AUTRES FACTEURS DE RISQUE EMBOLIQUE
Il est vraisemblable, voire certain, que d’autres facteurs que la
taille de la végétation elle-même interviennent dans le risque
embolique. La présence d’anticorps antiphospholipides, les para-
mètres de la coagulation et l’activation des cellules endothéliales
sont des facteurs dont il a été montré récemment qu’ils étaient
significativement associés à une majoration du risque embolique
d’une végétation (11). Une approche thérapeutique médicale
potentielle pour réduire le risque embolique serait l’utilisation de
l’aspirine. Après des travaux expérimentaux prometteurs, les
études cliniques n’ont malheureusement pas confirmé l’effica-
cité d’un tel traitement dans l’endocardite (12).
D’autres facteurs, bactériologiques ceux-là, sont vraisemblable-
ment aussi liés au risque embolique ; par exemple, les endocar-
dites à Candida et à staphylocoque auraient un risque embolique
plus marqué. Le risque embolique d’autres germes est plus dis-
cuté ; dans notre expérience, les endocardites à Streptococcus
bovisauraient un risque embolique plus élevé que les autres strep-
tocoques (13).
Enfin, les endocardites du cœur droit s’accompagneraient d’une
incidence plus élevée d’accidents emboliques que celles du cœur
gauche.
QUE FAIRE EN PRATIQUE
En résumé, malgré quelques études divergentes, et bien que l’ap-
préciation du risque individuel pour un patient reste difficile, le
risque embolique semble clairement lié à la présence et à la taille
de la végétation ; ce risque apparaît particulièrement net pour les
végétations de plus de 15 mm, et, dans certaines études, pour les
végétations en position mitrale.
Ce risque est d’autant plus important que le patient n’est pas
encore traité : le taux d’embolies sous traitement est relativement
faible, de l’ordre de 10 %, et diminue encore après deux semaines
de traitement, l’essentiel du risque embolique se situant dans les
jours qui suivent le diagnostic d’endocardite et la mise en évi-
dence de la végétation. Néanmoins, si le risque de survenue d’une
embolie sous traitement est faible, il existe réellement et reste lié
à la taille et à la mobilité des végétations.
Faut-il pour autant envisager systématiquement une chirurgie de
principe devant une végétation volumineuse isolée ? Probable-
ment pas. En fait, les études précédentes ont permis de conclure
que le risque embolique était lié à la taille de la végétation, mais
aucune n’a spécifiquement montré qu’il était réduit par la
chirurgie pratiquée dans ce contexte. Bien que la chirurgie
précoce ait fait la preuve de son intérêt dans l’endocardite
infectieuse aiguë, la décision d’intervenir reste difficile et à
discuter au cas par cas chez les patients concernés.
Deux situations peuvent finalement être envisagées
en pratique :
✔La présence d’une végétation volumineuse est associée à
une autre indication chirurgicale, hémodynamique, bactério-
logique, embolique : dans ces cas, la présence d’une végétation
“menaçante” est un argument supplémentaire pour intervenir
chirurgicalement, et certainement pour opérer tôt. Dans les cas
d’indication “limite”, quand une discussion médico-chirurgicale
n’emporte pas la décision, par exemple devant une fuite valvu-
laire volumineuse sans signe d’insuffisance cardiaque, l’existence
d’une volumineuse végétation mobile doit là aussi faire pencher
en faveur d’une indication chirurgicale.
✔La volumineuse végétation est isolée, sans embolie clinique,
sans insuffisance cardiaque, sans fuite valvulaire massive et sans
abcès. C’est la situation la plus difficile : elle doit être discutée
au cas par cas. Le réflexe oculo-chirurgical conduisant à opérer
toute volumineuse végétation doit être évité. Si la végétation est
réellement isolée, après s’être assuré qu’elle n’a pas été respon-
sable d’une embolie silencieuse, par exemple splénique, l’atti-
tude retenue est loin d’être univoque dans la littérature ; la nôtre
est de proposer une chirurgie rapide à ces patients, quel que soit
le siège aortique ou mitral de la végétation, dès lors que celle-ci
est très volumineuse (> 15 mm) et très mobile.
Devant une végétation volumineuse, il paraît logique d’avancer
la date de la chirurgie chez les patients pour lesquels il existe en
outre une autre indication chirurgicale “classique” (embolique,
hémodynamique, infectieuse). Devant une végétation volumi-
neuse isolée, la chirurgie prophylactique doit être réservée aux
végétations mitrales ou aortiques très mobiles et de taille supé-
rieure à 15 mm.
Bibliographie
1. Di Salvo G, Habib G, Pergola V et al. Echocardiography predicts embolic
events in infective endocarditis. J Am Coll Cardiol 2001 ; 37 : 1069-76.
2.Steckelberg JM, Murphy JG, Ballard D et al. Emboli in infective endocarditis :
the prognostic value of echocardiography. Ann Intern Med 1991 ; 114 : 635-40.
La Lettre du Cardiologue - n° 352 - février 2002
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MISE AU POINT
Figure 3. Taux d’événements emboliques selon la taille de la végétation.
CONCLUSION