N° 142 mercredi 18 septembre 2013
Or nos concitoyens doutent de la capacité des élus à
agir. Il nous appartient à tous de répondre à cette
défiance. L’interdiction du cumul est une révolution
démocratique, ou plutôt une avancée qui n’a rien de
brutal, traduisant l’engagement du président de la
République.
Voix à droite. – Et alors ?
M. Manuel Valls, ministre. – Nos concitoyens
attendent cette réforme… (Protestations à droite)
M. Alain Gournac. – Ils veulent aussi le
rétablissement de la peine de mort !
M. Manuel Valls, ministre. – … gage d’une
République moderne, qui décide d’en finir avec cette
spécificité française, le cumul. (M. Pierre Charon rit)
Moi aussi, j’ai cumulé. (Vives exclamations à droite) Je
suis fier de porter aujourd’hui ce texte.
M. Jacques Mézard. – Erreur !
M. Manuel Valls, ministre. – Mon engagement est
le fait d’une réflexion…
M. Jacques Mézard. – De Mme Aubry !
M. Manuel Valls, ministre. – … à laquelle j’ai
modestement contribué. Mandaté par le parti
socialiste, j’ai proposé en 2011 la fin du cumul d’un
mandat parlementaire et d’un mandat exécutif local, et
cette proposition a été approuvée par les militants.
(L’argument suscite de vives protestations à droite)
Vous ne manquerez pas d’évoquer la situation
passée du Premier ministre et de celui qui fut
président du conseil général de Corrèze. François
Hollande souhaitait que le non-cumul s’applique à tous
par la loi. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.
M. Alain Gournac. – Mal !
M. Manuel Valls, ministre. – Interdire le cumul,
c’est aussi favoriser la parité déjà rendue obligatoire
pour l’élection des conseillers départementaux
(Protestations à droite) et nous avons étendu le scrutin
de liste à toutes les communes de plus de
1 000 habitants. (« Pas nous ! » à droite ;
applaudissements socialistes)
Être fidèle à la République, c’est adapter nos
institutions à la modernité. En 1985, puis en 2000, des
lois ont limité le cumul des fonctions. Nous
franchissons une nouvelle étape à présent. De la
limitation, nous devons passer à l’interdiction.
M. Jacques Mézard. – Pas pour Mme Aubry !
M. Manuel Valls, ministre. – Trente ans de lois de
décentralisation ont alourdi les responsabilités des
membres des exécutifs locaux ; depuis la réforme
constitutionnelle de 2008, le mandat de député ou de
sénateur est devenu plus exigeant. On ne peut plus
superposer ces mandats.
M. Éric Doligé. – Vous êtes le seul à le croire ici !
M. Manuel Valls, ministre. – C’est une avancée
pour la Ve République.
M. Éric Doligé. – Des mots !
M. Manuel Valls, ministre. – L’Assemblée nationale
a adopté ce texte par 300 voix de majorité.
M. Jacques Mézard. – Avec des pressions, des
menaces.
M. Manuel Valls, ministre. – Elle a élargi le non-
cumul aux sociétés publiques locales, aux SEM
locales, aux organes de la fonction publique
territoriale. Lisez le texte de l’Assemblée nationale !
(Vives protestations à droite)
M. Alain Gournac. – Quelle arrogance !
M. Manuel Valls, ministre. – Le Sénat doit
poursuivre son œuvre décentralisatrice, en affirmant
sa place dans nos institutions. (Rires ironiques à
droite) Évitez les pièges et les illusions. La première
d’entre elles consisterait à croire que nous pouvions
repousser ce débat sur une réforme attendue. (On le
conteste à droite)
M. Alain Gournac. – Baissez les impôts !
M. Manuel Valls, ministre. – Le Sénat ne peut
prétendre être pris au dépourvu : il s’est déjà prononcé
le 28 octobre 2010 en décidant de renvoyer en
commission le projet de loi organique de Jean-Pierre
Bel.
M. Jacques Mézard. – Eh oui !
M. Manuel Valls, ministre. – Certains estimaient
déjà que le plus urgent était d’attendre… Cette
réforme est justement la clé d’évolutions souhaitables.
M. Éric Doligé. – Un leurre !
M. Manuel Valls, ministre. – Je crains pourtant que
nous n’entendions les mêmes arguments dilatoires.
On dira qu’il faut « que tout change », ce sera une fois
encore « pour que rien ne change ».
Vos travaux sont placés sous le signe du sérieux et
de l’approfondissement. Le rapport Buffet-Labazée a
montré que les mandats locaux seront mieux servis
par le non-cumul.
J’ai personnellement souhaité que ces projets de loi
ne soient mis en œuvre qu’en 2017, conformément
aux vœux du Conseil d’État, mais aussi pour une
raison politique : laissons à chacun le soin de réfléchir,
de prévoir, de s’organiser.
Deuxième illusion dangereuse : la particularité du
Sénat. Le Gouvernement s’opposera aux
amendements tendant à créer une exception à son
profit. Il est illusoire de croire que le Sénat puisse
s’exonérer d’un mouvement de fond.
M. Alain Gournac. – Caricature !
M. Manuel Valls, ministre. – Ce serait néfaste pour
le Sénat lui-même.