L Infections ostéoarticulaires : nouvelles approches diagnostiques

130 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXVII - n° 3 - mai-juin 2012
DOSSIER THÉMATIQUE
Infections osseuses
Infections ostéoarticulaires :
nouvelles approches
diagnostiques
et nouveaux outils
Bone and joint infection: new diagnostic approaches
and new tools
M. Rottman*
* EPIM – Faculté de médecine Paris-
Île-de-France-Ouest, université de
Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ,
Centre de référence régional des infec-
tions ostéoarticulaires complexes,
laboratoire de microbiologie, hôpital
Raymond-Poincaré, Garches.
L
e diagnostic microbiologique des infections
ostéoarticulaires est, pour les laboratoires, un
exercice exigeant mais capital pour assurer le
diagnostic et guider l’antibiothérapie de ces patho-
logies lourdes et coûteuses. Il présente un certain
nombre de difficultés spécifiques dans la réalisation,
le traitement et l’interprétation des prélèvements.
Leur prise en charge microbiologique relève ainsi
idéalement de laboratoires spécialisés disposant
de personnels qualifiés et de matériels spécifiques.
Dans un contexte infl ammatoire aigu ou chronique,
avec ou sans matériel chirurgical implanté, la mise
en évidence de micro-organismes au niveau du site
infl ammatoire ostéoarticulaire établit le diagnostic
d’infection. Le laboratoire doit identifi er de façon
exhaustive les agents microbiens en cause et déter-
miner leur sensibilité aux antibiotiques.
Si les interventions les plus complexes doivent être
réalisées dans des centres de référence définis par
le ministère de la Santé, les laboratoires de centres
non spécialisés peuvent être amenés à réaliser les
examens en urgence. Les innovations technologiques
devraient permettre la décentralisation d’une micro-
biologie de qualité dans ces indications particulières.
Étapes préanalytiques
Réalisation des prélèvements
péropératoires
Certains préceptes simples doivent être rappelés :
afin de distinguer les contaminants des bactéries
infectantes, 5 ou 6 prélèvements doivent être idéa-
lement réalisés (1). Il est important qu’ils soient
ciblés sur des zones pathologiques ; s’ils sont effec-
tués sur des zones saines, ils conduisent à dimi-
nuer la sensibilité et la spécificité de l’ensemble
des prélèvements informatifs en les “diluant” avec
ceux attendus comme négatifs. Les seuls prélè-
vements en zones saines à envisager sont ceux
réalisés dans le cadre d’une exérèse osseuse large,
afin de s’assurer de l’absence de bactéries aux extré-
mités des tissus laissés en place. L’interprétation
des prélèvements sera réalisée en confrontant les
résultats de tous les échantillons, qui doivent être
traités de manière indépendante (2).
Supports de prélèvement
La mise en œuvre des dernières modalités techniques
de traitement des prélèvements ostéoarticulaires
impose de nouvelles contraintes sur les supports
de prélèvement, comme sur la conservation et le
transport des échantillons (3, 4).
Le laboratoire fournira au bloc opératoire des dispositifs
stériles compatibles avec les normes en vigueur au
bloc, certains sites requérant des doubles emballages
stériles qui permettent l’accès au champ opératoire.
Proposer des kits de 5 flacons de prélèvement peut
inciter l’opérateur à réaliser le nombre de prélèvements
optimal pour le diagnostic d’une infection.
Les flacons de prélèvement doivent êtres compa-
tibles avec les techniques de traitement réalisées
en aval et limiter les manipulations, le transfert
La Lettre de l’Infectiologue Tome XXVII - n° 3 - mai-juin 2012 | 131
Points forts
»
L’extraction mécanique des bactéries contenues dans le prélèvement est primordiale. L’utilisation de
systèmes mécaniques à billes permet d’améliorer la sensibilité et de diminuer le temps de traitement.
»
La sonication des implants est un élément diagnostique permettant d’améliorer la sensibilité, surtout
pour les patients ayant reçu des antibiotiques.
»
L’identification au niveau de l’espèce des commensaux, notamment par spectrométrie de masse
MALDI-TOF, améliore la reconnaissance des contaminations.
»
L’incubation des cultures en milieu liquide dans des automates d’hémoculture permet de prolonger
la durée d’incubation des prélèvements et d’éviter les repiquages terminaux.
»Les tests moléculaires peuvent être utilisés en seconde intention si les cultures restent stériles.
Mots-clés
Infection
ostéoarticulaire
Diagnostic
bactériologique
Techniques
delaboratoire
Highlights
»
Technical improvements in
the microbiological diagnosis
of bone and joint infections
can alter patient outcome.
»
Multiple periprosthetic
samples(5 to 6) are still
required for diagnosis of
implant related infections.
»
Mechanical extraction
of the bacteria from the
tissue samples in bead mills
improves both workflow and
performance.
»
The automated monitoring
of broth enrichments by blood
culture systems improves
sensitivity, allows early detec-
tion and makes extended
cultures easier.
»
The recovery of biofilm
from removed implants by
ultrasound or other chemical
methods increases diagnostic
yield, most dramatically in
patients who received anti-
biotics prior to surgery.
»
Species level identification
with MALDI-TOF mass spec-
trometry of isolates allows
faster identification and the
recognition of contaminants
that cannot be differentiated
by susceptibility profile.
»
Rapide molecular testing
allows S. aureus and mecA
detection prior to culture and
array technologies can identify
a wide array of pathogens.
Keywords
Bone and joint infection
Bacteriological diagnosis
Laboratory techniques
d’un type de fl acon à un autre au laboratoire étant
dommageable car source potentielle de contamina-
tion. Les flacons doivent être garantis sans DNases
ni ADN pour permettre la réalisation éventuelle de
techniques moléculaires en aval (2).
Si du matériel volumineux tel que des prothèses
est transmis au laboratoire pour analyse, des réci-
pients hermétiques et stériles doivent être proposés.
L’usage d’emballages souples plastiques a été associé
à un taux de contamination important (5), mais l’uti-
lisation de plastiques spécifi ques pourrait à l’avenir
pallier ces problèmes. Dans le cas de contenants
aux multiples usages, il convient de procéder à une
stérilisation conforme aux normes chirurgicales et
de vérifier l’étanchéité des couvercles du fait des
déformations induites par les cycles d’autoclavage.
L’usage d’ancillaires de chirurgie serait souhaitable
mais le coût s’avère prohibitif. Le développement
de systèmes à usage unique radiostérilisés serait
souhaitable si le traitement de ces matériels se
généralisait.
Transport des prélèvements
Le transport et la conservation des prélèvements
contenant volontiers des micro-organismes ana érobies
ou fragiles se complexifient d’autant plus que les
centres chirurgicaux et les plateaux techniques de
microbiologie sont susceptibles d’être séparés lors des
réorganisations des plateaux techniques des hôpitaux.
Pour un transfert entre un bloc opératoire et un labo-
ratoire proches, et pendant les heures d’ouverture
du laboratoire, le prélèvement sera placé dans un
support sec, à température ambiante. Si le délai
de traitement attendu doit dépasser 2 heures (2),
il est conseillé d’utiliser un milieu de transport
type Amies pour préserver les chances d’isoler
des bactéries anaérobies. Là encore, les milieux de
transport doivent être garantis sans DNases ni ADN
afin d’assurer l’utilisation éventuelle des approches
moléculaires en aval.
Dans le cadre de chirurgies programmées de reprises
de prothèses, l’usage fait souvent placer les cas
septiques en fin de planning opératoire, ce qui peut
conduire à réaliser les prélèvements hors de la plage
horaire du laboratoire. Il est conseillé de discuter sur
chaque site de ces habitudes fondées sur un risque
de contamination interpatients au bloc opératoire,
mais qui, à l’heure actuelle, ne sont corroborées par
aucune donnée objective.
Étape analytique
Traitement des prélèvements :
broyage et sonication
Les prélèvements ostéoarticulaires solides doivent
faire l’objet d’un broyage pour permettre leur
ensemencement. Les techniques de broyage avec
mortier sont sujettes à des contaminations, des
disparités en fonction de la nature des pièces
opératoires et sont consommatrices de temps
technique. Le passage au broyage mécanique est
vivement conseillé. L’avantage du broyeur à billes
est son fonctionnement dans un environnement
clos protégeant le prélèvement, comme l’opé-
rateur, des aérosols, et l’utilisation d’éléments à
usage unique qui allègent la chaîne logistique et les
contrôles de stérilité. L’usage d’un broyeur méca-
nique permet par ailleurs un gain de sensibilité et
de spécificité (4). Les réactifs seront sans DNases
et sans ADN afin de rendre possibles tous les traite-
ments moléculaires en aval. Le produit du broyage
est alors traité comme une suspension pour les
opérations d’ensemencement sur milieux solides
et liquides et pourra faire l’objet d’une extraction
et d’une amplification dans le cadre de diagnostics
moléculaires (6).
Les matériels explantés de petite taille pourront
être traités au broyeur à billes. La prise en charge
des prothèses articulaires entières fait l’objet d’un
traitement particulier. La sonication des implants
est décrite dans la littérature et sa réalisation
est semi-quantitative, un seuil de bactéries non
significatif étant admis (3). La sonication est
réalisée dans un bain à ultrasons particulier (ultra-
sons à basse puissance n’altérant pas la viabilité
bactérienne, les bacs à ultrasons classiques ne
convenant pas), dans un support scellé conte-
nant le liquide de sonication ainsi que l’implant
étudié. Le liquide de sonification est ensuite soumis
à culture et/ou PCR (figure 1, p. 132) [7]. D’autres
132 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXVII - n° 3 - mai-juin 2012
DOSSIER THÉMATIQUE
Infections osseuses Infections ostéoarticulaires : nouvelles approches
diagnostiques etnouveaux outils
techniques de dissociation du biofilm sont propo-
sées, notamment l’usage de composés chimiques
tels que le dithiothréitol qui serait supérieur à la
N-acétylcystéine ou aux procédés physiques tels
que la sonication (8), mais aucune publication
clinique n’est à ce jour disponible.
Il est important de rappeler que les techniques de
sonication ne s’appliquent qu’aux infections sur
matériel implanté et non aux infections ostéo-
articulaires sans matériel telles qu’ostéomyélite,
ostéoarthrite primitive ou encore pseudarthrose.
Dans le cadre de la prise en charge des infections
sur prothèse, elles ne s’appliquent pas à la phase
de documentation préopératoire qu’il est capital
d’améliorer dans sa spécificité et sa sensibilité. La
sonication ne saurait donc être la seule modalité
diagnostique des infections ostéoarticulaires.
Durée de culture des prélèvements
Des publications récentes proposent de prolonger les
cultures des prélèvements diagnostiques d’infection
périprothétique pendant un minimum de 15 jours (9,
10). Un grand nombre des isolats obtenus tardivement
sont des contaminants, et les apports diagnostiques
liés à la culture de Propionibacterium acnes sont liés
à des définitions de l’infection peu habituelles, avec
la prise en compte d’un isolat unique en présence
d’inflammation anatomopathologique. Il est difficile
alors de faire la part entre un P. acnes contaminant
et une infection décapitée par les antibiotiques ou à
bactériologie négative. Le risque associé à ces critères
diagnostiques affaiblis est la prise en compte de conta-
minants sensibles traités par clindamycine et rifam-
picine ou amoxicilline et rifampicine, ce qui amène
à “sous-traiter” des infections qui auraient pu faire
l’objet d’une antibiothérapie à plus large spectre en
l’absence de diagnostic d’infection à P. acnes. L’apport
de sensibilité se faisant au détriment de la spécificité,
il n’est pas certain que le meilleur compromis clinique
repose sur la prise en compte de cultures tardives de
signification peu claire. Par ailleurs, l’augmentation
du délai de culture prolonge la période d’incertitude
clinique pendant laquelle le risque d’erreurs de prise
en charge du patient est maximal.
La prolongation de l’incubation des bouillons d’enri-
chissement peut être réalisée sur des automates
d’hémoculture (11). Cependant, les flacons d’hé-
moculture contiennent du SPS (un anticoagulant)
qui est toxique pour un certain nombre d’espèces
bactériennes comme les cocci à Gram positif anaéro-
bies (12). L’usage de prélèvements non sanguins sur
ces flacons d’hémoculture impose la neutralisation
du SPS et l’enrichissement en facteurs de croissance
normalement apportés par le sang. Certains fabri-
cants comme Becton Dickinson en proposent, mais la
reconstitution est peu adaptée aux grands volumes
d’examen et est sujette à contamination.
Figure 1. Principe et intérêt de la sonication des prothèses ostéoarticulaires.
A. Appareil à ultrasons. B. Surface de prothèse présentant un biofilm, avant et après
sonication. C. Comparaison des cultures sur gélose au sang de la biopsie osseuse et du
sonicat de prothèse d’un patient infecté par Staphylococcus epidermidis.
A
B
C
Biopsie osseuse
Avant sonifi cation
Sonicat
Après sonifi cation
La Lettre de l’Infectiologue Tome XXVII - n° 3 - mai-juin 2012 | 133
DOSSIER THÉMATIQUE
L’identifi cation bactérienne
par MALDI-TOF
L’identification bactérienne par MALDI-TOF MS
(Matrix-Assisted Laser Desorption/Ionisation-Time-
of-flight Mass Spectrometry), qui tend à se généra-
liser dans les laboratoires de bactériologie, permet
d’obtenir une identification rapide et fiable d’un
certain nombre de pathogènes et de contaminants
essentiels des infections ostéoarticulaires, notam-
ment les staphylocoques à coagulase négative (13).
Il est également important d’identifier avec fiabilité
les contaminants, car distinguer 2 espèces différentes
évite de confondre une double contamination avec
une infection authentique (1).
En ce qui concerne les classes de pathogènes prenant
facilement en défaut les systèmes d’identification
phénotypiques tels que les anaérobies, la génération
de systèmes actuellement disponibles ne permet
pas encore l’identification fiable d’une majorité
d’isolats. Dans ces cas spécifiques, les techniques
d’identification moléculaire par séquençage de gènes
de ménage restent nécessaires.
Diagnostic moléculaire
Les systèmes diagnostiques moléculaires
commencent à trouver leur place dans la routine des
laboratoires de bactériologie, et leur usage s’étend
au diagnostic des infections ostéoarticulaires. La
réalisation du broyage mécanique en eau de qualité
“biologie moléculaire” permet de réaliser facilement
l’extraction d’acides nucléiques à partir de prélève-
ments solides. Les principaux systèmes d’extraction
d’acides nucléiques de cellules procaryotes à partir
de tissus homogénéisés fonctionnent de manière
correcte sur ces échantillons.
Amplification génique – PCR
Plusieurs approches moléculaires fondées sur la
PCR peuvent être proposées. Le rendement est dans
l’ensemble assez faible s’il est étendu à l’ensemble
des prélèvements, mais son usage ciblé en seconde
intention chez les patients suspects d’infection à
microbiologie initialement négative en culture
pourrait être très instructif, notamment dans le
cas de bactéries qui ne se développent pas sur les
milieux usuels (Tropheryma whipplei, Mycobacterium
tuberculosis, etc.) ou dans le cas de prélèvements
réalisés sous traitement antibiotique. L’apport des
techniques moléculaires dans la prise en charge de
ces pathologies mériterait d’être évalué, car, à ce
jour, il s’agit de pratiques réalisées en plus de la
microbiologie classique, qui ne peuvent donc reven-
diquer d’alléger la microbiologie conventionnelle en
quantité et en coût.
PCR universelle
La technique de PCR universelle consiste à amplifier
une partie de l’ADN bactérien, habituellement de
l’ADN ribosomal 16S (ADNr 16S), retrouvée chez
toutes les bactéries mais absente dans les génomes
humains, viraux et fongiques. La technique comprend
une extraction de l’ADN total du prélèvement biolo-
gique (ADN humain et ADN bactérien) suivie de
2 réactions de PCR (figure 2) :
une réaction d’amplification d’un gène humain
tel que le gène de la bêtaglobine qui sert de contrôle
interne permettant de vérifier l’absence d’inhibi-
teurs de la polymérase dans l’échantillon et de tester
l’efficacité de l’extraction d’ADN (l’ADN humain
étant présent dans tout prélèvement clinique d’ori-
gine humaine) ;
une réaction d’amplification à l’aide d’amorces
universelles amplifiant un fragment spécifique de
l’ADNr 16S bactérien (PCR 16S).
Le produit d’amplification est ensuite révélé par élec-
trophorèse sur gel d’agarose. Une amplification posi-
Figure 2. Principe des techniques de PCR universelle et spécifique.
Prélèvement de tissus osseux ou de liquide articulaire
Extraction dADN
PCR universelle
Séquençage
Analyse de séquence
Identifi cation
Comparaison avec des
bases de données de
séquences connues
PCR spécifi que
Résultat
Présence ou absence
134 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXVII - n° 3 - mai-juin 2012
DOSSIER THÉMATIQUE
Infections osseuses Infections ostéoarticulaires : nouvelles approches
diagnostiques et nouveaux outils
tive signe la présence de bactéries, même en faible
quantité, dans le prélèvement. Le fragment amplifi é
est ensuite séquencé et l’analyse de sa séquence
par interrogation des banques de séquences d’ADN
permet d’identifier la bactérie au niveau du genre ou
de l’espèce sur la base de la phylogénie moléculaire
(genre ou espèce dont la séquence est phylogéné-
tiquement la plus proche de la séquence-requête).
L’intérêt majeur de la PCR universelle est d’offrir une
approche large “sans a priori” sur la nature du micro-
organisme en cause, avec la possibilité d’identifi er
n’importe quelles bactéries, même celles qui ne se
cultivent pas ou qui ont perdu leur capacité de crois-
sance (traitement antibiotique, variants). Quelques
difficultés peuvent toutefois exister pour des micro-
organismes rares pour lesquels les séquences ne sont
pas toujours bien connues.
Au laboratoire, cette technique est classiquement
utilisée à partir de souches bactériennes pour
lesquelles l’identification pose des difficultés. Au
cours de la dernière décennie, elle a été adaptée et
utilisée pour le diagnostic des infections bactériennes
directement à partir des prélèvements cliniques, dans
le but de gagner en sensibilité et en délai de rendu
des résultats par rapport à la culture. Elle a ainsi
permis d’améliorer le diagnostic étiologique dans
différents contextes infectieux lorsque la culture
était stérile, notamment dans le cas des endocardites
infectieuses à partir de valves natives ou prothé-
tiques, des méningites et des endophtalmies.
Cependant, les données de la littérature montrent
que la principale limite de la PCR universelle à
partir de prélèvements cliniques réside dans une
sensibilité encore imparfaite, et variable selon les
espèces. Ce manque de sensibilité résulterait du
rendement suboptimal d’extraction de l’ADN, de la
faible prise d’essai, ou encore de l’échantillonnage
(répartition non homogène des bactéries ou de l’ADN
dans le prélèvement). Par conséquent, une absence
d’amplification nexclut pas un diagnostic infectieux.
À l’inverse, la contamination par de l’ADN bactérien
exogène étant possible à chaque étape, l’interpréta-
tion des résultats doit toujours être réalisée en corré-
lation avec les données cliniques et biologiques, afin
de définir le caractère pathogène ou contaminant de
la bactérie identifiée. De plus, lorsque le séquençage
n’est pas réalisé au sein du laboratoire qui prend en
charge la PCR, le délai d’obtention des résultats reste
encore trop long (de 48 à 72 heures en général).
Ces résultats peuvent aussi être difficilement inter-
prétables, voire ininterprétables, notamment en
cas d’infection polymicrobienne, en raison de la
superposition des électrophorégrammes obtenus.
Un dernier inconvénient de la PCR universelle est
le faible pouvoir résolutif à l’espèce pour certaines
espèces phylogénétiquement proches (par exemple
les espèces Streptococcus pneumoniae, S. oralis,
S. mitis et S. sanguis ne peuvent être distinguées sur
la base du séquençage de l’ADNr 16S). En raison de
ces différents éléments, le développement d’autres
techniques d’amplification s’est avéré nécessaire.
PCR spécifique
La technique de PCR spécifique consiste à amplifier
une partie de l’ADN bactérien d’une espèce (ou
d’un genre) en particulier, soit à l’aide d’amorces
spécifiques de l’espèce ciblée pour un gène non
restreint à cette espèce, soit à l’aide d’amorces
permettant l’amplification d’un gène présent
uniquement dans l’espèce ciblée. En raison de la
spécificité de l’amplification, une éventuelle conta-
mination par une autre espèce n’interférera géné-
ralement pas avec l’interprétation du résultat (pas
de perte de spécificité, seul l’ADN de la bactérie
ciblée étant amplifié). Le fragment amplifié est
révélé en temps réel ou sur gel. En revanche,
cette technique s’affranchit du séquençage, une
amplification positive attestant la présence de
la seule espèce recherchée dans le prélèvement.
À l’exception des cas encore rares où des kits
sont commercialisés (bien que très récemment,
de nombreux fabricants semblent s’intéresser à
ce marché prometteur), chaque laboratoire doit
développer et évaluer sa propre technique, ce qui
explique que les gènes ciblés pour l’amplification
varient selon les équipes.
La PCR spécifique peut donc être appliquée à un
grand nombre de bactéries, aussi bien les plus clas-
siques (Staphylococcus spp., S. aureus, Streptococcus
spp., etc.) que des plus rares (Kingella kingae, Borrelia,
Propionibacterium acnes, etc.). Cette technique est
plus sensible que la PCR universelle. Elle ne présente
généralement pas d’interférence par des bactéries
contaminantes, contrairement à la PCR universelle,
et permet de rendre les résultats définitifs dans des
délais plus courts que cette dernière, qui nécessite
un séquençage après amplification.
En revanche, la PCR spécifique présente un spectre
étroit puisqu’elle ne cible classiquement qu’une
seule espèce. Sa place est donc soit en deuxième
ligne lorsque la PCR universelle est négative ou ne
permet pas de différencier plusieurs espèces, soit
en première ligne dans les situations cliniques où i)
le diagnostic est orienté ; ii) une espèce particulière
possède une prévalence très élevée (comme Kingella
kingae chez l’enfant de moins de 3 ans).
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