Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 1-2, janvier/février 2001
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intention de traiter apportent encore un
argument positif en faveur du produit.
En revanche, McCleane rapporte les
résultats d’un traitement par 200 mg/jour
de lamotrigine chez des patients non
infectés par le VIH, ayant une neuropathie
périphérique. Sur les 36 patients traités, il
n’y a pas eu d’amélioration entre la dou-
leur moyenne de la première semaine et
la douleur moyenne à la 8esemaine par
rapport aux malades sous placebo, quel
que soit le paramètre considéré : douleur
à type de brûlure, douleurs fulgurantes,
paresthésies. Dix patients ont quitté
l’étude pour effets secondaires.
Impossible de comparer les deux études,
puisque le profil des patients était diffé-
rent et le nombre d’inclusions dispropor-
tionné. Néanmoins, il ne paraît pas exclu
que la lamotrigine puisse être efficace à
condition de traiter longtemps et peut-
être à forte posologie. Dans ces condi-
tions, on augmente aussi le risque d’effets
indésirables.
Autre médicament : le tramadol. Depuis
presque une dizaine d’années, on revient
progressivement du dogme de l’ineffica-
cité des opioïdes dans le traitement des
douleurs neuropathiques. Un essai chez
les patients atteints de neuropathie diabé-
tique avait été concluant en 1998.
Sindrup et al. ont effectué à leur tour une
étude en double aveugle contre placebo
chez des patients ayant des polyneuro-
pathies d’origines diverses. Sur quatre
semaines de traitement, avec un cross-
over pour chaque groupe, une améliora-
tion significative a été observée pour les
34 patients ayant terminé l’étude, à la fois
sur les douleurs spontanées, les paresthé-
sies et le phénomène allodynique, habi-
tuellement plus difficile à contrôler. La
posologie du tramadol était de 200 à
400 mg/jour, et les effets secondaires
modestes. L’action positive de ce produit
pourrait impliquer non seulement l’acti-
vation des récepteurs opioïdes mu, mais
aussi un effet monoaminergique similaire
à celui des antidépresseurs tricycliques.
4. Simson DM, Olney R, McArthur JC
et al. Lamotrigine HIV Neuropathy
Study Group. A placebo-controlled trial of
lamotrigine for painful HIV-associated
neuropathy. Neurology 2000 ; 54 : 2115-9.
5. McCleane G. 200 mg daily of lamotrigine
has no effect in neuropathic pain : a rando-
mized, double-blind, placebo controlled trial.
Pain 2000 ; 83 : 105-7.
6. Sindrup SH, Andersen G, Madsen C et al.
Tramadol relieves pain and allodynia in poly-
neuropathy : a randomized, double-blind,
controlled trial. Pain 2000 ; 83 : 85-90.
Mettons-nous
un peu au courant
La stimulation électrique est un bon
moyen pour soulager les douleurs neuro-
gènes centrales ou périphériques. Kupers
et al. sont ainsi parvenus à faire disparaî-
tre une névralgie lésionnelle chronique
du trijumeau chez un patient, grâce à une
stimulation thalamique controlatérale
(noyau ventro-postérieur médian). Cet
excellent résultat leur a permis d’étudier
l’imagerie fonctionnelle cérébrale en
période douloureuse et non douloureuse.
La douleur faciale provoquait une aug-
mentation des débits sanguins locaux en
tomographie d’émission de positons, non
pas dans les aires somato-sensorielles SI
et SII, ni dans le cortex cingulaire anté-
rieur, comme le font les douleurs aiguës,
mais dans le cortex préfrontal, l’hypotha-
lamus et la substance grise périaquedu-
cale. Lors de la mise en route de la sti-
mulation thalamique, le débit sanguin
augmentait non seulement dans le thala-
mus stimulé, mais dans la portion anté-
rieure de l’insula et surtout l’amygdale.
On peut interpréter ces résultats de la
manière suivante : la douleur chronique
ne met pas en jeu les aires cérébrales qui
interviennent dans les aspects sensori-
discriminatifs de la sensation, au contraire
de la douleur aiguë, “signal-alerte”. En
revanche, le cortex préfrontal – détenant
des “traces” des composantes affectives
de la douleur – l’hypothalamus et la sub-
stance grise périaqueducale, qui sont
impliqués dans les aspects limbiques et
végétatifs de la perception, sont sans
doute à l’origine de la douleur chronique.
Le rôle de la stimulation thalamique
s’explique plus difficilement ; comment
intervient l’insula dans la disparition de
la douleur ?
Carroll et al. ont présenté les résultats de
la stimulation électrique du cortex
moteur dans le traitement de douleurs
neuropathiques rebelles. Sur les
10 patients stimulés, la moitié ont béné-
ficié de la technique. Il s’agit là finale-
ment d’un bon résultat, compte tenu de la
sévérité de ces douleurs. La difficulté est
de déterminer pourquoi 5 patients n’ont
pas répondu. Il n’y avait pas de différence
entre les répondeurs et les non-répon-
deurs ; les deux groupes avaient des dou-
leurs secondaires à des accidents vascu-
laires cérébraux ou des douleurs de mem-
bre fantôme. Dans quatre cas, l’échec a
pu provenir d’un problème technique,
puisque la stimulation n’est jamais par-
venue à entraîner une réponse motrice
contrairement aux patients répondeurs.
Pour le cinquième patient, les électrodes,
bien en place, stimulaient le cortex, mais
aucun effet sur la douleur n’était consta-
té. Les Britanniques confirment donc
l’efficacité de cette procédure pour des
indications bien définies, mais éprouvent
une démangeaison pour demander que
des études contre placebo (c’est-à-dire
une situation de non-stimulation) soient
réalisées.
7. Kupers RC, Gybels JM, Gjebbe A.
Positron emission tomography study of
a chronic pain patient successfully treated
with somatosensory thalamic stimulation.
Pain 2000 ; 87 : 295-302.
8. Carroll D, Joint C, Maartens N et al. Motor
cortex stimulation for chronic neuropathic
pain : a preliminary study of 10 cases. Pain,
2000 ; 84 : 431-7.
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