L Apport de l’imagerie hybride TEMP-TDM en scintigraphie osseuse SYNTHÈSE

La Lettre du Rhumatologue Suppl. au n° 393 - juin 2013 | 3
SYNTHÈSE
Apport de l’imagerie hybride
TEMP-TDM en scintigraphie osseuse
F. Gutman*, J.M. Esnault*
L
a scintigraphie osseuse est une méthode
d’imagerie en médecine nucléaire fréquem-
ment utilisée en orthopédie et en rhumatologie,
car l’altération du métabolisme osseux peut être
détectée avant les changements morphologiques.
Il s’agit d’un examen sensible, peu invasif et peu
coûteux. De plus, l’imagerie corps entier en scinti-
graphie osseuse offre la possibilité de s’assurer de
l’intégrité du reste du squelette.
La scintigraphie osseuse permet notamment la
recherche de fissures, d’ostéonécrose, d’algo-
neuro dystrophie, d’ostéomes ostéoïdes, le suivi
de la maladie de Paget, le bilan des rhumatismes
inflammatoires chroniques et le dépistage précoce
des métastases osseuses dans les cancers ostéo-
philes.
Si sa sensibilité est excellente, sa spécificité est
plus limitée, en partie du fait de l’absence de repère
anatomique. Le principal problème est de définir
de façon juste un diagnostic sur une hyperfixation
unique et en particulier sur une anatomie sque-
lettique complexe telle que le rachis ou les extré-
mités. Ainsi, en présence d’un foyer d’hyperfixation
focalisé, il est souvent nécessaire de compléter la
scintigraphie osseuse par un examen morpholo-
gique pour affirmer un diagnostic topographique
précis.
Une performance accrue a pu être obtenue dans
certaines indications grâce à l’utilisation de la tomo-
scintigraphie osseuse (TEMP, ou SPECT en anglais),
qui consiste à enregistrer les photons γ au cours
d’une rotation complète du détecteur autour du
corps. Elle permet d’obtenir une meilleure locali-
sation des anomalies de fixation, notamment sur
des structures osseuses complexes telles que le
rachis (1-3), et fournit des images dans les 3 plans
de l’espace, facilitant ainsi leur confrontation aux
données TDM ou IRM. Elle permet donc d’améliorer
la spécificité mais sans atteindre un niveau diagnos-
tique optimal. C’est la corrélation des anomalies
fonctionnelles avec des images anatomiques de
qualité obtenues par TDM ou IRM qui rendra pos-
sible l’affirmation d’un diagnostic.
Plus récemment, une avancée importante a été
apportée avec l’apparition de caméras hybrides per-
mettant de coupler la TEMP à la tomodensitométrie
(caméra TEMP-TDM, ou SPECT-CT en anglais, avec
une irradiation du patient minimisée par l’utilisa-
tion d’un scanner “low dose”). Ces caméras hybrides
combinent ainsi les avantages d’une imagerie de
haute sensibilité du métabolisme osseux et ceux
d’une imagerie de la morphologie osseuse ; elles
permettent de réaliser des coupes TDM sur les ano-
malies focalisées visualisées en scintigraphie osseuse
dans la même session, ce qui réduit le temps dia-
gnostique.
Cette technique d’imagerie hybride augmente la
sensibilité/spécificité de la scintigraphie osseuse
en offrant la possibilité :
de préciser la localisation exacte des anoma-
lies scintigraphiques, en particulier la topographie
osseuse ou articulaire, ce qui est important par
exemple pour discriminer une fissure ou une arthro-
pathie (figures 1 et 2, p. 4) : la TEMP-TDM permet
de diag nostiquer une fissure osseuse et des arthro-
pathies sur des hyperfixations du tarse ;
de produire une image de fusion qui superpose
les anomalies scintigraphiques et les modifications
TDM, ce qui garantit l’exactitude du repérage ana-
tomique (4, 5), et contribue de ce fait à augmenter
la spécificité de la scintigraphie osseuse (figure 3,
p. 5) : aspect de “herniation pit” à la partie antéro-
supérieure du col fémoral droit) [6, 7]. Les images
fusionnées instantanément non seulement sont plus
faciles à interpréter, mais aussi améliorent les per-
formances diagnostiques des 2 modalités acquises
séparément (6) ;
d’apprécier l’aspect morphologique de l’os par le
biais de la TDM, qui contribue au diagnostic différen-
tiel des lésions osseuses et permet alors d’augmenter
* Service de médecine nucléaire,
centre hospitalier de Marne-la-Vallée.
Figure 2. Douleurs invalidantes post-traumatiques du pied gauche chez une patiente de 40 ans. Suspicion d’une algo-
dystrophie devant la persistance de douleurs. Scintigraphie osseuse aux temps tissulaire et osseux : hyperfi xations focales
articulaires du tarse gauche, sous-talienne et calcanéocuboïdienne, traduisant des arthropathies. (Service de médecine
nucléaire de Jossigny, groupe CMN.)
Figure 1. Douleur tibio-astragalienne antérieure gauche chez une patiente sportive de 28 ans (athlétisme). Scintigraphie
osseuse aux temps tissulaire et osseux : hyperfi xation focale intense du tarse gauche sur les données scintigraphiques, se
projetant sur les données de fusion en regard de l’os naviculaire, ce qui témoigne d’une lésion fi ssuraire. (Service de médecine
nucléaire de Jossigny, groupe CMN.)
Pieds 5mn FP
G D G D
Face antérieure Face postérieure
Face antérieure Face postérieure
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Figure 4. Bilan d’extension chez une patiente suivie pour une lésion mammaire. Hyperfi xation humérale gauche proximale. Aspect TDM en faveur d’un chondrome.
(Service de médecine nucléaire de Jossigny, groupe CMN.)
Face antérieure Face postérieure
Figure 3. Bilan d’extension chez un patient suivi pour une néoplasie prostatique. Hyperfi xation en regard d’une hernie synoviale intra-osseuse (“herniation
pit”). (Service de médecine nucléaire de Jossigny, groupe CMN.)
Face antérieure Face postérieure
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Figure 5. Douleurs costales dans un contexte de carcinome bronchique opéré. Scintigraphie osseuse aux temps tissulaire et osseux : hyperfi xation linéaire
latéralisée à gauche du plateau supérieur de T8, en regard d’un tassement vertébral d’ allure dégénérative, confi rmé sur les données IRM (prise de contraste
linéaire limitée). (Service de médecine nucléaire de Jossigny, groupe CMN.)
Temps tissulaire
Face antérieure
Temps tissulaire
Face postérieure
Temps osseux
Face antérieure
Temps osseux
Face postérieure
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la “certitude diagnostique” en montrant des ano-
malies morphologiques ostéoarticulaires correspon-
dant aux hyperfi xations observées sur les images
planaires, que ce soit pour un aspect bénin ou malin
(fi gure 4, p. 5).
Plusieurs études récentes dans des pathologies non
oncologiques ont montré que cette technologie
TEMP-TDM permet en scintigraphie osseuse de
caractériser certaines hyperfi xations de signifi cation
douteuse : E. Even-Sapir et al. (8) démontrent un
apport de la TEMP-TDM chez 89 % des patients,
présentant des images non spécifi ques en scinti-
graphie planaire. En caractérisant les lésions
identifiées en scintigraphie osseuse sur le plan
morphologique, la TEMP-TDM a permis d’établir
le diagnostic fi nal chez 59 % de ces patients et
d’orienter la poursuite des investigations chez les
autres patients. De même, cette modalité d’ima-
gerie a permis de modifi er le diagnostic pour près
de 35 % des patients dans les pathologies osseuses
des extrémités (9).
En cancérologie, le diagnostic des métastases
osseuses fait appel à 2 types d’imagerie qui
détectent directement l’infi ltration tumorale ou
visualisent la réaction osseuse au processus tumoral.
Elles sont utilisées de façon complémentaires. La
scintigraphie osseuse planaire est la méthode de
choix pour explorer l’ensemble du squelette mais
avec une spécifi cité insuffi sante (10) pour différen-
cier les lésions secondaires des autres pathologies
osseuses, et notamment les lésions dégénératives
sur le rachis. La localisation précise des lésions
en TEMP-TDM fournit alors une information pri-
mordiale pour distinguer les lésions bénignes des
lésions malignes (fi gure 5). M. Horger et R. Bares (7)
ont montré que la TEMP-TDM permet de classer
correctement en lésions bénignes ou malignes
85 % des lésions osseuses non spécifi ques visua-
lisées en scintigraphie planaire alors que la TEMP
seule ne permettait d’en classer correctement que
36 %. De même, W. Romer et al. (11) ont montré
que la TEMP-TDM permettait de préciser la nature
Les auteurs déclarent ne pas avoir
de liens d’intérêts.
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SYNTHÈSE
d’environ 90 % des lésions non spécifiques en
scintigraphie osseuse. La TEMP-TDM permet de
demander moins d’examens morphologiques de
confrontation lorsqu’elle met en évidence des
lésions arthrosiques correspondant à des hyper-
fixations en planaire considérées comme vraisem-
blablement non malignes et au contraire de montrer
des lésions lytiques ou condensantes en regard de
foyers suspects.
Au final, même si la TDM et l’IRM sont des tech-
niques d’imagerie performantes en pathologie
osseuse, la scintigraphie osseuse garde l’avan-
tage d’une méthode très sensible aux modi-
fications fonctionnelles de l’os et permet une
étude rapide et peu coûteuse du métabolisme
osseux sur le corps entier. Toutefois, les diffi-
cultés pour localiser précisément les anomalies
de métabolisme osseux sur une anatomie sque-
lettique complexe ont affaibli le rôle clinique
de cet examen. Aujourd’hui, l’imagerie hybride
TEMP-TDM permet de surmonter cette difficulté
en fournissant des images précisément recalées
entre la structure et le métabolisme osseux sur
une seule image.
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Références bibliographiques
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