La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 5 - septembre-octobre 2006
Mise au point
Mise au point
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Figure 2. Méthode de Schäfer appliquée à deux asphyxiés
(1944).
L’oxygénothérapie
John Hunter, encore lui, pense, dès 1776, que l’oxygène peut
se montrer plus efficace que l’air habituel. Cela n’empêche pas
Charles Kite, qui insistait pourtant sur l’urgence de pratiquer
la ventilation artificielle, de ne pas être convaincu, en 1790, du
rôle métabolique de l’oxygène.
Malgré la relative facilité de fabriquer et de stocker l’oxygène,
son utilisation resta bien timide tout au long du XIXe siècle.
Selon Jean-Nicolas Demarquay, en 1866, on en donne 20 à
30 litres par jour, moitié le matin, moitié le soir…
L’accès aux voies aériennes
Le risque de gonfler l’estomac lorsque l’on insuffle de l’air dans
la bouche peut être évité en pressant le larynx contre les corps
vertébraux. C’est la manœuvre décrite par Brian Sellick en
1961. John Hunter avait déjà fait la même recommandation en
1776. L’idée de l’extension de la tête en arrière pour éviter que
la langue n’obstrue le larynx chez un malade inconscient est
due à Jacob Heiberg en 1874.
Dès que la ventilation mécanique a émergé, s’est posé le pro-
blème de l’accès direct aux voies aériennes. La première in-
tubation translaryngée serait due à Avicenne. Pierre-Joseph
Desault, en 1791, est le premier auteur moderne à intuber un
patient victime d’un œdème de la glotte. Les sondes sont en
métal ou en cuir. Le ballonnet gonflable est mis au point par
Friedrich Trendelenburg en 1871.
Le tubage laryngé pour sauver les enfants victimes du croup
est dû à Eugène Bouchut en 1858. Son emploi ne se générali-
sera qu’à partir de 1894, quand l’efficacité de la sérothérapie
sera reconnue.
La trachéotomie a, elle aussi, une longue histoire. Appelée “la-
ryngotomie” ou “bronchotomie”, elle fut pratiquée dès le XVIe
siècle par Ambroise Paré. Utilisée de loin en loin, elle acquiert
ses lettres de noblesse quand, en 1825, Pierre-Fidèle Breton-
neau l’utilise pour sauver du croup Élisabeth de Puységur.
LES MÉTHODES MANUELLES DE VENTILATION
La méthode du baril était utilisée sur le port de Londres dès
le XVIIIe siècle. Elle consistait à placer la victime à plat ventre
sur un tonneau et à la déplacer en avant puis en arrière afin
de mobiliser son diaphragme. Le brancard basculant conçu
par Franck Cecil Eve en 1932 et utilisé jusque dans les années
1950, repose sur un principe similaire.
James Leroy d’Étiolles, en 1827, est le premier à pratiquer une
ventilation par expiration forcée. Il propose de comprimer en
même temps la base du thorax et l’abdomen. De 1856 à 1932,
quarante méthodes différentes verront le jour. En 1858,
Silvester proposait d’entraîner la ventilation par la manipula-
tion alternée des bras et la compression du thorax. En 1871,
Sigmund Schultze, de Iéna, propose de réanimer les nouveau-
nés en les tenant par les épaules et en les basculant tête en bas
puis tête en haut. Cette façon de procéder inquiéterait sans
doute les pédiatres actuels qui ont à prendre en charge des
“enfants secoués”. C’est Edouard-Albert Sharpey-Schäfer, en
1904, qui attire l’attention sur la nécessité de laisser libre les
voies aériennes supérieures. Il propose de placer la victime à
plat ventre et d’exercer la pression sur la base du thorax. Un
décret du 23 janvier 1927 rend cette méthode obligatoire en
France (figure 2). Elle sera, en particulier, affichée sur la porte
des transformateurs électriques. Ces façons de porter secours
seront rendues obsolètes en 1958 quand Peter Safar en com-
parera l’efficacité à celle du bouche-à-bouche.
LES TRACTIONS DE LA LANGUE
En 1892, Jean-Baptiste Vincent Laborde, physiologiste de la
faculté de médecine de Paris, découvre fortuitement, en por-
tant secours à un jeune homme victime d’une noyade, qu’en
lui tirant la langue, il déclenche un mouvement inspiratoire.
Il démontre que des tractions rythmées excitent les nerfs de
la langue, surtout le nerf laryngé supérieur. Ce dernier, bran-
che sensitive du pneumogastrique, sollicite les centres respira-
toires bulbaires qui déclenchent l’inspiration. Cette méthode,
utilisée d’abord pour le secourisme, sera aussi recommandée
pour traiter en salle d’opération les victimes de syncopes chlo-
roformiques.
LES STIMULATIONS ÉLECTRIQUES
Le XVIIIe siècle est celui de la découverte des phénomènes
électriques. Charles Kite, en 1788, a l’idée d’utiliser le choc
électrique pour stimuler la respiration des noyés. On n’en
connaît pas les résultats. En 1840, James Leroy d’Étiolles uti-
lise des aiguilles à acuponcture de chaque côté du thorax. Il
les relie à une machine à courant galvanique qui délivre un
choc toutes les deux secondes. Ce n’est qu’en 1865 qu’Ernest
Sansom, de Londres, parviendra à obtenir une ventilation à
peu près stable en stimulant les nerfs phréniques. Un siècle
plus tard, des appareils très élaborés parviendront à maintenir
pendant quelques heures par jour la ventilation de patients
tétraplégiques.
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