Ophtalmologie infantile
E. Bui Quoc
L’ophtalmologie infantile se caractérise par l’existence d’une période sensible du développement visuel,
période au cours de laquelle toute altération de l’expérience visuelle est à risque d’amblyopie, c’est-à-dire
une fonction visuelle altérée par les altérations des propriétés anatomofonctionnelles des neurones
impliquées dans la perception visuelle, essentiellement au niveau du cortex visuel. Ainsi, le rétablissement
anatomique (s’il est possible) peut ne pas suffire chez l’enfant à rétablir une fonction visuelle normale, de
par cette amblyopie fonctionnelle. La pathologie ophtalmologique est diverse. Isoler la pathologie
ophtalmologique infantile peut être un peu artificiel. Nous tentons dans ce panorama de faire le relevé
des différentes situations auxquelles l’ophtalmopédiatre peut être confronté : troubles de réfractions,
pathologies cornéennes, cristalliniennes, rétiniennes, pathologies infectieuses, inflammatoires,
tumorales, neuro-ophtalmologie, pathologie oculomotrice, pathologies malformatives...
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Vision ; Amblyopie ; Strabisme ; Cornée ; Cristallin ; Rétine
Plan
Introduction 2
Amblyopie et développement visuel 2
Amblyopie 2
Développement des fonctions visuelles chez l’humain 2
Examen de l’enfant 3
Dépistage 3
Différentes étapes de l’examen ophtalmologique 4
Troubles de la réfraction 5
Définitions 5
Étude de la réfraction 5
Pathologie de surface 5
Conjonctivites infectieuses 5
Conjonctivites virales 6
Conjonctivites allergiques 6
Sécheresse oculaire 6
Autres atteintes conjonctivales : syndrome de Lyell,
atteintes dermatologiques... 6
Pathologie cornéenne 7
Kératites 7
Dystrophies héréditaires de cornée 7
Glaucome et dysgénésies du segment antérieur 7
Diagnostic 8
Surveillance 8
Formes cliniques 8
Pathologie cristallinienne et zonulaire 9
Cataracte congénitale et infantile 9
Traitement de la cataracte congénitale 9
Microsphérophaquie 9
Luxation et subluxation du cristallin 9
Cataracte dans le cadre d’une persistance du vitré primitif
ou d’une persistance de l’artère hyaloïdienne 10
Pathologie rétinienne 11
Rétinopathie des prématurés 11
Rétinopathies pigmentaires 11
Pathologies vasculaires 12
Dysplasies rétinovitréennes 13
Dyschromatopsies héréditaires 14
Maladie de Stargardt ou fundus flavimaculatus 14
Malformations rétiniennes et du nerf optique : « morning glory
syndrome », colobomes du nerf optique et de la rétine,
fossette colobomateuse 15
Strabismes 15
Neuro-ophtalmologie 17
Retard de maturation visuelle ou syndrome de Beauvieux 17
Nystagmus 17
Neuropathies optiques 17
Pathologie pupillaire 18
Diplopie aiguë 19
Pathologie orbitopalpébrale 19
Malformations orbitaires 19
Malformations palpébrales et ptosis congénital 19
Voies lacrymales 19
Conduite à tenir devant un chalazion et devant un orgelet 20
Pathologie tumorale 20
Rétinoblastome 20
Tumeurs orbitaires 21
Hémangiomes de la face 21
Traumatologie 21
Conduite à tenir devant une contusion oculaire 21
Fracture du plancher de l’orbite 22
Plaies transfixiantes du globe 22
Plaie de paupière 22
Brûlures oculaires 22
Uvéites 23
Uvéites infectieuses : herpès, cytomégalovirus, toxoplasmose,
toxocarose... 23
Arthrite juvénile idiopathique 23
Autres étiologies d’uvéite 23
Conclusion 23
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Introduction
Traiter (au sens de disserter) d’ophtalmologie infantile en
quelques mots, ou quelques pages, est une tâche difficile pour
de multiples raisons. L’ophtalmologie en soi est une discipline
d’une diversité étonnante ; certes, la pathologie réfractive est le
plus commun motif de consultation, mais il est de nombreuses
situations où le défaut visuel requiert bien plus qu’une simple
correction optique. La sur-spécialisation devient la règle,
souvent sur un support anatomique. On retrouve des ophtal-
mologistes spécialistes de la cornée (avec les variantes de la
contactologie, de la chirurgie réfractive ou encore des patholo-
gies de la surface oculaire). Il existe des chirurgiens experts en
pathologie du cristallin et à la pointe des dernières innovations
en chirurgie de la cataracte. D’autres sont des passionnés de
pathologie rétinienne, avec souvent la distinction entre « réti-
nologues » médicaux (traitant les pathologies vasculaires, la
dégénérescence maculaire liée à l’âge, la rétinopathie diabétique)
et « rétinologues » chirurgicaux (dont l’activité englobe la
chirurgie du décollement de rétine, des pathologies maculaires
comme les membranes épirétiniennes ou les trous maculaires...).
Certains étendent leur pré carré en dehors de l’œil et s’exercent
à la pathologie orbitopalpébrale. D’autres classifications de sur-
spécialités existent : les neuro-ophtalmologues s’éloignent de
l’œil pour se rapprocher du cortex, en longeant les voies
visuelles ; les « uvéitologues » traitent de pathologie inflamma-
toire et infectieuse oculaire, avec le soutien précieux de leurs
collègues internistes ; les strabologues traitent les désordres
oculomoteurs ; les « glaucomatologues » exercent leur art en
traitant (médicalement et chirurgicalement) ces divers facteurs
(hypertonie oculaire, altérations vasculaires...) qui peuvent être
responsables de la neuropathie optique cécitante, autrement
appelée « glaucome »...
Quelle est – au sein de ces différents groupes – la place de
l’ophtalmologie dite pédiatrique ou infantile. L’ophtalmopédia-
tre focalise son exercice en fonction de l’âge du patient, et doit
gérer les différents domaines suscités correspondants à la quasi-
totalité de la pathologie ophtalmologique. La sur-spécialité
« ophtalmologie infantile » est-elle donc pertinente ? Oui, bien
sûr, mais l’ophtalmopédiatre doit avoir une vue globale de la
discipline, doit pouvoir traiter adultes et enfants, tant il existe
un continuum pathologique tout au long de la vie : citons
uniquement l’exemple du gène ABCR, dont les différents
génotypes peuvent être responsables d’un phénotype « maladie
de Stargardt » chez un enfant mais aussi de certaines formes de
dégénérescence maculaire liée à l’âge chez la personne plus
âgée
[1]
. Tant et si bien que l’examen des parents est – dans
quelque domaine de l’ophtalmologie infantile que ce soit – tout
à fait fondamental !
Comment maintenant exposer avec une certaine clarté
didactique cette vaste pathologie infantile ? Après un rappel
physiologique sur l’amblyopie et la période sensible du déve-
loppement visuel, la classification adoptée dans cette disserta-
tion, qui se veut à la fois exhaustive mais nécessairement
résumée et condensée, reprendra en partie le schéma anatomi-
que correspondant à une explication physiologique très simple :
pour voir correctement, il faut que les rayons lumineux arrivent
précisément sur la rétine (avec une correction optique d’amé-
tropie le cas échéant), et aient traversé des milieux clairs et
parfaitement transparents : cornée, chambre antérieure, cristal-
lin, vitré ; puis il faut que la rétine fonctionne, que le nerf
optique fonctionne, et que l’intégration perceptive corticale soit
assurée correctement (Fig. 1). Cela ramène l’ophtalmologie à
une spécialité très simple : l’ophtalmologiste recherche, à
chaque niveau de transmission de l’information sensorielle
(l’image), une anomalie pouvant expliquer la mauvaise vision.
Outre cette classification seront traités bien évidemment les
nombreux autres aspects de la pathologie ophtalmologique
infantile, en restant conscients qu’il serait fait silence, au cours
de cet exposé forcément bref, de certaines pathologies parmi les
plus rares.
Amblyopie et développement
visuel
Amblyopie
Chez le mammifère supérieur, le développement anatomo-
fonctionnel des structures oculaires, des voies visuelles et des
zones cérébrales impliquées dans la perception visuelle n’est pas
achevé à la naissance. C’est pourquoi une altération précoce de
l’expérience visuelle chez l’enfant, quelle que soit la pathologie
oculaire en cause, est à risque d’amblyopie. Cette pathologie
peut se définir en première approximation, à l’aide du diction-
naire Bailly
[2]
, comme une vue (ηωpη) faible (αµbkEιa). Le
dictionnaire Garnier-Delamare
[3]
évoque quant à lui une
« diminution de l’acuité visuelle ».
L’amblyopie, fonctionnelle ou organique (cette distinction
demeure utile dans un but didactique bien que les frontières
soient labiles entre ces deux formes d’amblyopie), est une
pathologie qu’il est indispensable de traiter le plus précocement
et le plus énergiquement possible.
Le risque clinique de développement d’une amblyopie est
connu depuis longtemps, en particulier en cas de strabisme
[4]
.
Toute pathologie oculaire pédiatrique doit donc avoir à la fois
l’objectif de diagnostiquer cette pathologie, traiter cette patho-
logie et rétablir les structures oculaires dans des conditions
optimales, et l’objectif de « rééduquer » l’amblyopie le cas
échéant.
Les techniques de « rééducation » de l’amblyopie et les
protocoles utilisés sont multiples (citons pour mémoire le
traitement de référence que constitue l’occlusion totale, que
complètent les pénalisations optiques ou pharmacologiques),
efficaces si bien utilisés
[5]
bien que ces moyens peuvent paraître
relativement simples par rapport aux processus neurophysiolo-
giques sous-jacents extrêmement précis.
La période sensible du développement visuel serait terminée
entre 6 et 8 ans, marquant le terme de cette période « critique »
au cours de laquelle il existe un risque majeur d’amblyopie
fonctionnelle
[6]
.
Développement des fonctions visuelles
chez l’humain
Comme chez les autres mammifères, les fonctions visuelles
du nouveau-né humain ne sont pas d’emblée optimales. Ce
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Figure 1. Anatomie simplifiée de l’œil. 1. Cornée ; 2. sclère ; 3. cho-
roïde ; 4. rétine ; 5. nerf optique ; 6. vaisseaux sanguins ; 7. macula ; 8.
cristallin ; 9. pupille ; 10. iris.
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n’est qu’avec l’âge que celles-ci se développent. De nombreuses
études d’estimation de ces fonctions visuelles à différents âges,
par des tests d’acuité visuelle monoculaire, des tests de vision
binoculaire mais aussi d’autres tests psychovisuels peuvent
permettre d’évaluer le profil chronologique de développement
de la fonction visuelle chez l’humain. Il faut souligner la
difficulté de l’étude de la fonction visuelle, du fait de la
multiplicité même de l’éventail des paramètres étudiés : acuité
visuelle, vision des couleurs, champ visuel, fonction de sensibi-
lité aux contrastes...
Développement de l’acuité visuelle
L’évolution de l’acuité visuelle normale est difficile à évaluer
chez l’enfant. Sa mesure est estimée, le plus souvent par des
tests cliniques (bébé-vision à l’aide de cartons de Teller avant
l’âge de 18 mois), mesure de l’acuité visuelle par lecture
d’optotypes (échelle de Pigassou), à partir de3à4ans. Les
différents auteurs s’accordent pour estimer que l’acuité visuelle
est de 1/10 à 3 mois, 3/10 à 1 an, 10/10 à 4 ans
[7]
.
Développement de la vision binoculaire
La mesure de la vision binoculaire dépend du test utilisé :
tests de stéréoscopie qualitative reposant sur la notion de
parallaxe stéréoscopique (vues d’un même objet selon un angle
différent par les deux yeux, créant ainsi une disparité réti-
nienne) ; tests de stéréoscopie fine, constitués de deux stéréo-
grammes superposés avec des nappes de points aléatoires.
Chez l’adulte, la stéréoscopie normale est inférieure à
50 secondes d’arc.
Chez l’enfant, l’évaluation peut être faite selon la méthode
du regard préférentiel, avec des stéréogrammes. On considère
que la stéréoscopie est absente dans les premiers mois de vie
pour apparaître, brutalement, entre le 3
e
et le 5
e
mois
[8]
. Elle
n’atteint cependant des valeurs stables et de profil « adulte »
qu’après 6 ans, comme l’a montré Romano. Ses travaux ont
porté sur l’étude, par le stéréotest de Titmus, de la stéréoscopie
de 321 enfants de 1,5 à 13 ans, considérés comme ayant des
fonctions visuelles normales, c’est-à-dire sans anomalie ophtal-
mologique ou antécédents à risque d’altérer ou d’avoir altéré la
stéréoscopie (cet « a priori » est un facteur limitant la validité de
cette étude par ailleurs intéressante). La stéréoscopie atteint à
5 ans 140 secondes, à 6 ans 80 secondes, à 9 ans 40 secondes
[9]
.
Autres moyens d’étude du développement
de la fonction visuelle
L’examen du champ visuel, qu’il soit statique ou dynamique,
est bien entendu impossible chez le petit enfant, en pratique
réalisable à partir de 6 ou 7 ans. On peut cependant l’estimer
en étudiant les saccades consécutives à des stimuli périphéri-
ques, en nasal ou en temporal. Ainsi, il a été estimé à 30° en
nasal comme en temporal à la naissance, pour n’atteindre une
taille presque adulte qu’à la fin de la première année
[10]
.
La fonction de sensibilité au contraste de même ne peut
qu’être estimée chez l’enfant à partir de déductions sur le
développement des canaux de codage de fréquence spatiale
(couples On/Off de cellules ganglionnaires). Ce n’est qu’à
3 mois que la fonction de sensibilité au contraste atteindrait un
profil adulte (profil d’une courbe « en cloche »), avec cepen-
dant :
un décalage vers les basses fréquences spatiales, corrélative-
ment à l’acuité visuelle qui demeure basse à cet âge ;
un décalage vers le bas de la sensibilité au contraste, qui
demeure plus faible jusqu’au début de l’adolescence
[11, 12]
.
Les potentiels évoqués visuels (PEV) chez l’enfant doivent être
interprétés avec précaution. Les résultats dépendent bien
évidemment de la maturation rétinienne, de la myélinisation
des voies optiques. Ils doivent être systématiquement comparés
au bruit de fond électrique. Pour les potentiels évoqués station-
naires, l’amplitude maximale recueillie va dépendre de la
fréquence temporelle de stimulation : 2 Hz à la naissance, 4 Hz
à 6 mois, 6 Hz à 10 mois, 10 Hz après 12 mois. Les potentiels
évoqués par damiers permettent une évaluation de la discrimi-
nation spatiale mais nécessitent une fixation. Ainsi, l’interpré-
tation des PEV dans le développement de la fonction visuelle
est difficile. Rappelons que du fait de la magnification macu-
laire, les PEV reflètent la fonction maculaire et la conduction
des voies visuelles. Teller rappelle que, pour la majorité des
auteurs, les PEV montreraient un profil adulte à 6-8 mois
[13]
.
Examen de l’enfant
Dépistage
Le dépistage des affections ophtalmologiques est une néces-
sité du fait de l’existence d’une période sensible du développe-
ment visuel : le pronostic fonctionnel dépend, en cas
d’anomalie asymétrique entre les deux yeux, de la précocité de
la thérapeutique mise en œuvre car la plasticité cérébrale, que
ce soit dans le sens d’un développement pathologique, mais
aussi dans le sens d’une possibilité de récupération fonction-
nelle, est limitée après l’âge de 6 ans. La question se pose donc
des moyens de dépistage des anomalies ophtalmologiques
infantiles
[14-16]
. Le nouveau carnet de santé insiste sur le
dépistage des troubles sensoriels chez l’enfant, en particulier les
pathologies oculaires. L’étude des sérologies rubéole et toxo-
plasmose recherche une contamination maternofœtale, ces deux
germes pouvant causer des rétinopathies néonatales. L’étude
dans les tout premiers mois de vie d’une anomalie de la cornée
(taille, transparence), recherche à dépister un glaucome congé-
nital. La modification de la lueur pupillaire peut être causée par
une cataracte congénitale, mais aussi le redoutable rétinoblas-
tome. Un strabisme comme un nystagmus peuvent être des
symptômes de malvoyance, et leur survenue nécessite des
explorations spécialisées. Ce n’est qu’à partir de l’examen de la
troisième année qu’on commence à évoquer l’acuité visuelle, la
vision des couleurs (fondamentale chez le garçon, en particulier
pour l’orientation professionnelle), la vision stéréoscopique. Il
est à noter que nulle part n’est évoquée la réfraction. Sa mesure
est bien entendu liée à l’acuité visuelle, mais il est certain que
le dépistage d’amétropies précoces, en particulier des myopies
fortes ou des anisométropies (différence de réfraction entre les
deux yeux), serait souhaitable. Il est possible dès la première
année de vie et grandement facilité par l’autoréfractomètre
portable, peut-être plus difficile entre 1 et 3 ans, car l’enfant est
plus pusillanime, mais tout à fait facile après. Le problème est,
nous l’avons évoqué, la nécessité d’une cycloplégie, donc cela
prend du temps, et la nécessité de faire l’examen par un
ophtalmologiste. Les éléments du carnet de santé ont été établis
pour qu’il soit réalisable par le pédiatre ou le médecin généra-
liste. Son rôle est fondamental, et au moindre doute, un avis
spécialisé doit être requis. Enfin il faut le rappeler, le bébé-
vision ne sert à rien en dépistage et ne sert qu’à faussement
rassurer le médecin et les parents !
En France, les examens, inscrits sur le carnet de santé, sont
réalisés par le médecin généraliste ou le pédiatre. On peut
recommander un examen ophtalmologique avant l’âge de 1 an,
vers l’âge de 3 ou 4 ans (l’enfant peut lire les optotypes), et
avant l’entrée en cours préparatoire, où un examen complet
peut être réalisé. Il comprend : acuité visuelle de loin et de près
sans et avec correction, avec la formule réfractive, un examen
Point fort
Diagnostic de l’amblyopie « monoculaire ».
Différence d’acuité visuelle entre les deux yeux > deux
lignes.
Amblyopie profonde, acuité visuelle 1/10
e
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Amblyopie moyenne, acuité visuelle entre 1 et 4/10
e
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Amblyopie légère, acuité visuelle > 4/10
e
.
L’acuité visuelle est le paramètre utilisé en pratique pour
diagnostiquer et suivre une rééducation d’amblyopie.
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du fond d’œil, un examen de la vision binoculaire, la recherche
d’un strabisme, d’un nystagmus, d’une poursuite oculaire
normale, d’autres anomalies ophtalmologiques.
Il est certes difficile d’appliquer cette règle stricte et de
pratiquer systématiquement ces examens successifs. La vigilance
est particulièrement nécessaire en cas d’anomalie patente ou
d’antécédents personnels ou familiaux significatifs. L’examen
postnatal par le pédiatre est fondamental, afin de dépister des
anomalies congénitales, en particulier le glaucome congénital
qui est une véritable urgence ; nous y reviendrons.
Différentes étapes de l’examen
ophtalmologique
Interrogatoire
L’âge d’apparition d’une éventuelle anomalie ayant amené à
consulter (strabisme, leucocorie, larmoiement, mauvais com-
portement visuel, baisse de vision...) est fondamental. L’interro-
gatoire des parents est indispensable. L’interrogatoire permet
également de préciser les antécédents de l’enfant, à la recherche
d’une pathologie au cours de la grossesse, d’une prématurité qui
est reconnue comme un facteur de risque de strabisme. Les
antécédents familiaux sont notés.
Inspection
L’inspection recherche une dysmorphie et une pathologie
associée. Il faut se rappeler qu’un épicanthus, c’est-à-dire un
repli palpébral interne, peut mimer un strabisme, en particulier
dans le regard latéral ; il peut cependant coexister avec une
réelle déviation des yeux.
Bilan sensoriel
Appréciation de l’acuité visuelle
Le comportement visuel de l’enfant est observé. Chez le
nourrisson est apprécié l’intérêt visuel, le sourire aux visages
familiers, le suivi des objets et la captation du regard. La mesure
de l’acuité visuelle par lecture d’optotypes, possible et fiable en
général à partir de3à4ans, doit être réalisée de loin et de près,
avec et sans correction La correction optique est établie après
examen sous cycloplégie (nous y reviendrons).
Les tests de « bébé-vision », à l’aide de carton de Teller, basés
sur le principe du regard préférentiel, sont possibles jusqu’à
18 mois environ. Le nourrisson oriente son regard préférentiel-
lement vers un réseau structuré s’il le distingue au sein d’une
plage uniforme. Le « bébé-vision » n’est en aucun cas un bon
test de dépistage de l’amblyopie
[17]
. Il est exceptionnellement
utile en cas de strabisme, sauf en cas de suspicion d’amblyopie
associée à un microstrabisme. Il peut aussi être indiqué pour le
suivi d’une amblyopie traitée.
Un test très simple mais très utile à la recherche d’une
amblyopie chez le nourrisson est le test d’occlusion d’un œil,
avec le doigt ou avec un cache : si l’œil sain est couvert, l’enfant
amblyope va chercher à enlever le cache, ce qui est moins
probable si c’est l’œil amblyope qui a été caché ou bien tout
simplement en l’absence d’amblyopie.
La mesure de l’acuité visuelle reste délicate entre 18 et
36 mois. On estime que l’enfant voit 1/10
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e
à 6 ans. L’isoacuité, c’est-à-dire
une acuité visuelle égale après correction, entre les deux yeux,
doit être la règle quel que soit l’âge.
Étude de la vision binoculaire
Après l’évaluation de la vision monoculaire, et seulement si
celle-ci est satisfaisante et égale entre les deux yeux, il faut
évaluer la vision binoculaire au moyen de deux types de tests :
les tests de stéréoscopie qualitative (tests de Wirt et Titmus, test
de Randot) et les tests de stéréoscopie quantitative constitués de
deux stéréogrammes superposés avec des nappes de points
aléatoires, comme le TNO. Le test de Lang de type I, également
à base de points aléatoires, peut être possible dès 2 ans, l’enfant
montrant l’image « en relief » s’il la distingue.
Bilan moteur
L’examen des reflets cornéens est le seul examen moteur
praticable chez le nourrisson : le reflet cornéen d’une lumière
réfléchie, par exemple un ophtalmoscope, doit être centré. En
cas de strabisme divergent ou exodéviation, le reflet est décalé
en nasal. En cas de strabisme convergent ou ésodéviation, le
reflet est décalé en temporal. En cas de strabisme vertical, le
reflet est décalé en supérieur ou en inférieur.
Les tests de l’écran sont possibles dès 2 ou 3 ans (dès que
l’enfant fixe bien). Il s’agit des tests de référence : test de l’écran
unilatéral et test de l’écran alterné. La déviation est étudiée en
vision de loin (fixation d’un point lumineux ou d’une cible à
5 m) et en vision de près (fixation d’une cible à 33 cm). Il faut
commencer par le test de l’écran unilatéral pour ne pas démas-
quer une hétérophorie par le test de l’écran alterné qui est
dissociant et rompt la fusion. En interposant des prismes de
valeurs croissantes devant un œil, on peut apprécier et quanti-
fier la déviation oculaire, mesurée en dioptries prismatiques (à
ne pas confondre avec les dioptries optiques des amétropies).
De nombreux autres moyens d’études sont utilisés. Citons le
synoptophore qui permet d’étudier l’angle objectif et l’angle
Point fort
Examen ophtalmologique de l’enfant, adapté à
l’âge et la coopération.
Interrogatoire, généalogie, antécédents (grossesse,
prématurité).
Inspection : dysmorphie, comportement visuel,
nystagmus.
Bilan moteur :
Creflets cornéens ;
Ctest de l’écran unilatéral puis test de l’écran bilatéral
ou alterné, (synoptophore) ;
Cmotricité oculaire conjuguée (fixation, saccades,
poursuite) ;
Cmotilité oculaire (ductions, versions, vergences).
Bilan sensoriel :
Créfraction objective, skiascopie sous cycloplégie
(savoir répéter la réfraction sous cycloplégie
plusieurs fois par an le cas échéant) ;
Ctest d’occlusion unioculaire, acuité visuelle
monoculaire, acuité visuelle brute, test 4D base
temporale de Jampolsky ou biprisme de Gracis ;
Cpas d’intérêt du « bébé-vision » dans le dépistage de
l’amblyopie (cf. Bourcier-Bareil et al. 2001).
Examen ophtalmologique des structures oculaires :
segment antérieur, TO, segment postérieur.
Point fort
Examens de dépistage : ce qui peut être raison-
nablement préconisé.
Examen pédiatrique en postnatal immédiat :
fondamental !
Examen (ophtalmologique) de l’enfant avant 1 an.
Examen ophtalmologique vers 3 ans (lorsque l’enfant
fixe bien et peut lire les optotypes de Pigassou ou de
Cadet), avant l’entrée en cours préparatoire au moins,
avec : bilan anatomique avec fond d’œil, bilan sensoriel,
bilan moteur.
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4-120-A-10
Ophtalmologie infantile
4Pédiatrie
subjectif, d’apprécier la correspondance rétinienne normale ou
anormale, c’est-à-dire la correspondance entre le point de
fixation et le centre de la fovéola (région centromaculaire).
La motricité oculaire est étudiée dans les neuf positions du
regard : étude des mouvements de duction (chaque œil est
étudié séparément) et des mouvements de version (les deux
yeux sont étudiées de façon simultanée) à la recherche d’hype-
ractions ou d’hypoactions musculaires des six muscles oculo-
moteurs. Les mouvements conjugués des yeux ou vergences
sont aussi étudiés. L’étude de l’oculomotricité est parfois
précisée par l’examen coordimétrique, à l’aide de l’appareil de
Hess-Lancaster. Il faut rechercher un nystagmus, un torticolis
associés.
Examen ophtalmologique des structures oculaires
L’examen ophtalmologique précise l’intégrité des structures
de l’œil : conjonctive, cornée, chambre antérieure, iris. Après
dilatation pupillaire, la transparence cristallinienne est appré-
ciée, la cavité vitréenne étudiée, la rétine examinée avec une
attention particulière à l’examen du nerf optique et de la région
centrale maculaire.
Chez le grand enfant à partir de3à4ans, cet examen
anatomique peut être réalisé au biomicroscope (lampe à fente).
L’enfant est assis sur les genoux de ses parents ou bien est lui-
même à genoux sur le fauteuil d’examen. Chez le plus petit,
l’enfant est allongé, maintenu (ce qui est particulièrement
difficile entre 18 et 36 mois), et l’examen est réalisé à l’ophtal-
moscope direct, après éventuelle mise en place d’un écarteur à
paupière, sous anesthésie locale topique.
Le tonus oculaire, mesuré avant dilatation, est appréciable
après 3 ou 4 ans, au tonomètre de Goldmann ou au tonomètre
à air. Avant, l’anesthésie générale est nécessaire, avec mesure au
tonomètre portable de Perkins, en tenant compte de l’anesthésie
qui diminue de 30 à 50 % les valeurs tensionnelles.
L’examen sous anesthésie générale est parfois nécessaire, en
cas de doute diagnostique, ou encore juste avant une chirurgie
réalisée dans le même temps anesthésique.
Examens complémentaires
L’examen du champ visuel (statique automatisé ou cinétique
à la coupole de Goldmann) n’est uniquement possible qu’à
partir de 6 ans environ. Le test psychophysique de la fonction
de sensibilité aux contrastes est possible dès 5 ou 6 ans. Le bilan
électrophysiologique comprend l’électro-oculogramme sensoriel
(EOGs) qui teste la fonction de l’épithélium pigmentaire
rétinien (il nécessite une coopération et n’est pas réalisable
avant 4 à 5 ans), l’électrorétinogramme qui teste la fonction de
la neurorétine, et les PEV, qui testent de façon globale à la fois
la fonction maculaire et la fonction de conduction le long des
voies optiques jusqu’au cortex visuel. Si l’électrorétinogramme
réalisé sous anesthésie est souvent fiable, les PEV sous anesthésie
sont ininterprétables, car l’anesthésie en elle-même modifie très
fortement la réponse évoquée. Le test de vision des couleurs est
un examen très simple : le test d’Ishiara dépiste les dyschroma-
topsies héréditaires, le test du 15-Hue saturé et désaturé teste les
dyschromatopsies acquises.
Troubles de la réfraction
[18]
Définitions
Une amétropie est un trouble réfractif : le dioptre oculaire –
approximativement défini par la combinaison du dioptre
cornéen d’une puissance des deux tiers de la puissance totale,
soit 44 dioptries en moyenne, et du dioptre cristallinien d’une
puissance du tiers de la puissance totale, soit 22 dioptries en
moyenne – ne permet pas la focalisation des rayons lumineux
incidents sur la rétine, mais en avant ou en arrière. L’image
perçue n’est pas nette. On distingue les amétropies axiles
(longueur de l’œil inadaptée à la puissance du dioptre oculaire),
les amétropies d’indice (l’indice de réfraction des milieux – en
général le cristallin – varie, ce qui modifie la puissance normale
du dioptre), les amétropies de courbure, par modification de la
courbure de la cornée, modifiant de ce fait la puissance du
dioptre cornéen.
En cas de myopie, l’image d’un objet situé à l’infini (assimi-
lable à une distance de5menpratique) se projette en avant
de la rétine. Cette amétropie se corrige par un verre concave
(divergent).
En cas d’hypermétropie (hyperopie), l’image d’un objet situé
à l’infini se projette en arrière de la rétine. Cette amétropie se
corrige par un verre convexe (convergent). Le pouvoir d’accom-
modation du cristallin, c’est-à-dire sa capacité à augmenter sa
puissance par modification de sa courbure sous l’effet de la
contraction des muscles ciliaires, est fort chez l’enfant et
diminue avec l’âge ; il permet de compenser une hypermétropie
en ramenant le rayon lumineux vers l’avant. Cette compensa-
tion peut se manifester par des troubles fonctionnels à type de
céphalées intermittentes par exemple, ou par un strabisme
convergent, du fait du réflexe d’accommodation-convergence.
L’anisométropie est une variation importante de l’amétropie
des deux yeux. Elle peut induire une amblyopie de l’œil le plus
amétrope.
L’astigmatisme correspond à une différence de puissance du
dioptre oculaire selon deux méridiens différents. Elle est le plus
souvent cornéenne : la courbure de la cornée est plus impor-
tante selon son méridien vertical que selon son méridien
horizontal dans un astigmatisme dit conforme. L’image d’un
cercle correspond à une ellipse.
Étude de la réfraction
La mesure objective de la réfraction est possible même chez
le tout-petit par la méthode de la skiascopie, c’est-à-dire l’étude
du mouvement d’une barre lumineuse reflétée dans l’aire
pupillaire. L’examen se pratique obligatoirement après relâche-
ment de l’accommodation par instillation d’un collyre cycloplé-
gique. L’atropine est le « gold standard » ; elle s’utilise à la dose
d’une goutte matin et soir pendant la semaine précédant
l’examen.
Le dosage varie en fonction de l’âge : atropine à 0,3 % avant
3 ans, à 0,5 % entre 3 et 5 ans,à1%au-delà de 5 ans. Les
alternatives sont l’homatropine 1 %, instillée toutes les
20 minutes 2 heures avant l’examen, ou le cyclopentolate
(Skiacol
®
), dont les contre-indications sont les antécédents
neurologiques en particulier d’épilepsie non traitée et stabilisée,
le syndrome de Down, l’âge inférieur à 1 an. Ce collyre est par
ailleurs peu efficace chez le mélanoderme. Le cyclopentolate est
instillé trois fois en un quart heure et l’examen est réalisé à la
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minute (effet éphémère de 1 h). L’examen sous cycloplégie
permet de mettre au repos les phénomènes excessifs d’accom-
modation. Le principe est l’observation du mouvement de la
fente lumineuse, en sens direct ou inverse, et la recherche de la
puissance du verre permettant d’inverser ce mouvement,
correspondant à l’amétropie (en tenant compte de la distance
d’examen). La différence de mesure entre deux méridiens
perpendiculaires permet la mesure de l’astigmatisme. La mesure
de la réfraction a été grandement facilitée par les réfracteurs
automatiques, et en particulier les réfracteurs portatifs chez le
nourrisson. Il faut savoir renouveler l’étude de la réfraction et
les cycloplégies, car l’état réfractif n’est pas une donnée figée ;
elle est au contraire évolutive. La correction optique nécessaire
à l’enfant peut varier au cours du temps.
Pathologie de surface
Conjonctivites infectieuses
[19]
La pathologie conjonctivale infectieuse est fréquente chez
l’enfant, correspondant à un œil « sale » avec hyperhémie
conjonctivale et présence de sécrétions le matin. Les germes le
plus souvent en cause sont le streptocoque, le staphylocoque, le
pneumocoque. Le traitement associe un lavage oculaire matin et
soir et une antibiothérapie locale à « forte dose », c’est-à-dire au
moins 5 gouttes par jour pendant une courte période de 5 à
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