Correspondances en Onco-hématologie - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2011
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Ototoxicité des médicaments anticancéreux en hématologie :
mécanismes, dépistage et prise en charge
quences aiguës. À doses élevées, l’e et toxique s’étend
aux cellules ciliées internes (4).
La toxicité du carboplatine serait moindre que celle du
cisplatine ; elle s’exerce principalement sur les cellules
ciliées internes (5).
Démarche clinique
Tests auditifs et indications
L’exploration clinique de l’audition est fondée sur dif-
férents tests de dépistage ou de diagnostic ; ces tests
peuvent être subjectifs, demandant alors la participa-
tion du patient, ou objectifs.
L’audiométrie tonale est l’examen standard. Il s’agit d’un
test subjectif, réalisable chez l’enfant avec des modalités
adaptées à son âge. Ce test va identi er les atteintes sur
toutes les fréquences jusqu’à 8 000Hz. Il est possible
de dépister une atteinte des fréquences aiguës plus
précocement en explorant l’audition sur les hautes
fréquences, de 8 000 à 16 000Hz, voire 20 000Hz. Cela
nécessite cependant un matériel spéci que approprié
(audiomètre, écouteurs).
En cas d’atteinte auditive établie, l’incidence sur la com-
préhension et la communication sera évaluée par des
tests d’intelligibilité dans le silence : l’audiométrie vocale.
Un audiomètre automatisé (Audioscan®) permet de
réaliser des examens de dépistage, y compris pour une
atteinte des hautes fréquences.
Parmi les tests objectifs de la fonction auditive, les mieux
adaptés sont l’enregistrement des otoémissions acous-
tiques provoquées (OEAP) et des produits de distorsion
acoustiques (PDA). Ils explorent en e et directement
la fonction de contraction des cellules ciliées externes
et sont réalisables à tout âge. Leur réalisation clinique
est simple. Cependant, en cas d’atteinte auditive pré-
existante et avec l’âge, les OEAP peuvent disparaître,
d’où l’intérêt de valider ou non leur présence avant de
commencer un traitement potentiellement ototoxique.
Dépistage et identi cation de l’atteinte
auditive
L’atteinte auditive peut se traduire par des acouphènes
et/ou une hypoacousie. Les acouphènes sont le plus
souvent décrits comme des sifflements de tonalité
aiguë. L’hypoacousie intéresse initialement les fré-
quences aiguës. Elle se manifeste par une gêne à la
compréhension dans les situations bruyantes.
L’attitude optimale est de dépister le plus précocement
possible l’atteinte auditive avant qu’elle ne devienne
symptomatique, ce qui traduit déjà une certaine sévé-
rité de l’atteinte.
Les données cliniques montrent l’intérêt de 2 tests de
dépistage :
✓
l’audiométrie hautes fréquences, qui permet d’identi-
er précocement une atteinte avant toute manifestation
clinique (6, 7) ;
✓
les enregistrements des OEAP et des PDA, qui sont
très utilisés en oncologie pédiatrique car ils sont objec-
tifs et simples à réaliser. Ils sont particulièrement inté-
ressants avant le début du traitement pour identi er
des variations minimes lorsque l’audition est normale
(8, 9).
S’il existe une atteinte sensorielle due à la tumeur
elle-même, par exemple pour le rétinoblastome chez
l’enfant, le suivi auditif est essentiel, y compris après la
n du traitement, car l’apparition des troubles auditifs
peut être décalée dans le temps (3).
Dépistage et identi cation de l’atteinte
vestibulaire
Les atteintes vestibulaires sont beaucoup plus rares
que les atteintes auditives. Dans la mesure où la toxi-
cité s’exerce sur les 2labyrinthes droit et gauche, la
symptomatologie se manifeste par une instabilité,
avec parfois des chutes ou des oscillopsies, plutôt que
des crises vertigineuses. Ces atteintes étant progres-
sives, l’organisme met en place des mécanismes de
compensation, en particulier visuelle, ce qui explique
parfois l’absence de toute symptomatologie clinique,
surtout chez l’enfant et l’adulte jeune. Le diagnostic
repose alors sur les tests vestibulaires : épreuves calo-
riques et rotatoires en particulier, réalisables en vidéo-
nystagmographie.
Traitement
Il n’existe pas de traitement de la perte cellulaire. Les
thérapeutiques proposées sont symptomatiques ; elles
ont pour objectif de palier la dé cience auditive et/ou
vestibulaire.
Atteinte auditive
Si l’atteinte ototoxique a entraîné ou majoré une atteinte
auditive ayant un impact sur la communication, il faut
envisager un appareillage audioprothétique bilatéral.
Celui-ci béné cie des innovations technologiques liées
aux progrès du traitement numérique du signal sonore.
Guidé par le bilan auditif, cet appareillage est réalisé
par l’audioprothésiste, avec une période d’essai qui
permet au patient d’apprécier le béné ce obtenu en
termes d’amélioration de la compréhension, sachant
que l’audition ne redeviendra pas “normale”.