Quelle est la vraie balance bénéfices-risques de la mammographie ?

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Quelle est la vraie balance bénéfices-risques de la mammographie ?
Mis à jour le 11/09/2012 par SFR
Dr Anne Tardivon, Radiologue, Institut Curie, Site Paris
Présidente sortante de la SOFMIS
Un dépistage du cancer du sein : pourquoi ?
Le cancer du sein est fréquent et va toucher une femme sur 10 au cours de sa vie, l’âge étant le
principal facteur de risque (plus de la moitié des cancers surviennent après 54 ans). Du fait de sa
fréquence, de l’existence de traitements efficaces et d’un test sensible (la mammographie) ayant
prouvé son efficacité en terme de diminution de la mortalité (baisse relative de 25%), un dépistage
organisé national a été mis en place en 2004 pour les femmes entre 50 et 74 ans. En France, le
taux moyen de participation n’est que de 52% (avec une grande disparité entre départements) du
fait de la coexistence d’un dépistage individuel.
Que veut dire une balance Bénéfices/Risques ?
Le bénéfice de la mammographie réside dans la détection de cancers non palpables, de petite taille
et sans envahissement ganglionnaire (facteur pronostique de survie) permettant de les traiter
efficacement avec des thérapeutiques moins agressives. Les deux inconvénients principaux de
dépister systématiquement des femmes asymptomatiques sont les faux positifs (on inquiète une
femme à tort pour une lésion qui va s’avérer bénigne après biopsies ou une surveillance
radiologique) et le surdiagnostic (on diagnostique un cancer de bon pronostic qui, en fait, n’aurait
pas évolué du vivant de la femme ; donc cette femme devient malade et traitée à tort). Depuis
plusieurs années, cycliquement, le dépistage est remis en cause en mettant en avant que les
bénéfices attendus seraient moindres que les risques; et que le gain observé reposerait surtout sur
l’organisation des soins et les progrès thérapeutiques.
Quelle est la vraie balance bénéfices-risques de la mammographie ?
Vouloir répondre à cette question est illusoire car cette balance est différente à chaque âge de la
vie et en fonction de l’histoire personnelle et familiale de chaque femme. En effet, ces facteurs vont
modifier l’incidence du cancer du sein ainsi que la réduction de la mortalité au cours de la vie.
Le problème des faux positifs se rencontre surtout avant 50 ans car les lésions bénignes sont plus
fréquentes, les seins plus difficiles à analyser en mammographie, l’échographie complémentaire
ajoutant son lot de faux positifs, alors que l’incidence du cancer est plus faible. Ces risques majorés
de faux positifs doivent être clairement expliqués avant 50 ans.
Le problème du surdiagnostic est différent. Participer régulièrement à un dépistage permet
effectivement d’augmenter le taux de cancers de bon pronostic (essai des 2 comtés en Suède).
Cependant, après 20 ans de suivi, si le taux de cancers de bon pronostic passait de 26 à 41% dans
la population dépistée, le taux de cancers de moins bon pronostic ne diminuait que de 15%. La
différence entre les années 80 et aujourd’hui est que l’on dispose d’armes thérapeutiques plus
efficaces pour traiter ces cancers de moins bon pronostic en les détectant à un stade précoce.
Dans cette problématique de surdiagnostic, il faut individualiser les cancers in situ, le plus souvent
révélé par des foyers isolés de calcifications, et dont le pourcentage a régulièrement augmenté au
cours du temps du fait du dépistage et des progrès technologiques (mammographie numérique).
On sait que certaines formes d’in situ ne deviendront jamais invasives du vivant des femmes
(études d’autopsies), or, une fois diagnostiqués, ils sont systématiquement traités.
La mammographie est –elle capable de prédire l’agressivité d’un petit cancer détecté ?
Si le caractère agressif du cancer peut parfois être suspecté en imagerie ; cette information basée
sur des critères morphologiques devient difficile voire impossible pour des cancers de petites tailles.
Ainsi, seuls des prélèvements donneront de manière fiable cette information (grade histologique,
index de prolifération, marqueurs biologiques). C’est donc plutôt vers la prise en charge qu’il faut
se tourner : faut-il traiter tous les cancers du sein ? Si la désescalade thérapeutique a déjà
commencé (technique du ganglion sentinelle, non indication de chimiothérapie pour des cancers de
très bon pronostic par exemples), l’abstention thérapeutique n’est pas encore à l’ordre du jour du
fait de la fréquence connue de cancers additionnels dans le sein atteint et souvent occultes en
imagerie. Cette abstention thérapeutique nécessitera des études impliquant tous les acteurs de la
prise en charge et en premier chef les femmes.
Quel dépistage ?
Si le dépistage organisé a fait ses preuves pour les femmes de 50- 74 ans, son bénéfice dépend
également de la participation qu’il faut donc accroître. Dans des contextes particuliers à risques, un
dépistage personnalisé sera l’avenir en adaptant le rythme et les outils de dépistage en particulier
avant l’âge de 50 ans. Ceci est déjà le cas chez les femmes porteuses d’une mutation délétère de
cancer du sein : surveillance dès 30 ans, tous les ans avec ajout de l’IRM. La Haute Autorité de la
Santé (HAS) va débuter un travail sur l’identification des facteurs de risques de cancers du sein et
les modalités de dépistage. Affaire à suivre…
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