Encore mal diagnostiqués

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Troubles bipolaires de l’humeur
Encore mal diagnostiqués
Les troubles maniacodépressifs bipolaires nécessitent le traitement des épisodes aigus et la prévention des récurrences, avec
la perspective de diminuer leur retentissement sur la vie familiale et sociale et de réduire le risque de suicide. La prise en
charge est actuellement insuffisante.
I
l est apparu que les troubles
bipolaires de l’humeur, pathologie chronique, englobent
une large variété des formes syndromes cliniques, ce qui induit des
pièges diagnostiques. Ainsi, les
masques trompeurs des troubles
anxieux des personnalités pathologiques ou des symptômes psychotiques peuvent être à l’origine
d’un retard de diagnostic et de traitement approprié.
Des troubles récurrents
Les troubles bipolaires sont pratiquement toujours récurrents au
cours de l’existence, et suscitent
de plus en plus l’intérêt des psychiatres, comme en témoigne le
nombre croissant des communications dédiées à ce sujet lors des
congrès. Le trouble bipolaire I débute souvent à l’adolescence ou
chez l’adulte jeune, et sa prévalence sur la vie est estimée à 1 %.
Cela dit, une étude zurichoise a
rapporté un taux de 5,5 % en incluant l’ensemble des troubles, y
compris des catégories de l’hypomanie (manie modérée) et des
tableaux atypiques. En fait, de
nombreux patients qui sont atteints d’une grande instabilité de
l’humeur (mise en évidence par
l’agenda de l’humeur) ne se reconnaissent pas comme malades.
Bref, à l’heure actuelle, on assiste
à un élargissement du spectre bipolaire et à une nouvelle nosographie des troubles de l’humeur.
Pour E. Kraepelin (1921), le caractère endogène et la récurrence
des accès constituaient les principales caractéristiques de la psychose maniacodépressive, définie
par la présence simultanée de la
manie et de la dépression (l’exal-
tation et l’accélération psychomotrice peuvent coexister avec
l’humeur triste et la dévalorisation de soi, et certains patients
maniaques souffrent d’une fatigue
extrême avec déferlement de la
pensée). A partir des travaux effectués dans les années 1970, on
distingue les formes unipolaires
(récurrence des épisodes dépressifs) et les formes bipolaires (survenue d’épisodes dépressifs et
maniaques chez un même individu). Les troubles bipolaires ont
été eux-mêmes subdivisés, et le
DSM IV (1994) reconnaît les
troubles bipolaires I, les troubles
bipolaires II (épisodes hypomaniaques) et les cyclothymies.
Des pièges diagnostiques
Des recherches sont actuellement
menées pour mieux caractériser
les différentes formes cliniques
pouvant induire les pièges diagnostiques. Ainsi qu’il ressort
d’une étude épidémioclinique récente, EPIMAN II-Mille, la manie
mixte (coexistence de la manie
avec au moins deux symptômes
dépressifs associés) n’est ni la
forme extrême ni le stade terminal
de la manie. Elle se conçoit comme
une intrusion de la manie chez un
sujet avec des traits dépressifs permanents. Par comparaison avec la
manie pure, la manie mixte est définie par une moindre représentation des symptômes maniaques typiques, par des troubles anxieux
et par des manifestations psychotiques (dans 50 % des cas). Dans
le sous-groupe des manies psychotiques non congruentes (sans
rapport compréhensible avec l’altération de l’humeur), on retrouve
des phénomènes pathologiques
intercritiques, les idées délirantes,
les hallucinations auditives, le
comportement agressif, le rôle
du tempérament irritable, la
confusion fréquente avec le diagnostic de schizophrénie ou des
troubles schizo-affectifs. Pour le
Pr J.-M. Azorin (Marseille), le fait
que tous les signes de la schizophrénie peuvent être retrouvés
dans les états d’altérations de l’humeur incite à jouer d’abord la carte
des médicaments thymorégulateurs. Quant aux manies psychotiques congruentes, elles sont caractérisées par des idées délirantes
de grandeur, une grande distractibilité, le rôle du tempérament hyperthymique, les diagnostics antérieurs de troubles anxieux et de
troubles de la personnalité. Les délires sont considérés par certains
psychiatres comme une sorte de
“défense” contre les altérations de
l’humeur.
Par ailleurs, certaines études
confirment le poids de la vulnérabilité génétique dans les
troubles bipolaires et une importante comorbidité avec d’autres
troubles : 60 % des patients ont
un trouble addictif (principalement l’alcoolisme) et la fréquence
du trouble panique et du trouble
obsessionnel compulsif est multipliée par 20 par rapport à la population générale. Comme le rappelle le Pr J.-F. Allilaire (Paris), les
jeunes atteints d’un trouble bipolaire doivent faire l’objet d’une
surveillance particulière vu un
risque plus élevé (50 %) dû à
l’abus de “substances” (alcool,
psychotropes), en sachant qu’il est
difficile de maintenir le sevrage
sans traiter le trouble bipolaire.
Il faut savoir que des erreurs
de diagnostic sont possibles dans
toutes les phases du trouble
bipolaire. En phase maniaque
sévère, la présence d’éléments
psychotiques associés à une médiocrité du jugement et une ●●●
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Troubles bipolaires de l’humeur
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expérience de déréalisation entraînent la difficulté à faire la distinction entre manie et psychose.
Parmi les éléments en faveur de la
manie, citons l’hyperactivité, l’instabilité, la manie précédant les
éléments psychotiques, la proéminence des symptômes thymiques. L’hypomanie se différencie des moments d’hyperactivité
“normaux” par le caractère récurrent du changement brutal de l’humeur, et disproportionné par rapport à l’événement déclenchant,
par la colère associée, par la perturbation du jugement social. En
Facteurs
sociodémographiques
et facteurs de risques
• Le ratio du trouble bipolaire
est d’une femme pour un
homme. Il existe certaines différences : les formes à cycles rapides seraient plus fréquentes
chez les femmes.
• L’âge moyen de début serait
de 21 ans selon l’étude ECA.
Mais la maladie peut apparaître
à n’importe quel moment de la
vie. On constate un rajeunissement de l’âge du début.
• Le trouble est plus fréquent
en zone urbaine que rurale et
moins fréquent chez les gens
mariés n’ayant jamais divorcé.
• Il n’y a pas d’influence ni
d’origine ethnique, ni d’appartenance sociale.
• Des études soulignent les
facteurs de risque socio-environnementaux, psycho-affectifs et surtout biologiques. La
vulnérabilité du terrain génétique semble démontrée.
• Dans plus de la moitié des
cas, le trouble bipolaire est associé à au moins une autre entité diagnostique, principalement l’alcoolisme et l’abus
de substances (consommation
6,6 fois supérieure à la population générale).
Brèves...
phase dépressive, l’errance diagnostique est liée à la pauvreté de
l’“insight” (capacité de prise de
conscience du patient des phases
hypomaniaques). La prescription
d’un antidépresseur sans détection
du trouble bipolaire comporte le
risque de virage de l’humeur ou
d’une aggravation inattendue. Certains spécialistes s’interrogent sur
l’implication de l’usage excessif des
antidépresseurs dans l’évolution
de la maladie vers la mixité.
Le traitement des troubles bipolaires fait appel aux thymorégulateurs : le lithium, la carbamazépine,
le valproate de sodium, la valpromide et le dernier arrivé sur le
marché, le divalproate de sodium.
Toutefois, les récentes recommandations américaines proposent
également l’emploi des antipsychotiques atypiques comme l’olanzapine ou la rispéridone.
Une prise en charge élargie
La prise en charge du patient bipolaire ne se limite pas aux médicaments. Elle comprend la proposition d’une psychothérapie ou
de l’apprentissage des techniques
de gestion du stress et des règles
de l’hygiène de vie. Sans oublier
l’information de l’entourage sur
les signes annonciateurs d’une rechute maniaque, les risques liés
à la maladie (répercussions socioprofessionnelles, conduites à
risque, alcoolisation, suicide) et
les effets secondaires possibles
des traitements. L’authentification
de la maladie bipolaire du patient
et les explications données au
conjoint du patient sont capitales
pour prévenir ses réactions d’intolérance. Car le conjoint souffre
(dans 93 % des cas) du comportement maniaque (tension intérieure, agressivité, mise en cause
de la vulnérabilité d’autrui, accusation du fonctionnement familial, attitudes d’opposition, comportement déraisonnable) et a
besoin lui-même d’être soutenu
par les soignants.
L.C.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 42 - décembre 2002
La syphilis
revient en force
La syphilis est de retour en France et
les autorités sanitaires ont décidé
d’étendre la campagne de dépistage
menée depuis cet été à Paris aux
villes de province. Celle-ci sera surtout
ciblée sur les gays et les bisexuels masculins, principales victimes de la résurgence de cette MST qui avait quasiment disparu depuis dix ans. Une
recrudescence de la syphilis et des
autres MST est aussi enregistrée dans
les grandes métropoles étrangères.
Cela est attribué au relâchement de la
prévention et à la reprise de conduites
sexuelles à risques, sans préservatif. A
Paris, 155 cas de syphilis évolutive
chez des personnes n’ayant pas de
symptôme décelable ont été détectés
selon les résultats rendus publics.
Pas d’aspirine
pour les moins de 16 ans
En cas de fièvre chez un enfant de
moins de 16 ans, l’Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé
(AFSSAPS) recommande d’employer
en première intention du paracétamol
et non de l’aspirine. En effet, cette dernière a été associée à un risque minime
de survenue d’un syndrome de Reye,
une pathologie rare touchant le foie et
le cerveau. Aux États-Unis, un lien a
été démontré au début des années
1980, entre la prise d’aspirine au cours
d’un épisode viral aigu et la survenue
d’un syndrome de Reye, essentiellement chez l’enfant.
Les maladies
inflammatoires chroniques
de l’intestin moins rares
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), regroupant
la maladie de Crohn et la rectocolite
hémorragique, ne sont plus aussi rares.
Considérées comme des affections
orphelines, elles ne bénéficient pas
d’un traitement curatif adapté. Face au
nombre croissant de malades, l’Association François-Aupetit s’est lancée
dans une vaste campagne d’information et de sensibilisation.
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