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SENAT — SEANCE DU 10 NOVEMBRE 1965
Le Monde
du 9 octobre en a donné un compte-rendu sous le
titre « L'adjoint aux beaux arts de Marseille dénonce la
politique anti-musicale du Gouvernement ».
L'Aurore des 9 et 10 octobre titre : « Parce que l'Opéra
est traité en parent pauvre, Marseille part en guerre contre
Malraux ».
Dans le Haut-Rhin, on peut lire « Tout pour Paris, une
aumône pour la province » ; il s'agit du
Journal d'Alsace
du
13 octobre.
Cette campagne a été approuvée sans réserves par les muni-
cipalités de province. Je partage tout comme mes collègues
l'inquiétude de ces municipalités car toutes les villes dotées
d'un opéra approuvent les propos de l'adjoint au maire de
Marseille. Il est l'interprète fidèle des craintes éprouvées quant
à l'avenir de nos treize scènes lyriques. N'oubliez pas, monsieur
le ministre, qu'elles intéressent tout de même un million de
spectateurs !
Je ne crois pas opportun d'opposer Paris à la province. Cette
discussion serait malvenue et au demeurant sans effet. En
revanche, il serait souhaitable, comme l'a admis la commission
des finances, qu'un important effort financier de l'Etat vienne
seconder l'action des municipalités de province par un rajuste-
ment du crédit, inchangé, je le répète, depuis 1961. J'attends
sur ce point particulier une réponse apaisante de votre part,
monsieur le secrétaire d'Etat.
Pour les théâtres privés, l'aide se manifeste depuis l'an
dernier à travers l'association pour le soutien au théâtre privé.
Elle est chargée de gérer le produit d'une taxe parafiscale
évaluée à 1.500.000 francs par an. Trente-trois pièces ont
été admises au bénéfice du soutien.
Pour en terminer avec ce chapitre, il faut souligner que
les crédits aux festivals ne sont pas rétablis.
Avec l'action culturelle, les maisons de culture constituent
l'un
des secteurs privilégiés de ce budget. Les crédits des chapi-
tres 43-91, 66-20 et 56-32 passent, en effet, de 15.600.000 francs
à près de 18 millions de francs.
A l'heure actuelle six maisons de la culture fonctionnent,
huit opérations sont en voie d'exécution et quatre nouvelles
doivent être amorcées en 1966.
Dans notre rapport écrit, page 23, de larges explications
sont consacrées au fonctionnement des maisons de la culture
La commission des finances, saisie de' la réponse faite par
votre administration, monsieur le secrétaire d'Etat, relative à
la gestion du centre national de diffusion culturelle, a décidé
purement et simplement la suppression du crédit de subvention
prévu au chapitre 43-91 du titre IV d'un montant de
400.000 francs.
L'aide en faveur des activités musicales est très majorée
puisqu'elle passe cette année de 283.000 à 738.000 francs.
Le complément de ce crédit, qui est de l'ordre de 455.000 francs,
est destiné à permettre aux municipalités la prise en charge des
anciens orchestres de l'O. R. T. F., ce qui représente pour
chacune d'elles une charge très lourde.
Il ne semble pas que, dans le domaine de la musique,
M. le ministre d'Etat chargé des affaires culturelles ait obtenu
les satisfactions financières qu'il réclamait en 1963 du haut
de la tribune de l'Assemblée. Ne disait-il pas à l'époque —
nous répétons chaque année ses propos : « ce ne sera pas alors
5 p.
100,
mais 400 p. 100 d'augmentation de ce budget que
je demanderai. Ainsi on s'occupera de la musique. Sinon, on
fera ce qu'on a beaucoup fait : on fera semblant. »
Depuis cette époque, cette situation alarmante se prolonge ;
elle se détériore même chaque année davantage.
J'ai sous les yeux le rapport général pour 1963-1964 de la
commission nationale pour l'étude des problèmes de la musique.
Elle a été constituée par un arrêté de M. André Malraux en
date du 27 décembre 1962, sous la présidence de M. le directeur
général Gaétan Picon et de M. Biasini, directeur du théâtre,
de la musique de chambre qui devrait également participer
président.
Sous le titre « de la décentralisation symphonique », pages 54
et 55 de ce document, je lis par exemple ce qui est relatif
à la création d'orchestres symphoniques de province, à côté
de la musique de chambre qui devrait également participer
à la décentralisation. Il s'agit des voeux 22 et 23. Je lis : « Dans
cet ordre d'idées la commission émet le voeu que deux ensem-
bles qui ont fait leurs preuves soient chargés de missions
régulières pour la diffusion du répertoire de musique ». Dans
cet esprit, la commission croit devoir recommander l'orchestre
de chambre Colson et le quatuor Parrennin.
Quel est le concours apporté à de telles initiatives ? Une
centaine de milliers de francs anciens peut-être ? Cet exemple
n'est pas isolé. Il se multiplie tout au long de ce remarquable
rapport, émaillé de voeux pertinents, mais trop rarement
exaucés dans la pratique. Un immense effort doit être accompli
pour la musique dans toutes ses formes d'expression. Je ne peux
que répéter l'opinion de la commission, manifestée à l'occasion
de l'enseignement artistique dont j'ai fait état tout à l'heure.
Les commandes artistiques et les achats d'oeuvres d'art ont
des crédits majorés de 600.000 francs. Les crédits supplémen-
taires pour le mobilier national seront utilisés pour l'achat de
meubles anciens et de meubles de style en vue de la reconsti-
tution des réserves.
La direction de l'architecture mérite un examen particulier
de ses dépenses civiles ordinaires et de ses dépenses en capital.
Les crédits prévus au titre des dépenses civiles ordinaires,
englobant le personnel, le matériel, les travaux d'entretien et
de subventions, sont en réduction de 4.160.000 francs, alors que
la diminution, en 1965, n'était que de 180.000 francs. Elle porte
essentiellement sur le chapitre 35-31, « entretien et remise en
état des monuments et sites classés ».
La commission des finances s'est émue des conséquences
d'une telle réduction et, dans notre rapport écrit, pages 26 et 27,
vous avez pu, mes chers collègues,, apprécier la portée des
explications fournies par l'administration. Il apparaît qu'il est
difficile d'engager la dépense, d'exécuter les travaux, d'obtenir
le mémoire de l'entreprise,
de
procéder aux opérations de véri-
fication et de mandater dans les limites d'une même année.
Ces explications sont valables. Un gros effort de remise en
ordre s'impose et il serait temps également de mettre un terme
à la distinction subtile entre les « travaux d'entretien » figurant
dans les dépenses d'entretien et les « travaux de remise en état »
dépendant des dépenses en capital. Celles-ci, selon un inventaire
dressé en vue de la préparation du V' plan ressortent pour les
bâtiments dégradés par le temps et les intempéries, à 900 mil-
lions ; ceux détruits par faits de guerre figurent pour 231 millions.
Le tableau de notre rapport écrit, page 28, relatif aux dommages
de guerre donne une vue d'ensemble ayant l'avantage, mes chers
collègues, de vous renseigner plus amplement.
En face de
ces
immenses besoins, quels sont les crédits
prévus pour 1966 ? Les dotations inscrites aux chapitres 56-30
« Monuments historiques — remise en état — réparation des
dommages de guerre », sont légèrement réduites : 63 millions de
francs contre 63.225.000 francs en 1965, dont 30 millions de
francs au titre de la réparation des dommages de guerre, soit
une réduction de 2 millions de francs par rapport au crédit de
1965. Ces crédits donc ne permettront pas, compte tenu des
hausses de prix, d'effectuer un volume de travaux équivalent à
celui de 1965. Votre commission des finances ne doute cependant
pas que les engagements pris devant le Sénat par M. le ministre
d'Etat sur l'achèvement de ces réparations dans un délai de
sept années ne soient tenus. Toutefois, elle a observé que, compte
tenu des évaluations récentes, 231 millions de francs, les crédits
annuels pour achever les travaux dans les cinq années à venir
devraient être de l'ordre de 46 millions de francs. Elle attend
de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, les informations
plus complètes sur l'échéancier à retenir. Sur ce point, notre
collègue, M. Louvel, sénateur-maire de Caen, s'est montré formel
et m'a prié de le dire à cette tribune.
Les crédits destinés aux bâtiments civils et palais nationaux
s'élèvent à 53 millions de francs, contre 37 millions en 1965.
Ils demeurent toutefois de 500.000 francs inférieurs à ceux
inscrits au budget de 1964.
Parmi les opérations prévues, tin crédit de 5 millions est
consacré aux acquisitions foncières et mobilières pour la réali-
sation de l'ensemble culturel prévu au Rond-Point de la Défense.
De nombreuses autres opérations intéressant toutes les direc-
tions du ministère d'Etat figurent à ce même chapitre 56-32.
Nous nous associons, à ce propos, au voeu émis par la commis-
sion des finances de l'Assemblée nationale et tendant à classer,
là encore, d'une façon plus rationnelle les crédits afférents aux
différentes actions du ministère,
Dans le cadre de l'amélioration de la présentation budgétaire,
la commission des finances a pris acte avec satisfaction qu'à
compter de 1967 les dépenses du service
des
eaux de Versailles,
Marly et Saint-Cloud ne dépendraient plus du ministère des
affaires culturelles. Cette nouvelle n'est pas dénuée d'intérêt.
Le nouveau statut de ce service des eaux relèvera désormais, il
est à prévoir, du district de la région de Paris.
1966 sera la dernière année d'application de la loi de
pro-
gramme
intéressant les grands monuments historiques. Le rythme
de consommation des crédits a été, dans ce domaine, satisfaisant.
Les crédits à ce titre figurent, au budget de 1966, au niveau
prévu, sauf pour le domaine de Versailles qui bénéficie,
pour
la seconde année consécutive, d'un crédit complémentaire de
10 millions de francs.