
La Lettre du Gynécologue • n° 362 - mai 2011 | 21
Points forts
»
En France, le dépistage des lésions précancéreuses et du cancer du col de l’utérus repose sur le frottis
cervico-utérin. Ce dépistage n’est pas organisé, et on estime que 40 % des femmes de 25 à 65 ans ne sont
pas suivies régulièrement.
»
Les femmes peu ou pas suivies sont généralement âgées de plus de 50 ans, issues de milieux socio-
professionnels défavorisés et/ou peu diplômées.
»Un mauvais suivi constitue un facteur de risque majeur de cancer du col utérin.
»
Les rares données épidémiologiques recueillies chez les femmes peu ou pas suivies suggèrent qu’elles
sont infectées plus fréquemment que la population générale, mais que les génotypes d’HPV sont identiques.
»Améliorer le dépistage dans cette population de femmes est une priorité de santé publique.
Keywords
Screening test cancer
Epidemiology
Woman
Cervical smear
Human papillomavirus (HPV)
Mots-clés
Dépistage
Épidémiologie
Femme
Frottis cervical
Papillomavirus
humain (HPV)
Une étude publiée en 2010 réalisée auprès d’une
population de femmes des quartiers nord de Marseille
n’ayant pas eu de frottis cervico-utérin au cours des
3 dernières années et appelées à pratiquer un auto-
prélèvement vaginal apporte quelques éléments
d'information (9). Sur les 5 360 femmes invitées à
se faire dépister par un autoprélèvement, seules 123
ont participé à l’étude, témoignant des difficultés
de recrutement dans cette population. Ces femmes,
âgées de 35 à 69 ans, étaient toutes issues de l’im-
migration et/ou d’un milieu à faible niveau socio-
économique. La prévalence des infections à HPV,
déterminée dans cette population à partir des 120
prélèvements analysables, était supérieure à la préva-
lence généralement observée chez les femmes de 30
à 70 ans : 23,3 % (28/120) contre moins de 10 %.
En l’absence de groupe contrôle, ce chiffre relative-
ment élevé était difficile à interpréter. Néanmoins,
les raisons pouvant expliquer cette prévalence sont
le faible niveau socio-économique de ces femmes,
réticentes à tout examen gynécologique, la réactiva-
tion d’une infection latente après la ménopause due
à une diminution de l’immunité spécifique et/ou la
survenue de nouvelles infections chez les patientes
âgées de plus de 35 ans sexuellement actives.
La prévalence des infections à haut risque oncogène
était de 14,1 % et celle des infections multiples à
HPV de 21,4 %. L’HPV-16 était le génotype à haut
risque oncogène (HPV-HR) le plus fréquent (25 %),
suivi de l’HPV 53 (17,8 %), 31 (14,3 %), 18 (7,1 %), 58
et 66 (3,5 %). Les génotypes HPV de faible risque
oncogène (HPV-LR) étaient, par ordre de fréquence :
l’HPV 6 (21,4 %), 61 (17,8 %), 70 et 81 (7,1 %). Ces
génotypes correspondent à ceux retrouvés dans les
études épidémiologiques conduites récemment en
Europe. Aucune différence d’âge n’a été mise en
évidence entre les patientes non infectées, les
patientes infectées par un HPV-HR, les patientes
infectées par un HPV-LR et les patientes infectées
par plusieurs HPV (p = 0,6).
Conclusion
Près de 40 % des Françaises de 25 à 65 ans ne se
soumettent jamais ou se soumettent de façon très
irrégulière au dépistage du cancer du col utérin,
pour des raisons culturelles, socio-économiques,
ou simplement par refus de subir un examen gyné-
cologique sous spéculum en l’absence de symp-
tômes. Ce défaut de suivi constitue un facteur
de risque majeur de cancer du col utérin. Les
quelques données épidémiologiques recueillies
chez ces femmes suggèrent qu’elles sont infec-
tées par des HPV de génotypes identiques à ceux
retrouvés dans la population générale. Augmenter
le taux de couverture et toucher cette population
spécifique de femmes devient une priorité de santé
publique. Les stratégies à considérer pour pallier
ces insuffisances de dépistage, dont les causes sont
multifactorielles, sont le recours aux autoprélève-
ments, déjà testés à petite échelle aux Pays-Bas, et
la mise en place d’un dépistage organisé comme
cela est instauré dans certains départements fran-
çais (Alsace par exemple). L’acceptation du vaccin
contre les papillomavirus dans cette population est
inconnue à ce jour. ■
Références bibliographiques
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