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°157 : J 2013
L’autorisation de la recherche sur l’em-
bryon en France
Contrairement à ce qui a été annoncé, les
conséquences réelles du vote des dépu-
tés qui viennent, pour la première fois en
droit français, inscrire le principe de non
protection de l’être humain, sont lourdes. Il
convient de les rappeler :
1. L’embryon humain est présumé dispo-
nible pour être utilisé et donc détruit par la
recherche. En eet, le passage au principe
d’autorisation vient reléguer l’embryon hu-
main au rang de matériau de laboratoire,
sous couvert d’arguments compassionnels.
2. La charge de la preuve ne s’impose plus
au chercheur qui recherche sur l’embryon.
Les chercheurs qui devaient jusqu’alors se
justier s’ils voulaient rechercher sur l’em-
bryon ont désormais libre champ. Le prin-
cipe de précaution brandit dans tous les
autres domaines, disparait.
3. L’embryon humain dit « surnuméraire »
devient ociellement un réactif pour l’in-
dustrie pharmaceutique.
Parce que la recherche sur l’embryon doit
s’inscrire uniquement dans une nalité mé-
dicale, et non plus présenter une perspective
de progrès médicaux majeurs, l’embryon
devient accessible à l’industrie pharmaceu-
tique qui lorgnait depuis longtemps sur la
disponibilité et la gratuité de l’embryon sur-
numéraire pour modéliser des pathologies
ou cribler des molécules.
4. La recherche non-embryonnaire sera
sacriée dans les plans de nancement.
L’ouverture de la recherche sur l’embryon
creusera le retard que la France a déjà pris
dans la recherche sur les cellules iPS, re-
cherche aussi bien éthique qu’ecace.
Un débat inexistant : retour sur les man-
œuvres du gouvernement
Le processus législatif pour autoriser la re-
cherche sur l’embryon n’a pas été à la hau-
teur de l’enjeu qui est la dignité de l’être
humain. Le premier jalon posé en décembre
2012 au sénat donnait le ton : deux heures
de débat en n de séance pour adopter le
texte. Les députés reprennent le relai, dans
le même état d’esprit, le jeudi 28 mars, lors
d’une niche parlementaire. Le texte n’est
pas adopté faute de temps et grâce à la dé-
termination d’une poignée de députés de
l’opposition. S’obstinant dans sa stratégie
de catimini, le gouvernement inscrit le texte
un jeudi, jour où l’hémicycle est quasiment
vide, en plein cœur de l’été. Les rebondis-
sements n’ont pas manqué : après avoir
avancé in extremis l’examen du texte, le
gouvernement a imposé la réserve puis le
blocage des votes, palliant ainsi l’absence
des députés de la majorité, et évitant que
le moindre amendement soit adopté, ce
qui aurait conduit à l’obligation d’un nouvel
examen par le Sénat. Le débat est donc sté-
rile: les députés de la majorité ont quitté les
rangs de l’hémicycle, laissant une dizaine
de députés de l’opposition défendre l’em-
bryon… pour le symbole. Ce sont ces mêmes
députés qui ont déposé un recours devant le
Conseil constitutionnel (en cours d’examen
au moment du bouclage).
Des questions restées sans réponse…
Au cours de la discussion, la ministre de la
recherche, Mme Fioraso, laisse des ques-
tions sans réponse. Enfermée dans un mu-
tisme et le refus d’argumenter elle n’a pas
répondu à certaines questions essentielles
posées à plusieurs reprises par les députés
de l’opposition :
1. La ministre peut-elle armer que l’em-
bryon humain n’est pas un être humain ?
2. A-t-elle reçu des représentants des lob-
bies de l’industrie pharmaceutique ?
3. Pourquoi refuse-t-elle d’inscrire dans le
texte que le recours aux embryons humains
soit réservé aux équipes publiques de re-
cherche, comme le proposent certains an
de lever les soupçons sur l’intérêt des in-
dustriels ?
4. Une libéralisation de la recherche sur l’em-
bryon ne mettra-t-elle pas à mal la clause de
conscience des chercheurs qui refuseraient
de détruire des embryons humains dans le
cadre de leurs travaux ?
5. Quel budget précis la France alloue-t-
elle et prévoit-elle d’allouer à la recherche
sur les cellules iPS qui focalisent les cré-
dits et les ressources humaines dans cer-
tains pays, au Japon en particulier ?
6. Comment ose-t-elle appeler à plus d’in-
dépendance de l’Agence de la Biomédecine
alors que l’ABM a été condamnée par la Cour
administrative d’Appel de Paris pour avoir
accordée une dérogation de recherche sur
l’embryon illégalement ?
7. La ministre (qui a feint alors de ne pas
comprendre l’interrogation) peut-elle garan-
tir que la recherche sur l’embryon ne sera
pas utilisée dans le but d’améliorer des tech-
niques de PMA, et notamment la mise au
point de l’utérus articiel ?
Un anachronisme scientique
Au moment où la loi était votée en France
le gouvernement japonais autorisait le lan-
cement des premiers essais cliniques mon-
diaux de médecine régénérative sur des cel-
lules souches pluripotentes induites (iPS),
sur l’homme, pour le traitement de la dégé-
nérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
Cette autorisation donnée au Pr Masayo
Takahashi, en collaboration avec l’Institut de
recherche et d’innovation biomédicale japo-
nais et le Kobe Medical City Hospital General
Center (hiPSCs), porte sur une cohorte de
6 patients atteints de DMLA. Au Japon, la re-
cherche sur les cellules iPS est devenue une
priorité.
L’action Un de nous, dernier recours pour
les citoyens
Privés d’un réel débat sur l’embryon, les ci-
toyens peuvent faire entendre leur voix grâce
à l’initiative citoyenne européenne ONE OF
US. En France, plus de 76 000 signatures
ont été recueillies, et plusieurs centaines de
personnes ont réalisé un happening le jour
même du débat à l’Assemblée nationale, ma-
nifestant ainsi leur opposition au texte. Dans
le reste de l’Europe l’initiative atteint plus de
820 000 signatures. Mais il reste un eort à
faire pour arriver au million an que la Com-
mission européenne révise la question des
nancements de programmes détruisant
l’embryon.
A 16h45 le mardi 16 juillet 2013, le Parlement français a adopté l’autorisation de la recherche sur l’embryon par 314 voix contre 223.
En plein cœur de l’été, un bouleversement juridique et éthique est entériné dans la loi française alors que le débat bâclé a été quasi
inexistant. L’anachronisme scientifique est d’autant plus scandaleux que le gouvernement japonais a autorisé trois jours plus tard
l’ouverture du premier essai clinique chez l’homme sur des cellules pluripotentes induites (iPS).
La France autorise la recherche sur l’embryon humain