n’est qu’avec l’âge que celles-ci se développent. De nombreuses
études d’estimation de ces fonctions visuelles à différents âges,
par des tests d’acuité visuelle monoculaire, des tests de vision
binoculaire mais aussi d’autres tests psychovisuels peuvent
permettre d’évaluer le profil chronologique de développement
de la fonction visuelle chez l’humain. Il faut souligner la
difficulté de l’étude de la fonction visuelle, du fait de la
multiplicité même de l’éventail des paramètres étudiés : acuité
visuelle, vision des couleurs, champ visuel, fonction de sensibi-
lité aux contrastes...
Développement de l’acuité visuelle
L’évolution de l’acuité visuelle normale est difficile à évaluer
chez l’enfant. Sa mesure est estimée, le plus souvent par des
tests cliniques (bébé-vision à l’aide de cartons de Teller avant
l’âge de 18 mois), mesure de l’acuité visuelle par lecture
d’optotypes (échelle de Pigassou), à partir de3à4ans. Les
différents auteurs s’accordent pour estimer que l’acuité visuelle
est de 1/10 à 3 mois, 3/10 à 1 an, 10/10 à 4 ans
[7]
.
Développement de la vision binoculaire
La mesure de la vision binoculaire dépend du test utilisé :
tests de stéréoscopie qualitative reposant sur la notion de
parallaxe stéréoscopique (vues d’un même objet selon un angle
différent par les deux yeux, créant ainsi une disparité réti-
nienne) ; tests de stéréoscopie fine, constitués de deux stéréo-
grammes superposés avec des nappes de points aléatoires.
Chez l’adulte, la stéréoscopie normale est inférieure à
50 secondes d’arc.
Chez l’enfant, l’évaluation peut être faite selon la méthode
du regard préférentiel, avec des stéréogrammes. On considère
que la stéréoscopie est absente dans les premiers mois de vie
pour apparaître, brutalement, entre le 3
e
et le 5
e
mois
[8]
. Elle
n’atteint cependant des valeurs stables et de profil « adulte »
qu’après 6 ans, comme l’a montré Romano. Ses travaux ont
porté sur l’étude, par le stéréotest de Titmus, de la stéréoscopie
de 321 enfants de 1,5 à 13 ans, considérés comme ayant des
fonctions visuelles normales, c’est-à-dire sans anomalie ophtal-
mologique ou antécédents à risque d’altérer ou d’avoir altéré la
stéréoscopie (cet « a priori » est un facteur limitant la validité de
cette étude par ailleurs intéressante). La stéréoscopie atteint à
5 ans 140 secondes, à 6 ans 80 secondes, à 9 ans 40 secondes
[9]
.
Autres moyens d’étude du développement
de la fonction visuelle
L’examen du champ visuel, qu’il soit statique ou dynamique,
est bien entendu impossible chez le petit enfant, en pratique
réalisable à partir de 6 ou 7 ans. On peut cependant l’estimer
en étudiant les saccades consécutives à des stimuli périphéri-
ques, en nasal ou en temporal. Ainsi, il a été estimé à 30° en
nasal comme en temporal à la naissance, pour n’atteindre une
taille presque adulte qu’à la fin de la première année
[10]
.
La fonction de sensibilité au contraste de même ne peut
qu’être estimée chez l’enfant à partir de déductions sur le
développement des canaux de codage de fréquence spatiale
(couples On/Off de cellules ganglionnaires). Ce n’est qu’à
3 mois que la fonction de sensibilité au contraste atteindrait un
profil adulte (profil d’une courbe « en cloche »), avec cepen-
dant :
• un décalage vers les basses fréquences spatiales, corrélative-
ment à l’acuité visuelle qui demeure basse à cet âge ;
• un décalage vers le bas de la sensibilité au contraste, qui
demeure plus faible jusqu’au début de l’adolescence
[11, 12]
.
Les potentiels évoqués visuels (PEV) chez l’enfant doivent être
interprétés avec précaution. Les résultats dépendent bien
évidemment de la maturation rétinienne, de la myélinisation
des voies optiques. Ils doivent être systématiquement comparés
au bruit de fond électrique. Pour les potentiels évoqués station-
naires, l’amplitude maximale recueillie va dépendre de la
fréquence temporelle de stimulation : 2 Hz à la naissance, 4 Hz
à 6 mois, 6 Hz à 10 mois, 10 Hz après 12 mois. Les potentiels
évoqués par damiers permettent une évaluation de la discrimi-
nation spatiale mais nécessitent une fixation. Ainsi, l’interpré-
tation des PEV dans le développement de la fonction visuelle
est difficile. Rappelons que du fait de la magnification macu-
laire, les PEV reflètent la fonction maculaire et la conduction
des voies visuelles. Teller rappelle que, pour la majorité des
auteurs, les PEV montreraient un profil adulte à 6-8 mois
[13]
.
■Examen de l’enfant
Dépistage
Le dépistage des affections ophtalmologiques est une néces-
sité du fait de l’existence d’une période sensible du développe-
ment visuel : le pronostic fonctionnel dépend, en cas
d’anomalie asymétrique entre les deux yeux, de la précocité de
la thérapeutique mise en œuvre car la plasticité cérébrale, que
ce soit dans le sens d’un développement pathologique, mais
aussi dans le sens d’une possibilité de récupération fonction-
nelle, est limitée après l’âge de 6 ans. La question se pose donc
des moyens de dépistage des anomalies ophtalmologiques
infantiles
[14-16]
. Le nouveau carnet de santé insiste sur le
dépistage des troubles sensoriels chez l’enfant, en particulier les
pathologies oculaires. L’étude des sérologies rubéole et toxo-
plasmose recherche une contamination maternofœtale, ces deux
germes pouvant causer des rétinopathies néonatales. L’étude
dans les tout premiers mois de vie d’une anomalie de la cornée
(taille, transparence), recherche à dépister un glaucome congé-
nital. La modification de la lueur pupillaire peut être causée par
une cataracte congénitale, mais aussi le redoutable rétinoblas-
tome. Un strabisme comme un nystagmus peuvent être des
symptômes de malvoyance, et leur survenue nécessite des
explorations spécialisées. Ce n’est qu’à partir de l’examen de la
troisième année qu’on commence à évoquer l’acuité visuelle, la
vision des couleurs (fondamentale chez le garçon, en particulier
pour l’orientation professionnelle), la vision stéréoscopique. Il
est à noter que nulle part n’est évoquée la réfraction. Sa mesure
est bien entendu liée à l’acuité visuelle, mais il est certain que
le dépistage d’amétropies précoces, en particulier des myopies
fortes ou des anisométropies (différence de réfraction entre les
deux yeux), serait souhaitable. Il est possible dès la première
année de vie et grandement facilité par l’autoréfractomètre
portable, peut-être plus difficile entre 1 et 3 ans, car l’enfant est
plus pusillanime, mais tout à fait facile après. Le problème est,
nous l’avons évoqué, la nécessité d’une cycloplégie, donc cela
prend du temps, et la nécessité de faire l’examen par un
ophtalmologiste. Les éléments du carnet de santé ont été établis
pour qu’il soit réalisable par le pédiatre ou le médecin généra-
liste. Son rôle est fondamental, et au moindre doute, un avis
spécialisé doit être requis. Enfin il faut le rappeler, le bébé-
vision ne sert à rien en dépistage et ne sert qu’à faussement
rassurer le médecin et les parents !
En France, les examens, inscrits sur le carnet de santé, sont
réalisés par le médecin généraliste ou le pédiatre. On peut
recommander un examen ophtalmologique avant l’âge de 1 an,
vers l’âge de 3 ou 4 ans (l’enfant peut lire les optotypes), et
avant l’entrée en cours préparatoire, où un examen complet
peut être réalisé. Il comprend : acuité visuelle de loin et de près
sans et avec correction, avec la formule réfractive, un examen
“Point fort
Diagnostic de l’amblyopie « monoculaire ».
• Différence d’acuité visuelle entre les deux yeux > deux
lignes.
• Amblyopie profonde, acuité visuelle ≤1/10
e
.
• Amblyopie moyenne, acuité visuelle entre 1 et 4/10
e
.
• Amblyopie légère, acuité visuelle > 4/10
e
.
• L’acuité visuelle est le paramètre utilisé en pratique pour
diagnostiquer et suivre une rééducation d’amblyopie.
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Ophtalmologie infantile
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