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de les faire venir en Europe, il fallait les soutenir sur place. Nous avons assisté à un double
mouvement : d’une part, la Turquie a utilisé la crise migratoire pour faire pression sur
l’Europe dans le cadre des négociations d’adhésion. Elle a ouvert ses frontières et même
encouragé les réfugiés à partir. D’autre part, l’Allemagne, en déficit démographique, a besoin
d’une main-d’œuvre importante. Il ne s’agit donc pas au départ d’un acte de charité mais de
répondre aux intérêts de l’industrie allemande en important une main-d’œuvre qualifiée au
détriment des pays d’origine dont elle constitue la force vive.
Deuxième changement majeur, l’intervention russe, qui vient contrecarrer l’alliance avec
l’Arabie Saoudite qui fonctionnait à merveille et qui avait pour but de détruire le régime
syrien. Les Russes veulent mettre fin à la guerre et pour cela il convient de soutenir l’État
syrien et de lutter contre tous les rebelles, y compris les pseudos rebelles modérés. Le ministre
des affaires étrangères russes, Monsieur Lavrov, a indiqué que l’aviation russe n’envoyait que
des bombes modérées sur les rebelles modérés. Cela conduit à rebattre les cartes. Par ailleurs,
l’État islamique est devenu suffisamment puissant pour se retourner contre l’Arabie Saoudite
et la menacer comme pour menacer la France à travers les attentats que l’on a connus.
Ces attentats sont la troisième des choses qui ont changé depuis cet été et qui fait que la
France a désormais une attitude plus proactive pour lutter contre l’État islamique. Nous
restons encore très dépendants des Américains qui demeurent dans une position très ambiguë
puisqu’il ne cherche pas vraiment à détruire l’État islamique. Notre action est limitée par la
pénurie de bombes que nous devons commander en particulier aux Américains qui eux-
mêmes doivent largement fournir l’Arabie Saoudite qui bombarde tous les jours le Yémen.
En tout état de cause, l’élimination de l’État islamique suppose une ferme volonté de tous, y
compris de la Turquie, ce qui est loin d’être acquis aujourd’hui.
Le résultat est que la crise, au-delà de la communication, va perdurer et que ce sont les
populations, majoritairement musulmanes qui souffrent. Pour les chrétiens, c’est encore plus
problématique dans la mesure où ils sont en voie de disparition pure et simple. En Irak la
population chrétienne est passée en 10 ans de 1,5 millions à moins de 200 000 et en Syrie la
moitié de la population chrétienne a quitté le pays. Si la guerre continue il n’y aura bientôt
plus de chrétiens ni en Irak ni en Syrie. C’est triste pour le christianisme mais c’est aussi triste
pour ces pays-là car, comme on le sait, avec la disparition des chrétiens ils vont totalement se
refermer sur eux-mêmes, ils vont continuer à se radicaliser et à poursuivre leur guerre
intracommunautaire. Sans la présence des chrétiens pour les départager, on est en train de
vouer ces pays à un chaos sans fin comme celui que nous avons réussi à provoquer en Libye.
M. Bruno Retailleau, président- Je remercie pour cette introduction géopolitique très
intéressante et passe à présent la parole à M. Michel Varton au nom de l’ONG « Portes
ouvertes ».
M. Michel Varton, directeur de l’ONG « Portes Ouvertes » - notre organisation est
d’origine protestante évangélique. Elle existe depuis 1996 en France. « Open Doors » a été
fondé en 1955 par un néerlandais, Ann Van Der Bijl
.
L’organisation travaille sur le terrain