La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 10 - décembre 2001
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RÉUNIONS
ESSAIS CLINIQUES
Le recrutement dans des essais cliniques de morbimortalité est
fréquemment réalisé sur une période de temps relativement
longue. Il arrive que certains patients inclus terminent l’essai,
alors que d’autres sont à peine recrutés. Une question qui pré-
occupe les pharmacologues cliniciens est de savoir comment
réduire au minimum la durée globale de l’étude tout en préser-
vant la rigueur de l’analyse statistique et éviter des erreurs d’in-
terprétation. Une approche classique pour y répondre est de pré-
voir à l’avance une analyse intermédiaire. Cependant, la respon-
sabilité pour décider l’arrêt définitif d’une étude est majeure,
car cette décision influence non seulement l’étude, mais sou-
vent les autres prévues dans la même indication. Poursuivre
trop longtemps l’étude n’est pas sans conséquence, d’une part
en raison d’une prise de risque inutile pour les patients restants
et, d’autre part, du retard pris dans la diffusion d’une informa-
tion pertinente pour la communauté scientifique.
Une nouvelle approche pour permettre l’arrêt prématuré de
l’étude, basée sur un test dit triangulaire, a été récemment pro-
posée par J. Whitehead (Reading, Grande-Bretagne). Dans
cette approche, l’hypothèse à prévoir est le nombre global d’évé-
nement attendus. Le critère principal de jugement est évalué à des
intervalles fixés avant le démarrage de l’étude. Ces intervalles
peuvent être des dates ou des événements liés au critère princi-
pal. Par exemple, pour une étude dont le critère principal est la
mortalité, on comparera la survie dans les groupes, par palier de
10 % du nombre total de décès attendus (10 %, 20 %, etc.).
Lorsque la différence entre les deux traitements dépasse la fron-
tière d’un triangle tracé, l’étude peut être interrompue.
Le test triangulaire prend en compte les risques d’erreur, le
taux d’événement dans le groupe contrôle et un déterminant
d’amélioration sous traitement expérimental appelé θ. Un
nouveau logiciel appelé PEST 4.0 (planning evaluation of
sequential trial) va probablement faciliter son utilisation. Les
frontières du triangle sont corrigées au fur et à mesure des
tests, ce qui permet de maintenir le risque alpha à 5 %
(Whitehead et al. Br J Clin Pharmacol 2001 ; 51 :394-9).
Une présentation de l’équipe Lechat par S. Hulot (Paris) illus-
trait au congrès de l’EPHAR l’apport de ce test dans l’analyse
des études de grande échelle en prenant l’exemple de CIBIS II,
une étude évaluant les effets du bisoprolol sur la morbi-morta-
lité chez des patients avec une insuffisance cardiaque chro-
nique stade III et IV. Les données de l’étude ont été analysées
par le test triangulaire de Whitehead et les deux méthodes
d’analyses intermédiaires classiques (Peto, LandeMets).
L’utilisation du test triangulaire aurait permis un arrêt plus pré-
coce de l’étude (536 jours versus 829 avec les méthodes clas-
siques). Ainsi, seuls 180 événements (111 dans le groupe pla-
cebo et 69 dans le groupe bisoprolol) auraient été suffisants
pour démontrer l’efficacité du bisoprolol au lieu de 384 événe-
ments avec les analyses intermédiaires classiques. Cependant,
l’utilisation du test triangulaire a des limites. Elle nécessite de
s’assurer de l’homogénéité des groupes analysés, ce qui sup-
pose que l’inclusion, et donc la randomisation, soient termi-
nées pour l’ensemble des patients. La véracité des données,
notamment pour la survenue des événements, est également
primordiale. Les investigateurs doivent être très entraînés, en
particulier pour une déclaration rapide et exacte des événe-
ments survenus au cours du suivi. En effet, les expériences des
grands essais de morbi-mortalité montrent des déclarations des
événements parfois tardives et, surtout, des erreurs de classifi-
cation des événements, rectifiées par un comité des événe-
ments critiques. Une gestion du suivi de l’étude et un monito-
ring très rigoureux des données sont plus que jamais indispen-
sables si l’on souhaite utiliser le test triangulaire pour l’ana-
lyse des résultats et l’arrêt prématuré de l’étude.
Les études évaluant l’efficacité de l’acupuncture sont rares.
P. Boutouyrie (Paris) a présenté les résultats d’une étude ran-
domisée évaluant l'effet de l'acupuncture (A) versus placebo
(P) sur le pouls radial, chez 19 patients régulièrement traités
par l’acupuncture (patients sensibilisés, PS) et chez 8 volon-
taires sains jamais exposés à l'acupuncture.
L'acupuncture était administrée par un médecin entraîné
à la médecine traditionnelle chinoise et occidentale.
L'implantation des aiguilles était faite soit dans les méridiens
adaptés (acupuncture vraie [A]), soit en dehors (acupuncture
placebo [P]). Le diamètre et l'onde de pouls de l'artère radiale
ont été mesurés par echotracking de haute résolution et tono-
métrie d’aplanation avant et pendant 20 minutes. Les patients,
les volontaires sains et les échographistes étaient en insu du
type d’acupuncture administré (acupuncture vraie ou implan-
tation des aiguilles en dehors des méridiens adaptés).
Chez les patients déjà sensibilisés, le diamètre de
l’artère radiale augmente significativement en réponse à l’A
(+ 7,5 ± 2,8 %, p < 0,01), en comparaison au P (- 2,9 ± 2,7 %).
En revanche, le diamètre de l’artère radiale reste inchangé chez
les volontaires sains. Dans les deux populations, l’acupuncture ne
modifie ni la pression artérielle, ni l'onde de pression, ni la dis-
tensibilité radiale. L’acupuncture a pu par conséquent induire une
vasodilatation objective de l’artère radiale chez les sujets réguliè-
rement exposés à cette thérapeutique. L’exposition préalable joue
peut-être un rôle par elle-même dans la mesure où aucune vaso-
dilatation n'est retrouvée chez les sujets non exposés.
Une étude présentée par E. Autret et al. (Tours) a évalué la
capacité du traitement antibiotique versus placebo à prévenir
l’otite moyenne aiguë dans les 8 à 12 jours du traitement à
l’occasion d’une infection des voies respiratoires chez
203 enfants âgés de 3 mois à 3 ans avec un antécédent d’otites
à répétition. La fréquence des otites était de16,2 % dans le
groupe placebo et de 9,6 % dans le groupe d’enfants traités par
amoxicilline 100 mg et acide clavulanique 20 mg/j (p = 0,28).
La survenue d’événements indésirables était similaire dans les
deux groupes. Ces résultats suggèrent que la supériorité du
traitement antibiotique pour prévenir une otite dans les infec-
tions respiratoire n’est pas évidente, et qu’il faudrait inclure
plus de 1 000 enfants si l’on voulait prouver l’équivalence
entre cet antibiotique et le placebo ! Les auteurs estiment donc
nécessaire de réduire la prescription systématique des antibio-
tiques dans les infections respiratoires supérieures.