É D I T O R I A L Les grands axes de recherche dans le domaine de la santé, en Europe et en France The main research priorities in the health field in Europe and in France ● E. Canet*, A. Puech**, C. Lassale***, P.Y. Arnoux**** CONSTAT ET MISE EN PLACE DES APPELS À PROJET Le séquençage du génome humain et les progrès récents en postgénomique ont un impact majeur dans la recherche sur la santé et les pathologies humaines. L’intégration des données et connaissances nouvelles et la compréhension des processus biologiques et physiopathologiques sous-jacents nécessitent de réunir une masse critique et une diversité de compétences et de technologies qui ne sont plus disponibles à l’échelon d’une université ou d’un centre de recherche. Les approches par projet, multidisciplinaires, régionales, nationales, paneuropéennes, impliquant différents acteurs et plates-formes de recherche, sont devenues nécessaires pour contribuer plus efficacement au progrès thérapeutique et à la lutte contre les maladies. La proposition du Parlement européen et du Conseil comporte les grandes lignes de financement envisagées pour le 7e PCRDT. Le futur programme devrait bénéficier d’un budget global de 72,7 milliards d’euros. La santé se verrait attribuer une enveloppe de 8,3 milliards d’euros au titre de la partie “Coopération” (projets de recherche thématiques transnationaux), soit environ 19 % de l’enveloppe “Coopération”. Elle devrait bénéficier, par ailleurs, d’autres budgets, soit via des financements issus des partie “Idées”, “Personnel” ou “Capacités” du 7e PCRDT, ou encore via le soutien d’autres programmes thématiques, nanosciences par exemple. ✓ En France. ■ L’appel à projet pour des pôles de compétitivité spécialisés dans le domaine de la santé. De telles approches se mettent en place en Europe et en France. ✓ En Europe. La proposition du Parlement européen et du Conseil, relative au 7e Programme cadre de recherche et de développement technologique (PCRDT) de la Communauté européenne (7e PCRDT, 2007-2013) qui va être soumis au Parlement français, place la santé comme thème prioritaire et vise à renforcer les collaborations (initiatives technologiques publiques-privées, réseaux d’excellence, actions de coordination et de soutien), à stimuler la créativité de la recherche fondamentale, à encourager les chercheurs européens et à développer de nouvelles infrastructures d’intérêt européen. ■ La création de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), qui investira des moyens nouveaux dans des projets de haute technologie permettant à des équipes universitaires d’excellence de développer les technopôles de demain en partenariat avec les industries de santé. L’ANR est d’ores et déjà active avec le lancement d’appels à projets de recherche dans le domaine de la santé, notamment en neurosciences, neurologie et psychiatrie ou microbiologie et immunologie. Elle finance également le premier appel à projet du “RéseauInnovation-Biotechnologies”. * Institut de recherche Servier, Suresnes. ** Sanofi-Aventis, Paris. *** Les entreprises du médicament (Leem), Paris. **** Leem Recherche, Paris. ■ Outre la priorité donnée à l’ANR (objectif de dotation 2010 : 1,47 milliard d’euros), la loi annoncée dite “d’orientation et de programmation de la recherche et de l’innovation”, qui devrait être discutée avant la fin de l’année 2005, affiche nettement son soutien à la recherche académique, à la recherche industrielle et à l’innovation. La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 3 - juillet-août-septembre 2005 71 É D I T O R I A L ENJEUX STRATÉGIQUES En Europe, comme en France, les enjeux stratégiques sont en parfaite cohérence et intègrent toute la chaîne de l’innovation thérapeutique, de la découverte jusqu’aux systèmes de soins. Ainsi, le thème santé du 7e PCRDT intègre l’ensemble de la chaîne de l’innovation en différenciant trois grands domaines : ✓ Biotechnologies, outils génériques et technologiques au service de la santé humaine : – Recherche sur les méthodes d’extraction d’information à haut débit. – Détection, diagnostic et surveillance, en donnant la priorité aux approches non invasives ou mini-invasives. – Prévision de l’adéquation de la sécurité et de l’efficacité des thérapies, en élaborant et validant des biomarqueurs, des méthodes et modèles in vivo et in vitro, en intégrant les aspects de la simulation, de la pharmacogénomique, des approches thérapeutiques ciblées et des méthodes de substitution à l’expérimentation animale. – Approches et interventions thérapeutiques innovantes (par exemple : thérapies cellulaires). ✓ Recherche translationnelle au service de la santé humaine : – Transposition de la recherche fondamentale à la clinique. – Intégration de données et processus biologiques pour mieux comprendre les réseaux régulateurs complexes de milliers de gènes et produits génétiques qui commandent des processus biologiques importants. à l’Europe la position de leader. Le programme de recherche porté par cette plate-forme vise à mobiliser la masse critique de moyens permettant, à un stade précompétitif, d’identifier et de lever les principaux goulots d’étranglement qui ralentissent ou font obstacle à l’innovation thérapeutique (modèles prédictifs en pharmacologie et toxicologie (in silico, toxicogénomique, toxicoprotéomique, métabonomique…), identification et validation de biomarqueurs, recrutement des patients, gestion du risque… Quatre domaines thérapeutiques sont privilégiés : diabète, cancer, maladies inflammatoires et maladies neurodégénératives ; des actions de formation, de structuration de l’information et de développement d’outils informatiques y sont associées afin d’en renforcer l’exploitation. La Commission propose que le leadership de ce partenariat public-privé soit confié à l’industrie. The focus is on pre-competitive research Discovery research Preclinical development Predictive pharmacology Predictive toxicology Efficacy Translational medicine Clinical development Pharmacovigilance Identification Patient Validation Risk assessment of biomarkers recruitment biomarkers with regulatory authorities Safety Bottlenecks in R&D supported by... ✓ Optimisation des prestations de soins de santé : – Transposition des résultats cliniques en pratiques cliniques. – Qualité, efficacité et solidarité des systèmes de soins de santé. – Amélioration de la prévention des maladies et de l’utilisation des médicaments. – Utilisation appropriée de nouvelles thérapies et technologies au service de la santé : sécurité à long terme et surveillance de l’utilisation à grande échelle de technologies médicales. Ces enjeux stratégiques sont aussi partagés par l’European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA) qui propose, dans le cadre du 7e PCRDT, une plate-forme technologique, “Innovative Medicines for Europe”, dont le but est de mobiliser recherche publique et recherche privée autour d’une vision et d’un objectif communs : renforcer le potentiel d’innovation thérapeutique en Europe et, ainsi, redonner 72 Predictive Predictive pharmacology toxicology Identification Patient Validation Risk assessment of biomarkers recruitment biomarkers with regulatory authorities Knowledge management Education & training Enfin, ces mêmes enjeux stratégiques sont identifiés en France. ✓ Après analyse des points forts français en matière de biotechnologies clés, le gouvernement a décidé de concentrer des moyens sur cinq filières technologiques : technologies du La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 3 - juillet-août-septembre 2005 É génome, technologies de recherche et développement in silico, technologies d’imagerie biomédicale, accès à des collections d’échantillons biologiques (Centres de Ressources Biologiques [CRB]), accès à de nouveaux modèles cellulaires et animaux prédictifs. ✓ Dès à présent, le gouvernement a inscrit dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé, placé auprès du Premier ministre, deux projets particulièrement avancés : les technologies d’imagerie biomédicales et les collections d’échantillons biologiques. Il a également inscrit dans ce cadre la création d’un site de bioproduction destiné à la production de lots cliniques de protéines thérapeutiques et la mise en place de Centres de gestion des essais des produits de santé (CEGEPS) visant à favoriser le recrutement de patients dans les études cliniques et épidémiologiques. Le 12 juillet 2005, dans le cadre du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, les soixante-sept pôles de compétitivité retenus après l’appel à projets lancé en 2004 ont été annoncés par le Premier ministre. Sur ces soixante-sept pôles, 8 portent sur une thématique liée à la santé, aux médicaments et aux biotechnologies appliquées à la santé. Ces projets de pôles de compétitivité “santé” intégraient l’ensemble des acteurs de la chaîne de l’innovation thérapeutique dans leur dossier de candidature. Dans le domaine de la santé, du médicament et des biotechnologies appliquées à la santé, ces projets retenus sont répartis comme suit : Domaine Région/Déposant Virologie Rhône-Alpes/ Grand Lyon (Lyon) MédiTech Santé Santé, notamment infectiologie et cancer Ile-de-France/Agence régionale de développement (Paris) Minalogic Rhône-Alpes/Agence de développement économique de l’Isère (Grenoble) Nanotechnologies Pôles à vocation mondiale Innovations thérapeutiques Pôles à vocation nationale Domaine Région/Déposant Biothérapies Agents et diagnostics Pays de la Loire/ thérapeutiques Atlanpole (Nantes) Pôle Cancer-Bio-Santé Aliments, biotechnologie et biomédical Limousin et Midi-Pyrénées/ Association de préfiguration du pôle (Toulouse) Nutrition-SantéLongévité GIE Alimentation et maladies cardiovasculaires Nord-Pas-de-Calais/ Eurasanté (Loos) “Prod’Innov” : Agro-santé produits et procédés innovants pour la santé Aquitaine/Agence Aquitaine de développement industriel (Bordeaux) Source : Datar et ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie http://www.competitivite.gouv.fr AXES DE RECHERCHE PRIORITAIRES Le choix des axes de recherches prioritaires, enfin, est en parfaite cohésion entre entreprises publiques et privées, en France comme en Europe (cf. 7e PCRDT, EFPIA, pôles de compétitivité). En effet, les maladies chroniques, les maladies rares et les affections pour lesquelles les besoins thérapeutiques ne sont pas couverts sont prioritaires, et notamment : système nerveux central [SNC] (AVC, maladies dégénératives et vieillissement…), cancer, maladies cardiovasculaires, diabète, obésité, inflammation, maladies infectieuses (hépatite, sida, épidémies nouvelles, infections nosocomiales, résistances bactériennes…). CONCLUSION Pôles mondiaux LyonBiopole D I T O R I A L Domaine Région/Déposant Molécules, chirurgie non invasive Alsace/BioValley (Illkirch) La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 3 - juillet-août-septembre 2005 Dans un contexte marqué par la complexité de pathologies pour lesquelles les besoins thérapeutiques restent majeurs et par le changement des paradigmes scientifiques, une vision commune est proposée en Europe comme en France. Elle vise à promouvoir une recherche d’excellence publique et privée, contributive au progrès thérapeutique en favorisant les approches multidisciplinaires et paneuropéennes. Ces nouvelles stratégies qui se mettent en place (7e PCRDT et plate-forme de recherche consacrée aux médicaments innovants, en Europe, appels d’offres sur les pôles de compétitivité, création de l’Agence nationale de la recherche, de l’Agence de l’innovation industrielle et du Conseil stratégique des industries de santé, en France) réclament une implication et un engagement forts des entreprises du médicament et de la recherche publique afin de développer au mieux la compétitivité européenne et plus spécifiquement française dans le domaine de la santé. ■ 73