Congrès Congrès Congrès Congrès Congrès Nouvelle approche de la problématique alcool avec le baclofène Colloque Alcool et hépatopathies chroniques, Paris, 13 octobre 2012 Xavier Aknine* Ce colloque, organisé par l’Association nationale pour la recherche et l'étude sur les hépatopathies chroniques (Angrehc), en partenariat avec l’Association des usagers et sympathisants du baclofène (Aubes) et le Réseau de soignants alcool et baclofène (Resab), a réuni 200 médecins généralistes, psychiatres, addictologues, hépatologues, psychologues ou infirmiers venus de tous les coins de l'Hexagone. Certains exercent en libéral, d'autres en Centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou à l'hôpital. Au centre des débats : la place du baclofène dans la prise en charge des patients ayant un problème d’alcool (abus et alcoolodépendance). A u menu de cette très riche journée qui a permis un débat vif, passionné et contradictoire : les présentations très appréciées de P. Jaury, médecin généraliste à Paris et coordinateur de l’étude Bacloville ; P. Gache, psychiatre à Genève ; B. Granger, psychiatre à l’hôpital Cochin où s’est déroulé le colloque ; P. Sogni, hépatologue à l’hôpital Cochin ; et L. Rigal, médecin généraliste à Paris. Avec la participation du vice-président de la Société française d’alcoologie (P. Kiritze-Topor) et d’un responsable de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (A. Rigaud). Ce débat rappelait, à bien des égards, celui surgi il y a une vingtaine d’années sur les traitements de substitution aux opiacés, lancé par quelques médecins généralistes pionniers qui prescrivaient de la buprénorphine (Temgesic®), hors autorisation de mise sur le marché (AMM), aux patients héroïnomanes. Il faut souvent passer par ce type de mobilisation militante des médecins pour faire évoluer la réglementation et la position des autorités de santé publique (ANSM). “FOCUSES” 4 L’étude rétrospective de Philippe Jaury porte sur une file active de 132 patients, suivis en médecine générale et traités par baclofène. Les résultats à 1 an sont remarquables : 78 d’entre eux (59 %) sont devenus abstinents et 28 (21 %) ont une consommation d’alcool acceptable, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [moins de 3 verres par jour]. Un nouveau paradigme émerge : l’abstinence totale n’est pas nécessaire pour la réussite du traitement. À 2 ans, on note 47 perdus de * Président de l’Association nationale pour la recherche et l’étude sur les hépatopathies chroniques (Angrehc). Site : www.angrehc.com. E-mail : [email protected] vue et un taux de succès de 49 % avec une dose moyenne de baclofène de 115 mg/jour. 4 L’étude de L. Rigal présente un profil de tolérance du baclofène pour 116 patients avec un recensement des principaux effets indésirables (somnolence : 45 % ; assoupissement brutal, “coup de barre” : 29 % ; excitation : 11 % ; sueurs : 10 %, vertiges). Les effets indésirables surviennent à faible dose, puis régressent en général à dose moyenne. 4 B. Granger souligne le taux de 80 % de comorbidité psychiatrique chez les patients sous baclofène. Un suivi psychiatrique est donc nécessaire pour ces patients, en particulier pour traiter les patients bipolaires. À l’arrêt de l’alcool, émerge souvent la pathologie psychiatrique. Il met en garde contre le risque d’épisode maniaque sous baclofène pouvant entraîner le décès. 4 P. Gache expose les règles de prescription du baclofène. Pour sa part, il cible les patients alcoolodépendants et les échecs de tentative de sevrage. Il en rappelle les contre-indications : insuffisance rénale, épilepsie non traitée et danger du traitement chez les patients de plus de 70 ans. La dose individuelle efficace n’est pas liée au poids, mais elle doit être définie pour PISTES D’AVENIR Elles concernent l’organisation des soins, avec les perspectives de l’Angrehc, la naissance du réseau Resab, coordonné par le Dr Patrick De La Selle (médecin généraliste à Montpellier), qui prévoit l’organisation de formations en 2013 dans le cadre du Développement professionnel continu (DPC) et la mise en place d’un Observatoire ainsi que le développement des mini-réseaux de proximité autour du réseau d’affinité de chaque patient. Ces pistes d’avenir renvoient aux nouveaux modes de rémunération, à la loi “Hôpital, patients, santé, territoires” (HPST), aux dispositifs sur l’éducation thérapeutique et aux futures Sociétés inter-professsionnelles de salariat ambulatoire (SISA). v PERSPECTIVES ANGREHC L’Angrehc vise à créer des convergences entre les médecins généralistes prescripteurs de baclofène et ceux qui prennent en soins des patients usagers de drogues (UD) sous traitement de substitution aux opiacés (TSO) [buprénorphine haut dosage, méthadone]. Il s’agit en effet de mutualiser l’action des médecins généralistes sur ces 2 champs, afin d’éviter la dispersion des forces et parce que de nombreux patients sont concernés par les 2 problématiques. Ce colloque du 13 octobre, co-organisé par l’Angrehc, Aubes et le Resab fut la première initiative en ce sens. Dans ce cadre, l’Angrehc va développer les mini-réseaux de proximité à partir des réseaux d’affinité de médecins généralistes pour construire une réponse adaptée aux patients en situation de crise et présentant plusieurs facteurs de vulnérabilité socio-sanitaire. Sur le plan du dépistage des hépatites, l’Angrehc veut promouvoir l’utilisation des tests rapides d’orientation diagnostique (tests de dépistage salivaire et sur sang capillaire du VHC) en médecine générale. Le Resab* entreprendra de manière synergique un certain nombre d’actions de formation des médecins généralistes sur la prescription du baclofène et mettra en place un espace d’échange réellement interactif entre eux. * Resab : 243, bd Raspail, 75014 Paris. Fax : 04 67 34 07 74. E-mail : [email protected] 25 Addict déc 2012.indd 25 chaque patient en fonction de la tolérance clinique. Cette dose peut varier de 0,1 mg/kg à 6 mg/kg. Au-delà de 100 mg par jour, il préconise d’allonger les paliers de 4 à 5 jours. Il conseille de fractionner les prises et d’augmenter les posologies durant les périodes “buvables” où le patient consomme de l’alcool. Il n’y a pas d’effet sur le craving en début de traitement, mais à partir d’une certaine dose. Il conseille de ne pas hésiter à réduire les doses en cas d’effet indésirable, puis à les “remonter”, dans un deuxième temps, car ces effets indésirables sont réversibles. 4 En ce qui concerne l’hépatite C et l’alcool, P. Sogni explique qu’il s’agit d’une association grave, responsable d’un nombre important de décès et d’une réduction de l’espérance de vie de 15 ans. La fibrose hépatique s’aggrave si la consommation d’alcool est supérieure à 50 g par jour. L’alcool agit sur le système immunitaire intra-hépatique, mais le taux de réponse virologique soutenue (RVS) est similaire (étude Trabut) pour les patients buveurs sous bithérapie antivirale et pour les non-buveurs. Il a souligné que l’accès au traitement de l’hépatite C des patients buveurs est plus faible et plus tardif que pour les autres patients. Les progrès thérapeutiques sont également présentés avec l’espoir d’augmenter les taux de guérison jusqu’à 90 % avec les nouvelles molécules. Le Courrier des addictions (14) ­– n ° 4 – octobre-novembre-décembre 2012 10/12/12 11:08