Bemisia tabaci (Homoptera, Aleyrodidae) est un insecte polyphage, véritable
ravageur de cultures dans le monde entier, tant par les dommages directs induits
que par la transmission de virus phytopathogènes. Comme tous les insectes se
nourrissant de sève phloémienne, milieu très déséquilibré, B. tabaci possède un
symbiote nutritionnel obligatoire, Portiera. En plus de ce symbiote primaire, B.
tabaci est infecté par au moins six symbiotes secondaires, dont certains sont
phylogénétiquement éloignés. Ces symbiotes, dont les effets phénotypiques ne
sont pas connus pour le moment chez cette espèce, joueraient un rôle majeur
dans la capacité de transmission des virus. B. tabaci est un complexe d’espèces
cryptiques composé d’une vingtaine de biotypes qui diffèrent dans leur spectre
d’hôtes, leur résistance aux insecticides, leur capacité à transmettre des virus de
plantes et leur cortège symbiotique. Ces biotypes peuvent être distingués à l’aide
de marqueurs moléculaires (nucléaire et mitochondrial) et biochimiques.
Cependant il existe encore de nombreuses questions sur la nature exacte de ces
biotypes, notamment sur la complexité de leurs interactions biologiques et leur
isolement reproductif, qui sont des éléments importants pour l’identification et la
mise en place de stratégies de contrôle efficaces.
De récentes études phylogénétiques basées sur un marqueur mitochondrial
(Cytochrome Oxydase 1) ont permis d’identifier l’existence de groupes
génétiques au sein de ces biotypes. Ainsi, l’un des biotypes les plus invasifs,
appelé Q, peut être séparé en trois sous-biotypes (Q1, Q2 et Q3). Ces groupes
présentent des statuts d’infection différents, mais il n’y a pas de données
concernant leurs différentes caractéristiques biologiques. En France, des
individus des groupes Q1 et Q2 sont retrouvés en sympatrie. Une étude
préliminaire réalisée à l’aide de marqueurs microsatellites n’a pas mis en
évidence de différentiation génétique entre des populations appartenant à ces
deux groupes, indiquant l’existence de flux de gènes. Ces résultats amènent à se
poser la question suivante : comment des individus interféconds, qui partagent
un même génome nucléaire mais qui diffèrent par leur compartiment
cytoplasmique (génome mitochondrial et bactéries symbiotiques) peuvent-ils
coexister et se maintenir dans les populations ? Le stage de M2 tentera
d’apporter des éléments de réponse à travers l’étude de différents aspects.
1. Une étude microsatellite portant sur des populations du sud de la France sera
réalisée afin de confirmer les résultats préliminaires obtenus sur un faible
échantillonnage.
2. Des croisements entre individus des deux biotypes permettront de déterminer
leur compatibilité cytoplasmique et nucléaire, ainsi que l’influence des différents
symbiotes.
3. Des mesures de traits d’histoire de vie d’individus des deux biotypes seront
réalisées sous différents environnements (température, plante hôte).
4. La capacité compétitrice des deux biotypes pourra être étudiée en cages à
population.
Ce stage comporte donc à la fois la manipulation d’insectes, l’utilisation de
techniques de biologie moléculaire de base et l’analyse de données (génétique
des populations).