La Lettre du Gynécologue • n° 340 - mars 2009 | 21
Résumé
Un programme de santé publique destiné à l’ensemble des acteurs du sevrage tabagique de la femme enceinte, initié
dans un contexte favorable, peut être efficace.
Le programme 2003-2006 de l’Union régionale des caisses d’Assurance maladie (URCAM) d’Île-de-France a associé
l’envoi de dépliants aux femmes enceintes, une information des professionnels de santé, un site Internet et une action
dans les maternités.
Deux ans après, les maternités ayant participé au programme et qui utilisent régulièrement un analyseur d’oxyde de
carbone (CO) organisent le plus souvent la prise en charge des femmes enceintes fumeuses.
Dans la Région, on relève une tendance à la diminution du pourcentage des femmes enceintes fumeuses.
Mots-clés
Tabac
Grossesse
Analyseur de CO
Programme de santé
publique
Summary
In a favourable context, a
public health program intended
to the different actors involved
in the smoking cessation of
pregnant women can be effi-
cient. The URCAM of Ile-de-
France program for 2003-2006
included leaflets addressed to
pregnant women, informa-
tion for health staff, a Website
and an action in maternity
hospitals. Two years later, the
maternity hospitals which
were involved in the program,
and which regularly use a CO
analyser generally take charge
of smoking pregnant women. In
this region of France, we note
a trend towards a lowering of
the rate of smoking pregnant
women.
Keywords
Tobacco
Pregnancy
CO analyser
Public health program
publique des hôpitaux de Paris [AP-HP], établisse-
ments publics, privés participant au service public
hospitalier [PSPH] et cliniques privées), entre les
8 départements d’Île-de-France et entre les niveaux
d’offre de soins (1, 2A, 2B, 3) 8 863 fiches ont été
récoltées (1 fiche par naissance).
Trente-trois pour cent des femmes enceintes ont
déclaré avoir été fumeuses avant la grossesse, 14 %
des femmes ont déclaré être toujours fumeuses en
fin de grossesse, 19 % des femmes ayant donc cessé
de fumer pendant la grossesse (dénommées femmes
“ex-fumeuses”). Parallèlement, 19 % des femmes
enceintes avaient un taux de CO supérieur à 5 en
salle de travail (taux normal jusqu’à 5 ppm – parti-
cules de CO par million de particules d’air).
Certaines données de naissance étaient statistique-
ment significatives : le poids de naissance du bébé est
plus faible chez les fumeuses, le périmètre crânien
également. Il n’y avait pas de différence statistique-
ment significative quant au terme de la grossesse
entre les fumeuses et les non-fumeuses.
Il n’y avait pas non plus de différence statistiquement
significative dans les données de naissance des bébés
nés de mère non fumeuse ou de mère ex-fumeuse,
ce qui suggérait l’intérêt de l’arrêt du tabac à tous
les stades de la grossesse.
Évaluation du programme
d’action
Un questionnaire a été envoyé à un échantillon ➤
de 1 400 jeunes accouchées, un an après l’envoi de la
plaquette d’information, avec un taux de réponse de
40 %. Environ un an après leur accouchement, 31 %
des femmes ont déclaré avoir été fumeuses avant la
grossesse, 7 % ont déclaré avoir été fumeuses en fin
de grossesse et seules 30 % des femmes fumeuses
ont recommencé à fumer (chiffres habituels de
l’ordre de 60 %). Les commentaires libres, nombreux,
montraient que la connaissance des méfaits du tabac
sur la grossesse était une notion acquise.
Les sages-femmes cadres qui avaient organisé la
➤
participation de leur maternité au programme de
l’URCAM, notamment le recueil de données en salle
de naissance dans les 33 maternités volontaires,
ont été interrogées un an et demi plus tard. Pour
elles, la nocivité du tabac sur la grossesse est une
notion acquise par les parturientes comme par le
personnel des maternités. Dans leur maternité, la
prise en charge du tabagisme des femmes enceintes
a beaucoup progressé : une consultation de taba-
cologie a été créée dans un tiers des maternités,
la prise en charge est organisée à l’extérieur de la
maternité pour un tiers d’entre elles, et le sujet est
abordé dans les autres. Parallèlement, le nombre
d’adhésions au Réseau hôpital sans tabac est passé
de 11 à 21, et celui des adhésions au Réseau mater-
nité sans tabac de 0 à 7. Fait important, l’utilisation
régulière de l’analyseur de CO est toujours associée
à la démarche d’organisation de la prise en charge
du tabagisme des femmes enceintes.
La tendance évolutive du pourcentage de femmes
➤
fumeuses en fin de grossesse peut être appréciée au
moyen de données déclaratives. En 2002, la Direc-
tion générale de la santé (DGS) faisait état de 29,5 %
de femmes fumant pendant la grossesse, dans la
France entière. En 2003, l’enquête nationale péri-
natale donnait un chiffre de 21,9 %. En 2004, lors du
recueil de données en maternité du programme de
l’URCAM d’Île-de-France, on relevait un chiffre de
14 %. Enfin, en 2005, le questionnaire du programme
de l’URCAM d’Île-de-France envoyé à 1 400 jeunes
accouchées faisait état d’un pourcentage inférieur
à 10 % (taux de réponse de 40 %).
Conclusion
Ce programme régional de santé publique, réalisé
dans un contexte national favorable, a permis, en
Île-de-France, de diffuser chez les femmes enceintes
la notion de nocivité du tabac et d’accompagner les
maternités dans l’initiation de leur prise en charge
du tabagisme des femmes enceintes fumeuses. On
constate, sur une période de 4 ans, une tendance
nette à la diminution du pourcentage de femmes
fumeuses en fin de grossesse.
D’autres programmes du même type ont été mis
en place en France, souvent après incitation par le
Réseau maternité sans tabac. En tout cas, l’utilisa-
tion régulière de l’analyseur de CO a été un élément
déclencheur de l’organisation de la prise en charge
des femmes enceintes fumeuses. ■