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Les pouvoirs publics sont confrontés à des choix alternatifs, source d’un « dilemme
numérique » : soit « l’abandon numérique » laissant les industries culturelles en
l’état face à la mutation numérique ; soit, « le verrouillage numérique » assurant
une protection forte des contenus et des droits pour développer un modèle exclusif de
distribution de tous les contenus numériques ; soit, d’instituer des « modes de
financement complémentaires » pour compenser les pertes de revenus du fait
d’usages non autorisés.
Ces perspectives nourrissent un débat confus parce qu’il tend à placer sur le même
plan une solution juridico-économique et un questionnement économique relatif aux
modèles économiques de distribution numérique sur les réseaux Peer-to-Peer. Il est
d’autant plus opaque que les chiffres relatifs aux échanges sur usages du Peer-to-
Peer, sont largement instrumentalisés et que l’analyse de leurs effets économiques, si
elle a progressé, demeure insatisfaisante. C’est pourquoi, il est insuffisant mais déjà
utile pour clarifier le débat de s’en tenir, d’abord et seulement, au plan de l’analyse
économique théorique des modèles possibles de distribution numérique, les questions
d’organisation juridique des solutions adéquates pouvant être examinées, en tant que
de besoin, ensuite.
I - Principes économiques de la distribution numérique.
L’économie des industries culturelles est caractérisée par la production d’une offre
dont la rentabilité est structurellement fragile du fait de la nature des biens et des
conditions de leur distribution. La production de « contenus » – biens
informationnels et biens d’expérience – est soumise à un fort aléa de production, a
des coûts fixes élevés, notamment échoués et repose sur des économies d’échelle.
L’aléa de production est notamment réduit par ces industries en s’assurant de la
maîtrise de la distribution à travers des coûts d’entrée élevés sur ce segment et en
poursuivant des stratégies d’optimisation des exploitations par segmentation et
versioning aux fins de maximiser les investissements. Ces caractères généraux valent
dans des proportions variées selon les œuvres et les conditions d’exploitations
possibles.
L’économie des contenus dépend des propriétés de ces biens : la rivalité (rivalry) est
essentielle pour la détermination des modes d’exploitation à financement direct
(vente à l’exemplaire, entrées en salles, etc.) ou indirect en cas de non-rivalité (radio
et TV hertzienne) ; la propriété d’excluabilité résulte de l’application d’un régime
juridique spécifique, d’une technologie de contrôle d’accès au bien, etc. jouant la
fonction de garant des modèles économiques d’exploitation des œuvres en faveur de
biens privés pour permettre des exploitations de biens privés (vente à l’exemplaire)
ou de biens clubs (télévision payante).
La numérisation des contenus transforme radicalement les propriétés des contenus et
la matrice de répartition de ces biens selon les critères de rivalité/non-rivalité et
excluabilité / non-excluabilité. L’hyper-reproductibilité issue du numérique tend à
abolir la propriété de non-rivalité des œuvres numérisées tandis que leur présence sur
les réseaux numériques ouverts leur confère une propriété d’a-spatialité source de