CAS CLINIQUE
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 322 - juillet-août-septembre 2010 | 29
est effectué en urgence par deux incisions inter-septo-columel-
laires, de part et d’autre de la cloison nasale, afin d’évacuer les
logettes de pus. Le cartilage septal est intact. Une biopsie de la
muqueuse est faite en vue d’un examen histologique qui conclut
à une inflammation ulcérative non spécifique. Un méchage des
fosses nasales est maintenu pendant 48 heures. La patiente est
mise sous bi-antibiothérapie : amoxicilline et acide clavulanique
associés à une quinolone, pendant 15 jours. La recherche d’ANCA
(négative) est demandée pour éliminer une maladie de Wegener.
L’évolution est favorable, et, après un recul de 1 an, il n’y a pas de
récidive de l’abcès, la cloison est intacte, en rectitude, avec une
bonne perméabilité nasale.
Discussion
L’abcès de la cloison nasale est une pathologie rare (1). Quelques
cas ont été rapportés dans la littérature (2). Cette affection touche
essentiellement les hommes, avec un sex-ratio variant de 4 à 9, et
les enfants, mais elle peut survenir à tout âge. L’hématome surin-
fecté reste de loin l’étiologie la plus fréquente de l’abcès septal. Cet
hématome est souvent post-traumatique (75 %) [2, 3]. En effet, la
formation d’un hématome, lié à un traumatisme nasal (1, 3), prive
le cartilage septal de son périchondre et favorise ainsi l’ischémie
et la nécrose du cartilage, qui seront aggravées par la surinfection
de l’hématome et la libération d’enzymes protéolytiques par les
bactéries (2-4). Le deuxième type de traumatisme est iatrogène,
lors d’un geste chirurgical effectué sur le septum nasal (2, 5).
D’autre part, l’abcès septal peut être dû à l’infection de la cloison à
partir d’un foyer infectieux sinusien, essentiellement ethmoïdal ou
sphénoïdal (1, 3, 4, 6). La propagation de l’infection se fait de façon
directe par diffusion sous-périostée du pus, via la lame perpen-
diculaire de l’ethmoïde, vers l’espace sous-périchondral (2, 3).
Enfin, l’infection dentaire (incisives supérieures) peut également
être une cause d’abcès septal par l’ascension directe de l’infection
vers le plancher des fosses nasales et le septum (2). Les patients
consultent surtout pour une obstruction nasale souvent bilatérale,
évoluant dans un contexte fébrile (3, 4). Parfois, on peut noter
une douleur nasale et une rhinorrhée purulente. Le diagnostic
repose essentiellement sur la clinique, qui retrouve à la rhinoscopie
antérieure couplée à l’endoscopie nasale le comblement des fosses
nasales par un bombement (souvent bilatéral), celui-ci siégeant
généralement à la partie antérieure de la cloison. Il s’agit d’un
bombement fluctuant de la muqueuse septale, qui est inflam-
matoire, rougeâtre ou violacée, parfois grisâtre (2). La ponction
de l’abcès permet d’éliminer un hématome en ramenant du pus,
posant ainsi le diagnostic et permettant de faire un prélèvement
bactériologique (4).
Plusieurs germes peuvent être en cause, le plus fréquent étant
Staphylococcus aureus ; Streptococcus pneumoniae et Haemophilus
influenzae sont moins fréquents. D’autres germes sont incriminés,
tels que Streptococcus milleri, Streptococcus viridans, Staphylo-
coccus epidermidis et les anaérobies. L’infection peut être polymi-
crobienne, en particulier chez les patients immunodéprimés (2).
Certains examens complémentaires peuvent être réalisés en vue de
préciser les lésions et de rechercher une étiologie. La TDM montre
une collection hypodense du septum nasal contenant parfois de
l’air ; elle précise l’étendue de l’abcès ainsi que la structure du
cartilage et de l’os. Elle permet aussi le diagnostic d’une sinusite
associée et d’éventuelles complications neurologiques ou vascu-
laires (3). Non traité, l’abcès septal évolue rapidement vers des
complications locorégionales, voire générales, graves. Localement,
la destruction du cartilage septal est la plus fréquente et la plus
redoutable des complications, avec une nécrose et une fonte
cartilagineuse (1-4). Sur le plan locorégional, certaines complica-
tions rares sont décrites, à type de cellulite orbitaire, de sinusites,
essentiellement ethmoïdales. Les complications endocrâniennes
sont rares, dominées par les thromboses veineuses du sinus
caverneux. Des méningites, des empyèmes sous-duraux, voire
des abcès du cerveau ont été décrits (1, 2, 4). Des bactériémies,
des septicémies ainsi que des métastases septiques secondaires
à un abcès septal ont été décrites chez des patients immuno-
déprimés (1, 7). L’évolution à long terme se fait vers des séquelles
fonctionnelles à type d’obstruction ou d’inconfort nasal et des
séquelles esthétiques à type de déformation de la pyramide
nasale, de rétraction columellaire et d’affaissement narinaire.
Chez l’enfant, l’évolution peut se faire vers une hypoplasie maxil-
laire (1-3).
Le traitement repose sur le drainage chirurgical de l’abcès, par une
incision bilatérale horizontale en pleine collection, l’évacuation du
pus et l’excision des tissus nécrosés, suivis de lavages abondants au
sérum bétadiné, puis sur le méchage bilatéral des fosses nasales
pendant 2 ou 3 jours (1). Après déméchage, un contrôle endosco-
pique vérifie l’absence d’une nouvelle collection. Un traitement
antibiotique est essentiel, au début probabiliste, puis orienté par
les résultats de l’antibiogramme. En même temps, un traitement
étiologique et d’éventuelles complications doivent être envisagés.
Conclusion
L’abcès de la cloison nasale est une urgence ORL rare mais poten-
tiellement grave. Le diagnostic est essentiellement clinique.
L’imagerie permet de faire le bilan lésionnel et de rechercher
une étiologie. Le traitement est médico-chirurgical et doit être
instauré en urgence afin d’éviter des séquelles fonctionnelles et
esthétiques. ■
1.◆Santiago R, Villalonga P, Maggioni A. Nasal septal abscess: a case report. Inter
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2.◆Khedim A, Ben Slimene S, Faidi A et al. Abcès de la cloison nasale, à propos d’un
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Références bibliographiques