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Le rapport remis le 3 décembre 2014 s’efforce donc de répondre aux enjeux posés par la
transition énergétique pour le fonds norvégien : protéger sa valeur patrimoniale, et s’interroger
sur son rôle comme outil de nouvelle politique économique et écologique.
La Norvège est le 10ème exportateur mondial de pétrole (20% du PIB, 50% des exports, et 1/3 des
revenus de l’Etat) et le 3ème exportateur de gaz. Cette rente alimente le GPFG, premier fonds
souverain mondial dont la gestion est confiée, par le Ministère des Finances, à la banque centrale
norvégienne (NBIM).
La politique d’investissement du GPFG
L’objet du fonds est « d’assurer la prospérité des générations présentes et futures en maximisant
son couple rendement-risque à long terme, ceci étant conditionné à un développement durable
économique, social, environnemental, sur un marché financier équilibré et sain ». Ces principes ont
conduit le fonds norvégien à employer, en précurseur, une combinaison de stratégies
d’investissement responsable (investissements thématiques, analyse et recherche ESG,
collaborations internationales pour développer des standards de marché, exclusions éthiques8,
dialogue actionnarial, intégration ESG dans la constitution des portefeuilles de titres et les filiales9),
qui doivent être désormais mobilisées pour répondre à l’enjeu du changement climatique.
Exposition et risques perçus
Exposition directe du portefeuille du fonds norvégien aux industries carbonées en 2014 :
- Actions : NOK 255 Mds dans le secteur oil and gas (environ 29 Mds€10), soit 8% du portefeuille,
et 4.6 Mds€ dans le secteur minier
- Obligations : 6 Mds€ répartis en 28 M€ dans le secteur minier, 3,4 Mds€ dans le secteur oil and
gas et 2,4 Mds€ dans les utilities.
- Filiales : 18 Mds€ dans le secteur minier (4,5 Mds€), dans les utilities (12 Mds€), dans les
énergies renouvelables (1,6 Md€).
Les énergies carbonées seraient donc légèrement sous-pondérées par rapport à l’indice de
référence du fonds, et les ENR (3 Mds€) y seraient surpondérées.
D’après les experts, cette exposition est confrontée à deux risques mal appréciés :
- Le risque carbone, forme de risque politique qui a trait à la probabilité d’un durcissement des
accords internationaux ou des politiques nationales sur le climat générant l’appréciation du coût
des émissions de gaz à effet de serre. Il est dépendant d’innovations technologiques et sociales
difficilement appréciables (stockage de carbone, efficacité énergétique) et de l’évolution
démographique et macroéconomique.
- Les autres risques politiques ou de marché (substitution énergétique et efficacité énergétique
coté demande, quotas ou hausse du coût marginal de production coté offre) pouvant entraîner
une dépréciation mal anticipée11 de certains des actifs carbonés. Les experts estiment que ce
risque est insuffisamment pris en compte par le marché, car mal compris et mal révélé dans les
comptes des entreprises. Ils préviennent que sa révélation soudaine est susceptible d’entraîner
la cession des actifs carbonés vers des investisseurs moins alignés avec la politique
7 Hypothèse des « Stranded-assets » : actifs impactés par une dépréciation non anticipée ou prématurée liée à la
règlementation climatique ou à l’évolution de la demande afférente à cet enjeu.
8 Les critères examinés par un Conseil Ethique indépendant (armement nucléaire, travail des enfants, tabac et
changement climatique) donnent lieu à la définition de listes d’exclusion publiques. Le conseil a déterminé l’exclusion en
octobre 2014 de 61 sociétés, parmi les 8 000 investies, soit 2.8% de la valeur de marché du portefeuille action.
9 Depuis 2012, NBIM a cédé des participations dans 27 producteurs d’huile de palme, 16 extracteurs d’or, et 11
producteurs de charbon en raison d’un doute sur la viabilité de leurs modèles d’affaires. Une autre évaluation du risque
environnemental a engendré la cession de 27 participations dans les compagnies minières, dont 11 dans le charbon.
10 Conversion calculée en fonction de la parité NOK/€ du 11/12/2014 : 1 EUR = 9.1551 NOK
11 Des analystes de Kepler-Chevreux ont proposé une estimation à $19,3 Mds l’impact sur les actifs pétroliers à risque et
à $4,9 Mds l’impact sur les actifs à risque dans le charbon entre 2015 et 2035.