
Une  tumeur  est  constituée  de  nombreuses 
populations cellulaires. Parmi celles-ci, une fraction 
minoritaire  possède  la  dangereuse  capacité  de 
proliférer et de reconstituer l’ensemble de la tumeur: 
ces  cellules  sont  appelées  « cellules  souches 
cancéreuse »  ou  « cellules  initiatrices de  tumeur» 
(CITs).  Résistantes  aux  traitements  de 
chimiothérapies,  les  CITs  sont  directement 
impliquées  dans  l’émergence  de  récidives 
tumorales et la formation de foyers métastatiques. 
Par  ailleurs  elles  sont  retrouvées  dans  de 
nombreux cancers (colon, sein…) et leur présence 
est  souvent  associée  à  un  mauvais  pronostic 
médical.  Leur  caractérisation  est  donc  devenue 
indispensable  afin  de  mettre  en  place  des 
stratégies  thérapeutiques  favorisant  leur 
éradication.  
 
 
Différenciation et plasticité cellulaires : comment 
démasquer une cellule caméléon ?  
A l’instar des cellules souches classiques, les CITs 
sont multipotentes, ce qui implique qu’elles peuvent 
produire l’ensemble des types cellulaires propres au 
tissu  originel.  Ce  processus  se  réalise  en  plusieurs 
étapes,  au  cours  desquelles  la  cellule  acquiert  des 
compétences  qui  lui  permettront  de  remplir  des 
fonctions  précises au  sein du  tissu.   Parallèlement, 
cette  spécialisation  cellulaire  s’accompagne  de  la 
perte  des  capacités inhérentes  aux cellules  souches 
(prolifération,  multipotence).  On  parle  de 
« différenciation »  car  chaque  population  cellulaire 
produite  est  distincte  des  autres  et  facilement 
identifiable  par  ses  caractéristiques  moléculaires  et 
morphologiques, autrement dit son phénotype. 
Cependant, dans un contexte tumoral, un mécanisme 
antagoniste déstabilise ce système de classification: 
« la  plasticité ».  Celle-ci  permet  aux  cellules 
différenciées de régresser vers un stade plus primitif, 
et  de  recouvrer  les  capacités  de  prolifération  et 
d’initiation  tumorale.  Cette  dynamique 
bidirectionnelle  confère  un  phénotype  variable  aux 
CITs.  En  conséquence,  l’identification  des  cellules 
tumorales sur la base de leur aspect physique n’est 
plus  applicable.  Bien au  contraire,  elle  peut  même 
prêter  à  confusion.  La  mise  en  place  de  nouvelles 
approches, plus dynamiques, est, à l’heure actuelle, 
devenue indispensable. 
La  synthèse  protéique  au  cœur  de  l’identité 
cellulaire. 
Notre équipe s’intéresse à l’identification des  CITs 
dans les cancers colorectaux. Confrontés aux limites 
imposées par la variabilité phénotypiques des CITs 
nous  avons  décidé  de  nous  intéresser  aux  acteurs 
façonnant le phénotype des cellules : les ribosomes. 
Ceux-ci produisent les protéines, matière première de 
l’architecture  cellulaire,  en  « traduisant »  les 
instructions  encodées  dans  le  support  de 
l’information  génétique  cellulaire,  l’ADN.  Toute 
transformation  cellulaire  requiert  une  augmentation 
sensible  de  l’activité  ribosomale,  nécessaire  a  la 
production  de  protéines  permettant l’acquisition  de 
nouvelles  fonctions  cellulaires.  Or,  cette  hausse 
d’activité traductionnelle est détectable alors même 
que la cellule initie son changement d’état, précédant 
ainsi  toute  modification  morphologique  ou 
moléculaire  observable.  De  ce  fait,  l’activité 
ribosomale  représente  un  indicateur  précoce  de 
transition cellulaire, pouvant discriminer, parmi des 
cellules présentant un phénotype similaire, celles en 
cours de transformation. 
L’activité  traductionnelle,  un  marqueur 
diagnostique prometteur. 
Les CITs, comme toute cellule souche, ont une faible 
activité  traductionnelle.  Or,  celle-ci  s’accroit 
considérablement lorsque les CITs entrent en phase 
de  différenciation.  Les  ribosomes  doivent  alors 
produire  les  protéines  nécessaires  à  leurs 
transformations  physiques  et  fonctionnelles.  En 
collaboration avec le National Institutes of Health  
(U.S.A.),  nous  travaillons  sur  une  technique  
permettant d’identifier les cellules sur la base de 
leur  activité  traductionnelle  dans  les  tissus 
vivants.  Nous  souhaitons  utiliser  cette  méthode 
afin  d’identifier  les  CITs  au  sein  de 
l’environnement tumoral. Ce type d’approche est 
totalement novateur dans le domaine du cancer. A 
long  terme,  l’activité  traductionnelle  pourrait 
devenir  un  marqueur  diagnostique  permettant 
d’adapter  les  thérapies  et  le  suivi  post-
thérapeutique en fonction du contenu de la tumeur en 
CITs.  
ʻʻ Produco Ergo Sum ʼʼ 
 
Une nouvelle approche pour isoler les cellules initiatrices de tumeur 
 De par sa capacité à recréer une tumeur identique à l’originelle, la « cellule initiatrice de tumeur » (CIT) est 
rapidement devenue la Némésis des thérapies anti-cancéreuses. Cependant, ce véritable caméléon cellulaire 
échappe  aux  méthodes  classiques  de  caractérisation  des  cellules.  L’équipe  de  J.  Pannequin  propose  de 
contourner ce problème en étudiant directement la machinerie forgeant l’identité cellulaire : les ribosomes. 
Résistantes  aux  chimiothérapies,  les  CITs 
pourraient  bien  être  une  cause  majeure  de 
récidive tumorale. 
Les cellules souches saines engendrent l’ensemble des 
cellules  spécialisées  propres  à  chaque  tissu  en  se 
différenciant. Chaque étape de ce processus  produit des 
intermédiaires  cellulaires  facilement  identifiables  par 
La  dédifférenciation  par  « plasticité »  produit  des 
intermédiaires  cellulaires  au  phénotype  dynamique  et 
L’information  génétique  contenue 
dans  l’ADN  est  transcrite  sous  forme 
d’ARN  messager  (ARNm),  puis 
transportée  vers  les  ribosomes  qui  la 
traduisent en protéines. En contrôlant 
la  quantité  et  la  nature  des  protéines 
produites,  les  ribosomes  façonnent  le 
phénotype cellulaire en temps réel. 
Cancer du côlon: Cellules Initiatrices de Tumeurs et 
machinerie traductionnelle 
Multipotence :  capacité  d’une 
cellule  à  se  différencier  en  tous 
les  types  cellulaires  appartenant 
au même tissu. 
Génotype :  ensemble  de 
l’information  génétique  portée 
par un individu ou une cellule.  
Phénotype :  ensemble  des  caractères  observables 
chez un individu ou une cellule. 
(1) « Je produis donc je suis » 
nstitut de 
énomique 
onctionnelle 
Alexandre DAVID