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RENVOI POUR AVIS
M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi,
adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la
procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à
l’allègement des démarches administratives (n° 33, 2011-
2012), dont la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d’adminis-
tration générale est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à
leur demande, à la commission des affaires sociales, à la
commission de la culture, de l’éducation et de la communi-
cation, à la commission de l’économie, du développement
durable et de l’aménagement du territoire et à la commission
des finances.
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RÉMUNÉRATION POUR COPIE PRIVÉE
ADOPTION DÉFINITIVE, EN
PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, D'UN
PROJET DE LOI DANS LE TEXTE DE
LA COMMISSION
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du
projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engage-
ment de la procédure accélérée, relatif à la rémunération pour
copie privée (projet n° 141, texte de la commission n° 193,
rapport n° 192).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la commu-
nication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, voilà plus de vingt-cinq ans, à la suite de la loi
Lang du 3 juillet 1985, que la copie privée contribue au
financement d’une part de la création artistique française,
pour un montant qui s’élevait, en 2010, à environ
189 millions d’euros.
Si 75 % de ces sommes bénéficient directement aux
créateurs, le reste, soit 25 % de la rémunération pour copie
privée, est obligatoirement dédié, en application de la loi
de 1985, à des actions d’aide à la création, à la diffusion du
spectacle vivant et à la formation des artistes. En s’acquittant
de la rémunération, le public participe donc directement au
financement de près de 5 000 manifestations culturelles dans
une grande diversité de genres et de répertoires : grands et
petits festivals, pièces de théâtre, concerts, spectacles de rue,
courts métrages ou documentaires de création.
Cette institution remarquable est aujourd’hui menacée,
notamment à la suite de l’arrêt Padawan rendu le
21 octobre 2010 par la Cour de justice de l’Union
européenne que le Conseil d’État a été tenu d’appliquer
dans une décision du 17 juin dernier.
Sous une apparence technique, le présent projet de loi
répond à un enjeu simple et circonscrit dont nous saisissons
cependant tous à quel point il est impérieux : il s’agit d’éviter,
à très court terme, l’effondrement d’un système essentiel pour
la juste rémunération des auteurs, artistes-interprètes et
producteurs de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel, de
l’image fixe et de l’écrit, et pour la vitalité de la création
artistique française.
Je me réjouis, dans ce contexte, du caractère particulière-
ment constructif des travaux et discussions dont ce texte a fait
l’objet, que ce soit lors de son examen très consensuel à
l’Assemblée nationale ou, plus récemment ici, à l’occasion
des débats en commission de la culture, de l’éducation et
de la communication. Je remercie à cet égard M. le rapporteur
du travail très précis et approfondi effectué malgré l’urgence
qui nous contraint.
L’objet premier de ce projet de loi, mesdames, messieurs les
sénateurs, est donc de sécuriser le mécanisme de la copie
privée, à la suite de la décision du 17 juin dernier du
Conseil d’État.
Jugeant que les supports acquis pour un usage professionnel
devaient être exemptés du paiement de la rémunération pour
copie privée, le Conseil d’État a condamné le système mis en
place par la commission copie privée qui, pour des raisons de
simplicité et de prévention de la fraude, consistait à appliquer
la rémunération pour copie aux supports susceptibles de servir
tout à la fois pour un usage professionnel et pour un usage de
copie privée –les CD-ROM, la plupart des DVD, les
téléphones multimédias, les clés USB,... –, moyennant un
abattement reflétant la part des usages professionnels. Cette
décision emporte des effets collatéraux très graves, car elle
prive notamment de fondement juridique, à compter du
22 décembre prochain, l’essentiel des barèmes de perception
de la copie privée. Elle fait ainsi peser une menace immédiate
sur la perception des 180 millions d’euros.
Par ailleurs, la décision du Conseil d’État entraîne un effet
d’aubaine pour les redevables de la rémunération pour copie
privée qui avaient engagé une action judiciaire avant le 17 juin
2011 : ils pourraient réclamer le remboursement de l’intégra-
lité des sommes versées, soit un montant de près de
60 millions d’euros, alors même que l’essentiel de ces
sommes était effectivement dû lorsque n’étaient pas en
cause des supports acquis à des fins professionnelles et que
la copie privée a été répercutée sur le prix acquitté par les
consommateurs.
Le projet de loi permet donc de remédier au risque d’une
interruption ou d’une remise en cause de la rémunération
pour copie privée, lorsque celle-ci est effectivement due, en
neutralisant les effets collatéraux de la décision du Conseil
d’État, et cela par deux moyens.
Le premier est le maintien, au-delà du 22 décembre
prochain, des barèmes de la rémunération pour copie
privée, et cela jusqu’à l’adoption par la commission copie
privée de nouveaux barèmes portant sur les supports en
cause dans la décision n° 11 annulée par le Conseil d’État,
dans la limite toutefois d’un délai maximal que l’Assemblée
nationale a réduit à un an, avec l’accord du Gouvernement.
Le second moyen consiste à procéder à une validation ciblée
des rémunérations antérieures au 17 juin 2011 qui font l’objet
d’une action contentieuse.
Cette réponse –j’y insiste –est conforme à la Constitution
et au droit européen et a donc été approuvée par le Conseil
d’État lorsqu’il a examiné le projet de loi. En particulier,
conçue de manière à respecter la chose jugée, elle
n’empêche pas les personnes ayant acquis un support pour
un usage professionnel de faire valoir leurs droits, car elle ne
porte que sur des rémunérations qui ne sont pas couvertes par
le motif qui fonde la décision d’annulation du Conseil d’État,
en faisant notamment obstacle à ce qu’elles soient contestées
du fait d’un défaut de base légale.
SÉNAT –SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 2011 10019