CAS CLINIQUE
▲ Figure 2. Découverte d’une tumeur de 2 cm de diamètre, recouverte
d’une muqueuse saine, qui obstruait la presque totalité de la lumière
trachéale.
▲ Figure 3. Résultat après exérèse tumorale.
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 322 - juillet-août-septembre 2010 | 27
Discussion
La présence du tissu thyroïdien ectopique dans la trachée est très
rare ; elle représente moins de 7 % des tumeurs trachéales (1, 2).
Ces tumeurs affectent plus fréquemment la femme, le plus souvent
du côté gauche. Une association avec un goitre multi-nodulaire
a été rapportée dans trois quarts des cas et une transformation
maligne dans 11 % des cas (3, 4).
Deux théories sur l’embryogenèse de cette affection dominent la
littérature : la première évoque une malformation fœtale posturale
selon laquelle l’ébauche embryonnaire thyroïdienne serait divisée
par le développement des anneaux cartilagineux trachéaux. Une
autre théorie suggère un envahissement intratrachéal de tissu
thyroïdien dans une période fœtale tardive ou postnatale (1, 5).
Le signe clinique le plus fréquent est la dyspnée. L’hémoptysie
devrait faire suspecter la malignité (1, 5, 6). Le diagnostic de
thyroïde intratrachéale se fait par un examen endoscopique
qui objective une masse brun-rougeâtre sous-glottique, le plus
souvent au niveau du cricoïde et du premier anneau trachéal,
habituellement au niveau de la paroi postérieure, avec une légère
prédominance pour le côté gauche. La scintigraphie n’est pas
utile parce que la glande thyroïde obscurcit la visualisation du
tissu thyroïdien intratrachéal. La TDM fournit des informations
importantes sur la taille de la tumeur et sur l’obstruction trachéale,
mais ne permet pas de déterminer s’il y a une rupture avec la
glande thyroïde normale (1).
Le diagnostic différentiel inclut d’autres tumeurs bénignes
(papillome, chondrome), et les tumeurs malignes comme le
carcinome thyroïde envahissant la trachée, la dégénérescence
du tissu thyroïdien ectopique intratrachéal, le chondrosarcome
ou le lymphome (5).
Le traitement de choix est la chirurgie. Il consiste en une explo-
ration chirurgicale par voie cervicale antérieure avec confection
d’un volet trachéal permettant l’exérèse complète de la lésion sous
contrôle de la vue ; la muqueuse trachéale doit être préservée au
maximum par une dissection sous-muqueuse. Le traitement intra-
luminal par vaporisation au laser est possible, mais il ne permet
pas l’étude histologique de la tumeur et les marges d’exérèse
passent en zone tumorale pour éviter une brèche trachéale (4, 6).
Conclusion
La thyroïde intratrachéale est une forme de thyroïde ectopique
rare. C’est une cause peu commune d’obstruction des voies respi-
ratoires supérieures. La TDM est l’examen de choix pour le bilan
lésionnel. La prise en charge adéquate reste la chirurgie avec abord
par volet trachéal. ■
1.◆ Tawfik T, El Beltagi AH, Abu Shara KA. Intratracheal
ectopic thyroid tissue. Case report and literature review.
Eur J Radiol 2008;65:51-4.
2.◆Jimenez Oliver V, Ruiz Rico R, Rodriguez Baro G. Intra-la-
ryngeal ectopic thyroid tissue, report of one case and review
of the literature. Acta Otorrinolaringol Esp 2002;53:54-9.
3.◆ Ogden CW, Goldstraw P. Intratracheal thyroid tissue
presenting with stridor. Eur J Cardiothorac Surg 1991;
5:108-9.
4.◆ Duvvi SK, Lo S, Spraggs PDR. An unusual case of
intratracheal thyroid. Rev Laryngol Otol Rhinol 2008;
129(3):211-2.
5.◆ Kotidis KN, Ubhi CS, Duffy JP. Benign intratracheal
thyroid tissue, a rare cause of upper airway obstruction.
Inter active Cardiovasc Thor Surg 2003;2:644-6.
6.◆Pritchyk KM, Thompson LDR, Malekzadeh S. Endosco-
pic management of intratracheal ectopic thyroid. Otola-
ryngol Head Neck Surg 2004;130:630-2.
Références bibliographiques
L’étude histologique définitive des pièces opératoires a conclu à
une dystrophie thyroïdienne sans signes de malignité. La patiente a
été mise sous hormonothérapie substitutive par lévothyroxine à la
dose de 100 µg/j avec contrôle régulier de la TSH. La surveillance,
par un examen endoscopique, a été mensuelle les 3 premiers mois
puis trimestrielle. Le calibrage a été retiré au bout de 2 mois, et
la dyspnée n’est pas réapparue. La patiente n’était plus dyspho-
nique. Au bout de 2 ans, il n’y a eu ni récidive ni sténose trachéale
secondaire.