Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire 13
Réadaptation cardiaque des patients atteints de
néphropathie chronique
Jason Andrade, M.D., Boursier en cardiologie, St. Paul’s Hospital, University of British Columbia,
Vancouver, Colombie-Britannique
Mots clés
Néphropathie chronique, exercice physique, anémie
Contexte
Les néphropathies chroniques représentent un trouble cou-
rant; la Fondation canadienne du rein estime que 2 millions
de Canadiens en sont affligés. Les maladies cardiovasculaires
sont fréquentes chez les patients atteints de néphropathie
chronique et constituent la première cause de mortalité chez
ces patients, quel que soit le stade de l’atteinte rénale. Bien
que l’on considère la dialyse comme la conséquence la plus
importante des néphropathies, les patients risquent beaucoup
plus de mourir d’une manifestation cardiovasculaire
avant de nécessiter une thérapie de remplacement rénal1.
En effet, à mesure que la fonction rénale se dégrade, la
mortalité toutes causes confondues et la mortalité d’origine
cardiovasculaire augmentent exponentiellement; ce risque
est significativement plus élevé dans les populations exposées
par ailleurs à un plus faible risque, comme celles l’on
observe une faible fréquence de maladies cardiovasculaires2.
On estime aussi que plus de 40 % des patients atteints
de maladie cardiovasculaire déclarée souffrent d’une
néphropathie chronique concomitante3. La présence de
néphropathie chronique s’associe à un pronostic nettement
plus sombre que dans les cas de maladie coronarienne et
d’insuffisance cardiaque avérées concomitantes et expose les
patients à un risque accru de mortalité et d’hospitalisation3,4.
On estime qu’après un infarctus du myocarde, le risque de
mortalité est multiplié par 3, par 7 et par > 10 en cas de
dysfonction rénale légère (filtration glomérulaire estimative
[FGE] : 51-75 mL/min), modérée (FGE : 35-50 mL/min)
et grave (FGE : < 35 mL/min), respectivement5. Pour
compliquer les choses, les patients atteints de néphropathie
chronique présentent de moins bons résultats aux
interventions de revascularisation (interventions percutanées
ou pontage coronarien), qui s’associent à des taux de
complications plus élevés6.
Facteurs de risque de maladie cardiovasculaire et
de néphropathie chronique
Le fardeau associé aux facteurs de risque traditionnels est
accablant dans les néphropathies chroniques. Les facteurs
de risque habituels tels l’hypertension, la dyslipidémie,
l’âge avancé, le diabète, le tabagisme et la sédentarité sont
particulièrement répandus dans la population atteinte de
néphropathie chronique. Selon certaines estimations, la
fréquence de l’hypertension, du diabète et de la dyslipidémie
dépasserait 60 % dans chaque cas, ce qui peut expliquer
en grande partie le risque accru associé aux néphropathies
chroniques1,6-8.
Même lorsque ces facteurs de risque standard sont
maîtrisés, la néphropathie chronique demeure un puissant
facteur de prédiction de manifestations cardiovasculaires,
ce qui a incité l’American Heart Association à recommander
que les patients atteints de néphropathie chronique soient
d’emblée « considérés comme appartenant au groupe
exposé au risque le plus élevé »1. Cela est probablement lié
au caractère unique de la néphropathie chronique et à la
perturbation physiologique qui en découle. Globalement,
les répercussions des facteurs de risque traditionnels
correspondent à celles qu’on observe dans la population
générale, à quelques différences de taille près. Chez les
patients atteints de néphropathie chronique, on observe une
courbe de mortalité en U associée aux taux de cholestérol et
à l’hypertension, le risque de mortalité étant le plus élevé aux
deux extrêmes des mesures. En outre, on a proposé l’hypothèse
selon laquelle la néphropathie chronique s’associerait à
une exposition aux facteurs de risque « qualitativement et
quantitativement » différente. C’est-à-dire qu’étant donné
que les causes de la néphropathie chronique sont liées à
celles du diabète et de l’hypertension, les patients souffrant
de néphropathie chronique pourraient faire l’objet d’une
exposition plus intense et plus longue à ces facteurs de
risque. De la même façon, on associe les néphropathies
chroniques à une hypertension et à une dyslipidémie plus
graves. Il y a aussi le fardeau lié aux facteurs de risque
non traditionnels associé aux néphropathies chroniques.
Plusieurs, comme l’inflammation (protéine C-réactive,
interleukine-6, fibrinogène), l’anémie, le stress oxydatif, les
anomalies du métabolisme phosphocalcique et la surcharge
hémodynamique, ont été associés à une élévation du risque
cardiovasculaire tant dans la population générale que dans la
population atteinte de néphropathie chronique1,7.
« […] les patients atteints de néphropathie
chronique [doivent] d’emblée [être] considérés
comme appartenant au groupe exposé au
risque le plus élevé. »
14 Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
Les programmes de réadaptation cardiaque
multidisciplinaires offrent une occasion en or d’intervenir
chez ce groupe de patients. Malgré le risque accru auquel
ils sont exposés, les patients souffrant de néphropathie
chronique sont moins susceptibles de faire l’objet de
modifications énergiques des facteurs de risque au moyen
de traitements qui se sont avérés bénéfiques chez les patients
dont la fonction rénale est normale. Certaines études
ont démontré que la fréquence des ordonnances d’AAS,
de bêtabloquants, de statines et d’inhibiteurs de l’ECA
est inversement proportionnelle à l’état de la fonction
rénale1,3,5,9. Cependant, les résultats d’une analyse canadienne
publiée en 2004 portent à penser que les patients atteints de
néphropathie chronique, à quelque stade que ce soit, tirent
effectivement des bienfaits de ces traitements, souvent à un
degré comparable à ceux dont la FGE est normale.1,3
Forme physique et néphropathie chronique
Les patients atteints de néphropathie chronique présentent
une fonction physique limitée dans de nombreux domaines
subjectifs et objectifs. Plusieurs études ont révélé des déficits
au chapitre des mesures de la forme cardiorespiratoire
(distance/temps de marche, tapis roulant, bicyclette
ergométrique) et de la force musculaire lorsqu’on les
compare à des témoins en bonne santé ou à la performance
prédite. On a démontré que cette réduction de l’aptitude à
l’effort affectait significativement la qualité de vie et qu’elle
s’associait indépendamment à une morbidité et à une
mortalité plus élevées10-13.
S’ajoutant à ces observations, des résultats de recherche
ont récemment démontré qu’il existe un lien entre la diminu-
tion de la performance physique et la baisse de la créatinine au
fil du temps, indépendamment du taux d’hémoglobine. Lors
d’une étude récente, on a examiné des patients présentant
une atteinte rénale modérée (filtration glomérulaire [FG] de
31 mL/min)14. Au début de l’étude, les auteurs ont trouvé que
la performance à l’exercice était nettement inférieure à celle
prédite pour des personnes sédentaires saines du même âge
et du même sexe (VO2 maximal de 1,88 L/min à la bicyclette
ergométrique, soit 82 % de la valeur prédite). Sur deux ans,
la consommation d’oxygène a diminué parallèlement à la
détérioration de la fonction rénale (baisse de 9 % du VO2
maximal et diminution de 28 % de la FG). De la même
façon, la force dans les jambes, telle que mesurée au moyen
d’un dynamomètre isocinétique, a chuté en lien avec la FG
estimative en dépit du maintien de la région transversale des
muscles de la cuisse mesurée à la tomographie assistée par
ordinateur.
Les bienfaits de la réadaptation cardiaque
Jusqu’à présent, la population atteinte de néphropathie
chronique a fait l’objet d’études insuffisantes; toutefois,
des preuves indiquent que des programmes d’exercice
structurés peuvent améliorer les résultats dans cette
population. On a démontré que, grâce à une combinaison
d’exercices d’assouplissement et de musculation et d’exer-
cices aérobiques, les programmes de réadaptation cardiaque
avaient des effets bénéfiques sur la forme physique
(entraînement en aérobie et en résistance), la fonction
psychosociale, la qualité de vie (impact de la maladie et scores
relatifs aux symptômes), les paramètres cardiorespiratoires
(notamment la fonction systolique ventriculaire gauche)
et les paramètres de la fonction rénale chez des patients
atteints de néphropathie chronique d’intensité modérée à
grave2,10,15,16. On a également démontré qu’ils exerçaient des
bienfaits sur la pression artérielle, les paramètres lipidiques,
le taux d’hémoglobine et les mesures de la rigidité artérielle.
Cependant, jusqu’à présent, seules deux études se sont
penchées particulièrement sur les effets d’un programme de
réadaptation cardiaque structuré chez les patients atteints
de néphropathie chronique17,18.
La première étude, publiée en 2005, portait sur un
groupe de patients atteints ou non de néphropathie
chronique d’intensité légère à modérée qui ont suivi un
programme de réadaptation cardiaque. Les patients atteints
de néphropathie chronique admis au départ étaient plus
âgés, présentaient plus de facteurs de risque et d’affections
concomitantes et avaient une capacité fonctionnelle moindre
et une perception plus négative de leur état de santé que les
patients ne souffrant pas de néphropathie chronique. À la fin
du programme de réadaptation cardiaque, les deux groupes
présentaient des améliorations significatives de leur indice de
masse corporelle, de leur tour de taille, de leur alimentation,
de leur bilan lipidique, de la distance parcourue en 6 minutes
de marche, de leur degré d’activité physique autoévalué
et de leur perception de leur état de santé. De plus, une
proportion similaire de patients a atteint ses objectifs de
prévention secondaire dans les deux groupes. Il est intéressant
de noter que, bien que les patients atteints de néphropathie
chronique aient continué de présenter des scores inférieurs à
la composante physique de leur bilan de santé et une moins
bonne capacité fonctionnelle que les personnes du groupe ne
souffrant pas de néphropathie chronique, l’amélioration de
leur forme physique à la suite de la réadaptation cardiaque
était comparable à celle du groupe qui n’était pas atteint
de néphropathie chronique. Les auteurs ont observé que
les patients atteints de néphropathie chronique ont tiré
de la réadaptation cardiaque des bienfaits au chapitre de
la réduction du risque coronarien comparables à ceux des
patients ne souffrant pas de néphropathie chronique17.
La deuxième étude a poussé la recherche un peu plus loin
en se penchant sur les patients exposés à un risque plus élevé
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire 15
(ayant subi un pontage coronarien), atteints de néphropathie
au stade terminal et traités par hémodialyse. Les résultats
ont révélé que les patients qui suivaient un programme
de réadaptation cardiaque au cours des 6 mois suivant un
pontage coronarien bénéficiaient d’une réduction de 35 %
du risque de mortalité toutes causes confondues et d’une
baisse de 36 % du risque de mortalité d’origine cardiaque
par rapport aux patients en dialyse qui n’avaient pas reçu de
réadaptation cardiaque18.
Obstacles à la réadaptation cardiaque
Malgré les bienfaits observés de la réadaptation cardiaque
en cas de néphropathie chronique, les programmes de
réadaptation cardiaque sont nettement sous-utilisés.
Dans l’étude décrite plus haut, le taux d’admission aux
programmes de réadaptation cardiaque structurés suivant
un pontage n’a atteint que 10 %, moins de la moitié de celui
constaté chez les patients qui ne suivent pas de dialyse2. Bien
que des facteurs socio-économiques, logistiques et propres
aux patients jouent un rôle, on ne dirige pas suffisamment
les patients atteints de néphropathie chronique vers ces
programmes, car on juge souvent que la réadaptation
cardiaque continue ne leur convient pas. Cela semble
entrer en contradiction avec l’observation selon laquelle la
population atteinte de néphropathie chronique aurait tout
à gagner d’une participation à un programme structuré de
réadaptation cardiaque étant donné l’importance de leur
insuffisance rénale et le lourd fardeau de la maladie.17
Considérations particulières à cette population
Hémoglobine L’anémie est un facteur de risque bien connu
de diminution de la capacité d’effort dans la population
générale. Chez les patients atteints de néphropathie
chronique, on a démontré l’existence d’une relation directe
entre le taux d’hémoglobine et la tolérance à l’exercice. Des
études ont également montré que le traitement par des
agents stimulant l’érythropoïèse (c.-à-d., érythropoïétine)
améliorait la capacité d’effort et le VO2 maximal dans
la population atteinte de néphropathie chronique19. Par
conséquent, on devrait s’efforcer de corriger l’anémie
associée aux néphropathies chroniques.
Entraînement musculaire et exercices en résistance
On a clairement décrit les anomalies de la taille et de la
distribution des fibres musculaires qui sont courantes dans
les phropathies chroniques. On a proposé une hypothèse
selon laquelle ces « modifications musculaires intrinsèques
(…) contribueraient davantage à de faibles performances que
la limitation de l’apport d’oxygène »14. En outre, une étude
datant de 1997 a révé que, comme dans la population
générale, l’entraînement musculaire seul peut améliorer le
VO2 maximal chez les patients atteints de néphropathie
chronique, soulignant ainsi l’importance de l’entraînement
en résistance16.
Facteurs de stress et ajustement psychologique
Le patient atteint de néphropathie chronique peut présenter
un niveau de stress plus élevé en raison de soucis liés à
l’altération de son rôle et de ses responsabilités sociales,
à des problèmes de dépendance et d’interdépendance
et à l’incertitude face à l’avenir. Généralement, ces
inquiétudes s’intensifient à mesure que la maladie évolue
vers le stade ultime et que la nécessité d’un traitement de
remplacement rénal devient imminente. La réadaptation
cardiaque offre l’occasion de favoriser le développement de
facultés d’adaptation et d’aider les patients à s’ajuster à ces
changements angoissants.
Conseils en matière d’alimentation
Le counselling nutritionnel joue un rôle important à tous
les stades des néphropathies chroniques. Une intervention
appropriée et précoce peut aider à préserver le bien-être
du patient en maintenant une alimentation optimale, en
prévenant ou en réduisant les perturbations métaboliques
liées aux néphropathies chroniques et en retardant la
progression de l’insuffisance rénale20.
Conclusion
Les patients atteints de néphropathie chronique
représentent un sous-groupe de patients exposés à un
risque élevé susceptibles de tirer des bienfaits significatifs
d’un programme traditionnel de réadaptation cardiaque
multidisciplinaire structuré. Mis à part les gains significatifs
qui peuvent découler de l’exercice physique structuré
régulier, la réadaptation cardiaque offre l’occasion de
procurer une prévention secondaire complète. La nature
multidisciplinaire du programme permet aussi d’adapter
le traitement en intervenant sur le plan de l’alimentation
et en offrant un counselling psychosocial, une rééducation
en matière d’autonomie fonctionnelle et de capacité
d’adaptation ainsi qu’une intervention pharmacologique,
au besoin.
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16 Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
Comprendre le patient souffrant de MPOC complexe –
Les affections concomitantes, la gravité de la
maladie et le sexe influent-ils sur les résultats de la
réadaptation pulmonaire?
Michael K. Stickland, Ph. D.§, G. Fred MacDonald, M.D., Monica Pratley, Inh. R.R.T., Eric Wong, M.D.§†
§ Département de pneumologie, Faculté de médecine et de dentisterie, University of Alberta, Edmonton, Alberta
† Caritas Centre for Lung Health, Edmonton General Hospital, Edmonton, Alberta
Contexte
Des résultats de recherche ont démontré que la réadaptation
respiratoire entraîne chez les patients atteints de maladie
pulmonaire obstructive chronique (MPOC) des améliora-
tions significatives des résultats en matière de santé. En effet,
tel qu’on l’a mentionné dans une revue récente, « la question
ne consiste plus à se demander si les patients atteints de
MPOC devraient suivre une réadaptation respiratoire, mais
plutôt comment la réadaptation respiratoire devrait être
prodiguée aux patients et quelles composantes sont à la base
du succès des programmes de réadaptation respiratoire »1.
On a démontré que la réadaptation respiratoire constituait
une stratégie thérapeutique plus efficace que la prise en
charge pharmacologique traditionnelle pour atténuer la
dyspnée et améliorer l’endurance à l’exercice et la qualité
de vie chez les patients atteints de MPOC2,3. Ainsi, la
réadaptation respiratoire est devenue la nouvelle norme en
matière de soins chez les patients atteints de pneumopathie
chronique4.
La maladie pulmonaire obstructive chronique s’associe
à de nombreuses affections concomitantes, en particulier
celles liées aux maladies cardiovasculaires (coronaropathie,
hypertension, etc.), probablement parce que la fumée de
cigarette constitue à la fois la principale cause de MPOC et
un important facteur de risque de maladie cardiovasculaire.
En effet, les patients souffrant de MPOC qui présentent
les atteintes les plus graves de la fonction pulmonaire
sont exposés au risque le plus élevé de morbidité et de
mortalité cardiovasculaires5. Les patients atteints de maladie
pulmonaire obstructive chronique ne sont généralement
pas adressés à un centre de réadaptation avant de devenir
symptomatiques, et cela fait en sorte que les patients qui
commencent la réadaptation respiratoire constituent
généralement des cas complexes présentant des affections
concomitantes multiples.
Beaucoup des articles d’importance sur les résultats
de la réadaptation respiratoire ont exclu les patients
présentant des affections concomitantes importantes ou
ont omis d’évaluer comment ces affections concomitantes
influent sur les améliorations de l’état de santé découlant
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