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On retrouve cela à une échelle bien plus grande pendant les 30 Glorieuses et c’est l’ensemble
du système qui est alors concerné par cette complémentarité. Tant les éléments sont liés tant il
est difficile de trouver un élément moteur de la croissance. C’est une période où il y a des
gisements de productivité colossaux notamment en France et qui n’attendent qu’une allumette
pour embraser tout le système : Les gains de productivité permettent une augmentation du
gâteau à partager et même si il demeure des inégalités, tout le monde, certes à son rythme, en
profite. Ce sont les dividendes du progrès dont parle P.Massé. Ces gains sont liés en amont à
des investissements qui ont à ce moment une double nature : à la fois de capacité et de
productivité ; ils permettent une production plus importante et plus rapide et le prix relatif des
biens produits diminue par rapport au salaire. Ces investissements n’ont de sens que parce
qu’il y a une augmentation de la demande finale mais celle-ci se manifeste parce que il y a
une augmentation du pouvoir d’achat des « travailleurs-consommateurs », ce qui met en
évidence une sorte de cercle vertueux, « Offre/Demande » et qui est illustrée concrètement par
l’augmentation des taux d’équipement des ménages en machineries domestiques diverses.
B - Mais la croissance prend sa source au sein des entreprises. Comment peut-on mettre en
évidence la complémentarité entre la consommation et l’investissement au sein de la firme ?
Le modèle standard de la microéconomie enseigne que la combinaison entre les facteurs
travail et capital aboutit à un produit qui est écoulé sur le marché de concurrence parfaite. La
croissance de la firme est obtenue par une augmentation des quantités de facteurs utilisés
et/ou par des gains de productivité. L’augmentation des quantités de capital (qui se traduit
concrètement par une augmentation de la quantité d’équipement dans l’entreprise) participe à
l’augmentation de la taille de la firme et est le résultat de l’investissement par définition.
Associée à une quantité de travail croissante elle aussi à un rythme proportionnel ou non à
l’augmentation de la quantité de capital, cette situation permet à la firme d’avancer sur le
sentier d’expansion. On voit bien le rapport entre l’investissement réalisé dans l’entreprise et
l’augmentation de sa taille, donc sa croissance. D’ailleurs l’expression même d’ «
investissement de capacité » désigne cette qualité qu’a l’investissement de permettre la hausse
des « capacités » c'est-à-dire la croissance. Mais le rôle de la consommation est plus complexe
dans ce modèle. L’idée est que l’entreprise qui met des produits sur le marché n’a aucune
contrainte de débouché suivant en cela la loi des débouchés de J.B.Say. Elle peut donc
augmenter les quantités produites sans risque à condition qu’elle suive les règles de la
concurrence parfaite mais ceci est mécanique puisque le fait de déroger aux principes de la
concurrence (contrainte de prix, contrainte de rémunération des facteurs de production…)
l’exclut immédiatement du marché. Donc l’augmentation des quantités produites grâce à
l’investissement trouve des débouchés automatiquement : l’offre (c’est à dire la production
mais aussi l’investissement) crée sa propre demande c'est-à-dire que l’investissement crée la
consommation. Et en agrégeant les données microéconomiques, on retrouve ce qui a été vu
plus haut : la consommation et l’investissement sont bien complémentaires dans l’explication
de la croissance, mais c’est une sorte de complémentarité automatique !
Ces mécanismes sont donc par trop simplificateurs et on peut réfléchir à la façon dont les
firmes ont cherché à assurer leurs débouchés dans un cadre qui est plus proche de la réalité et
qui est celui de la concurrence imparfaite. Dès les années 1930, Chamberlain analyse les
processus de différenciation des produits mis en place par les firmes pour s’assurer un pouvoir
de marché. Ces stratégies de différenciation sont au cœur du fonctionnement des entreprises
pendant les 30 Glorieuses. En même temps que les produits sont standardisés les firmes
s’attachent leurs clients en réfléchissant au petit point de détail qui fera la différence par
rapport au concurrent…et elles investissent en fonction de cela, on assiste bien à un