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Société Batrachologique de France
Groupe Parisien
Association agréée de protection de l'environnement pour la Région Ile-de-France
Arrêté préfectoral du 22 avril 2004 au titre de l'art. L141-1 du code de l'environnement
mai 2012
SBF-Paris
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Etude sommaire des amphibiens du Parc André
Malraux à Nanterre (Hauts-de-Seine)
Gérard H ERBUVEAUX
Bernadette D EGOVE
A la demande du Conseil Général des Hauts-de-Seine, la Société Batrachologique de France a réalisé une étude sur les amphibiens du Parc André Malraux à Nanterre (25 ha). Ce parc urbain, renferme plusieurs plans d’eau. Le risque d’extinction des
espèces présentes aujourd’hui (crapaud commun, grenouille rousse, grenouille agile, triton palmé, grenouilles vertes) oblige à
des améliorations au niveau de la gestion des milieux aquatiques. L’étude recommande de réduire le niveau d’artificialisation
des milieux en favorisant la dynamique naturelle de la végétation aquatique et terrestre et l’oxygénation des masses d’eau par
des techniques simples relevant de l’éco-ingénierie.
1
1.1
Présentation
Contexte et objectifs
Le Parc André Malraux est un parc urbain d’une surface de 25 ha, de création assez récente puisque son
aménagement a commencé en 1971 pour se terminer en 1980. Quatre sites sont potentiellement utilisables par
les amphibiens pour leur reproduction :
– un grand plan d’eau d’une surface d’environ 2 ha aménagé en 1980,
– deux bassins bétonnés situés à l’intérieur du « Jardin de collection » où l’accès du public est réduit,
– une petite mare de création très récente.
En 2011, la Société Batrachologique de France avait fait une brève étude afin de confirmer une surmortalité
d’anoures détectée dans le plus grand des deux bassins bétonnés et d’en identifier les causes1 . Au moins 4
espèces d’amphibiens avaient alors été observées :
– le triton palmé, Lissotriton (anciennement Triturus) helveticus,
– la grenouille agile, Rana dalmatina,
– le crapaud commun, Bufo bufo,
– des grenouilles vertes, Pelophylax (anciennement Rana) sp.
Cette étude avait fortement laissé présumer que le crapaud commun était gravement menacé sur le site par
suite d’une évolution défavorable du plan d’eau et du piège constitué par les deux bassins bétonnés.
Lors d’une étude conduite en 20072 , le bureau d’étude Biotope avait observé sur ce site :
– le crapaud commun, Bufo bufo,
– la grenouille rieuse, Rana (aujourd’hui Pelophylax) ridibunda,
– la grenouille verte, Rana (aujourd’hui Pelophylax) kl. esculenta et/ou la grenouille de Lessona, Rana (aujourd’hui Pelophylax) lessonae.
On notera que les deux espèces les plus banales d’Ile-de-France, le triton palmé et la grenouille agile,
n’avaient pas été trouvées en 2007.
Le Conseil Général des Hauts-de-Seine a souhaité une étude batrachologique légère afin de mieux cerner
la vulnérabilité des espèces d’amphibiens déjà identifiées sur le site et, très éventuellement, d’identifier une ou
plusieurs espèces nouvelles, dans la perspective de travaux à entreprendre pour améliorer l’état écologique du
grand plan d’eau.
1 H ERBUVEAUX (G.) & D EGOVE (B.), 2011. La surmortalité d’anoures du Parc André Malraux à Nanterre (Hauts-de-Seine), Société
Batrachologique de France, Fresnes. 3pp.
[http ://www.natureparif.fr/documentation/doc_download/149-la-srumortalite-danoures-du-parc-andre-malraux]
2 Biotope, 2008. Diagnostic écologique et préconisations de gestion – Parc André Malraux, Conseil Général des Hauts-de-Seine
2
LES AMPHIBIENS
1.2
2
Déroulement général de l’étude
Une première sortie d’étude, avec observations de jour et de nuit, a eu lieu le 17 mars 2012. Elle visait plus
spécialement le crapaud commun, espèce qui paraissait l’enjeu principal du site. Deux éléments majeurs sont
à retenir :
– le crapaud commun est en déclin rapide et en danger d’extinction dans le Parc André Malraux. L’équipe
de ce parc a conduit une opération de sauvegarde d’urgence, le 29 mars 2012, pour sauver les reproducteurs les plus âgés.
– la découverte de la grenouille rousse, Rana temporaria, avec des effectifs significatifs.
La grenouille rousse est un enjeu majeur de conservation en Ile-de-France, où elle est en déclin, entre autres
du fait de la forte régression de ses habitats terrestres, constitués généralement par des milieux prairiaux ou
faiblement boisés.
La seconde sortie d’étude visait donc en priorité ces deux espèces. Elle avait plus particulièrement pour
objet de définir les travaux à mettre en œuvre dans le courant de l’année 2012. Sa date, le 12 avril 2012, a été
fixée pour que ceux-ci puissent être définis avec la participation d’Anne-Marie D ENIS, adjointe au responsable
du Parc André Malraux de Nanterre, au Conseil Général des Hauts-de-Seine.
Ces deux sorties ont été effectuées dans des conditions météorologiques défavorables à l’observation d’amphibiens. L’étude de terrain a été réalisée par Bernadette D EGOVE et Gérard H ERBUVEAUX.
2
2.1
Les amphibiens
Le crapaud commun
Cette espèce cohabite habituellement très bien avec les poissons et les plus importantes frayères sont de
grands plans d’eau empoissonnés.
2.1.1
Le grand plan d’eau
Le crapaud commun a été observé le 17 mars 2012 dans deux zones de ce plan d’eau.
D’abord, sans grande surprise, une dizaine de pontes ont été observées, à proximité de la presqu’île, à
l’endroit précis indiqué par un pêcheur en 2011. Ces pontes ont été déposées sur de grands carex surplombant
le plan d’eau. Ceci confirme la grande fiabilité de ce témoignage. Ce pêcheur n’avait plus observé cette espèce
à cet endroit depuis 2008. S’agissant d’une espèce normalement nocturne, elle ne peut guère être observée par
un pêcheur que si la population est suffisante.
Ensuite, quelques chants ont été entendus en bordure d’une grande roselière à typhas (typhaie) qui avait
été identifiée préalablement comme moins défavorable à la reproduction des amphibiens que le reste du plan
d’eau (faible profondeur d’eau et dégagement « modéré » d’hydrogène sulfuré).
Quelques individus circulant à terre ont été observés au voisinage immédiat de ces deux sites.
Malgré des conditions météorologiques défavorables et la difficulté ou l’impossibilité fréquente des observations visuelles, on peut estimer que le nombre total de pontes est de l’ordre de 30 à 50, soit un niveau très
bas pour une espèce dont les populations sont souvent de l’ordre de plusieurs milliers de couples.
2.1.2
Les bassins bétonnés
A la suite de l’étude de 2011, le Conseil Général des Hauts-de-Seine a fait procéder cet hiver à l’enlèvement
des déchets organiques grossiers du plus grand des deux bassins. De ce fait, le niveau de l’eau dans ce bassin
a été fortement abaissé par rapport à 2011. Le 17 mars, le niveau de l’eau ne dépassait pas 20 cm. Malheureusement, les vases organiques fines n’ont pas été enlevées et leur épaisseur atteignait alors une dizaine de
centimètres.
Le 17 mars, environ 50 mâles et 20 couples de très grande taille (longueur comprise entre 10 et 15 cm) ont
été observés de nuit dans ce bassin, alors que de jour n’avaient été observés qu’un petit nombre d’individus
de taille normale. L’observation d’un nombre significatif de crapauds communs de très grande taille est inhabituelle. Elle s’observe dans l’étang d’Ursine (en forêt de Meudon) où ceci ne concerne que des femelles qui
ne trouvent pas de mâles d’une taille suffisante pour s’accoupler avec elles. Nous supposons que l’abondance
2
LES AMPHIBIENS
3
d’individus de grande taille, et donc très âgés, résulte, comme pour l’étang d’Ursine, de l’absence de prédation
par les sangliers.
Ce changement de site de reproduction touche en 2012 un nombre d’individus beaucoup plus élevé qu’en
2011 et est surtout majoritairement le fait des individus âgés. Ceci traduit donc l’amplification rapide d’un
phénomène qui n’est apparu qu’en 2011.
Les individus de grande taille présents dans ce bassin représentent un potentiel reproducteur au moins
égal à celui de ceux qui se sont reproduits dans le grand plan d’eau.
Pour assurer la sauvegarde de ce potentiel reproducteur, des personnels du Conseil Général les ont extraits
manuellement de ce bassin bétonné le 29 mars 2012.
Dans le plus petit bassin, l’eau était, comme en 2011, très fortement anoxique. Quelques individus de taille
normale s’y étaient fait piéger. Du fait du haut niveau de l’eau, ils n’ont pu être libérés.
2.1.3
Bilan et perspectives
Le grand plan d’eau constitue le site naturel de reproduction du crapaud commun. A partir de 2008, le
niveau de la population est devenu si bas que les pêcheurs ne l’ont plus observé. Ce plan d’eau est devenu
si défavorable au crapaud commun qu’en 2011, un petit nombre d’individus ont tenté de se reproduire dans
les bassins bétonnés, sites pourtant très défavorables à l’espèce. En 2012, ce phénomène s’est massivement
aggravé.
L’état écologique du grand plan d’eau est donc devenu si gravement défavorable au crapaud commun
qu’il y est en danger d’extinction à court terme.
Il est très peu probable que la réhabilitation de ce grand plan d’eau puisse produire une amélioration
significative avant plusieurs années. Dans les prochaines années, c’est-à-dire au moins de 2013 à 2015 inclus,
la reproduction du crapaud commun ne pourra guère être assurée que dans le grand bassin bétonné. C’est
pourquoi le réaménagement de ce bassin doit être entrepris dès que possible.
2.2
La grenouille rousse
La grenouille rousse se reproduit aussi bien dans des ornières que dans de grands plans d’eau. Dans ce
dernier cas, elle cohabite sans problème avec les poissons.
Des grenouilles rousses ont été localisées le 17 mars 2012 dans le grand plan d’eau, le grand bassin bétonné
et la petite mare par des pontes, des chants ou l’observation d’adultes à terre.
2.2.1
Le grand plan d’eau
Nous avons observé une ponte unique sur des carex à proximité de la zone où un pêcheur avait localisé
des crapauds communs ainsi qu’un individu à terre à proximité.
Une cinquantaine de pontes ont également été observées sur des roseaux vrais à la limite d’une berge
bétonnée.
La zone la plus importante est cependant la typhaie déjà citée à propos du crapaud commun. Des chants
assez nombreux ont été entendus en 3 points, à la limite entre cette typhaie et le plan d’eau. L’observation
visuelle étant impossible, les pontes n’ont pas été dénombrées, mais leur nombre paraît compris entre 100 et
300.
2.2.2
Le grand bassin bétonné
Plus d’une centaine de pontes ont été observées le 17 mars dans environ 20 cm d’eau noire. Malgré l’enlèvement de la vase réalisé en urgence, comme cela était malheureusement prévisible, aucun têtard n’a été observé
le 12 avril malgré une recherche intensive. La reproduction de la grenouille rousse dans ce bassin normalement
peu favorable résulte à l’évidence du niveau très bas de l’eau.
Au contraire des crapauds ou des hérissons, les grenouilles rousses n’ont pas été piégées dans ce bassin.
2.2.3
La petite mare
Une cinquantaine de pontes ont été observées le 17 mars, dans une petite zone située du côté amont de
la mare dans les roseaux vrais. Le 12 avril, les têtards étaient très peu nombreux et localisés essentiellement à
proximité des roseaux.
2
LES AMPHIBIENS
4
Nous avons observé que les têtards de grenouille rousse se nourrissaient fréquemment de roseaux vrais en
décomposition et du périphyton se développant autour de leurs tiges. C’est sans doute pour cette raison que
les grenouilles rousses déposent fréquemment leurs pontes sur des roseaux vrais. La concentration des têtards
autour des roseaux nous laisse supposer que la quasi-totalité de la mare ne leur fournit pas une nourriture
adaptée.
L’état écologique de cette mare paraît s’être gravement dégradé depuis 2011 : la visibilité atteint à peine
10 cm du fait d’une très forte charge en micro-algues accompagnée de l’absence de zooplancton, la disparition
des rares plantes aquatiques, à l’exclusion des lentilles d’eau, l’absence de plantes amphibies en dehors d’une
très petite zone de roseaux, très forte charge en hydrogène sulfuré à partir de 30 cm de profondeur. Plus subjectivement, l’impression générale qui se dégage de la mare cette année est qu’il s’agit d’un milieu dystrophe
et vieilli alors qu’elle apparaisait comme un milieu jeune en 2011.
2.2.4
Bilan et perspectives
Le nombre total de grenouilles rousses du Parc André Malraux est compris entre 300 et 500 couples, ce qui
est un nombre assez élevé.
Cependant, en 2012, près de la moitié de la population a quitté le grand plan d’eau qui est son site « naturel »
de reproduction pour utiliser des milieux peu favorables. Comme pour le crapaud commun, cela résulte d’une
dégradation importante de l’état écologique de ce grand plan d’eau.
La reproduction a été à l’évidence déficitaire en 2012 du fait de ce déplacement de population.
Globalement, la population de grenouilles rousses paraît en déclin moins rapide que celle de crapauds
communs.
2.3
La grenouille agile
La grenouille agile est une espèce typiquement forestière. Sa présence dans le Parc André Malraux est
rendue possible par les boisements qui y ont été installés.
Un très petit nombre de pontes avaient été observées en 2011 dans la petite mare. Cette espèce n’y a pas été
retrouvée en 2012, sans doute à la suite de la dégradation écologique de cette mare.
Nous avons identifié deux grenouilles agiles, sur photo, parmi les crapauds libérés le 29 mars 2012 du
grand bassin bétonné.
La grenouille agile se reproduit habituellement dans des mares non empoissonnées. Si on observe souvent
des pontes en présence de poissons, elles ne s’accompagnent d’aucune reproduction effective, sauf s’il existe
des hauts fonds où des dégagements d’hydrogène sulfuré créent une barrière chimique protégeant les larves
de la prédation des poissons.
La quasi-totalité des roselières au sens large présentes dans le grand plan d’eau produisent une telle barrière
chimique. Cependant, c’est seulement dans la typhaie déjà citée que cela ne s’accompagne pas d’une grave
anoxie de l’eau incompatible avec la vie des têtards. C’est à l’évidence cette typhaie qui a permis le maintien
d’une très petite population de grenouilles agiles dans le Parc André Malraux.
2.4
Le triton palmé
En 2011, quelques adultes avaient été observés dans la petite mare ainsi que quelques pontes sur les rares
plantes aquatiques qui y étaient alors présentes.
En 2012, cette espèce n’y a pas été retrouvée. Ceci paraît résulter de la dégradation de l’état écologique de
cette petite mare avec en particulier la disparition du zooplancton qui constitue la nourriture du triton palmé
ainsi que des supports de ponte constitués par les plantes aquatiques.
Le fond de cette petite mare est constitué par de la grave, ce qui rend difficile et longue la colonisation par
des plantes enracinées, aquatiques ou amphibies. La disparition des plantes aquatiques ou amphibies résulte
ici d’un nettoyage réalisé au râteau et non manuellement.
Comme pour la grenouille agile, l’absence d’observations en 2012 du triton palmé dans la petite mare ne
doit pas inquiéter outre mesure. En effet la typhaie du grand plan d’eau paraît constituer un site de reproduction permettant à une petite population de triton palmé de se maintenir.
2
LES AMPHIBIENS
2.5
5
Les grenouilles vertes
Du fait de conditions météorologiques défavorables, aucune observation visuelle ou sonore n’a pu avoir
lieu en 2012.
Le 8 avril 2011, avec des conditions météorologiques un peu moins défavorables, de faibles chants de grenouilles vertes avaient été entendus dans le grand plan d’eau, ne permettant pas cependant d’identifier précisément les taxons concernés. Les pêcheurs nous avaient alors indiqué que les grenouilles vertes y étaient peu
nombreuses et en régression.
En 2007, le bureau d’étude Biotope avait identifié la grenouille rieuse, espèce allogène en Ile-de-France,
ainsi que des grenouilles vertes indigènes.
Les grenouilles vertes déposent habituellement leurs pontes sur la végétation aquatique à une profondeur
de l’ordre de 20 à 40 cm. De telles zones sont rarissimes dans le grand plan d’eau.
2.6
Le maintien des continuités biologiques lors de l’urbanisation du quartier
Depuis longtemps, notre Association considère que le ratio entre le nombre d’espèces d’amphibiens effectivement présentes sur un site et le nombre d’espèces potentiellement présentes sur ce site est un excellent
indicateur de la qualité de la gestion écologique, volontaire et surtout involontaire, passée de ce site.
Le Parc André Malraux est aujourd’hui, pour les amphibiens, un isolat et il n’existe plus de possibilités de
colonisation spontanée. Or le nombre d’espèces d’amphibiens présentes sur ce site, au moins 5, est très élevé
pour un site a priori peu favorable. Ce milieu étant une création relativement récente, se pose la question de
savoir s’il s’agit d’introductions anthropiques ou de colonisations spontanées.
Nous avons observé fréquemment des tentatives d’introduction (ou de réintroduction) de grenouilles
vertes, ce qui paraît logique puisqu’il s’agit d’espèces diurnes et bruyantes, bien connues et appréciées du
grand public. Le plus souvent ces tentatives ont échoué, à l’exception notable de la grenouille rieuse. Cette espèce, allogène en Ile-de-France, a donc très certainement été introduite et peut-être également les grenouilles
vertes indigènes. Si elle était présente, la grenouille de Lessona, plus couramment appelée petite grenouille
verte, serait probablement spontanée, sa petite taille la rendant moins attractive pour une introduction.
Par contre, il nous paraît très peu probable que le crapaud commun, la grenouille rousse, la grenouille agile
et le triton palmé aient été introduits sur le site.
Avant son urbanisation, ce quartier était une friche urbaine célèbre pour ses « bidonvilles ». Les quatre
espèces d’amphibiens précités y trouvaient à la fois les sites de reproduction et les habitats terrestres qui leur
sont nécessaires. Le crapaud accoucheur, Alytes obstetricans, y était sans doute également présent. C’est ainsi la
seule espèce d’amphibiens qui paraît avoir disparu de ce quartier.
La présence actuelle de ces 4 espèces d’amphibiens montrent que les continuités biologiques ont été
maintenues à chaque phase de l’urbanisation. Ce respect des rythmes propres à la biodiversité paraît résulter
pour l’essentiel de blocages ou de retards dans la conduite des chantiers. Alors que personne ne se préoccupait
de trames vertes ou bleues, ce phénomène heureux est ici à l’évidence tout à fait involontaire.
On voit ici l’importance du phasage des travaux, question essentielle qui n’est pourtant pratiquement jamais traitée ni dans les études d’impact ni dans les plans de gestion.
Motivée par l’urgence politique et/ou sociale, l’urbanisation s’est faite à l’évidence sans se préoccuper
d’environnement et encore moins de biodiversité. Assez logiquement, l’aménagement initial du Parc André
Malraux n’a pas plus intégré de préoccupations environnementales.
La prise en compte de la biodiversité dans la gestion du Parc André Malraux est une volonté récente qui
est loin d’être intégrée dans tous les aspects de sa gestion et dans la culture de tous les intervenants. Espérons
que cette volonté nouvelle aura un effet plus positif que le désintérêt des décennies précédentes, en gardant
la modestie devant les faits par l’exploitation systématique du retour d’expérience, en évitant les évolutions
brutales et en se méfiant des vulgarisations trop simplificatrices.
2.7
Récapitulation concernant les amphibiens
On trouve dans le Parc André Malraux :
– deux espèces à fort enjeu patrimonial : le crapaud commun et la grenouille rousse. Ces deux espèces sont
en danger d’extinction à court ou moyen terme.
3
CONSEILS DE GESTION ET PROPOSITIONS DE TRAVAUX
6
– un groupe d’espèces, les grenouilles vertes, auxquelles un large public est très attaché. Ces espèces sont
en régression.
– les deux espèces les plus banales d’Ile-de-France : la grenouille agile et le triton palmé avec des effectifs
très faibles. Du fait de leur longue période de reproduction, ces deux espèces présentent un très fort
intérêt pédagogique pour les enfants de 8 à 12 ans, sous réserve que les populations soient d’un niveau
suffisant et que les sites de reproduction soient assez résilients pour supporter cette utilisation.
Pendant environ 30 ans, ces espèces se sont reproduites exclusivement dans le grand plan d’eau. L’évolution négative de ce plan d’eau a eu un fort impact négatif sur leur succès reproducteur et l’utilisation de
nouveaux sites de reproduction n’a fait qu’aggraver ce phénomène.
Si la priorité doit être d’améliorer la qualité des sites de reproduction, il paraît intéressant d’éliminer les
éléments négatifs plus mineurs existant dans l’habitat terrestre de ces espèces.
3
3.1
Conseils de gestion et propositions de travaux
Le grand plan d’eau
Nous n’aborderons pas ici la question de la réhabilitation de ce plan d’eau puisque cette question dépasse
très largement le cadre de cette étude. L’hypothèse actuellement retenue est la mise en assec d’une partie de ce
plan d’eau, accompagnée par le réaménagement de certaines zones dans le cadre d’un programme pluriannuel.
On a vu que l’enjeu principal concernant les amphibiens était le fort déficit de reproduction. Or chaque mise
en assec entraînera la disparition de toute reproduction d’amphibiens pendant au moins une année. C’est dire
l’importance de la création de sites de reproduction alternatifs pendant la durée de la réhabilitation de ce plan
d’eau.
On a souligné à plusieurs reprises le rôle essentiel de la typhaie. Dans le phasage des travaux, cette typhaie
devrait donc être préservée d’un assec aussi longtemps que d’autres habitats fonctionnels ne se seront pas
installés.
Une partie des roselières au sens large font l’objet de faucardages annuels. En gestion écologique, on distingue deux types de faucardage qui correspondent à des objectifs très différents :
– Ceux qui visent à réduire ou éradiquer les hélophytes sociaux. La technique utilisée vise alors à provoquer l’asphyxie des racines par la submersion des tiges vivantes. On parle alors de faucardages infraaquatiques.
– Ceux qui visent à réduire la charge du sol et de l’eau en nutriments et en matières organiques. La période
d’intervention est alors choisie pour que les plantes aient reconstitué de façon suffisante leurs réserves
hivernales en nutriments tout en permettant l’exportation du maximum de matière organique sèche. La
période optimale pour une telle intervention est la deuxième quinzaine de septembre. Dans ce cas, on
doit éviter toute submersion des tiges vivantes et on parle de faucardages supra-aquatiques.
Dans le cas de ce grand plan d’eau, seul le deuxième type de faucardage peut présenter aujourd’hui un
intérêt écologique. Or nous avons observé de larges zones faucardées à l’automne 2011 où toutes les plantes
sociales, comme le roseau vrai, avaient été éradiquées. Ceci ne peut résulter que de la montée du niveau de
l’eau après le faucardage et avant le repos végétatif hivernal des plantes.
Nous recommandons donc que le faucardage soit fait à une hauteur suffisante pour prendre en compte
le marnage du plan d’eau.
3.2
Evolutions possibles de la gestion globale du Parc André Malraux
On trouve d’abord dans le parc d’innombrables regards. Sauf peut-être ceux liés aux réseaux électriques,
ces regards sont très attractifs pour les amphibiens car ceux-ci croient y trouver un abri contre le gel en hiver,
ou contre la chaleur et la dessiccation en été. Comme ils ne peuvent généralement en sortir, ces regards constituent des pièges mortels pour les amphibiens. Ces regards devraient donc être soit supprimés soit rendus
inaccessibles pour les amphibiens.
L’attractivité de ces regards est très fortement amplifiée par le manque d’abris et de gîtes d’hivernation
dans le parc. Plus généralement, la gestion du parc nous paraît beaucoup trop interventionniste.
Pour compenser le déficit en abris dans le sol, il peut être judicieux, dans les zones boisées, d’utiliser les
3
CONSEILS DE GESTION ET PROPOSITIONS DE TRAVAUX
7
petits bois pour constituer des « andains », c’est-à-dire des tas de petits bois verts. La hauteur initiale doit être
comprise entre 1,50 et 3,50 mètres de façon à ce que, après séchage et tassement, la hauteur des andains soit supérieure à 80 cm. Pendant les 5 à 10 ans que durera la décomposition lente de ces bois, les andains constitueront
un refuge pour les amphibiens ou les reptiles qui y trouveront par ailleurs une source de nourriture.
Pour les zones boisées, il nous paraît souhaitable d’abandonner la plantation de plantes horticoles dans
le sous-bois, de limiter au strict minimum les nettoyages, d’éviter tout travail du sol et de conserver toutes
les souches. On pourrait à l’avenir s’inspirer de la gestion forestière dite en « futaie irrégulière » qui permet
généralement une bonne régénération naturelle des boisements en leur donnant un aspect moins artificiel. En
cas de plantation, on utilisera des plants de 2 à 3 ans issus de pépinières forestières qui nécessitent peu de
travail du sol et présentent un bien meilleur enracinement que des sujets plus âgés. On pourrait également
réduire progressivement la proportion d’espèces allogènes telles que le platane, le séquoia, le cyprès chauve,
le pin noir, essences qui ne sont pas accompagnées par une chaîne fonctionnelle de décomposeurs.
Pour les pelouses, il convient d’éviter la destruction d’animaux, en particulier des grenouilles rousses, lors
des fauches ou des tontes. Nous recommandons pour cela une hauteur de coupe d’au moins 10 cm, ce qui en
outre diminuera la dessiccation estivale. Il nous paraît judicieux de réduire la fréquence des interventions en
favorisant les espaces gérés en prairie, c’est-à-dire avec un maximum de 3 fauches par an.
3.3
Le grand bassin bétonné
Il s’agit d’un bassin ovale aux parois verticales. La profondeur est légèrement inférieure à 1,50 mètre, la
longueur d’environ 7 mètres, la largeur d’environ 4 mètres. Il est situé à l’intérieur du «Jardin de collection».
Ce bassin de jardin est entouré d’une bordure en ciment d’une largeur d’environ 15 cm. Le bassin et sa
périphérie proche sont assez bien ensoleillés ; cependant, les arbres voisins entraînent un apport excessif de
feuilles mortes. Au delà de la bordure on trouve, sur une largeur ne dépassant pas 50 cm, une végétation assez
banale de zone humide. On y trouve en particulier des grands carex et des iris d’eau.
L’objectif des aménagements proposés est d’assurer un minimum de succès reproducteur au crapaud commun et à la grenouille rousse. Le premier dépose de préférence ses pontes sur de la végétation sèche de grands
hélophytes sociaux comme les carex. La seconde dépose ses pontes à faible profondeur, que le substrat soit
végétalisé ou non.
Il est proposé d’abord de réduire à environ 70 cm la profondeur du bassin, par exemple en y coulant du
béton, de façon à réduire la hauteur d’eau et à améliorer son oxygénation.
Il est proposé ensuite de casser la paroi bétonnée du côté opposé au Ginkgo biloba et de reprofiler la berge
correspondante de façon à obtenir une pente régulière ne dépassant pas 20 %. Aucun traitement particulier ne
sera mis en œuvre pour imperméabiliser cette berge
On favorisera autant que possible l’alimention en eau « naturelle » du bassin en privilégiant l’arrivée des
eaux de ruissellement et des eaux de subsurface qui ne peuvent actuellement parvenir au bassin du fait de la
bordure en ciment. Pour ce faire, autour du bassin, on créera, depuis la berge reprofilée, deux rigoles en pente
douce, d’une profondeur atteignant environ 50 cm au niveau de la berge reprofilée, de façon à acheminer ces
eaux dans le bassin. La terre extraite lors de cette opération sera déposée de façon irrégulière sur la berge
reprofilée de façon à ce que des carex et autres hélophytes puissent s’y installer rapidement.
Le contexte du « Jardin de collection » interdisant de procéder aux abattages d’arbres qui seraient nécessaires, on procédera à un élagage en taille douce des cerisiers roses voisins du bassin.
L’imperméabilisation de la berge reprofilée devrait se faire progressivement par les vases organiques et les
argiles migrant depuis les sols voisins. On devrait donc avoir dans les prochaines années une augmentation
progressive de la hauteur d’eau. La régularité de la pente de la berge reprofilée permettra à la végétation de
suivre alors cette variation du niveau de l’eau.
Il ne nous paraît pas souhaitable de procéder à la plantation de végétaux avant d’avoir laissé s’exprimer la
végétation spontanée.
3.4
Le petit bassin bétonné
Ce bassin comporte les mêmes défauts que le grand bassin et constitue actuellement un piège pour les
amphibiens et . . . les hérissons. La conformation du site ne permet guère d’envisager sa réhabilitation.
Il est donc proposé de le combler pour ne laisser subsister qu’une cuvette de 20 à 30 cm de profondeur et
3
CONSEILS DE GESTION ET PROPOSITIONS DE TRAVAUX
8
de casser la bordure en ciment qui piège certains des animaux qui y pénètrent. Ce bassin constituerait alors
une zone humide de petite taille pouvant être occasionnellement en eau.
3.5
La petite mare
Cette petite mare est de création récente (2007, 2008 ?). Si son évolution écologique rapidement défavorable
ne satisfait pas à l’évidence aux objectifs de sa création, elle a mis en évidence un potentiel de colonisation par
3 espèces d’amphibiens : la grenouille rousse, la grenouille agile et le triton palmé.
Si le réaménagement de cette mare est à envisager, nous recommandons pendant encore quelques années
d’intervenir a minima de façon à obtenir un retour d’expériences plus important quant aux problèmes présents
et aux objectifs à assigner à ce réaménagement.
Les deux objectifs que nous privilégions aujourd’hui sont d’offrir un site de reproduction aux 3 espèces
d’amphibiens qui y ont été observées et de permettre des animations pédagogiques pour des enfants de 8 à 12
ans centrées autour du triton palmé et de la grenouille agile.
Le premier problème de cette mare est l’apport excessif de matière organique et tout particulièrement celle
provenant d’arbres non indigènes : platane, pin noir et cyprès chauve. Cette matière organique parvient dans
la mare par 3 voies : la chute directe des feuilles, bois et fructifications dans la mare, les apports plus lointains
par le vent et, bien évidemment, les apports anthropiques constitués principalement de bois.
Pour limiter les apports par le vent, nous proposons d’augmenter la rugosité du sol par des interventions
qui ne portent pas atteinte à la végétation basse présente autour de la mare.
Pour limiter les apports anthropiques de bois, nous proposons de procéder tous les ans à un ramassage
soigneux des bois morts à terre jusqu’à une distance de 30 à 40 mètres de la mare.
Le deuxième problème de cette mare est un manque de lumière. Pour améliorer son éclairement et réduire
les apports directs de matière organique, nous proposons l’abattage de deux arbres : le plus gros des frênes et
le plus gros des pins noirs.
Le troisième problème de cette mare résulte de la conjonction de l’absence quasi-totale de zones peu profondes et d’un substrat constitué de graves, ce qui rend très difficile l’enracinement des plantes aquatiques ou
palustres. Outre la perte d’intérêt écologique de la mare, cela empêche tout apport d’oxygène dans le substrat
via les racines de plantes, ce qui amplifie l’impact négatif de l’excès de matière organique.
Pour permettre l’installation d’un minimum de plantes, il convient d’éviter toute action susceptible d’augmenter la fréquentation et de n’intervenir dans la mare qu’en perturbant le moins possible le substrat.
Le quatrième problème de cette mare résulte des apports anthropiques de déchets. Habituellement, on peut
réduire fortement ceux-ci par une forte valorisation paysagère du site, ce qui est exclu ici. La moins mauvaise
solution paraît être de procéder annuellement à un nettoyage soigné de la mare lors de son assec saisonnier.
On en profitera pour enlever à la main les bois, pommes de pins et excès de feuilles mortes.
On notera enfin que cette mare est très jeune et n’a donc pas atteint son (pseudo) équilibre écologique, en
particulier sur le plan des micro-organismes : algues, bactéries et champignons. Ces espèces étant a priori peu
abondantes dans l’environnement de la mare, leur arrivée sera sans doute très lente. On peut espérer qu’une
partie au moins des problèmes de cette mare disparaîtront avec la maturité et en particulier son caractère
dystrophe lié sans doute en partie à l’absence de chaîne fonctionnelle de recyclage de la matière organique.
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