mime. J’ai étudié la pantomime classique d’Etienne Decroux, de Jean-Louis Barrault et du mime
Marceau. Je suis autant intéressé par le théâtre de répertoire que par le théâtre sans texte. Le
cinéma muet a une grande influence sur mon travail.
Dans Sonia,tout ce qui est vrai est important, ce qu’on mange, ce qu’on cuisine, ce qu’on cher-
che, ce qu’on finit par se dire…
Il y a également une grande part de rêve et de vie imaginée autant qu’imaginaire. Sonia rêve un
monde qu’elle se créé, et les enfants qu’elle borde dans leur lit ne sont que des poupées dérisoires…
L’acteur Gundars Aboli¸nsˇ qui joue le personnage féminin est un obsessionnel du détail vrai. De
même, les décorateurs ont minutieusement reconstitué un intérieur russe du Leningrad des années
40. Ils ont énormément chiné là-bas, rapportant de nombreux objets qui sont dans le spectacle et
des photos d’intérieurs qui ont permis d’élaborer un décor extrêmement réaliste.
Mais le contexte politique de ces années, en URSS, ne semble pas essentiel au spectacle. La
guerre y est davantage une atmosphère qu’un événement réaliste et vraiment menaçant…
Je ne me suis jamais intéressé au contexte politique, dans aucun de mes spectacles. C’est une chose
que je rejette, peut-être instinctivement, du moins assez violemment. Sans doute est-ce lié à mon
passé, venant d’une république soviétique. Je ne ressens pas du tout politiquement les événements.
Historiquement oui, mais jamais à travers une interprétation ou une lecture politiques. Je crois que
pour nous la politique ne peut pas être vraiment sérieuse, elle s’est trop discréditée elle-même.
Sonia estune nouvelle littéraire connue en Russie ?
Tatiana Tolstaia, est une auteure contemporaine. Le Nouveau Théâtre de Riga doit présenter des
classiques mais peut également explorer des auteurs et textes plus contemporains. Tatiana Tolstaia
doit avoir autour de 60 ans, mais je dirais qu’elle appartient à cette génération de la “bonne littéra-
ture psychologique” russe. Elle s’inscrit dans la tradition de Tolstoï lui-même. J’ai parfois monté des
spectacles à partir de textes beaucoup plus modernes et expérimentaux, comme The Ice, Collective
Reading of the Book with the Help of Imagination in Riga,d’après un roman de Vladimir Sorokine,
La Glace.Dans le cas de Sonia,j’ai sans doute un peu forcé la main par rapport au texte original de
Tatiana Tolstaia, et je pense qu’elle n’avait jamais imaginé que Sonia pourrait être jouée par… un
homme,et qu’ainsi le couple présent dans la nouvelle pourrait être interprété par deux hommes…
Le couple d’acteurs est assez détonnant !
Cela n’a rien à voir avec la transsexualité mais davantage avec une tradition de la pantomime et du
burlesque muet où parfois les femmes étaient jouées par des hommes. Cette femme naïve, grosse,
un peu idiote,mais au grand cœur et à l’imagination débordante, pouvait parfaitement être interpré-
tée par un homme car sa pesanteur, son poids, son ancrage dans le monde sont essentiels. L’acteur
masculin, massif,muet, concret, attentif aux détails, s’est imposé naturellement. Il offre ce décalage
dont la représentation de Sonia abesoin, tout en étant éthiquement, techniquement et fantasmati-
quement parfait pour ce rôle. Quant à l’autre acteur Jevge¸nijs Isajevs, ce n’en est tout simplement
pas un ! Je recherchais un amateur, un homme de la rue, et finalement c’est un des jeunes techni-
ciens du Nouveau Théâtre de Riga, qui arrivait alors d’un orphelinat, qui s’est imposé pour le rôle.
C’était mon idée, confier tout le texte de la pièce à un non professionnel et le rôle féminin muet à un
vrai acteur… Je voulais vraiment quelqu’un d’innocent, une sorte de Kaspar Hauser. L’important était
de faire sentir un fort contraste entre les deux personnages, les deux acteurs, tout en les maintenant
dans des registres proches :comme deux clowns, le triste et le joyeux, le muet et le parlant…
Sonia estaussi une sortede mélodrame…
C’est cequ’on pourrait appeler un “mélodrame absolu”. La guerre et la mort enveloppent tout, sur-
tout les pensées du personnage féminin et les paroles du personnage masculin. L’idée qui sous-tend