l aluminium au quotidien

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L’aluminium est omniprésent : dans les voitures et les boîtes de conserve, mais aussi dans l’eau potable,
les déodorants et les comprimés. Quelle est sa réelle nocivité ? Est-il dangereux pour notre santé ?
Interview de Chris Exley, spécialiste britannique de l’aluminium.( Le toxicologue Chris Exley est professeur
de chimie bioinorganique à l'Université de Keele au Royaume-Uni.Depuis 1984, il étudieles risques liés à
l’aluminium.)
L’aluminium est utilisable dans quasiment tous les domaines. Métal inoxydable pour les chantiers de
construction, métal ultraléger pour la construction automobile, métal inodore et sans saveur pour l’industrie
des emballages alimentaires... Ce que l’on sait moins, c’est qu’il est aussi présent dans les médicaments, les
cosmétiques, les vaccins et les déodorants. Quels sont les risques sanitaires ? Ont-ils été suffisamment bien
étudiés
?
Le
toxicologue
Chris
Exley
pense
que
non,
et
explique
pourquoi.
ARTE:
À
quoi
sert
l’aluminium
dans
les
déodorants
?
CHRIS EXLEY: Certains déodorants contiennent des sels d’aluminium. Les fabricants déclarent que cela a un
effet anti-transpirant, en fermant les pores. Or, le fait que l’aluminium agit sur les glandes sudoripares peut
avoir d’autres conséquences que de seulement bloquer la transpiration sous les aisselles. Des conséquences
dont
nous
n’avons
aucune
idée.
Les sels d’aluminium dans les déodorants seraient à l’origine de cancers du sein. Vous confirmez ?
Les indices d’un lien direct entre l’aluminium et le cancer du sein se multiplient : on a trouvé une teneur en
aluminium supérieure à la normale chez les femmes atteintes d’un cancer mammaire. Quelle est l’origine de
cet aluminium ? Peut-être les déodorants. Mais il faudrait davantage d’études pour le prouver définitivement.
On trouve aussi de l’aluminium dans les comprimés pour l’estomac et les vaccins. Pourquoi ?
L’aluminium est efficace car il est l’un des éléments chimiques les plus réactifs. Contre les aigreurs d’estomac,
il faut un médicament qui normalise le pH de l’acide gastrique. Les sels d’aluminium sont connus pour réagir
comme des acides ou comme des bases. Que le milieu soit acide ou basique, ils ont une action neutralisante.
Utilisé comme adjuvant dans les vaccins, l’aluminium renforce la réponse immunitaire. Son innocuité dans ce
type
d’application
n’a
jamais
été
vérifiée.
Que
sait-on
de
l’effet
de
l’aluminium
dans
notre
organisme
?
L’aluminium est une neurotoxine qui peut rendre malade et même tuer. L’arrivée d’une dose importante
d’aluminium dans le cerveau déclenche une encéphalopathie : les neurones meurent massivement. Nous savons
aussi que l’aluminium a une influence sur la formation des os et sur la structure osseuse. Notre organisme peut
se défendre contre de faibles doses de cet élément hyper réactif, mais il peut aussi être fragilisé face à la
maladie.
Dans
quels
cas
l’aluminium
a-t-il
provoqué
la
mort
?
L’action neurotoxique de l’aluminium est connue depuis les années 1970 lorsqu’on a constaté l’apparition
d’une démence chez des malades souffrant des reins. En effet, quand on a commencé à dialyser les patients
atteints d’une insuffisance rénale, on épurait le sang avec de l’eau du robinet qui contenait de l’aluminium.
Les patients développaient des encéphalopathies et beaucoup en sont morts. L’aluminium était resté dans le
sang
puis
avait
migré
vers
le
cerveau.
Des composés d’aluminium sont aujourd’hui aussi utilisés pour le traitement des eaux potables. Depuis
2001, la quantité d’aluminium dans l’eau potable est limitée à 0,2 milligramme par litre. Cette précaution
est-elle
satisfaisante
?
L’aluminium présent dans l’eau potable est le moindre de nos soucis : on a au moins fixé une valeur seuil.
Souvent, il ne dépasse pas 0,05 milligramme par litre, ce qui est préconisé. Mais il faut savoir que ce ne sont
pas tant des raisons sanitaires qui ont poussé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à limiter la teneur en
aluminium
que
des
raisons
liés
au
goût
et
à
l’aspect
de
l’eau.
Le documentaire « Planète alu » montre un patient atteint de la maladie d’Alzheimer qui a pris pendant
plus de 28 ans des comprimés contre les aigreurs d’estomac. L’aluminium favorise-t-il l’apparition de cette
dégénérescence
?
Il faudrait connaître le dossier du patient. Mais des cas similaires existent. En 1988, une femme a été exposée
à de très fortes doses d’aluminium présentes dans l’eau potable. Elle est décédée en 2005. L’autopsie de son
cerveau a révélé une forme agressive de la maladie d’Alzheimer et un taux élevé d’aluminium. On notera
toutefois que la notice d’utilisation des comprimés contre les aigreurs d’estomac préconise de ne pas prendre
ce traitement pendant une période prolongée pour éviter la concentration d’aluminium. Cette mise en garde
devrait figurer en lettres capitales sur l’emballage, comme sur les paquets de cigarettes.
Pourquoi
les
autorités
sanitaires
ne
jugent-elles
pas
nécessaire
d’intervenir
?
Les instances en charge de la sécurité des aliments comme l’EFSA défendent en premier lieu les intérêts de
l’industrie. Lorsqu’à l’Université de Keele, nous avons constaté un taux bien trop élevé d’aluminium dans du
lait en poudre premier âge, l’EFSA ainsi que la Food Standard Agency au Royaume-Uni ont gardé le silence.
L’aluminium
conduira-t-il
à
un
scandale
comme
l’amiante
?
L’aluminium est tout aussi nocif que le plomb ou l’amiante. Si nous avions plus de moyens pour nos recherches,
nous
pourrions
déterminer
le
danger
qu’il
représente
réellement.
Y a-t-il un consensus au sein de la communauté scientifique quant aux dangers de l’aluminium ?
C’est un sujet qui divise. La pression exercée par les lobbies de l’aluminium sur les gouvernements est grande,
et elle se traduit en termes de subventions pour la recherche. Si on parvenait à démontrer que l’aluminium
peut être une des causes de la maladie d’Alzheimer, d’importants secteurs industriels seraient touchés. Un peu
comme
si
le
cours
de
l’aluminium
venait
à
s’effondrer.
INTERVIEW : KRISTIN BARTHOLMESS POUR ARTE MAGAZIN
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