Le mécanisme institué par la Convention européenne des droits de l’homme
repose sur un balancement entre l’affirmation d’un droit fondamental (vie privé, liberté
d’expression) et les dérogations admises. Ainsi, de façon générale, il peut être dérogé à
un droit institué par la Convention à la triple condition que l’atteinte au droit poursuive
un but légitime, soit nécessaire et proportionnée à ce but6. La Convention européenne
sur l’expérimentation animale conditionne également les recherches précliniques au
respect de ce triptyque.
L’article 2 précise d’abord qu’une expérimentation « ne peut être pratiquée que
pour l'un ou plusieurs des buts suivants » : la prévention des maladies, de la mauvaise
santé, la protection de l’environnement, la recherche scientifique, etc. Il existe donc
une liste limitative de buts qui ouvrent la possibilité d’une expérimentation. Ensuite, à
cette condition du but légitime, s’ajoute celle de la nécessité. Ainsi, l’article 6§1 de la
Convention européenne sur la protection des animaux indique qu’il « n'est pas effectué
de procédure (expérimentale) pour l'un des buts indiqués à l'article 2 s'il peut être
recouru raisonnablement et pratiquement à une autre méthode scientifiquement
acceptable n'impliquant pas l'utilisation d'un animal ». En d’autres termes,
l’expérimentation animale ne peut être mise en œuvre qu’en l’absence de méthode
alternative. Il peut s’agir d’expérimentations in vitro, de cultures de tissus, ou encore
de simulations informatiques. Enfin, le rapport annexé à la Convention incite les
chercheurs à « mettre en balance les bénéfices éventuels pouvant résulter de la
procédure et les tensions imposées à l'animal ». En conséquence, l’expérimentation ne
peut être admise que si la souffrance de l’animal est proportionnée aux bénéfices que
l’on peut attendre de l’expérimentation.
But légitime, nécessité et proportionnalité sont les trois éléments d’une méthode
humaniste de protection des animaux. Cette méthode peut être qualifiée d’humaniste
car elle est similaire à la méthode de protection des droits fondamentaux de l’homme.
Mais l’humanisme est encore présent dans la Convention européenne de protection des
animaux à travers le concept de « méthode humanitaire » de sacrifice des animaux. Le
sacrifice pourra ainsi être qualifié d’« humanitaire » s’il est réalisé « avec un minimum
de souffrance physique et mentale ». Le terme « humanitaire »7 ramène ici à l’idée de
dignité. Est humanitaire, la méthode qui n’assimile pas l’animal à l’homme, mais qui
conduit l’homme à traiter l’animal avec respect, c'est-à-dire en lui évitant une
souffrance inutile. L’approche humaniste des recherches précliniques permet ainsi de
définir les lignes directrices d’un comportement digne du chercheur à l’égard des
animaux. Cette approche est aussi celle du droit français.
B) Le droit français de l’expérimentation animale
Pour le législateur français, l'expérimentation animale constitue non seulement un
outil indispensable de la recherche médicale, mais également celui d'une politique
efficace de santé publique. Il reconnaît donc sa légalité. Toutefois, le renforcement des
valeurs attachées à la protection de l'animal ainsi que celui des préoccupations en
matière d'éthique scientifique ont conduit, dès 1987, à la mise en œuvre de plusieurs
6 On écarte ici la question de la prévision légale peu pertinente pour l’analyse.
7 Il est à rapprocher de l’expression « méthode humaine » visée à l’article 8§4 de la directive
communautaire du 24 novembre 1986.