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POLITIS
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17 septembre 2009
.Ce mercredi, les eurodéputés devaient se prononcer sur la reconduction de Barroso à la tête de la Commission européenne.
.Cette semaine marque aussi la rentrée pour les petits nouveaux du Parlement européen.
.Comme José Bové, bien décidé à faire entendre ses valeurs dans une institution si libérale.
L’ÉVÉNEMENT EUROPE
est possible de vivre toute l’année
« dans un trou pareil », et demande
« si c’est pour la télé » que Bové et
deux de ses amis s’enfument autour
du barbecue. On leur explique que
la télé n’est pas là et que ce sont des
paysans qui orga-
nisent leur fête.
Pour eux « et
pour vivre ».
« La preuve,
glisse Bové, que
le territoire fran-
çais peut et doit
être reconquis
par une autre
agriculture pour
et par des paysans. » Les visiteurs
d’un jour, comme Joël, monté de Mil-
lau, insistent sur l’avenir : « Et Mon-
tredon dans tout ça ?»«Pas de pro-
blème, explique Bové, je reviendrai
chaque semaine, j’habite toujours
ici. » « Il y a longtemps que nous
et le hameau existons par nous-
mêmes, le moustachu n’est que l’un
d’entre nous», commente un voisin,
légèrement irrité.
Le journal Gardarem lou Larzac
continuera donc de paraître ; la
librairie, de vendre des bouquins
militants et d’annoncer les manifs ;
et les paysans, d’élever leurs brebis,
même s’ils n’alimentent plus les caves
de Roquefort. Parce que, comme les
autres sur le plateau, ils ont conquis
leur indépendance, appris à se pas-
ser des intermédiaires et à vendre
directement leurs produits.
Léon Maillé, paysan militant
voisin
de Montredon, partie prenante de
toutes les luttes (qui lui ont valu deux
fois la prison), confirme avec le sou-
rire que la vie continue, que tout va
bien dans le meilleur des mondes et
que les traditions d’entraide se per-
pétuent. Il le prouve en venant de
chez lui, étrennant sa récente retraite,
pour réparer la serrure de la mai-
son de Marie, qui gère le gîte rural
du hameau. Là où sont entreposées
les archives du journal du Larzac.
Mieux ! Montredon va devenir
« hameau de l’Europe ».
Plutôt que de s’installer à la ville,
Béziers ou Montpellier, José Bové et
son équipe, deux anciens de la Confé-
dération paysanne, ont décidé sym-
boliquement de faire fonctionner leur
permanence européenne ici. Dans
une vieille maison en cours de réno-
vation. Pendant cinq ans, Anne
Lacouture, troisième assistante du
député, travaillera depuis le hameau.
« Ce n’est pas Montredon qui part
à Bruxelles, mais l’Europe qui s’ins-
talle chez nous, commentent ses
habitants, plutôt satisfaits. Les visi-
teurs de José, les délégations, pour-
ront voir ce qu’est la réalité rurale et
paysanne française. Surtout en hiver.
Et on pourra leur expliquer com-
ment fonctionne la Société civile des
terres du Larzac, qui a également ses
bureaux ici. »
Le dernier marché de l’été s’achève
comme d’habitude par un concert,
près de ces maisons de pierres aux
toits de lauze qui ont résisté à tant
d’épreuves.
_Claude-Marie Vadrot
José Bové et son
équipe ont décidé
symboliquement
de faire
fonctionner leur
permanence
européenne à
Montredon.
«José, à Bruxelles, ils vont lui mettre une cravate ! »
On n’avait jamais vu autant
de monde au marché pay-
san de Montredon ! Pour
le dernier de l’année, en
cette fin août, il y a bien
là deux mille visiteurs, dont beau-
coup sont aussi des acheteurs. Deux
mille dans ce hameau de 19 habi-
tants perché sur le vaste causse du
Larzac. Pour la plupart, des paysans
et des amis, plus quelques touristes,
cherchant la bonne chère et venus
voir le « héros » local. Car voilà l’évé-
nement ! José Bové, l’homme de
Montredon, s’apprête à quitter, au
moins le temps d’un mandat, son
exploitation pour entamer une autre
vie au Parlement européen. En atten-
dant de partir pour Bruxelles, il fait
griller à la demande, comme chaque
année depuis vingt ans, les saucisses
et les côtes de mouton du plateau,
vendues directement du producteur
au consommateur. La règle du mar-
ché paysan, bio et équitable, évi-
demment. Dans les groupes grigno-
tant et achetant, beaucoup soupèsent
les chances du militant de résister à
la pression et à l’inertie bruxelloises.
Entre doute, espoir, scepticisme, pro-
pos amicaux et questions inquiètes.
C’est un peu la chanson de Barbara :
« Dis, quand reviendras-tu ? »
Venue de Limoges
pour le fromage
et pour l’ambiance, comme à chaque
fin d’été, Yvette, postière, se demande
« ce qu’il va faire là-bas. Ils vont le
broyer, le casser, lui faire accepter
n’importe quoi, lui faire oublier qu’il
est un militant, lui mettre une cra-
vate ! ». La cravate. Ou la métaphore
de la cravate, symbole de récupéra-
tion. Des inquiétudes que ne partage
pas le mari d’Yvette, instituteur, qui
explique à leurs fils, dont c’est la pre-
mière visite, quelles fermes ont été
restaurées et quelles maisons promises
aux tirs de l’armée par les projets d’ex-
tension du camp militaire des
années 1970 ont échappé à la des-
truction annoncée. Lui veut croire
que « la force des vieilles pierres sera
avec lui ». Tout en admettant que son
objection n’est pas vraiment politique
mais affective et subjective : « Mais,
bon, quand on regarde ce groupe de
maisons que j’ai connues encore
presque en ruines, on a tendance à
croire que la lutte politique peut dépla-
cer des montagnes,et que les gens d’ici
sauront le rappeler à la raison s’il
s’égare en chemin. » Autour des visi-
teurs, sous un soleil qui fait oublier
combien l’hiver peut-être rude sur
cette butte, tous les habitants – cha-
cun à sa tâche – s’affairent comme si
rien ne changeait. « D’ailleurs, vous
nous emmerdez avec vos questions, il
n’y a aucune raison pour qu’ici la vie
change. Tout le monde doit se sou-
venir que Montredon, quand nous
nous sommes progressivement ins-
tallés, n’était plus qu’un hameau aban-
donné, tant les habitants y étaient pau-
vres, tant la vie y était dure. Nous
lui avons donné un élan paysan et poli-
tique qui survivra à Bové, qui nous
survivra. Parce que nous regardons
toujours loin du Larzac. »
Dans la foule, un couple anglais
cherche à comprendre comment il
José Bové s’apprête à quitter son exploitation de Montredon pour le
Parlement européen.
C.-M. VADROT