ministre et chef de gouvernement, qui ambitionne de devenir « l’héritier » d’un Pétain très âgé). Le 10
juillet 1940, à l’exception de 80 parlementaires, députés et sénateurs accordent à Pétain les pleins
pouvoirs constituants. Dans les jours qui suivent, le président de la République se retire et les chambres
se mettent en vacances. La voie est libre pour Pétain et son entourage qui peuvent mettre sur pied le
régime de l’Etat français qui nie l’essentiel des valeurs républicaines. La propagande de ce régime rend
la République responsable de la défaite (« l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice » dit
ainsi Pétain dans un célèbre discours). La France se dote ainsi d’un régime fascisant, antiparlementaire,
antidémocratique et antisémite (statut des juifs promulgué dès le 3 octobre 1940). Elle sera désormais
gouvernée par un chef de l’Etat, Pétain, qui choisira librement les membres de son gouvernement.
L’Etat français plonge ses racines dans la France de l’Ancien régime, une France rurale (« La terre ne
ment pas ») où le collectif prime sur la personne. C’est le sens de la « Révolution nationale » prônée par
Pétain : un retour aux valeurs d’avant 1789 : hormis le drapeau tricolore, les symboles républicains sont
supprimés (la devise « Liberté Egalité Fraternité » est remplacée par « Travail Famille Patrie » qui exalte
la soumission de l’individu à l’Etat).
Punir les coupables de la défaite apparaît comme un moyen de renforcer ce nouveau régime.
Très vite sont montrés du doigt ceux qui ont exercé le pouvoir dans la seconde moitié des années 30,
notamment à l’époque du Front populaire. Les grèves de l’été 36, les lois sociales (congés payés,
semaine des 40 heures) sont désignées comme responsables de l’impréparation des Français à se battre
en 1939. Dès la fin de l’été 1940, des responsables politiques républicains comme Léon Blum sont
arrêtés en attendant un procès à venir. Celui-ci s’ouvre à Riom en février 1942. Face aux accusations qui
pèsent sur eux, les anciens chefs de gouvernement ou ministres (Blum, Daladier…) démontrent que la
défaite n’est pas due au Front populaire mais aux erreurs des militaires qui n’ont pas su préparer à
temps une guerre moderne (or, au moment de ces décisions fondamentales, Pétain avait la haute main
sur l’état-major de l’armée) : à la demande des Allemands, le procès s’interrompt au bout de deux mois
et ne reprend pas. A ce moment, une partie des Français qui avaient vu dans Pétain une chance pour la
France se sont déjà détournés des slogans antirépublicains de la « Révolution nationale » pour résister
aussi bien aux Allemands qu’au gouvernement de Vichy.
2) La Résistance, un combat pour la République ?
Dans la mythologie résistancialiste créée après la guerre par les gaullistes, la Résistance naît le 18
juin 1940 avec l’appel lancé sur les ondes de la BBC par le général Charles de Gaulle. Outre que cet appel
n’a pas été entendu le jour même, un certain nombre de mouvements de résistance sont nés en France
sans avoir connaissance de l’existence de ce mystérieux général que pratiquement personne ne
connaissait. Cependant, le contexte étant celui de l’humiliation subie en mai-juin 1940, la République
n’est pas le moteur de ces premiers mouvements de résistance, le général de Gaulle le premier ne
l’évoquant pas. Dans tous les cas, il s’agit d’abord de chasser les Allemands du territoire national, de
poursuivre la lutte contre l’ennemi d’une manière ou d’une autre. La question des principes républicains
n’est pas au cœur de cette lutte car beaucoup de ces premiers résistants, comme la population
française, font confiance encore à Pétain. Ce n’est que progressivement, avec le développement d’une
active politique de collaboration avec l’Allemagne, que le régime de Vichy se trouvera discrédité aux
yeux de beaucoup et que la résistance mettra sur le même pied la lutte contre les Allemands et la
volonté d’un rétablissement de la République.
Au fur et à mesure que la Résistance s’organise et s’unifie, les buts de son action se trouvent
définis et précisés. Le général de Gaulle obtient, notamment grâce à l’action de Jean Moulin, le
rapprochement des différents réseaux de résistance intérieure au sein du Conseil National de la
Résistance (1943). Celui-ci définit un programme (charte du CNR de mars 1944) dans lequel il affirme la
volonté d’un retour aux libertés fondamentales et à la démocratie après la guerre ; c’est donc l’idéal
républicain français qui réapparait. Cependant, comme la Résistance intérieure est composée
principalement d’hommes de gauche ou de démocrates chrétiens, le programme du CNR prend en
compte des éléments économiques et sociaux. La nouvelle République, (car il apparaît impensable qu’on