racistes vont contribuer à la baisse d’audience du paradigme racial à la fin du 19e
siècle, mais non à son éviction du débat public. La croyance diffuse en une
inégalité biologique des races va résister au cœur même des sciences humaines et
sociales qui s’affirment pourtant en rupture avec la logique biodéterministe du
paradigme raciologique. Les sciences humaines et sociales vont ainsi préserver
en partie les cadres d’une représentation raciale de la nature humaine, perpétuant
certains schémas différentialistes et biodéterministes pourtant en contradiction
avec « l’explication du social par le social ». C’est le cas de la sociologie
durkheimienne qui, en théorie, s’oppose radicalement à la raciologie et la
sociobiologie, mais qui, en pratique, perpétue une vague croyance en l’inégalité
des races et en la détermination psychophysiologiques de certains phénomènes
sociaux (Voir Durkheim, De la division du travail social). Ainsi, affirme Carole
Reynaud-Paligot, si la sociologie durkheimienne opère bien une rupture avec la
pensée raciologique, celle-ci doit cependant être relativisée, car si les facteurs de
la race et de l’hérédité cèdent bien le pas devant le social, la causalité
sociologique supplantant la causalité biologique dans l’explication des faits
sociaux, ils ne disparaissent pas totalement de l’appareil épistémologique
durkheimien. Jusqu’aux années 30, les sciences humaines et sociales vont
demeurer dans une position ambiguë par rapport au paradigme raciologique,
oscillant entre permanences et ruptures dans des schémas naturalistes,
héréditaristes, inégalitaires et mixophobes (psychologie des peuples de Taine et
Boutmy, histoire et géographie, Renan, Fouillée).
Dans le débat public, plusieurs querelles idéologiques donnent corps à
cette diffusion du paradigme racial : monogénisme versus polygénisme,
créationnisme versus transformisme, perfectibilité versus décadence. Mais c’est
l’aventure coloniale de la République qui favorise la large diffusion d’une vision
raciale des différences ethnosociologiques. Le monde colonial contribue
largement au maintien d’une vision raciologique et inégalitaire de l’altérité. Les
usages scientifiques et coloniaux du paradigme racial sont nombreux
(1880-1930), montrant que la République ne serait pas incompatible avec une
vision raciale et inégalitaire de l’humanité. Cette intrusion des problématiques