombre d’absents le jour J : 88 enfants (3.8%)
Nombre d’enfants ayant passé Dominique :
1791 enfants mais données disponibles pr 1767 enfants
Taux de retour questionnaires enseignants (sur 1767 enfants) :
1756 questionnaires (99.4%)
Taux de retour questionnaires parents (parmi ceux qui n’ont pas refusé la participation de l’enfant
à l’enquête) :
72.5% (1282 questionnaires reçus)
Taux de participation des 3 informateurs :
54.4% (1274 questionnaires)
Taux de prévalence des troubles mentaux chez les enfants
4.1.1 Taux globaux de prévalence
7,6% des enfants présenteraient un trouble intériorisé ou extériorisé
ayant un retentissement sur leur vie quotidienne selon la perception des
parents. Cette proportion monte à 22,6% d’après les enfants eux-mêmes
et est à 5.54% d’après les enseignants à qui seuls certains diagnostics
étaient proposés.
Ces différences de prévalences sont importantes et explicables en partie
par le fait que le nombre de diagnostics mesurés n’est pas le même
suivant les informateurs. De plus, le retentissement des troubles sur la
vie familiale et sociale de l’enfant ne fait parti du questionnaire destiné à
l’enfant lui-même. Un enfant avec un trouble passager aura un diagnostic
positif selon le DI alors qu’il aura un diagnostic négatif selon le parent ou
l’enseignant qui n’évoquent que des troubles qu’ils estiment
suffisamment importants pour gêner l’enfant. Les troubles évoquées par
l’enfant ne doivent pas pour autant être négligés car l’étude de validation
de DI en France (Chanchee, 2003) a montré que les enfants évaluaient
par eux mêmes assez précisément leurs problèmes et que bien qu’on ne
puisse pas parler de troubles avérés, il s’agit certainement de troubles
significatif.
50
Si on s’intéresse à la perception de la santé mentale de
parents, nous avons des résultats similaires à l’étude
(1994) estimant à 5,3% la prévalence des troubles
retentissement sur la vie quotidienne de l’enfant dans son
l’enfant par les
de Fombonne
mentaux avec
échantillon.
Les résultats obtenus à partir du questionnaire auprès des enfants,
montrent une fréquence plus élevée des troubles intériorisés que des
troubles extériorisés. Ceci est probablement lié au fait que les enfants
perçoivent mieux leur mal-être « intérieur » que leur mal-être
« extérieur ». En revanche, le phénomène inverse est observé quand les
parents sont interrogés.
4.1.2 Concordance entre les 3 sources d’information
Non seulement les prévalences sont différentes suivant les sources
d’information mais la perception des uns et des autres (enfant, parent,
enseignant) sur la santé mentale de l’enfant peut être très différente. Par
exemple pour l’hyperactivité avec troubles de l’attention ( cf. graph ), et
bien que la prévalence de ce trouble soit comprise entre 3,6% et 4,9%
selon différentes sources, seuls 0,2% des enfants sont perçus comme
ayant ce profil diagnostique par les trois sources d’information.
Si l’on considère seulement le pourcentage d’enfants perçus comme
étant hyperactifs à la fois par le parent et par l’enseignant, seuls 0.9%
des enfants présenteraient ce trouble car les enseignants ne rapportent
pas les mêmes problèmes que les parents et vice versa. Ainsi, les
parents et les enseignants identifieraient un nombre à peu près identique
d’enfant ayant ce type de trouble mais il ne s’agit pas des mêmes
enfants.
Il en est de même avec les troubles intériorisés bien qu’ en fait plus du
tiers des enfants que le parent a rapporté souffrant de ce type de
problème le rapporte lui-même. Par contre de nombreux enfants qui ont
été considérés comme ayant une probabilité d’avoir ce type de problème
ne sont pas reconnus comme tels par leur parent.
Ces divergences d’évaluation sont bien documentées par les études qui
considèrent comme essentielles de présenter les différents angles de vue
sans vouloir à priori affirmer la supériorité d’un informateur sur un autre.
51
Concordance entre différentes sources d’information :
Troubles émotionnels
Hyperactivité avec trouble de l’attention
Enfants : 4.48%
0.5%
1.3%
0.4%
0.2%
0.7%
Enseignants* : 3.63%
Parents* : 3.3%
Enfants : 16.8%
Parents* : 4.94%
* : avec retentissement
Tableau 5 comparaisons des évaluations des différents informateurs
Conclusion et perspectives
Cette enquête est le produit de la collaboration d’une équipe de
recherche, de deux académies Aix Marseille et Nice et de la Direction
Régionale des Affaires Sanitaires et sociales de la région PACA ; elle est
aussi suivie par les autorités nationales des ministères concernés.
Elle est la première enquête française faite à cette échelle en population
générale.
Les données qui ont été recueillies en 2005 sont en cours d’analyse et
les résultats devraient être disponibles dans le courant du premier
semestre 2006. S’agissant d’une collaboration, la production des
résultats fera l’objet d’un texte consensuel en cours d’écriture et un texte
présentant les premiers résultats devrait être diffusé dans le premier
trimestre 2006.
Les résultats comprendront l’analyse des prévalences des différents
problèmes suivant les informateurs en fonction :
-des différentes caractéristiques des enfants : sexe et âge
-du retentissement sur le fonctionnement scolaire
-des principaux facteurs de risque : facteurs sociaux, évènements de vie
et santé mentale des parents
52
-l’utilisation du système de soin : l’accès aux psychiatres, psychologues
et autres intervenants sera présenté par type de problème et
d’informateurs.
Enfin, cette enquête menée à titre pilote en région PACA a permis de
faire le point sur l’acceptabilité et la faisabilité d’une étude de ce type en
population générale. Les taux de participation des enfants, parents et
enseignants en témoignent. L’extension de l’enquête à d’autres régions
avec d’autres caractéristiques socio-démographiques et territoriales qu’il
conviendra de déterminer en fonction des besoins des différents
partenaires, parait donc aujourd’hui non seulement possible mais utile.
Lexique des
troubles mentaux chez l’enfant
(selon les critères DSM IV)
Troubles dits intériorisés regroupent :
a)
phobies spécifiques
:
Peur intense et irraisonn ée, déclanchée par la présence d’objets ou de situations spécifiques (ex: prendre
l’avion), provoquant une r éaction anxieuse immédiate (exprimée chez l’enfant par pleurs, colères,..) et
pr ésente depuis au moins 6 mois. Elle interfère directement avec la vie familiale et sociale de l ’enfant.
b)
angoisse de séparation
Anxiété excessive c
oncernant la séparation d’avec la maison ou les personnes auxquelles le sujet est attach é,
pr ésente depuis au moins 4 semaines et entraînant une détresse cliniquement significative, ou une alté ration
du fonctionnement social ou scolaire.
c)
anxié té généralis é
e
Anxiété et soucis excessifs concernant un certain nombre d ’événements ou d’activit és (ex
: travail,
performances scolaires) présents au moins depuis 6 mois. L’objet de l’anxiété n’étant pas limit é aux
manifestations d’autres troubles comme l’anxiété de s
éparation, phobies, etc. Elle entraîne une détresse
cliniquement significative, ou une alté ration du fonctionnement social ou scolaire.
d)
dépression/dysthymie
.
Persistance chez un individu de plusieurs symptômes, dont les principaux sont
: diminution marqué
e de
l’intérêt, baisse d’énergie ou fatigue, faible estime de soi, difficulté de concentration, qui durent au moins
depuis deux semaines, entraînant une détresse cliniquement significative, ou une altération du
fonctionnement social ou scolaire..
Troubles
dits extériorisés regroupent :
a)
déficit de l’attention / hyperactivité
Persistance d’inattention et/ou hyperactivité /impulsivité , plus fr équente et plus sévère que ce qu’ on observe
habituellement chez les enfants d’âge similaire. Une gêne fonctionnelle si
moins deux environnements différents (par ex
b)
: à l’école et à la maison.
gnificative est présente dans au
)
trouble des conduites
Ensemble de conduites, répétitives et persistantes, dans lequel sont bafoués les droits fondamentaux
d’autrui ou les normes et r
principales
ègles sociales correspondant à l’âge du sujet. Il existe quatre caté gories
: agressions envers des personnes ou des animaux, destruction des biens mat ériels, fraude ou
vol, violation grave des r ègles établies (par ex
c)
trouble oppos
: fugues,..)
itionnel avec provocation
Ensemble r écurrent de comportements n égativistes, provocateurs, désobéissant envers les personnes en
position d ’autorité , qui persiste pendant au moins 6 mois, entraînant une alté ration significative du
fonctionnement social ou sc
olaire..
53
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle,
un programme de développement des
compétences sociales
Pr. Jacques FORTIN,
pédiatre et professeur en sciences de l’éducation
Il y a violence quand, dans une situation d’interaction, un ou plusieurs
acteurs agissent de manière directe ou indirecte, massée ou distribuée,
en portant atteinte à un ou plusieurs autres à des degrés variables, soit
dans leur intégrité physique, soit dans leur intégrité morale, soit dans
leurs possessions, soit dans leurs participations symboliques et
culturelles.
Y. A. Michaud, 1978.
- La violence en milieu scolaire est un problème de santé publique, nié
dans les années 80.
- Lien entre agressivité, conduites antisociales et difficultés scolaires
(Tremblay, Mâsse, Kurtz, 1996)
Trajectoires
d’adolescents
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle
agressifs ciblent la petite enfance
(Cairns et al., 1989)
Interventions
éducatives
précoces semblent infléchir la
probabilité
de
comportements
asociaux à l’adolescence (Mc
Cord, Tremblay, 1992
% des garçons parmi les 8% plus délinquants entre 10
et 14 ans selon la trajectoire développementale des
comportements violents entre 6 et 12 ans
25
20
15
10
5
0
jamais
violent
violence
variable
arrêt après
maternelle
début après
maternelle
violence
continue
54
Modèle écologique et violence
Sociétale
Communautaire
Normes sociales
Culture
Médias
Inégalités sociales
École
Quartier
travail
Relationnelle Individuelle
Famille
Pairs
amis
Âge
Éducation
Revenu
Tr. Psychol.
Antec. de
violences
Violence des jeunes scolarisés
- déculturation
- violence du mot
- impuissance sociale
- absence du futur
- culture narcissique du tout
possible
- jeux pervers autour des boucs
émissaires
Facteurs favorisant la violence
•
Environnement précarité
•
Sexe prédominance masculine (culture)
•
Modèles identificatoires
- Valorisation, banalisation de la violence
•
Vécu violences subies. Manifestations précoces et régulières
d’agressions
•
Repères éducatifs psychosociaux
- Faible estime de soi.
- Peu d’habiletés cognitives, comportementales et sociales
- Mépris et rejet subis
- Peu de réseaux sociaux. Rejet des pairs pro sociaux;
fréquentation des pairs antisociaux agressifs
- Rapport instable à la règle et à la loi
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle
•
•
•
Expérience de GASPAR: maîtrise des comportements violents
au sein des collèges et lycées par une réorganisation des
rapports interindividuels dans un contexte donné. (Fotinos,
Fortin, 2000)
L’apprentissage précoce de la gestion des émotions et de l’accès
à des solutions négociées des conflits sont décrits comme des
démarches efficaces pour la prévention des comportements
asociaux (Fortin, Bigras, 1994)
Le développement de compétences psychosociales contribue à
la promotion de la santé (OMS, 1999)
55
Communication
Gestion du stress
Prise de décision
Résolution des problèmes
Assignation d’objectifs
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Activer les facteurs de protection et les principes de résilience
Apprentissage expérientiel
Appui sur les programmes officiels
Mots pour dire ses émotions
Image de soi positive
Sentiment de sécurité pour aller vers l’autre
Interactions d’entraide et de solidarités
Temps forts hebdomadaires
Intégration dans les activités pédagogiques habituelles
Activités choisies par l’enseignant
Articulation avec les parents
Programme élaboré et expérimenté avec un groupe d’une
trentaine d’enseignants volontaires
Programme au cycle 1
Les sentiments
Joyeux comme un pinson
Triste comme la pluie
Une peur bleue
Une colère noire
Moi, j’aime aider
Ma carte d’identité
Je connais tes qualités
Semblables et différents
Touche pas, c’est à moi !
Les consignes
Les disputes
56
Programme au cycle 2
Mes qualités, mes compétences
Les sentiments
Joyeux
Furieux
Généreux et solidaire
J’apprécie les autres
Semblables et différents
Je t’écoute et je t’entends
On a besoin de respect
Je prends des responsabilités
Mon territoire
Se moquer ne fait pas rire
Le règlement
Finie la violence!
Le vol
Programme au cycle 3
Mes qualités et mes compétences
Le souffre douleur
Ce que j’aime en toi
Publicité et liberté de choisir
Les sentiments
Pas de justice sans règles
La tristesse
Etre médiateur
La honte
La bagarre
Le droit à l’erreur
Intimidation, racket, vol
Vive la différence!
L’injure
Sur qui je peux compter
La triche
L’affirmation de soi
La drogue, non merci!
57
Evaluation - Année 2000
•
6 écoles primaires et maternelles en milieu précaire (RoubaixWattrelos)
Directeurs volontaires pour l’expérimentation
Septembre 2000 : sensibilisation des 75 enseignants
Décembre 2000 : QECP rempli par chaque enseignant à partir de
la GS maternelle
Janvier, mars, juin : ajustements et synthèse
•
•
•
•
Evaluation - QECP
•
Questionnaire validé par l’université de Montréal (R.E. Tremblay)
explorant globalement la fréquence de certaines attitudes et
comportements (absent, occasionnel, fréquent).
39 ou 61 questions en fonction de l’âge.
Permet le calcul d’un score d’agressivité et d’hyperactivité,
d’impulsivité, d’anxiété/retrait, de socialité.
Rempli par l’enseignant.
•
•
•
Effectifs et scores
Mieux
Mieux vivre
vivre ensemble
ensemble dès
dès l’école
l’école maternelle
maternelle
Effectifs
Effectifs
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle
Scores selon la classe
année
année11 année
année22 année
année 33
GS
CP
CE 1
CE 2
CM 1
CM 2
nn
737
737
358
358
235
235
Hyperactivité
4.19
5.71
6.84
6.89
7.61
6.55
garçons
garçons
363
363
178
178
105
105
Agressivité
2.04
3.01
3.52
2.72
2.83
2.61
130
130
Anxiété/
Retrait
Prosocialité
1.96
2.68
2.87
2.11
2.53
2.63
6.41
7.21
8.79
7.55
6.89
10.29
filles
filles
374
374
180
180
J. Fortin. Université Lille 2
J. Fortin. Université Lille 2
Cycle 2: diff. signif. entre classes
Cycle 3: ns, sauf prosocialité
58
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle
Scores selon le sexe
Scores de l’année 1 des écoles qui ont arrêté et
poursuivi le programme
Cycle 2
Cycle 3
garçons
filles
garçons
filles
hyperactivité
6.40
4.62
9.57
4.94
***
Agressivité
3.44
2.17
3.71
1.93
***
Anxiété/
Retrait
2.51
2.54
2.54
2.35
ns
Prosocialité
6.39
8.05
7.48
8.95
***
cycle 2
cycle 3
arrêté
poursuivi
arrêté
hyperactivité
5.55
4.10 *
7.31
7.05
agressivité
2.89
1.96*
2.76
2.90
anxiété/
retrait
2.56
2.18
2.37
2.65
prosocialité
6.88
6.71
7.99
8.54
*différence
significative
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle
Cycle 2 (5-8 ans)
Hyperactivité/
agressivité
Groupe référence
après 1 an
après 2 ans
5,56
4,02
3,92
(5,7)
Agressivité
2,85
Anxiété/retrait
2,52
(3,9)
2,31
3,22)
(4,95)
(2,07)
7,19
(2,15)
7,58
(4,9)
Cycle 3
groupe référence
après 1 an
après 2 ans
7,01
5,95
5,62
(7,65)
agressivité
(6,39)
Agressivité
2,72
impulsivité
3,29
(2,81)
***
1,87
(2,41)
ns
Prosocialité
J. Fortin Université
Lille 2
Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle
Hyperactivité/
1,80
1,94
(4,97)
***
2,27
Anxiété/retrait
2,43
prosocialité
8,28
1,72
(2,54)
2,45
(2,78)
2,33
(3,26)
2,43
(2,6)
8,76
(4,9)
(2,48)
3,17
(3,0)
(2,2)
(6,03)
ns
(6,86)
(2,67)
9,38
(5,59)
poursuivi
(2,25)
10,57
(4,751)
(4,39)
Résultats
•
•
•
•
•
Intérêt des élèves de toutes les classes de toutes les écoles
(participation, demande du temps hebdomadaire…). Réponse
concrète au besoin de savoir verbaliser les émotions.
Amélioration unanime du climat scolaire dès la première année
dans 6 écoles sur 7. Conflits se terminent plus rapidement.
Réduction du sentiment d’agressivité générale.
Thèmes systématiquement abordés: sentiments, connaissance
de soi et des autres. Puis bagarres, règles, racisme, respect.
Plus les enseignants poursuivent le programme, plus ils
diversifient les thèmes (importance du temps et de la formation)
Parents informés mais peu associés
Implication de l’enseignant est le facteur le plus déterminant:
– Cohérence des pratiques éducatives antérieures:
programme joue un rôle d’amplificateur et d’accélérateur
– Contradictions avec pratiques antérieures: refus
59
Evaluation qualitative. Refus
En maternelle
–
–
surcroît de travail (rapport) demandé par l’IEN à propos du
programme et supervision hiérarchique pas toujours appréciée
La non participation à l’évaluation et au programme n’implique
pas toujours l’abandon des thématiques explorées (sentiments,
connaissance de soi et des autres). Idem en primaire.
En primaire
- Dès la formation, désaccords exprimés sur l’origine de la violence
scolaire et le principe de modification des pratiques
–
–
–
–
Dans une école manque d’efficacité perceptible (scores élevés
d’hyperactivité et retrait, score moyen d’agressivité).
Dans 2 écoles, programme en fonction du volontariat des
enseignants, sans réunions trimestrielles de synthèse
(changements d’enseignants) ni QECP
Dans une école changements de projets chaque
Les 4 écoles rejettent surtout le remplissage du questionnaire
Evaluation – Scores
•
•
•
Difficultés méthodologiques et administratives pour une étude
cas témoins (problème de l’appariement des enseignants à partir
de leurs pratiques éducatives, élément-clé du développement
des compétences sociales)
Limites de l’étude
– on postule que les scores des écoles qui n’appliquent
pas le programme ne varient pas significativement
– Évaluation subjective des élèves par le QECP; problème
des changements d’enseignants
Résultats
– Le
programme
facilite
significativement
des
comportements altruistes.
60
Conclusions
Le programme est d’autant plus facilement appliqué dans la durée :
–
–
–
–
Qu’il rencontre certaines des préoccupations, attentes,
expérimentations des enseignants (notamment dans les
pratiques inspirées des pédagogies institutionnelles).
C’est un appui méthodologique et technique à
l’amélioration des rapports interindividuels en classe
dans une perspective de construction de la personnalité.
Que les directeurs jouent un rôle d’animateur autour d’un
projet d’école et la promotion de valeurs stables; projet
englobant écoles maternelle et primaire
Que les parents sont considérés avec respect par
l’ensemble du personnel
Qu’il apport e rapidement le sentiment d’amélioration du
climat scolaire
61
Un exemple d’action de prévention mis en
œuvre dans le cadre scolaire
Gérard CHAMPEYRACHE, Inspecteur de l’éducation
nationale, circonscription Paris 11A-Voltaire
Un milieu scolaire
ème
Les écoles primaires de la 11
circonscription d’inspection de
l’Education nationale de Paris sont assez représentatives de la diversité
sociale de la capitale. Si certaines écoles de cet arrondissement
ressemblent fort à celles des quartiers dits privilégiés, d’autres - sans
doute les plus nombreuses - accueillent une proportion parfois importante
d’enfants à besoins particuliers.
De quels besoins s’agit-il ? Le terme “ besoin éducatif ” est évidemment
trop vague. L’analyse des enseignants s’accorde sur une large
demande :
- Comment amener les élèves, tous les élèves, à s’approprier les
règles de la vie en collectivité ? Comment faire en sorte que le
règlement d’école soit la référence acceptée par toute la
communauté éducative ?
- Comment amener les élèves à développer l’attitude de respect dont
on parle tant ?
Les instructions officielles de l’Education nationale (loi du 14/02/02)
prévoient la mission éducative des enseignants sous la rubrique “ vivre
ensemble ”. Les textes officiels, les constats, les analyses ont conduits
les enseignants à s’interroger sur les conditions qui favoriseraient
l’acquisition des compétences sociales.
ème
Ainsi, et depuis plusieurs années, dans, la 11
circonscription (25
écoles primaires, 300 enseignants), la prise en compte de ces
interrogations a donné lieu à de fréquentes réunions de travail et
d’échanges entre enseignants des différentes écoles et avec les
collèges ; les projets d’école ont bien intégré les problématiques ; des
avancées intéressantes se sont manifestées.
62
Mais il fallait aller encore plus loin : dans l’approfondissement théorique,
dans la pérennité de l’action. Bref il fallait améliorer les résultats et les
inscrire dans la durée. Eduquer, c’est éduquer pour la vie.
Un stage de formation continue
La rencontre que j’ai eu avec le docteur FORTIN a été déterminante. En
tant que responsable d’une circonscription, j’étais porteur d’une demande
bien précise. J’avais aussi l’intuition qu’un cadre théorique simple pouvait
rendre la pratique plus forte, plus cohérente, plus efficace. La lecture des
deux livres Vivre ensemble et Une école sans violence, étayée par les
positions de leur auteur m’a fortement éclairé. En accord avec le Dr
Fortin, j’ai organisé un stage au niveau d’un groupe scolaire “ en
phase ” : le groupe 6 et 8 cité Voltaire, groupe relevant par ailleurs d’un
REP dont je suis responsable.
Ce stage, organisé en 2003/2004, s’est adressé à la totalité des 45
adultes intervenant dans le groupe scolaire :
- personnels Education nationale : enseignants, aides éducateurs,
membres du RASED
- personnels enseignants de la Ville de Paris : professeurs spécialisés
- personnels péri-éducatifs : animateurs, intervenants du centre de
loisirs, représentants des personnels de service
En outre, tous les responsables locaux ont participé à l’intégralité de
stage : l’IEN (moi-même), les conseillers pédagogiques de
circonscription, le coordonnateur du REP, les responsables des
personnels péri-éducatifs. Cette implication est évidemment déterminante
pour la réussite de l’opération. Intéressés, d’autres directeurs d’écoles de
la circonscription se sont aussi joints au groupe des stagiaires.
Intitulé “ Vivre ensemble ”, le stage avait pour objectif de mettre en place
les actions pédagogiques destinées à développer les compétences
sociales.
Déroulement du stage
La totalité du stage a été suivie par les 45 personnes. Venant de
structures ayant rarement l’occasion de partager des actions de
63
formation, ayant des exigences souvent trop étrangères les une aux
autres, les stagiaires ont pu avoir un espace nouveau d’échanges et de
construction. Le stage a naturellement débouché sur une meilleure
cohérence de l’action, tant dans le domaine scolaire que dans le domaine
périscolaire. Trois thèmes principaux ont été traités :
Le développement des compétences sociales, par le Dr Jacques
FORTIN
“ Mieux vivre ensemble ” n’est pas un programme contre la violence,
mais une attitude éducative que les enseignants peuvent mettre en
œuvre : il s’agit d’éduquer en partant du positif plutôt que du négatif.
Le programme est développé dans le guide pédagogique paru aux
éditions Hachette. Très accessible à tout enseignant, il détaille les
objectifs, procédures et contenus à installer tout au long des
enseignements. La base théorique est elle aussi décrite en termes
opérationnels.
Le programme présenté par J FORTIN a été la partie principale du stage.
Les perspectives introduites, en totale cohérence avec les programmes
officiels, méritent une très large diffusion aussi bien dans les écoles
primaires qu’en collège. L’investissement propre des enseignants doit
porter essentiellement sur leurs représentations et leur volonté d’adopter
une démarche réellement éducative. Les actions proposées sont assez
facilement réalisables (il faut toutefois une formation spécifique) et
contribuent très efficacement à l’amélioration du climat des écoles. Elles
demandent un investissement professionnel sur le long terme ; les
actions s’intègrent dans les activités scolaires. Le programme de J
FORTIN correspond aux attentes profondes de tout enseignant.
La crise : comment l’éviter, comment la gérer ? par Danièle TRAUMAN,
maître de conférences, et Jacques MORVAN, ingénieur, directeur
d’exploitation Air France-Cargo (sécurité)
En se plaçant dans un cadre général, celui de l’analyse du risque
global :
la sécurité renforce la crédibilité des acteurs et la légitimité des
institutions,
64
-
les violences sont les révélateurs des dysfonctionnements de
l’organisation.
La méthode constitue un guide pour l’identification du risque, l’analyse
des retours d’expériences, l’élaboration d’un diagnostic, l’action à
conduire, l’évaluation et la valorisation des performances. L’anticipation
étant évidemment essentielle : simulation, évaluation, hiérarchisation,
modélisation, apprentissage.
Ce point de vue est totalement novateur pour nos enseignants.
S’appuyant sur une approche théorique solide et convaincante, les
recommandations de conduite préconisées visent la cohérence du travail
d’équipe et la solidarité à l’intérieur de celle-ci.
La relation avec les parents d’élèves, par Georges FOTINOS, ancien
inspecteur général de l’Education nationale, conseiller du président de la
MGEN
De façon très complémentaire aux deux intervenants précédents,
Georges FOTINOS a redéfini les rôles respectifs des parents et des
enseignants, soulignant leur complémentarité et en s’appuyant sur une
analyse historique (initialement parents assujettis ; puis parents
partenaires ; enfin parents clients). Aujourd’hui : comment mettre en
place une co-éducation ? Il a ouvert des pistes concrètes pour une
amélioration des relations, dans le cadre de projets partagés.
Là encore, les questions abordées ouvrent des perspectives
enthousiasmantes : ne faudrait-il pas inventer “ une formation des
enseignants à la relation aux familles ” ? La relation école/famille est un
véritable fait de société qui nous touche tous : comment associer les
parents à la gestion de l’école ? Dans quelles limites ?
Bilan général :
La formation a répondu aux attentes, au point que les programmes
présentés font maintenant partie du projet d’école. Ils soudent la
cohérence des comportements de tous les adultes qui composent
l’équipe éducative. Ila apportent aussi un regard nouveau et généreux
non seulement sur le métier d’enseignant, mais au-delà, sur les missions
du système éducatif, sur la place de l’école dans le projet républicain.
65
De façon non négligeable, cette action de formation a en outre permis de
renforcer la cohérence :
- d’une part entre l’école maternelle et l’école élémentaire (en allant
plus loin que dans le cadre traditionnel de la liaison entre ces
deux niveaux)
- d’autre part entre les personnels intervenant sur temps scolaire et les
personnels intervenant dans le péri-éducatif, dont les emplois du
temps sont par définition étrangers l’un à l’autre, alors que ces
deux groupes de personnels interviennent auprès des mêmes
enfants en quête de cohérence éducative.
Les résultats ont été observés dès la première année. L’action se
ème
poursuit maintenant pour la 3
année.
Le stage a donné lieu à une présentation auprès des responsables de
l’académie de Paris, des responsables de la DASCO de la Ville de Paris
Un tournage par une équipe de documentaristes professionnels a été
effectué dans une classe tout au long de l’année 2004/2005. Le
document, intitulé La république à petits pas, montre comment la laïcité
est vécue par les élèves d’une même classe. L’observation porte sur le
comportement des élèves (le regard est scientifique). Ce documentaire
constitue à l’évidence un excellent outil de formation des maîtres. Une
projection est prévue sur FR3 en février.
Perspectives plus générales envisageables :
Un stage du même type pourrait avantageusement être proposé aux
équipes éducatives volontaires des écoles car il éclaire d’un jour
nouveau, positif et constructif ce qu’il convient aujourd’hui d’instaurer
avec réalisme le plus tôt possible. La rentabilité d’un tel stage me paraît
exceptionnellement importante, sur le moyen terme (2-3 ans) et le long
terme.
Les actions préconisées doivent engager les équipes dans leur
intégralité, avec la mise en place d’un suivi dans le temps (de la
maternelle au collège). Toute la communauté éducative est concernée.
66
Des intervenants relais (enseignants pratiquant les programmes dans
leur propre classe) pourraient être spécifiquement sollicités afin de
démultiplier l’opération, en jouant le rôle de personnes ressources dans
leur secteur géographique (groupe scolaire, circonscription, REP, bassin)
Dès 2005/2006, un stage d’information est organisé à l’intention des
directeurs d’école de Paris : plus de 10% d’entre eux se sont inscrits.
Références bibliographiques :
- Vivre ensemble, Jacques FORTIN, Ed Hachette, 2001
- Une école sans violence, Georges FOTINOS, Jacques FORTIN, Ed
Hachette, 2000
67
Accueil et prise en charge de l’enfant dans
les cas de suspicion de maltraitance,
expérience d’une approche médico-psychosociale
H. Romano, V.Mingot, M. Van Scheck, P. Vasquez, J.L.
Charritat. Unité d’Accueil des Jeunes Victimes de l’Hôpital
Armand Trousseau - Paris
Si la question des violences sexuelles à l’égard des enfants n’est
pas récente, ces dernières années sont marquées par l’augmentation du
nombre de plaintes et de signalements concernant des agressions
sexuelles commises sur des mineurs. Face à ce problème de santé
publique, de nombreuses études ont été publiées pour tenter de mieux
comprendre les maltraitances sexuelles, mieux les évaluer, mieux les
prendre en charge, mieux les prévenir (Conférence de consensus de
2003). Mais ces violences laissent rarement de traces et le plus souvent
c’est un propos d’enfant, un changement de comportement qui amène la
suspicion. La (sur)médiatisation actuelle de ce phénomène a pour
conséquence de mettre la parole de l’enfant au centre de toutes les
préoccupations cliniques, judicaires et médiatiques. Les débats se
cristallisent sur des positions extrêmes allant du culte du doute et des
fausses certitudes à celui de la sacralisation de la parole de l’enfant.
Dans ce climat, auquel s’ajoute une méconnaissance persistante de la
sexualité infantile et de ses fantasmes, on constate une surenchère
confusionnante de suspicions d’abus sexuels ; ces allégations étant
d’autant plus importantes que l’enfant est jeune et sans grande capacité
langagière. Le moindre mot, le moindre comportement à connotation
sexuelle est, dans ce contexte, immédiatement perçu comme le signe
d’une violence sexuelle que l’enfant aurait subie. Paradoxalement, nous
ne pouvons que constater que cette attitude d’hyper-suspicion, porte
préjudice aux enfants réellement victimes dont la parole se trouve
discréditée car mise dans la nasse des « allégations » où se confondent
allégations mensongères et avérées.
Si les projecteurs médiatiques se trouvent facilement braqués
avec insistance sur certains procès de violences sexuelles, le quotidien
68
des professionnels de l’enfance reste le plus souvent celui de situations
où il n’existe pas de certitudes ou de preuves objectives de violence mais
un faisceau de présomption que l’évaluation va devoir préciser. Quelles
pratiques professionnelles proposer pour que l’accueil et la prise en
charge de ces enfants ne constitue pas une violence supplémentaire ?
C’est à cette question que répond la création d’une Unité spécialisée
dans l’accueil des enfants victimes de maltraitance à l’hôpital Armand
Trousseau.
OBJECTIFS DE L’UNITE D’ACCUEIL DES J EUNES VICTIMES
L’histoire de l’hôpital Armand Trousseau est marquée depuis de
nombreuses années par une attention toute particulière portée à la
question de la maltraitance et c’est dans la poursuite de cette dynamique
que c’est inscrit la création, en septembre 2003, d’une Unité spécialisée
dans l’accueil des enfants maltraités. L’Unité d’Accueil des Jeunes
Victimes de l’Hôpital Trousseau est une consultation hospitalière qui
accueille, avant toute démarche judiciaire, les enfants de 0 à 15 ans
ayant été c onfrontés à tous type de situations de risque ou de
maltraitance : physique, psychologique, sexuelle. Ses missions sont
d’accueillir, d’évaluer les situations et de proposer une prise en charge la
mieux adaptée à chaque enfant et à chaque situation, avec le concours
d’un pédiatre, d’une psychologue et d’une assistante sociale.
Notre réflexion et notre travail de prise en charge s’étayent sur trois
présupposés :
Le premier présupposé nous amène à dire qu’un enfant victime
n’existe pas au sens où un enfant, quelles que soient les violences
subies, reste un enfant qui ne saurait être réduit aux traumatismes vécus
où stigmatisé dans un statut de victime. Chaque enfant est différent,
chaque situation est singulière, il est donc nécessaire de s’adapter aux
besoins de chaque enfant, pris dans sa singularité, dans cette
reconnaissance et ce respect de l’altérité.
Le deuxième présupposé propose de penser la violence, la
maltraitance, l’événement traumatique non pas comme une maladie figée
dans le temps mais comme un processus ce qui signifie qu’il y a un
« avant » ce temps de la maltraitance et qu’il y aura un « après » au-delà
de cet événement. Avant d’être victime de violence l’enfant, quelque soit
son âge a une histoire, a établi un certain type d’interactions avec ses
69
parents et son environnement, a développé un certain nombre de
compétences. Après l’événement ou la situation de maltraitance, l’enfant
se va reconstruire au-delà de ses blessures physiques ou/et de ses
blessures psychiques invisibles, à partir de ses ressources propres et
des liens qui se seront restaurés avec son environnement. Cette notion
de processus suppose que la maltraitance n’est pas un phénomène
individuel mais la manifestation d’un phénomène interactionnel : elle ne
trouve pas seulement du sens dans le fonctionnement intrapsychique de
l’enfant victime ou de l’agresseur présumé, mais dans le contexte dans
lequel cette violence vient s’inscrire. La mobilisation puis la collaboration
des parents, séparés ou non, est donc toujours recherchée, même celle
des parents supposés auteurs : non seulement pour comprendre leur
perception des événements ayant conduit leur enfant à l’UAJV, analyser
le contexte relationnel (parents-enfant, enfant -fratrie, père-mère, enfantinstitution, parents-institution) mais aussi évaluer leurs compétences à
soutenir l’enfant et à lui garantir une sécurité.
Dans cette perspective l’évaluation plurielle du pédiatre, du psychologue
et de l’assistante sociale permet de ne pas rester bloqué sur une seule
interprétation de la situation mais d’en avoir une compréhension plus
large garantissant la meilleure cohésion possible dans la prise en charge
de l’enfant.
Dans le troisième présupposé nous convenons que dans cette
prise en charge aucune « preuve » n’est recherchée. Il ne s’agit pas de
savoir qui est coupable ni quels sont exactement les actes commis,
même si c’est bien souvent la demande initiale des parents ou de
l’entourage. Cette investigation est le travail de la justice (quand elle est
saisie) et non celui d’un lieu de soin. Nous savons combien l’impact
traumatique n’est pas proportionnel à la gravité matérielle ou pénale de
l’évènement et notre préoccupation est d’évaluer comment va l’enfant,
comment s’exprime sa souffrance, comment l’événement vécu est-il en
mesure d’être élaboré, quelle aide apporter à l’enfant. L’implantation de
l’UAJV dans un hôpital pédiatrique, permet d’assurer à l’enfant une
stabilité, un milieu relativement neutre, sécurisant où la position de soin,
se centre sur l’enfant, ses souffrances physiques et psychiques. Les
solutions peuvent ainsi s’élaborer grâce à cette unité de temps, de lieu et
de compétences, hors des passions et des précipitations de tout genre
habituellement à l’œuvre dans ce type de prise en charge.
70
MODALITE DE FONCTIONNEMENT DE L’UAJV
Les situations où existe une certitude ou une preuve objective de
la réalité de l’agression (traces physiques comportements pathologiques
graves) ou la nécessité d’une protection urgente de l’enfant sont
rarement du ressort de l’UAJV parce que, dans ces situations, prime la
prise en charge de sa santé et de sa sécurité avec son éventuelle
composante médico-judicaire. L’UAJV s’inscrivant en amont de toute
démarche judiciaire est donc dans la grande majorité des cas confrontée
à des situations où il n’existe pas de certitude objective mais un faisceau
de présomptions que l’évaluation va devoir préciser : comportement
sexualisé choquant l’entourage, découverte de lésions périnéales
suspectes, propos inquiétants de l’enfant, doute sur le comportement au
retour d’une garde au domicile d’une nourrice ou de garderie à l’école,
interprétation anxieuse du comportement de l’enfant au retour d’une
visite dans un contexte de séparation conjugale conflictuelle, contexte
environnemental d’agressions sexuelles (mise en cause d’un membre de
la famille ou d’un professionnel).
Les violences auxquelles nous sommes confrontées à l’UAJV
sont de toutes sortes : violences psychiques invisibles ou traces
somatiques ;
violences
intentionnelles,
accidentelles
ou
instrumentalisées ; violences physiques, psychologiques, sexuelles d’un
agresseur déterminé ou violence institutionnelle liée à l’incompréhension
de certains professionnels ; violence des discours induits par les
convictions absolues de mères ou de pères présentant des troubles de la
personnalité ou de parents aveuglés par leur conflit conjugal et pour
lesquels l’enfant n’est qu’un outil de vengeance.
L’UAJV peut être sollicitée par des professionnels comme à la
demande spontanée de familles. Les parents ou les professionnels qui
nous contactent sont souvent bouleversés dans leur capacité à intégrer
véritablement le sens de ce qui leur est donné à voir ou à entendre et
expriment leurs difficultés face à la souffrance qu’ils perçoivent chez
l’enfant et face à ce qu’elle vient réactiver dans leur propre histoire.
Certains parents ou professionnels témoignent de leurs certitudes,
d’autres de leurs inquiétudes et de leurs craintes ; certains recherchent
des réponses sur ce qu’ils perçoivent comme un comportement
« anormal », une « étrangeté » de l’enfant ; d’autres expriment leur
culpabilité, leur désarroi ou/et leur sentiment d’impuissance face à la
situation. Enfin certaines démarches s’inscrivent dans une logique
71
procédurière où l’enfant est instrumentalisé dans le cadre d’un conflit
conjugal ou inter-générationnel. L’inélaboration possible autour de la
question des violences subies par l’enfant, quelles soient ou non
intentionnelles, attestent de l’impact traumatique d’une telle situation.
La prise en charge fonctionne de façon pluridisciplinaire :
médecin pédiatre, assistante sociale, psychologue. L’équipe est aussi
complétée et indissociable d’une secrétaire accueillante qui garantit par
sa présence continue le relais entre les intervenants et les familles. Audelà de ses responsabilités au niveau du secrétariat elle assure une
écoute toute particulière des enfants et des parents les jours de
consultation comme lors du premier entretien téléphonique et des
contacts ultérieurs. L’enfant et ses parents sont ainsi vus au moins une
fois par tous les professionnels, dans un délai rapide (en cas d’urgence
dans la journée) et exclusivement sur rendez-vous. Bien souvent des
démarches sont à entreprendre auprès de différents services afin
d’apporter à l’enfant la meilleure des protections possibles et plusieurs
rendez-vous avec l’enfant et/ou ses parents sont généralement proposés.
Parce que la parole est le vecteur d’un vécu traumatique (de
l’enfant et/ou de ses parents), parce le discours de l’enfant est souvent
contaminé par la souffrance, le secret, le silence, les pressions de son
environnement, l’évaluation diagnostique doit être réalisée de façon la
plus experte possible. Médecin, assistante sociale et psychologue,
utilisent donc des outils diagnostiques spécifiques permettant de repérer
un certain nombre d’indicateurs recueillis à partir :
• d’un examen somatique de l’enfant
• d’une analyse du contexte de la révélation des violences
• d’une analyse des enjeux liés à cette révélation
• d’une analyse du contenu du discours parental
• d’une analyse de la collaboration parentale
• d’une analyse du contenu du récit de l’enfant (caractéristiques
générales de la déclaration, caractéristiques spécifiques du
contenu)
• d’une analyse des facteurs de risque de fragilisation de l’enfant
suite à la révélation
• d’une étude du comportement de l’enfant : observation directe
en cours d’entretien et observations transmises par le(s) parent(s)
• d’une connaissance plus précise de la personnalité de l’enfant
via tests et épreuves projectives
72
Le temps de synthèse qui fait suite à chaque évaluation met en
commun l’ensemble de ces indicateurs. Il permet de confirmer ou
d’infirmer les violences ; d’évaluer l’importance des troubles posttraumatiques et d’envisager la meilleure prise en charge possible. Si
certaines situations imposent le signalement judiciaire, la réparation
psychique de l’enfant ne se réduit pas à la restauration judiciaire et
d’autres prises en charge sont habituellement proposées. L’évaluation de
l’UAJV s’inscrit ainsi dans le temps : en immédiat au moment de la
« crise » liée au temps de la révélation de l’enfant ou à celui de la
certitude absolue d’une violence qu’il aurait subie et en post-immédiat
dans les semaines, les mois qui suivent la demande d’évaluation par
l’UAJV.
CONCLUSION
La triple expertise médico-psycho-sociale proposée par l’UAJV
est un outil d’intervention au service de l’enfant qui s’inscrit comme un
des maillons de la chaîne de la prise en charge. Il ne s’agit pas de
l’utiliser de façon dogmatique ou idéaliste mais de l’inscrire dans l’histoire
de vie de l’enfant comme un temps, un lieu où l’enfant aura été pris en
charge dans sa globalité.
Le trauma ne s’oublie pas, il laisse une trace, une souffrance
psychique trop souvent invisible, bien souvent secrète, que l’enfant va
devoir intégrer. Etre attentif à la souffrance de l’enfant, le respecter dans
sa parole, dans ses silences et dans son statut d’enfant, c’est être
« suffisamment bon » et faire que l’enfant soit restaurer dans sa capacité
à exister au-delà de la violence subie. L’enjeu est d’importance, il s’agit
non seulement de soulager la souffrance de l’enfant mais aussi de lui
donner la possibilité de vivre avec le traumatisme et non plus de survivre
dans ce traumatisme.
73
L’équipe de l’UAJV :
Jean-Luc Charritat : Responsable de l’UAJV - Pédiatre gastroentérologue AP-HP,
Véronique Mignot - Assistante sociale,
Hélène Romano - Psychologue clinicienne,
Marjianne Van Scheck – Accueillante,
Pierre Vasquez - Pédiatre gynécologue AP-HP
Adresse :
Hôpital Armand trousseau
26 avenue du Docteur Arnold Netter
75012 Paris
tel. 01 44 73 54 13
courriel. [email protected]
Bibliographie
Conférence de consensus, 6-7 novembre 2003 ANAES, Paris
De BECKER E., HAYEZ JY, L’enfant en dessous de 3 ans maltraités
sexuellement : comment les tout petits parlent d’un abus et comment y
faire face ? Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescence, 2003 ; 51 :
105-110
CECI S.J., BRUCK M., L’enfant témoin : une analyse scientifique des
témoignages d’enfants, Paris, Bruxelles, De Boeck Université s.a. 1995.
HAESEVOETS Y.-H., L’enfant victime d’inceste : symptomatologie
spécifique ou aspécifique ? , Psychiatrie de l’enfant, 1997, XL, 1.
HAESEVOETS Y.-H., L’enfant en questions, éd. De Boeck Université,
2000.
HAVELOCK ELLIS H., L’éducation sexuelle, Etudes de psychologie
sexuelle, t.IV, Paris, Le Mercure de France, 1964.
HAYEZ J-Y., Les abus sexuels sur des mineurs : inceste et abus sexuels
extra familiaux, Psychiatrie de l’enfant, XXXV, 1992, 1, p. 197-271
HAYEZ J-Y., De BECKER E., L’enfant victime d’abus sexuel et sa
famille: évaluation et traitement, PUF, 1997.
74
HAESEVOETS Y.-H., L’enfant victime d’inceste : symptomatologie
spécifique ou aspécifique ? Psychiatrie de l’enfant, 1997, XL, 1.
HAESEVOETS Y.-H., L’enfant en questions, éd. De Boeck Université,
2000.
HAYEZ J-Y., Les abus sexuels sur des mineurs : inceste et abus sexuels
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HAYEZ J-Y., De BECKER E., L’enfant victime d’abus sexuel et sa
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ROMANO H., La prise en charge des enfants victimes d’abus sexuels,
Hachette, 2004
VIAUX J.-L., Paroles d’enfants, paroles d’adultes : recueillir et valider la
parole de l’enfant victime d’abus sexuels in Viaux J.-L. (Dir.), Victimes :
actes et silences, Publications de l’Université de Rouen, 1995.
VIAUX J.-L., Diagnostiquer et évaluer les mauvais traitements, in
Damiani C. (Dir.), Enfants victimes de violences sexuelles : quel
devenir ? Ed. Hommes et perspectives, 1999.
ZIGANTE F., DAVID D., GOLSE B., De quelques difficultés dans l’accueil
des enfants présumés victimes d’abus sexuels, Psychiatrie de l’enfant
XLIII, 1, 2000, p.309-326
75
Orientation et stratégie thérapeutique pour les
adolescents du secteur 151
Dr. Michel Fouillet, psychiatre à l’hôpital Sainte Anne
Dr Marie Jeanne GUEDJ, psychiatre, hôpital Sainte Anne
LES ADOLESCENTS DU XVème
Adolescents scolarisés
domiciliés ou non sur
le secteur
Adolescents
domiciliés sur le secteur
•
•
•
•
Famille
Mission locale
Demande spontanée
Autres professionnels,
médecins généralistes,
services sociaux
• 2 CMPP
• CMP Intersecteur
• Service d’AEMO :
Centre Emile Zola
Injonctions
Juge des enfants
1
CMP
• Stratégies
spécifiques
• Orientation
• Evaluation
•Etablissements
scolaires : bassin
Invalides Vaugirard
•Service de
promotion de la
santé en faveur des
élèves
• Recoupage carte
scolaire
• CIO
Docteur Michel FOUILLET – Colloque du 20 janvier 2006 organisé par
l’AFPSSU et l’AFPsyMed
76
LE CMP ET L’ECOLE
Ecole
Collège et Lycée
éviter
CMP
Service de promotion de la
Santé en faveur des élèves :
- Médecins scolaires
- Assistantes sociales
- Infirmières scolaires
• Evaluation
• Stratégie
• Orientation
• Evaluation cognitive du jeune
• Maintien de la scolarité
• Appréciation de la stratégie
• Facilitation du contact avec les parents
77
STRATEGIES THERAPEUTIQUES SPECIFIQUES
AU CMP
• Stratégies de soins dans une structure polyvalente :
pôle Adolescent :
-
-
Psychothérapies
Traitements
Travail avec les familles :
Entretiens familiaux
Thérapies familiales
Hospitalisation :
Clinique Relais
Centre Hospitalier Sainte-Anne
• Orientation / Liaison :
-
Psychiatres libéraux « spécialisés ados »
Médecins généralistes
Spécialistes : endocrinologues, gynéco-obstétriciens,
pédiatres
Services de médecine spécialisée
• Appui sur les structures intersectorielles :
-
•
Consultations relais étudiants / lycéens (Clinique G. Heuyer)
FEF
Hôpital de jour intersectoriel
Lieu d’évaluation des stratégies :
-
Réunion mensuelle avec les médecins scolaires
Réunion avec le service du Juge des Enfants
Participation au CTE
Participation de l’Intersecteur
78
EVOLUTION DE LA PRATIQUE COMMUNE
QUALITATIF
• Adolescents domiciliés sur le secteur mission initiale
de la sectorisation
• Adolescents scolarisés :
-
Organisation de la répartition des établissements scolaires
Mise en place des outils institutionnels
réunions mensuelles
fiches de liaison
• Articulation avec l’Intersecteur :
-
Orientation des familles
Mise en place d’une consultation commune
• Formation :
-
-
-
Participation aux réunions d’information des parents dans les
établissements des fédérations de parents d’élèves
Délégué local : FCPE, PEEP
3 journées nationales :
ère
2000 : 1 rencontre avec les médecins scolaires du
ème
15
2001 : Phobies sociales, phobies scolaires
2002 : L’exigence scolaire : quelles conséquences sur la
santé des jeunes
Groupe Balint avec les médecins scolaires
• Identification de sous-groupes :
-
Classes préparatoires
Collégiens (12-15 ans)
79
Secteur de psychiatrie infanto-juvénile du
XVIème arrondissement, ses relations avec
l’éducation nationale
Dr. Yves Contejean, pédopsychiatre, chef de service, hôpital
Sainte Anne
Service de Psychopathologie de l’Enfant et
de l’Adolescent
CHSA
XVIème Arrdt Paris
CREDAT
Hospitalisation de
Semaine
Hospitalisation
de Jour
Hôpital de Jour
CMP
CATTP
UN CENTRE DE DIAGNOSTIC ET DE RECHERCHE
4 AXES THERAPEUTIQUES
2 RESEAUX DE PREVENTION
•
CREDAT : Centre de Recherche et de Diagnostic pour l‘Autisme
et Troubles Apparentés
• HOSPITALISATION A TEMPS COMPLET
10 lits de semaine CHSA : enfants 2-6 ans (autismes, troubles
apparentés)
• HOSPITALISATION DE JOUR : 22 PLACES
Ø HDJ - 6, rue Picot PARIS 16ème : 20 places enfants 612 ans
Ø (pathologies limites, dysharmonies psychotiques)
Ø HDJ - CHSA : 2 places enfants 2-6 ans
Ø (autismes, troubles apparentés)
• SOINS AMBULATOIRES
Ø CMP - 6, rue Picot PARIS 16ème
• CATTP - 11, rue du Général Niox 75016 PARIS
Ø CATTP ENFANTS PREADOLESCENTS file active>50
Ø CATTP PETITE ENFANCE : 8 places
• RESEAU PETITE ENFANCE
• RESEAU ADOLESCENCE
80
C.R.E.D.A.T
UN CENTRE DE DIAGNOSTIC ET DE RECHERCHE
DEUX UNITES THERAPEUTIQUES
1
CREDAT : Centre de Recherche et Diagnostic pour
l’Autisme et Troubles Apparentés : consultations, bilans
diagnostiques, orientations
2
HOSPITALISATION DE SEMAINE 10 lits : enfants de 2
à 6 ans
• Séquentielle continue ou discontinue
• Cures institutionnelles
3
HOSPITALISATION DE JOUR : 2 places
• Séquentielle continue ou discontinue
• Cures institutionnelles à temps complet
UNITE A GEOMETRIE VARIABLE
PASSAGES D ’UNE UNITE A L ’AUTRE
LE PÔLE NORD
ème
6, rue Picot PARIS XVI
• CENTRE MEDICO PSYCHOLOGIQUE INFANTO-JUVENILE
Enfants et Adolescents jusqu’à 16 ans
- Toutes pathologies psychiques
- Consultations bilans orientations
•
HÔPITAL DE JOUR : 20 PLACES
Enfants 6 à 12 ans
- Pathologies limites, dysharmonies d’évolution
LE PÔLE SUD : CENTRE DE GUIDANCE
11, rue du Général Niox 75016 PARIS
• ANTENNE CMP :
Consultations, bilans, orientations.
•
CATTP
•
•
•
ENFANTS ADOLESCENTS (file active > 50)
Pathologies carentielles
Pathologies limites
Difficultés et échecs scolaires
USIS : unité de soins intensifs du soir
81
CATTP PETITE ENFANCE : 8 PLACES
Groupe thérapeutique jeunes enfants
POINTS FORTS
- Lits d’hospitalisation
- Variété des réponses
thérapeutiques
- Deux orientations spécifiques
Autisme
Pathologies limites
- Pluridisciplinarité
- Qualité des locaux
AUTISME ET TROUBLES APPARENTÉS
ÉVALUATIONS ET PRISES EN CHARGE
PRÉCOCES
AU CENTRE HOSPITALIER SAINTE ANNE
Dr Y. Contejean
Dr C. Doyen
Kelley Kaye , Ph.D.
Service de
Psychopathologie
de l’Enfant et de
l’Adolescent
UNE UNITÉ SPÉCIALISÉE DANS L’ÉVALUATION ET LE
TRAITEMENT DES TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT
1. Une unité spécialisée avec une approche thérapeutique
pluridisciplinaire
– 10 enfants âgés de 2 à 6 ans en accueil thérapeutique à
temps complet
Possibilité d’accueil « séquentiel »
– 4 enfants accueillis en hospitalisation de jour
1 place réservée aux observations diagnostiques
2. Un personnel spécialisé dans les troubles du développement de
la petit enfance : personnel infirmier ; éducatrices de jeunes
enfants ; assistante sociale; orthophoniste ; psychomotricienne ;
psychologues ; pédopsychiatres
3. Une prise en charge d’une durée adaptée à chaque enfant.
82
APPROCHE THERAPEUTIQUE
1. Un diagnostic précoce…
• Examen
- pédopsychiatrique
- pédiatrique
- génétique
• Évaluation
- infirmière et éducative
- du développement psycho-affectif
- psychomotrice
- du langage
- des facteurs psychosociaux
2. Pour une prise en charge précoce
• La recherche d’une alliance thérapeutique avec les parents
• Une évaluation précise du trouble et de son retentissement sur le
développement qui orientera le schéma thérapeutique
• Une approche pluri-disciplinaire
• Une approche psychothérapique adaptée à l’enfant et sa famille
•
Des approches instrumentales et éducatives
• Des liaisons multiples avec le médecin traitant, les pédiatres, les
services de l’enfance, la crèche, la nourrice …
• Des rencontres avec les équipes enseignantes
THÉRAPEUTIQUE SPÉCIALISÉE
• Une approche psycho-éducative via des ateliers à médiation
corporelle ou sensorielle et des soins quotidiens
• Une approche instrumentale spécifique selon les enfants
– Orthophonie : communication facilitée avec support
gestuel ou imagé ; travail sur le langage oral et écrits
lorsqu’ils existent
– Psychomotricité : séances individuelles ; de groupe ou
de balnéothérapie
• Une approche pédagogique spécialisée et/ou classique en école
maternelle de proximité
• Une approche médicale adaptée au trouble du développement
de l’enfant
– Douleur,
comitialité,
auto-mutilations,
soins
en
stomatologie
• Une approche psychothérapique adaptée à l’enfant et ses
proches
83
–
–
–
–
–
Thérapie cognitive après évaluation du développement
et inspirée des travaux de S. Greenspan
Thérapie d’inspiration analytique pour certains enfants
en particulier ceux ayant accès au langage
Une approche familiale dans le cadre d’une séparation
aménagée ou de l’hospitalisation de jour
Thérapie de soutien et guidance psycho-éducative
Groupe de parents
Liens actuels avec l’éducation nationale
• Dépistage en Milieu Scolaire (CMP)
• Maintien de la Scolarité (CATTP)
• Intégrations Scolaires (CREDAT)
• Scolarisation en Hôpital de Jour (HdJ)
• Suivi des enfants en Classes Spécialisées (CMP)
• Participation aux CCPE/CCSD
Perspectives d’Avenir
• Circulaire du 18 Octobre 2005: Mises en œuvre d’un dispositif de
partenariat entre équipes éducatives et de santé mentale pour
améliorer le repérage et la prise en charge des signes de
souffrances psychiques des enfants et des adolescents.
Dépistage et prévention précoces
ü
ü
Collaboration étroite entre établissements scolaires et services
de soins spécialisés
Mise en place d’outils de repérage et de formation
84
Le Relais Etudiants Lycéens, clinique médicouniversitaire Georges Heuyer
Un modèle de dispositif de prévention, de dépistage et
de traitement précoces des troubles
psychopathologiques à l’adolescence, en milieu scolaire
Dr. Dominique Monchablon, psychiatre, chef de service,
responsable médical du Relais Etudiants Lycéens de la clinique
Georges Heuyer
Catherine Giraud, psychologue au Relais Etudiants Lycéens
HISTORIQUE
La création du Relais Etudiants Lycéens s’est organisée autour de deux
axes de réflexion :
- Nous étions dans l’obligation de répondre à la demande croissante de
consultations bilan - diagnostic émanant des médecins scolaire et
universitaire (avec lesquels nous travaillons régulièrement au sein de la
clinique Georges Heuyer pour une meilleure insertion de nos patients).
Ces demandes concernaient des jeunes qui n’avaient jamais bénéficié de
prise en charge psychiatrique et qui d’ailleurs pour la plupart n’en
exprimait pas le souhait malgré les signes de souffrance visibles dans un
contexte de situations psychologiques et universitaires ou scolaires
précaires.
- Nous observions pour nos patients admis à la clinique Georges Heuyer
après une analyse méticuleuse de leur biographie, superposée à leur
parcours scolaire un décalage important dans le temps entre les premiers
signes de la maladie et les premiers soins. Les signes de souffrance
psychologique semblent pourtant objectivables et lisibles à travers leurs
péripéties scolaires, leur rapport aux enseignants et à l’école, à la lecture
de leur bulletin scolaire et du parcours chaotique, soutenue par les
parents, de changements successifs d’institutions scolaires.
Il nous semblait dès lors intéressant de comprendre ce hiatus entre le
repérage voire le dépistage scolaire, et l’entrée tardive dans les soins.
C’est après une longue consultation des services de médecine scolaire et
préventive de différents établissements scolaires et universitaires, mais
aussi et surtout du Rectorat de Paris, que nous décidons d’ouvrir en 1994
85
une « structure Relais » permettant d’établir une passerelle plus aisée
entre ces zones de dépistage en amont et les consultations spécialisées
en aval (inter secteur infanto juvénile, CMPP, CMP, BAPU,
éventuellement structure hospitalière).
ETAT DES LIEUX
Nous connaissons collectivement quelques paradoxes de l’adolescent en
souffrance :
- Derrière l’expression bruyante de sa détresse l’adolescent éprouve le
plus souvent une réelle incapacité à conceptualiser et à verbaliser sa
souffrance ou ses désirs avec prévalence de l’agir sur l’attente, la
réflexion et le dialogue.
- S’ajoute à cela l’impossibilité ou le refus de formuler une demande
explicite de conseils, de soutien et à fortiori de soins aux représentants
du monde des adultes, qu’ils soient parents ou soignants.
- Le monde des adultes, carrefour de toutes les projections de
l’adolescent, est tantôt ressenti hostile, tantôt présumé lointain et
inaccessible.
- L’adolescent en difficulté se sent mal et incompris surtout quand il
dissimule sa détresse affective derrière un banal cortège de plaintes
vagues ou de revendications agressives ou de symptômes scolaires.
- L’échec scolaire est ici révélateur de difficultés psychologiques et
relationnelles mais il va lui-même en retour aggraver la détresse de
l’adolescent.
Du côté des familles
- Les familles de ces adolescents en difficulté sont le plus souvent ellesmêmes en souffrance.
- Indépendamment de leurs difficultés propres, psychologique ou
économique, les parents et la fratrie sont pris dans la turbulence des
troubles du comportement de l’adolescent « agitateur », qui parfois
d’ailleurs n’est pas le plus en souffrance dans la famille.
86
- Ils sont toujours surpris puis décontenancés par la symptomatologie la
plus visible du mal être de l’adolescent et s’avèrent finalement souvent
impuissants à lutter contre l’échec scolaire, la déscolarisation progressive
et à fortiori les troubles plus patents du comportement.
- Démobilisés par la répétition des symptômes et des situations, ils
finissent par accepter passivement tous les excès de leur adolescent ou
au contraire le rejeter en bloc.
Du côté de l’institution scolaire
- Elle ressent l’urgence d’une réponse appropriée, autre que l’exclusion,
aux difficultés institutionnelles engendrées par des adolescents «hors
normes », dont la désorganisation interne peut être tantôt explosive,
tantôt silencieuse.
- Si l’intervention psychiatrique semble opportune dans certains cas, les
différents intervenants scolaires sentent toute la difficulté à engager
l’adolescent et sa famille dans ce projet :
-
-
les consultations peuvent rester ponctuelles et mystérieuses
dans le secret des cabinets médicaux alimentant un sentiment
d’abandon et d’incompréhension chez les adresseurs scolaires,
de plus ces consultations restent souvent sans suite.
Sur le terrain, la plupart du temps, rien ne change, et
l’intervention, espérée magique du psychiatre n’a pas répondu
aux interrogations et aux difficultés des professionnels de lycées.
De ce constat est né le projet du Relais Etudiants Lycéens avec un
accueil pluridisciplinaire.
LES OBJECTIFS
Analyser les situations de difficultés psychologiques en milieu scolaire
avec évaluation diagnostique et pronostique. Amorcer une dynamique de
changement en démêlant l’écheveau du scolaire, du familial, du
psychologique et du social.
Les entretiens sont centrés sur les problèmes concrets de la vie
quotidienne d’un adolescent et de sa famille et plus spécifiquement les
87
« symptômes scolaires » : les troubles plus ou moins graves de
l’adaptation en milieu scolaire (troubles patents du comportement,
plaintes somatiques, échecs scolaires itératifs, absentéisme massif)
feront l’objet d’une analyse précise afin de déterminer l’ampleur ou la
gravité des troubles psychologiques sous jacents.
Si cela s’avère nécessaire, cette analyse peut déboucher sur un choix de
propositions thérapeutiques allant de la prise en charge ambulatoire dans
une structure CMP jusqu’à l’orientation vers des structures de soins
hospitalières. Elle pourra déboucher aussi sur une proposition de soutien
pédagogique approprié par les intervenants pédagogiques du Relais.
Notre objectif de départ, à l’origine de cette consultation en 1993, était
donc exclusivement un objectif de dépistage précoce, d’évaluation
(évaluation essentiellement clinique mais aussi en partie pédagogique) et
d’orientation vers des structures de soins en aval compte tenu de notre
place institutionnelle privilégiée (au sein de la clinique Georges Heuyer)
au croisement des réseaux de soins ambulatoires ou hospitaliers, publics
ou privés, et des réseaux de dépistage (médecine scolaire, médecine
préventive universitaire).
Rapidement, nous avons pu constater que cette évaluation interactive de
la situation conflictuelle de l’adolescent s’est avérée en elle-même
thérapeutique, du fait en particulier de la mobilisation familiale autour de
cette consultation.
LA POPULATION
La population concernée : grands adolescents et adultes jeunes : lycéens
d’enseignement général et lycéens post-bac (CPGE, BTS) et étudiants
er
du 1 cycle
Age : 15 à 25 ans
Lieu de résidence : Paris
Nous avons délibérément limité à Paris notre zone d’intervention possible
souhaitant privilégier le travail en collaboration avec les structures
sanitaires et scolaires que nous connaissons déjà.
Recrutement par l’intermédiaire des personnels de santé scolaire, de
médecine préventive universitaire, des personnels éducatifs et
88
d’orientation des lycées et des universités, mais aussi à la demande des
médecins de famille, Fil santé jeune, Ecole des Parents, C.I.O.,
psychiatres.
Consultation possible à la demande des familles ou du jeune.
LE FONCTIONNEMENT
Chaque consultation est précédée d’un ou plusieurs entretiens
téléphoniques préalables avec nos correspondants scolaires ou
médicaux et d’entretiens téléphoniques avec le patient lui-même et sa
famille.
Ces entretiens nous permettent une enquête détaillée sur les références
du patient (âge, niveau d’étude, lieu de résidence) et surtout sur les
motifs de la consultation :
•
•
plaintes de difficultés exposées par le patient lui-même et sa
famille
difficultés objectives rencontrées par la structure scolaire ou le
correspondant : nature apparente du trouble de l’adaptation et du
comportement.
Chaque demande constitue un dossier traité en réunion générale
hebdomadaire où nous évaluons l’adéquation de la demande à notre
structure de consultation et où nous proposons, en fonction des
symptômes allégués, une stratégie de prise en charge (abord personnel,
abord familial exclusif, abord médical ou pédagogique privilégié).
Cet examen de dossier est suivi d’une proposition de rendez-vous
Chaque proposition de rendez -vous non honorée par le patient est suivie
d’un courrier de relance et d’une réévaluation trimestrielle avec notre
correspondant.
La séance proprement dite est assurée conjointement par un psychiatre,
une psychologue, (un thérapeute familial, le cas échéant) une infirmière
et un enseignant. Elle dure 1 h 30
89
Elle est suivie d’un recueil de données : données culturelles, situation
familiale, symptômes allégés, symptômes perçus, diagnostic, mode de
prise en charge proposée.
La consultation peut être unique ou suivie d’une proposition d’une série
de rencontres qui n’excèdent pas six consultations.
LE DISPOSITIF
1 – Intervention d’une série limitée d’entretiens (4 à 6 maximums)
Ce dispositif doit prendre en compte une situation conflictuelle à un
instant donné présentée par l’adolescent (et éventuellement par sa
structure scolaire ou familiale) et non pas le patient dans son intégralité.
Notre travail d’évaluation permet bien entendu de replacer ce problème
dans son contexte complexe psychopathologique personnel, familial, et
d’interaction environnementale et scolaire ; mais notre tâche est de
l’aider à dénouer ce problème précis pour lequel il nous a été adressé.
Ainsi ce dispositif du Relais se démarque d’une proposition d’un suivi
thérapeutique au long cours (sur le modèle psychothérapique). La
séparation est inscrite d’emblée dès la première rencontre ; cela semble
paradoxalement rassurant à l’adolescent et à sa famille. Cette prise en
charge brève s’avère aussi extrêmement mobilisatrice : elle fait émerger
rapidement un matériel fantasmatique riche qui sera évoqué mais non
traité. La séparation prochaine impose la mobilisation rapide des
ressources personnelles et familiales pour le traitement du problème
annoncé.
Les intervenants du Relais travaillent d’emblée sur une problématique de
séparation, qui renvoie à cet âge à la douloureuse distanciation d’avec le
milieu familial, et pour les lycéens à la séparation d’avec l’institution dans
ce passage ritualisé de l’enseignement secondaire à l’enseignement
supérieur.
2 – Entretiens animés conjointement et en pluridisciplinarité par un
psychiatre, un psychologue clinicien, un enseignant, et dans certains cas
une infirmière ou un thérapeute familial.
90
-L’accueil groupal est rassurant, il évite un ancrage transférentiel massif,
parfois responsable de rupture de soins ou au contraire de prise en
charge indéfinie. Il permet une dilution transférentielle et une offre d’une
grande diversité de modèles identificatoires. Il offre une «sécurité de
base » grâce à la cohérence du groupe.
- L’accueil groupal est rapidement renarcissisant pour l’adolescent, du fait
de l’intérêt et de la réflexion conjointe de plusieurs « experts », de la prise
en compte des difficultés telles qu’elles sont exprimées quelle qu’en soit
la nature, et éventuellement du travail pédagogique spécifique sur les
difficultés scolaires si celles-ci sont énoncées, dans l’intervalle des
entretiens.
- L’accueil groupal permet un regard croisé des compétences dans nos
différents champs d’investigation et d’empathie. Il répond à la demande
groupale de l’institution scolaire représentée par une personne ou un
groupe de personnes (CPE, infirmière, proviseur) ; il permet très
aisément le recours en aval à un professionnel ou un groupe de
professionnels compétents pour accompagner l’adolescent consultant
dans la résolution de ses difficultés.
- La participation d’un enseignant permet toujours une élaboration du
rapport au savoir et à l’institution scolaire grâce à la position décentrée
de l’enseignant en particulier au décours des « dialogues » ou
« ateliers » pédagogiques dans l’intervalle des consultations.
Parallèlement, sont travaillés en consultation pluridisciplinaire, la place et
le rôle dévolu à l’adolescent au sein de sa famille, en particulier dans le
champ des représentations de l’avenir et des ambitions familiales
(analyse de la « culture familiale »).
3 – La présence possible d’un ou plusieurs membres de la famille, en
général le ou les parents au sein de la consultation :
Le jeune est, dès le premier contact téléphonique, sollicité pour convier
ses parents à la consultation. Chez les consultants plus âgés (les
étudiants) la présence réelle des parents est parfois inutile, il est alors
préférable de travailler sur les représentations internes parentales.
En revanche, chez les consultants plus jeunes, la présence des parents
s’avère souvent souhaitable et parfois tout à fait indispensable dans le
cadre de conflits familiaux patents (discorde, conflit d’autorité, conflit
91
entre les parents, rivalité exacerbée dans la fratrie). La présence réelle
des parents permet le plus souvent la mobilisation rapide des ressources
familiales pour la résolution du problème annoncé ou dans certains cas
l’aménagement temporaire parfois spectaculaire de conflits anciens
(secrets familiaux, situation d’abandon implicite, difficultés scolaires
transgénérationnelles).
La présence d’un ou des parents est indispensable pour soutenir
affectivement et financièrement l’entrée de l’adolescent dans les soins
quand ceux-ci semblent indispensables.
De manière occasionnelle un ou plusieurs intervenants familiaux ont pu,
au décours de notre consultations, être adressés à des structures
d’accueil et de soins en aval (proposition de thérapie familiale, entrée
dans les soins d’un des membres de la fratrie, etc.)
INTERVENTIONS PEDAGOGIQUES SPECIFIQUES
On ne perd pas de vue pour autant les difficultés scolaires alléguées,
elles sont parfois le fil conducteur de notre rencontre. Quelle qu’en soit la
nature ou la cause psychologique présentée ou supposée, elles doivent
être prises en compte pour elles-mêmes tant les défaillances scolaires
restent une blessure narcissique pour l’adolescent et un facteur
aggravant de sa dépression et de ses difficultés existentielles. Dans ce
contexte, nous disposons d’un outil : le dialogue pédagogique proposé à
l’adolescent pour nous aider à comprendre, avec lui, sa relation à
l’apprentissage à travers un questionnement diversifié et approfondi. Il
s’agit :
de questionner sa scolarité
de questionner son rapport aux différentes disciplines
de s’interroger sur sa démarche d’apprentissage et de
possibilités de « transfert » de ce que l’on sait faire d’une
discipline à une autre.
Il est proposé au sein de la consultation pluridisciplinaire, mais sera
mené individuellement par l’enseignant seul, dans l’intervalle de ces
consultations.
Il n’est jamais présenté comme une injonction mais plutôt comme une
invitation à se découvrir dans les deux sens du terme, à découvrir son
92
mode de fonctionnement cognitif à partir de ses stratégies. Ce dialogue
pédagogique permet de décentrer le débat, de quitter l’alternative : soit
« ce sont les professeurs qui sont nuls » soit « c’est moi qui suis nul »
pour se donner des outils de réflexion permettant de reprendre l’initiative
de son apprentissage.
-
-
-
-
-
Il est un nécessaire détour, quand l’adolescent reste rivé sur le
« blocage scolaire » dans l’incapacité d’évoquer un vécu autre
que scolaire, par méfiance ou crainte à se livrer, pauvreté des
associations d’idées ou fantasmatiques, gravité ou douleur des
situations vécues.
Pour tenter d’évaluer plus objectivement, face à une grande
dévalorisation et démotivation, l’importance des difficultés
cognitives ; le plus souvent les difficultés évoquées sont
amplifiées par le vécu dépressif auto dépréciatif. On mettra ici en
évidence les stratégies valides, les points forts scolaires, extra
scolaires sur lesquels il pourrait prendre appui pour rebondir et
travailler différemment. Cet axe de travail est immédiatement et
formidablement renarcissisant pour le jeune en difficulté. Il
permet d’ouvrir des pistes qui seront élaborées et soutenues sur
la durée au sein de la consultation pluridisciplinaire.
Pour mettre en lumière parfois, la performance des stratégies
d’apprentissage, qui se trouve invalidée dans une situation de
contrainte extérieure au sujet lui-même et imposée à lui :
problèmes familiaux, soutien d’un copain ou d’un parent en
difficulté, (processus de parentification).
Pour que le jeune soit accueilli « autrement », hors d’un contexte
de mise à l’épreuve scolaire, par un enseignant qui occupe une
place particulière et originale : il n’est pas en position
d’enseignement ni d’évaluation, il ne connaît pas le jeune en tant
qu’élève, mais le connaît mieux en tant que personne ; de la
même façon l’élève connaît mieux l’enseignant en tant que
personne au sein de la consultation pluridisciplinaire qu’en tant
que pédagogue. Cet enseignant va l’inviter à faire des liens entre
les stratégies de mémorisation, compréhension, attention,
imagination, utilisées dans le quotidien et celles utilisées dans le
monde scolaire.
Enfin, pour permettre l’émergence, voire l’inflexion de la tonalité
de ses représentations de l’institution scolaire, des enseignants,
du travail et de la culture, des loisirs et même de l’avenir.
93
Il s’agit donc, à travers la relation privilégiée instaurée dans le cadre
transférentiel de la consultation, de faire des liens entre les différents
domaines d’activités et de laisser envisager des changements possibles
et positifs dans le décor installé mais évolutif de la vie de l’adolescent
En conclusion : à partir des plaintes initiales de l’adolescent et de sa
famille qui s’avèrent le plus souvent scolaires, se dégagent assez
rapidement dans ce climat de confiance naissant entre les différents
interlocuteurs de la consultation, d’autres difficultés d’ordre
environnemental, familial et relationnel, conjoncturelles ou structurelles,
ou des difficultés psychologiques personnelles anciennes ou récentes et
réactionnelles (expériences amoureuses douloureuses, deuil, maladies,
etc.). Un travail d’élaboration des difficultés psychologiques personnelles
ou familiales peut s’initier à minima tout en respectant les réticences et à
fortiori les défenses de l’adolescent qui sera invité ultérieurement, si
besoin, à poursuivre ce travail avec d’autres professionnels dans le cadre
de soins spécialisés.
En attendant, au sein du Relais, un lien retraçant une histoire et riche de
sens commence à se nouer entre les différents domaines de la vie de
l’adolescent grâce aux interventions croisées des différents
interlocuteurs.
Un processus de réflexion s’amorce chez l’adolescent sur son
fonctionnement psychique, sa relation à sa famille et à ses pairs, ses
conduites de répétition dans le succès ou l’échec et son ambition pour
l’avenir inscrite le plus souvent dans la culture familiale.
La découverte progressive de ses méthodes et faculté d’apprentissage,
de son rapport au savoir et à la culture ainsi qu’à l’institution scolaire,
permet la relance des investissements scolaires fragilisés par la
souffrance psychique et entravés parfois par des dysfonctionnements
cognitifs ou par des représentations de l’institution scolaire persécutrices.
Un tiers de ces adolescents poursuit en aval de notre consultation, un
travail psychothérapique ou bénéficie d’un suivi psychiatrique.
94
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