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Evidence-based medicine
H é p a t o l o g i eP h y t o t h é r a p i e
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 7 - décembre 2006
Les plantes médicinales sont-elles efficaces
dans le syndrome de l’intestin irritable ?
Ce qu’il faut retenir
Dans le syndrome de l’intestin irritable (SII), de
nombreuses plantes médicinales différentes
ont fait l’objet d’essais randomisés soit contre
placebo, soit contre un médicament tradi-
tionnel. Les essais contre placebo publiés sont
en faveur d’une ecacité de diverses prépa-
rations chinoises, tibétaines ou indiennes.
Certains essais contre médicament traditionnel
ont montré une supériorité de diverses prépara-
tions d’herbes médicinales sur les molécules de
comparaison (antispasmodiques, probiotiques),
mais de nombreux essais n’ont pas montré de
diérence signicative (avec des comparateurs
comme une argile, le lopéramide, un papavé-
rinique).
Il n’y a donc pas, actuellement, de preuve pour
traiter un SII par herbe médicinale, mais certaines
données prometteuses incitent à poursuivre les
essais.
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est caractérisé par
une douleur ou une gêne abdominale associée à différents
symptômes digestifs, évoluant de manière chronique et
récurrente.
Selon les critères diagnostiques, le SII est retrouvé dans 17 à 22 %
de la population générale actuelle. Il s’agit du diagnostic le plus
fréquemment porté dans une consultation de gastroentérologie.
La forte prévalence du SII induit des coûts de santé importants
en rapport avec les explorations, les traitements et la perte de
productivité. Par ailleurs, ce syndrome est fréquemment à l’ori-
gine d’une incompréhension entre malade et médecin, le patient
ne comprenant pas qu’à l’ère d’une médecine hyperévoluée, il
ne soit pas possible de soulager efficacement et durablement
des symptômes aussi banaux qu’une douleur abdominale ou
un ballonnement.
Niveau de preuve
En effet, les moyens thérapeutiques sont quasi inefficaces. Du point
de vue médicamenteux, les classes thérapeutiques disponibles en
France (antispasmodiques, laxatifs, antidiarrhéiques, antiflatulents,
antidépresseurs) n’ont pas d’efficacité prouvée par des essais rando-
misés, contrôlés, de bonne qualité, portant sur un nombre suffisant
de patients bien caractérisés. Les seules molécules ayant prouvé
leur efficacité sur la symptomatologie globale et sur la douleur du
SII ne sont pas disponibles soit en raison de la possibilité d’effets
secondaires graves (cas des antagonistes 5-HT3 comme l’alosétron
et le cilansétron, responsables de constipations sévères et de colites
ischémiques), soit en raison d’une efficacité jugée marginale et non
cliniquement pertinente (cas du tégasérod, agoniste 5-HT4).
Il existe donc un besoin évident de nouvelles thérapeutiques
dans le SII, en attendant des progrès décisifs dans le domaine
de la physiopathologie de ce syndrome, pouvant aboutir à la
mise au point de nouvelles molécules, en utilisant au besoin la
pharmacogénomique.
Les thérapeutiques “alternatives” sont de plus en plus utilisées
et étudiées, le nombre d’essais randomisés ayant doublé tous
les 5 ans depuis une vingtaine d’années. Les plantes médicinales
font partie de ces traitements alternatifs depuis longtemps et
constituent l’essentiel de la médecine traditionnelle chinoise. Les
plantes médicinales sont dérivées soit de plantes entières, soit
de parties de plantes (feuilles, pédoncules, bourgeons, fleurs,
racines, tubercules).
Les plantes médicinales incluent les herbes simples, les prépa-
rations chinoises traditionnelles, le mélange d’herbes différentes
et l’association d’un de ces trois types de préparation à une
médication occidentale active.
Les pharmaciens chinois concoctent des préparations en mélan-
geant des plantes en fonction des symptômes des patients. Les
formes ancestrales sont commercialisées en comprimés ou en
gélules pour améliorer la palatabilité et simplifier la vente. Les
ingrédients des préparations médicinales chinoises sont largement
inconnus. Les études pharmacologiques de certaines préparations
ont montré un effet antagoniste de l’acétyl-choline et de l’histamine
sur le muscle lisse intestinal, des effets sédatifs centraux, des effets
régulateurs sur le système hépatobiliaire. Les plantes médicinales
chinoises ne sont pas dépourvues de toxicité, notamment hépa-
tiques ou rénales (les aristoloches chinoises sont interdites en
France du fait de cas de toxicité rénale sévère).
DoNNées DIspoNIBles
La collaboration Cochrane a effectué une revue extensive des essais
ayant étudié l’action des plantes médicinales dans le SII (1).