SÉNAT – SÉANCE DU 22 JANVIER 2008 319
Pour apporter des garanties aux « acheteurs de forma-
tions », qui ont bien du mal à se repérer au travers du
foisonnement de l’offre, la mission commune d’informa-
tion propose d’instituer des garanties de solidité fi nancière
des organismes, sous la forme d’un dépôt obligatoire lors de
la déclaration. De plus, un agrément régional pourrait être
délivré par le conseil économique et social régional.
La complexité apparaît également au niveau des diplômes
et des certifi cations.
Plus de 1 200 diplômes ou titres professionnels sont
délivrés par sept ministères certifi cateurs. On peut ainsi
recenser 198 CAP, 35 BEP, 73 baccalauréats professionnels
et 109 BTS. Près de 1 450 licences professionnelles ont été
créées pour seulement 20 000 étudiants, soit une licence
pour 14 étudiants. Pour l’anecdote, nous avons même
relevé l’existence d’une licence professionnelle « Clown » à
l’université de Lyon ! (Sourires).
M. Aymeri de Montesquiou. Il y a beaucoup de postu-
lants ! (Nouveaux sourires).
M. Jean-Claude Carle. L’offre de certifi cation n’est donc
pas en phase avec les besoins actuels : la spécialisation des
diplômes s’accorde mal avec les exigences de polyvalence
requises par le marché du travail.
La complexité atteint, en outre, les fi nanceurs.
On décompte 98 organismes paritaires collecteurs agréés,
ou OPCA, spécialisés, à des degrés divers, par branche ou
par région, auxquels il convient d’ajouter les organismes
collecteurs de la taxe d’apprentissage, ou OCTA.
La complexité touche, enfi n, les pouvoirs publics et les
administrations d’État ou territoriales. J’y reviendrai dans
quelques instants.
J’en viens au deuxième C : les corporatismes.
La complexité fait le lit des corporatismes, voire de petites
féodalités, dans lesquels chacun est soucieux de son pré carré
et du bon fonctionnement de sa structure, oubliant parfois
l’objectif qui consiste à répondre aux besoins des salariés et
des entreprises.
Cela induit le troisième C : les cloisonnements. Chacun
reste dans son domaine et ne sait pas ce que fait son voisin.
C’est la politique de la patate chaude, selon laquelle chacun
« se refi le le bébé ».
Je me réjouis, par conséquent, de la fusion ANPE-
UNEDIC, actuellement en débat au Parlement. Lors de
la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s’était engagé
à créer un service public de l’emploi universel pour mettre
fi n au parcours du combattant du demandeur d’emploi, en
plaçant celui-ci au centre du système.
Comme l’a souligné le Président de la République, « le
devoir d’un chômeur, c’est de rechercher un emploi, pas
de supporter le fardeau de la complexité administrative, et
le devoir de la collectivité nationale, c’est de mobiliser ses
moyens au service du retour du chômeur à l’emploi ». Ainsi,
il sera possible de trouver à un même endroit l’ensemble des
services, qu’il s’agisse de l’accueil, de l’inscription comme
demandeur d’emploi, de l’indemnisation, de la formation
et de l’accompagnement dans la recherche d’un nouvel
emploi.
Lors du débat devant notre assemblée, j’avais proposé un
amendement visant à ce que les services d’orientation de
l’Association nationale pour la formation professionnelle des
adultes, l’AFPA, soient intégrés à la nouvelle institution.
À l’heure actuelle, la fonction d’orientation profession-
nelle des personnes, que celles-ci disposent ou non d’un
emploi, reste dévolue aux services d’orientation profession-
nelle de l’AFPA. Or cette situation est quelque peu contraire
à l’objectif de simplifi cation visé par la fusion. Cela revient
à priver la nouvelle institution des moyens de mieux assurer
sa mission d’orientation.
J’ai retiré cet amendement, dans l’attente du prochain
texte de loi sur la formation. Notre commission a, pour sa
part, demandé qu’un rapport soit présenté au Parlement,
d’ici à douze mois, sur les modalités de cet éventuel trans-
fert.
Le tableau étant dressé, comment s’en sortir ? La mission
a fait une quarantaine de propositions. J’en citerai trois qui
me paraissent très importantes.
Premièrement, il faut passer d’une logique de dépense à
une logique d’investissement. Qui dit investissement dit
résultats ; qui dit résultats dit évaluation.
Deuxièmement, il faut fi xer d’autres objectifs à la forma-
tion professionnelle. Tout système de formation doit
apporter une triple réponse simultanée, au projet de la
personne, aux besoins de l’entreprise et à la diversité des
territoires, en s’appuyant sur le triptyque indissociable
« formation, employabilité, emploi ».
Troisièmement, et cela concerne la méthode, aux trois C,
nous opposons les trois P et les deux E.
Les trois P sont, premièrement, la personne, physique ou
morale, qu’il est impératif de remettre au centre du système,
car elle en constitue la fi nalité, deuxièmement, le partena-
riat, autour de l’ensemble des acteurs de la communauté de
formation, c’est-à-dire l’État, les partenaires socio-écono-
miques, la région et les autres collectivités territoriales, et
troisièmement, la proximité, d’abord pour répondre au
mieux à la diversité des situations, ensuite pour une raison
d’effi cacité, chaque euro investi ayant un meilleur rende-
ment lorsque la décision est plus proche de l’action. Le bon
niveau nous paraît être le bassin de formation.
J’en viens aux deux E.
Il s’agit, tout d’abord, de l’expérimentation, qui est
aujourd’hui inscrite dans la Constitution. Elle doit permettre
de lever la crainte des effets pervers non maîtrisés lorsqu’on
modifi e un système aussi complexe.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, tout
ministre qui prend ses fonctions est convaincu qu’il est
urgent d’agir. Six mois plus tard, il est tout aussi convaincu
qu’il est urgent d’attendre, tant les corporatismes de tous
bords l’ont persuadé que telle ou telle modifi cation allait
mettre la France à feu et à sang. L’expérimentation, inscrite
dans la Constitution grâce à Jean-Pierre Raffarin, permettra
d’éviter ce risque. Il ne faut pas s’en priver.
Le second E est l’évaluation, indispensable pour optimiser
les performances de l’appareil de formation.
Aujourd’hui, notre système de formation professionnelle
et, de manière plus générale, le service public souffrent d’un
manque d’évaluation. Le contrôle de l’État est plus souvent
axé sur les moyens mis en œuvre que sur les résultats ; l’éva-
luation est parcellaire et ceux qui sont juges sont souvent
parties.
S’il est diffi cile d’apprécier qualitativement les forma-
tions, il s’agit néanmoins d’une priorité. L’insuffi sance des
outils permettant d’évaluer l’effi cacité des formations est
manifeste. Il nous paraît donc indispensable de créer une