SENAT — SEANCE DU 28 JUIN 1966
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vieilles colonies, l'administration métropolitaine a pris en charge
l'administration des nouveaux départements pour compter du
1" janvier 1948.
C'est alors qu'intervint le décret n° 47-2412 du 31 décembre
1947 pour fixer, à titre provisoire, la rémunération et les avan-
tages de solde des fonctionnaires ainsi étatisés. Je dis bien à titre
provisoire, car tel est bien le libellé du titre de ce décret.
Voici ce que dit l'article 6 du décret : « En ce qui concerne les
indemnités pour charges de famille proprement dites, les fonc-
tionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer
continuent de bénéficier des barèmes actuellement applicables
dans lesdits départements jusqu'à ce qu'aient été fixées les
conditions d'application dans ces territoires de la loi du 22 août
1946 sur les prestations familiales. »
Il y a donc plus de dix-huit ans que nous sommes placés sous
ce régime provisoire et que nous attendons que le Gouvernement
veuille bien fixer les conditions d'application, pour les dépar-
tements d'outre-mer, de la loi du 22 août 1946.
Les fonctionnaires en service dans ces départements continuent
de percevoir les prestations dant ils jouissaient sous le régime
colonial, à savoir les allocations familiales proprement dites,
calculées en fonction d'un salaire de base, l'indemnité de salaire
unique et la prime à la première naissance.
A la suite de grèves incessantes dans la fonction publique
dans les départements d'outre-mer, est intervenue la loi n° 50-407
du 3 avril 1950, dont l'article 4 stipule que « le taux des pres-
tations familiales allouées aux fonctionnaires en service dans les
départements d'outre-mer est le même que celui en vigueur dans
la métropole ».
Les débats parlementaires montrent que, dans l'esprit du légis-
lateur, la question des prestations familiales des fonctionnaires
en service dans les départements d'autre-mer était désormais
considérée comme réglée. Mais l'administration s'empressait,
par une circulaire interprétative, de préciser que cela ne signi-
fiait nullement que les fonctionnaires en service dans les dépar-
tements d'outre-mer devaient percevoir les mêmes allocations
que les fonctionnaires en service en France métropolitaine, mais
tout simplement que les prestations dont ils bénéficiaient, c'est-
à-dire celles du régime colonial, leur seraient désormais servies
selon les taux en vigueur en France.
Lorsqu'en France métropolitaine fut supprimé l'impôt sur les
traitements appelé « retenue à la source », suppression qui avan-
tageait les fonctionnaires célibataires puisque ces derniers suppor-
taient des retenues plus importantes que les fonctionnaires char-
gés de famille, il fut alors créé une indemnité compensatrice
des charges fiscales par un décret du 6 octobre 1948. A la vérité,
cette indemnité compensatrice n'est rien d'autre qu'une majo-
ration du taux des allocations familiales, mais le bénéfice de cette
majoration des allocations familiales fut refusé aux fonction-
naires en service dans les départements d'autre-mer par une
circulaire interprétative, au motif qu'il s'agissait, non d'une
majoration du taux des allocations familiales, mais d'une indem-
nité spéciale allouée sous forme de majoration des allocations
en vigueur.
Or, à la Martinique, par exemple, la situation était exactement
la même au regard de l'impôt sur les traitements et la suppres-
sion de cette retenue à la source avait les mêmes conséquences
qu'en France métropolitaine.
Il s'ensuit que, de tous les fonctionnaires français, les fonction-
naires en service dans les départements d'outre-mer sont ceux
qui ont le régime de prestations familiales le plus défavorable
et je suis au regret, monsieur le secrétaire d'Etat, de devoir
vous apporter des précisions qui ne sont pas tout à fait conformes
à ce que vous venez de me dire.
En effet, si un fonctionnaire est affecté de France métropoli-
taine en Afrique du Nord, par exemple, ou dans un territoire
d'outre-mer, ou dans une des républiques de l'Afrique noire, au
titre de la coopération technique, il continue de recevoir les
prestations familiales qu'il percevait lorsqu'il était en service
en France et il ne subit, de ce fait, aucun préjudice. Par
contre, s'il est affecté dans un département d'outre-mer, il perd
de ce chef la majoration servie sous forme d'indemnité compen-
satrice des charges fiscales créée par le décret du 6 octobre 1948
et il perd également le droit aux allocations prénatales, à
l'exception de la prime à la première naissance.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, com-
bien de temps durera encore cette
deminutio
capitis des dépar-
tements d'outre-mer ? Pendant combien de temps encore conti-
nuerez-vous à infliger aux fonctionnaires en service dans les
départements d'outre-mer ce système boiteux ? Quand cessera ce
provisoire installé par le décret du 31 décembre 1947 ? Quand
cessera ce régime du « particulier » dans lequel vous maintenez
la fonction publique dans les départements d'outre-mer ?
S'agissant de la question concernant la non-application aux
fonctionnaires en service dans les départements d'outre-mer des
mesures de contraction des zones d'abattements survenues dans
la métropole pour la détermination du salaire de base servant
au calcul des allocations familiales, permettez-moi de vous dire
que nous sommes devant le cas le plus caractérisé de byzantinisme
administratif, qui traduit la mauvaise volonté évidente du minis-
tère des finances à l'égard des départements d'outre-mer.
M. Michel Habib-Deloncle,
secrétaire
d'Etat. Il ne faut pas
exagérer.
M. Georges Marie
-
Anne.
Monsieur le ministre, ayez la patience
de m'écouter jusqu'au bout et vous conviendrez, j'en suis sûr,
que l'exagération n'est pas du côté que vous croyez !
M. Bernard Chochoy.
Changez de Gouvernement !
M. Georges Marie-Anne.
Ainsi que je l'ai rappelé il y a
quelques instants, la loi n" 50-407 du 3 avril 1950 stipule dans son
article 4 que, dans les départements d'outre-mer, « le taux des
prestations familiales est le même que celui en vigueur dans la
métropole ». Dans le langage de Descartes, cela voudrait dire quel-
que chose, mais, pour le ministère des finances, cela ne veut rien
dire.
En effet, pour la détermination du montant des prestations
familiales, deux éléments interviennent : premièrement, un pour-
centage qui varie selon le rang des enfants, 22 p. 100 pour les
deux premiers enfants, 33 p. 100 pour le troisième et ainsi de
suite ; deuxièmement, le salaire de base qui représente 225 fois
le salaire horaire minimum du manoeuvre ordinaire de l'industrie
des métaux dans le département de la Seine, appelé zone zéro,
c'est-à-dire zone sans abattement. Pour les départements autres
que celui de la Seine, cette base mensuelle est affectée d'un
coefficient d'abattement variable selon la zone territoriale de
salaires.
Lorsque le Gouvernement veut améliorer les prestations fami-
liales, il joue sur l'un ou l'autre de ces éléments, tantôt sur
les pourcentages, tantôt sur le salaire de base.
Quand il relève les pourcentages, comme il l'a fait ces derniers
temps en ajoutant une majoration pour les enfants de plus de
dix ans et ceux de plus de quinze ans, il estime que cette
amélioration est applicable aux départements d'outre-mer. Quand
il relève le salaire mensuel de base, à la suite d'une augmen-
tation du S. M. I. G. en France métropolitaine, il rajuste égale-
ment le salaire de base servant au calcul des allocations dans les
départements d'outre-mer, dans des délais variables selon son
humeur, mais il le fait généralement, sauf qu'un décret n° 65-573
du 13 juillet 1965 a porté le salaire de base mensuel de la
région parisienne à 300 francs à compter du 1" août 1965
et que le relèvement corrélatif n'est pas encore intervenu pour
les départements d'outre-mer ; nous aurons pris bientôt un an
de retard et c'est ce qui a motivé la question écrite que j'ai
posée au ministre le 21 juin 1966.
Mais, quand le salaire de base se trouve amélioré en France
métropolitaine par une contraction des zones de salaires, alors
le ministère estime que cette amélioration n'est pas applicable
aux départements d'outre-mer.
Sous le régime colonial, comme je l'ai indiqué il y a quelques
instants, au moment de la mise en place du code de la famille,
les départements d'outre-mer avaient été alignés sur le dépar-
tement du Var, qui était alors affecté d'un abattement de
12 p. 100 par rapport à la région parisienne. Vous voyez donc
que, sous le régime colonial, les gouvernements n'avaient pas
les mêmes préoccupations que le Gouvernement actuel et
pouvaient facilement admettre que les départements d'outre-
mer soient alignés sur le département du Var.
Lorsque l'administration métropolitaine a été mise en place
dans ces nouveaux départements, un décret du 18 mars 1950
a rajusté le salaire de base applicable dans les départements
d'outre-mer, toujours en maintenant l'alignement de fait sur
le Var. Depuis lors, de nombreuses mesures de contraction de
zones sont intervenues en France métropolitaine. L'éventail des
abattements, qui allait de 0 à 20 p. 100 antérieurement au
31 mars 1955, a été ramené de 0 à 15 p. 100 à partir du 1" avril
1955, puis de 0 à 10 p. 100 à partir du 1" avril 1956, puis de
0 à 8 p. 100 à partir du 1" août 1961, puis de 0 à 6 p. 100 à
partir du
l
er
janvier 1963 et, enfin, tout récemment de 0 à
5 p. 100 à partir du 1" avril 1966.
Les départements d'outre-mer sont restés
ne
varietur aux
taux d'abattement de 12 p. 100 pour ce qui concerne le salaire
de base servant au calcul des prestations familiales. Or, ce
taux ne correspond plus à rien puisqu'il n'existe plus dans
la métropole depuis le
1
"
avril 1956.
C'est pourquoi je prétends que les allocations familiales
servies aux fonctionnaires en service dans les départements
d'outre-mer ne sont plus comparables à rien de ce qui existe en
France métropolitaine.
Les salaires proprement dits en vigueur dans les départe-
ments d'outre-mer, qui, il y a quelques années, comportaient
un abattement de 23 p. 100 par rapport à la zone zéro, ont été
progressivement rajustés ; aujourd'hui, le S. M. I. G. des dépar-
tements d'outre-mer est aligné sur la zone métropolitaine la